La récente crise des « subprimes » aux États-unis le prouve : la finance moderne, de plus en plus sophistiquée, est dans sa bulle. Non seulement elle oublie très largement l’économie réelle, mais elle néglige aussi le développement durable et les relations Nord Sud. Il est temps de redonner son vrai sens à la finance ! Tel est le propos de ce livre, à la fois savant, ludique (citations, illustrations,…) et provoquant (ton, prise de positions, métaphores sur le thème de l’eau,…). Le livre joue avec les collisions, matérialisées par les boules de billard, entre plusieurs univers : la finance moderne, l’économie traditionnelle africaine, la planète et les impératifs du développement durable. Spécialiste de la finance, épris d’Afrique, l’auteur sait surtout rendre son argumentation solide, en multipliant jeux de mots et références multiples. Il esquisse un ensemble de solutions, dont l’initiative « entreprise éthique », dite ENTHIC.
Extraits de l’ouvrage
Introduction : « Il fallait trouver un fil conducteur, à une construction qui se veut engagée et qui mêle délibérément social, économie et écologie, ou encore sciences de l’homme, de la maison et de l’environnement, les trois piliers du développement durable. L’eau s’est imposée comme fil conducteur, car elle est à l’origine et au centre de tout ; c’est aussi, et peut-être de plus en plus, la première de nos préoccupations que l’on soit chanceux dans un pays développé où elle est de plus en plus rationnée ou moins chanceux dans un pays pudiquement qualifié « en voie de développement » où elle reste bien souvent une quête quotidienne. » « En cette période d’apparent flottement de nos économies, où les fusions d’entreprises se multiplient, des liquidités abondantes contribuent à l’évaporation des capitaux investis sur des stratégies de spéculation. Celles-ci atteignent des niveaux jamais vus en termes de volume, tout comme de cours, sur des marchés étroits et peu profonds, générant une volatilité implicite, qui, elle-même, suscite l’émergence de flux de capitaux toujours plus nombreux, sur des instruments dérivés de plus en plus complexes, faisant courir à la sphère financière un risque à un horizon pas forcément éloigné. » « La pirogue du pêcheur Bozo, voisin de notre Dogon, flotte sur le cours de l’eau, dans le flux tranquille de la rivière, là où le niveau le permet encore, l’évaporation lui laissant pour quelques temps encore une profondeur suffisante. A moins qu’à un horizon proche, les icebergs en fusion plus au nord, de par la volatilité des températures engendrée par le réchauffement climatique, ne fassent dériver l’écosystème de notre pêcheur en perturbant la vie dans ce fragile environnement liquide. » Sur les flux (un des onze chapitres) : Tout comme dans les rites sacrificiels, le flux bénéficie à la fois au Dieu Argent, en l’occurrence à ses prêtres que sont les intermédiaires financiers sous toutes leurs formes (banques, fonds, brokers et courtiers, marchés…), mais aussi à la société ou à l’épargnant qui va utiliser les fonds. En effet, il convient de rappeler que la finance est au service de l’économie, en supportant le développement des entreprises ou bien en aidant les ménages à épargner. Malheureusement, et de plus en plus, le Dieu Argent semble s’approprier l’essentiel du bénéfice de ces flux et les entreprises et épargnants ont de moins en moins leur part. Le partage de la valeur ne s’opère plus correctement. Le monde réel se déconnecte ainsi du monde financier : chaque jour, les transactions financières internationales représentent 80 fois le volume du commerce mondial, contre 3 fois il y a juste 10 ans. Il y a donc décorrélation complète entre la réalité économique et la finance, ce que d’aucun qualifie de « financiarisation de l’économie ». L’émergence de produits dérivés, de produits à effet de leviers, de produits imbriqués autorise aujourd’hui ce type de construction. Sur le développement : Les relations entre pays développés et pays en voie de développement sont très difficiles, tant les niveaux de vie moyens sont éloignés. La mise en œuvre d’accords régionaux comme par exemple le NAFTA, entre les Etats-Unis et le Mexique, même s’ils laissent entrevoir un potentiel de développement à travers des mécanismes d’ajustement présentent quelques effets pervers. Dans cet exemple précisément, il est d’ores et déjà établi qu’une minorité de Mexicains vont profiter de ces accords, mais en l’occurrence il s’agit de la minorité riche, les 15% de mexicains percevant déjà la moitié du Produit Net. Le développement profite d’abord à ceux qui sont riches. Les prix des ressources devenant encadrés par ces accords, et les Américains se ruant sur les biocarburants depuis peu, utilisant pour leur fabrication le grain qui sert traditionnellement à l’alimentation, notamment dans la fabrication de la tortilla au Mexique. La conséquence immédiate fut que la tortilla a vu, en peu de temps, son prix tripler, mettant beaucoup de Mexicains dans la rue, alors même que la quantité disponible n’a globalement pas changé. Le même développement dessert les plus pauvres. Sur le Mali : Notre univers occidental se caractérise par la perte de valeurs, en particulier religieuses, l’invention d’autres cadres de substitution, de nouveaux repères comme l’univers des jeux de rôles qui reprend les fondements des cosmogonies, l’univers de Tolkien présentant bien des similitudes avec l’univers Dogon, voire même encore plus récemment, des univers virtuels répliquant notre propre environnement comme celui de « second-life », dans lequel tout individu branché et toute entreprise un tant soit peu innovante, doivent aujourd’hui se positionner. Les valeurs sont tout sauf auxiliaires, et pourtant il faut bien constater que chez nous celles de « l’avoir » ont pris le pas sur celles de « l’être ». Le Mali n’a pas toujours été un pays pauvre, il a même été le premier pays producteur d’or, et au XIIIème siècle, la ville de Tombouctou était plus scolarisée que bien des villes européennes ! L’empire du Mali, appelé le « Grand Mali », né au XIème siècle en pays Mandé, s’étendait alors de l’Atlantique au Sahara. Sur le développement, suite : L’enjeu le plus important à venir : comment expliquer à des pays en voie de développement rapide qu’ils ne sont pas obligés de refaire le même chemin et donc de commettre les mêmes erreurs que nous. N’étant pas responsables du réchauffement actuel, on se doit de leur offrir une marge de manœuvre, à défaut de leur montrer l’exemple. Ainsi la Chine, devenue en quelques années l’usine du monde, fait appel massivement au charbon pour faire fonctionner ses fourneaux, contribuant ainsi très largement à la production de CO2. Or, 40% de la population du monde est alimentée en eau potable par les glaciers himalayens, d’ores et déjà touchés par le réchauffement climatique. Qu’adviendra-t-il de cette population une fois ces glaces fondues ? Au-delà de la prise de conscience, quand on voit l’état de délabrement du parc automobile en Afrique constitué de véhicules de plus de 20 ans, 10 fois plus polluants et 2 fois plus consommateurs que nos véhicules neufs, c’est bien la question du passage à l’acte qui se pose. La pollution dans les grandes villes africaines est aujourd’hui bien plus importante que chez nous, et à Bamako par exemple, durant l’harmattan, tout le monde est souffrant, en l’absence de toute autre pollution industrielle que celle des gaz d’échappement. A propos d’Enthic : « A notre échelle, dans le cadre d’une démarche très pragmatique, nous pouvons tout de même faire bouger les choses. En effet, l’objet de cet exercice est avant tout d’introduire notre démarche « Enthic ». Nous avons ainsi formulé deux propositions concrètes sur chacun des thèmes abordés. Ces propositions sont le cœur de la charte d’un réseau de fondations ou associations dénommé « Enthic » comme « Entreprise & Ethique ». Ce projet, lancé en 2007, devrait permettre à tous ceux qui le souhaitent, accompagnateurs financiers et institutionnels, comme particuliers, de contribuer à aider efficacement les pays en voie de développement, en favorisant la mise en place d’un tissu entrepreneurial basé sur des fondements éthiques. En guise de conclusion : Tout est affaire de compromis, de même qu’entre culture intensive et culture biologique un espace émerge pour l’agriculture raisonnée, qu’entre tout pétrole et tout nucléaire il y a de la place pour les énergies renouvelables, qu’entre la mondialisation néolibérale et l’alter mondialisme il y a une voie à explorer basée sur une approche plus éthique du business. Ce petit précis ethnico-écolo-économico politique se veut un brin iconoclaste, à tout le moins engagé. Son seul intérêt est à travers cette confrontation entre ces deux mondes radicalement opposés, de poser un certain nombre de questions.Commander l’ouvrage
– L’auteur : Marc LEBRETON est le Président et Fondateur de la société OTC Conseil, spécialisée dans les métiers de la finance. Entrepreneur, il contribue également au développement d’entreprises en Afrique, mettant en œuvre les principes ENTHIC qu’il préconise. – Références : Collisions. Plaidoyer pour une finance durable de Marc Lebreton – Editeur : Editions lignes de repères – 184 pages, avec photographies de l’auteur – ISBN : 978-2-915752-37-3 – Prix : 19 € – Acheter cet ouvrage chez notre partenaire Eyrolles pour 18,05 €