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Débat entre le Groupement National Interprofessionnel des Semences (GNIS) et l'association Kokopelli

Pourquoi les solutions locales de Coline Serreau dérangent les semenciers

« Solutions locales pour un désordre global », sorti au cinéma le 7 avril dernier, dresse un état des lieux des solutions engagées à travers le monde pour faire face au naufrage de notre agriculture. Dans un communiqué de presse daté du 9 avril 2010, le Groupement National Interprofessionnel des Semences (GNIS) réagit vigoureusement aux propos tenus par le fondateur de l’association Kokopelli, Dominique Guillet, au sujet du marché des semences. En effet, le GNIS, composé de professionnels de la filière semencière française, propose une vision de l’agriculture très différente de celle défendue par les intervenants du film, fondée sur la commercialisation de semences protégées par un droit de propriété intellectuelle en restreignant l’accès et la reproduction.

Nous vous proposons de découvrir ci-dessous le communiqué de presse du groupement des semenciers ainsi que la réponse de Kokopelli. Les producteurs du film ont également souhaité réagir : « Dans « Solutions locales pour un désordre global », Dominique Guillet, fondateur de Kokopelli, Lydia et Claude Bourguignon, fondateurs du LAMS et Philippe Desbrosses, fondateur de l’Intelligence Verte, dénoncent la spoliation des paysans par les industriels, avec l’aide de la réglementation. Des propos qui dérangent. Pourtant quel autre constat faut‐il faire aujourd’hui face au contenu du « Catalogue français des espèces agricoles cultivées » du Ministère de l’Agriculture ? 6000 semences hybrides, non reproductibles ! Pour le GNIS ce chiffre serait synonyme de variété et de diversité. Il est utile de préciser que des centaines de « variétés » de ce catalogue sont identiques les unes aux autres, ne se distinguant que par des traits génétiques imperceptibles. Il en résulte une très grande uniformisation du patrimoine semencier présenté à la vente. Le Catalogue officiel n’est donc pas un indicateur fiable de la biodiversité cultivée en France ». Le débat est ouvert. Vous pouvez réagir dans le forum associé à cet article en bas de page.

Les semenciers français regrettent un propos univoque et les nombreuses erreurs factuelles sur un sujet pourtant essentiel à l’avenir de notre société

Communiqué de presse du GNIS du 9 avril 2010 « Le sujet est essentiel, le traitement proposé par le film de Coline Serreau est malheureusement décevant par les nombreuses inexactitudes qui le décrédibilisent. Quelles solutions pour une agriculture et une alimentation durables dans un contexte de mondialisation ? « Solutions locales pour un désordre global » traite d’un sujet qui concerne toute la société et les semenciers au premier plan. Directement pris à parti, le GNIS qui rassemble les professionnels de la filière semences n’a pas été contacté pour exprimer son point de vue. Un parti pris revendiqué qui ôte toute pertinence au propos. Les nombreuses erreurs factuelles du film véhiculent une image fausse des enjeux et des solutions possibles. A plusieurs reprises les intervenants dénoncent la confiscation et le vol des semences des paysans par les semenciers. Dans la réalité, les semenciers n’ont des droits que sur les semences qu’ils ont eux-mêmes créées. Sur les semences anciennes, le film s’appuie sur les propos de Dominique Guillet. Son association Kokopelli recueillerait et distribuerait gratuitement des semences anciennes, or Kokopelli vend des semences pour plusieurs centaines de milliers d’euros, parfois beaucoup plus cher que ses concurrents. Celles-ci ne sont pas toutes des variétés anciennes et Kokopelli a été condamné sur plainte de la Répression des Fraudes pour avoir notamment vendu illégalement des variétés modernes américaines. Plus de 300 variétés anciennes sont par ailleurs autorisées à la vente en France dans le cadre réglementaire établi par l’Etat. Enfin, le film ignore le travail des sélectionneurs et des associations. Ainsi, les Croqueurs de pommes maintiennent plus de 1 000 variétés de pommiers et les réseaux de sélectionneurs plus de 30 000 variétés anciennes. La réalité économique du secteur est niée : alors que la filière est constituée de 73 entreprises de sélection, à 70% des PME de type familial ou coopératif, et de 225 entreprises de production, le documentaire ne cite qu’une seule entreprise américaine pour dénoncer un secteur qui serait dominé par les multinationales. Le Catalogue des 6 000 semences autorisées à la vente est présenté comme un outil du GNIS. En réalité, il dépend de l’Etat qui décide de l’inscription sur avis d’un comité consultatif où sont présents de nombreux organismes dont les représentants de l’agriculture biologique. Le Grenelle de l’Environnement a d’ailleurs consacré l’utilité du Catalogue. Les semences vendues seraient plus gourmandes en intrants chimiques et pauvres en biodiversité. Les études de la recherche publique montrent le contraire, notamment que les variétés modernes ont de meilleurs résultats sans engrais et pesticides que les variétés anciennes. En effet, la résistance aux maladies et insectes ainsi que d’autres critères agronomiques sont évalués pour décider de l’inscription au Catalogue. Les semences inscrites au Catalogue seraient souvent sous brevet américain. C’est faux. La filière semences et le GNIS défendent d’ailleurs un système de propriété intellectuelle appelé Certificat d’obtention végétale qui, contrairement au brevet, protège la nouvelle semence en laissant gratuit l’accès à son patrimoine génétique. Le film valorise les solutions issues d’une agriculture biologique locale. Le GNIS est par principe ouvert à l’agriculture biologique qu’il refuse d’opposer à l’agriculture conventionnelle. Il représente ainsi ceux qui produisent les semences bio, dont les disponibilités sont accessibles depuis une base de données qu’il gère. Le GNIS, Groupement national interprofessionnel des semences et plants, rassemble les professionnels de la filière semencière française : les sélectionneurs, les producteurs, les distributeurs, les agriculteurs-multiplicateurs et les utilisateurs. Il représente les intérêts de la filière et s’attache à coordonner son bon fonctionnement. Le GNIS est également l’organisme officiel auquel l’Etat a délégué des missions de service public dans le domaine du contrôle de la qualité et de la certification des semences ». – Pour en savoir plus : www.gnis.fr.

Réponse de l’Association Kokopelli : Quand le mensonge public vole au secours des intérêts privés

La réponse de Blanche Magarinos-Rey, Avocat de l’association Kokopelli, le 4 mai 2010 « Le Groupement National Interprofessionnel des Semences (GNIS), par un communiqué en date du 9 avril 2010, a souhaité réagir au film de Coline SERREAU, « Solutions locales pour un désordre global », pour tenter d’apporter un démenti aux vérités dérangeantes et mal connues que ce film dévoile au grand public. Surtout, il se dresse contre les solutions que le film propose pour faire face au naufrage de notre agriculture. Il s’en prend ainsi tout particulièrement à l’association Kokopelli, qui diffuse en France et dans le monde entier une collection de plus de 3000 variétés de semences potagères anciennes, librement reproductibles et issues de l’agriculture biologique. Rappelant le triste procès qui a mené à la condamnation de l’association par la Cour de Cassation, le GNIS prétend que Kokopelli ne pratiquerait pas le don à titre gratuit et que sa collection de semences se trouverait « souillée » par des variétés modernes en provenance du continent américain. Mais que dire de l’objectivité des propos du GNIS lorsque l’on sait que, d’une part, l’agent de la Répression des Fraudes qui a dressé le procès-verbal des 6643 infractions reprochées à Kokopelli était un agent détaché du GNIS, et, d’autre part, que le GNIS s’était porté partie civile, sans succès, contre l’association dans ce procès ? Concernant l’activité de Kokopelli, qui ne sollicite pas de subventions publiques, l’association vend des semences en France sur les salons et les foires, ainsi qu’à partir de son site Internet. Le produit de ces ventes lui permet d’accomplir les objectifs qu’elle s’est fixée dans son objet social : « la protection des ressources génétiques, la protection de l’humus par des pratiques d’agriculture durables et l’aide aux communautés rurales des pays du tiers monde par le don de la semence. » Sur ce dernier point, quelques chiffres suffiront à assainir le débat : en Inde, ce sont plus de 15.000 sachets de semences qui sont distribués gratuitement chaque année, soit près de 150.000 sachets depuis 2000. Pas une seule graine n’est vendue. En dehors de l’Inde, les dons de semences bénéficient à 70 associations/communautés paysannes par an. Au total, depuis 2003, ce sont plus de 450 communautés du monde entier qui en ont été destinataires, auxquelles s’ajoutent celles rencontrées par son président à l’occasion de ses missions en Asie, Amérique latine et Afrique (session de formation à la production de semences), soit près de 200 communautés rurales de plus. Quant aux variétés américaines, créées sans brevet d’aucune sorte, par cet obtenteur génial et passionné qu’est Tom Wagner selon les méthodes traditionnelles de sélection, Kokopelli est fière d’en posséder quelques unes dans sa collection. L’association a même organisé en 2009, à ses frais, une campagne de mise en valeur de ses travaux et un long voyage de Tom Wagner qui lui a permis d’animer des formations de création variétale en France, en Suisse, en Belgique, en Autriche, en Irlande, au Danemark et en Angleterre. Le GNIS, dont les membres commercialisent allègrement ces mêmes variétés créées par Tom Wagner (Green Zebra, Green Grape, Striped Stuffer, Red Zebra, Banana Legs…) sans même lui faire l’honneur d’un remerciement, ne pourrait pas en dire autant. Précisons enfin que la Cour de Cassation, lorsqu’elle condamne Kokopelli pour vente de semences non inscrites au catalogue, ne lui reproche nullement la présence de semences américaines dans sa collection. Quant au « catalogue amateur », qui permettrait en France la vente de 300 variétés anciennes, convient-il d’en rire ou d’en pleurer, lorsque l’on sait que les paysans français possédaient encore, avant la guerre, un patrimoine de dizaines de milliers de variétés? Pas moins de 3000 pour les pommes seulement, par exemple. Quelle tristesse de voir ces variétés confisquées dans les réfrigérateurs des « réseaux de sélectionneurs » dont parle le GNIS, pour servir à la création de variétés hybrides non reproductibles, voire d’OGM ! Quant au « Catalogue des 6000 semences », l’outil du monopôle de la semence hybride non reproductible, si le Ministre de l’Agriculture est bien celui qui signe les arrêtés d’inscription ou de radiation de telle ou telle variété, le GNIS en est le chien de garde et, l’oubliant ici, il revendique pourtant ce rôle en bien d’autres occasions. Concernant la biodiversité représentée par ce catalogue, une étude publiée au Courrier de l’Environnement de l’INRA montre que le rapport du GEVES visé par le GNIS dans son communiqué est une série de contre-sens et d’amalgames grossiers visant à masquer la réalité de l’érosion génétique dramatique que l’on constate dans les espèces commercialisées en agriculture. La diversité, ici, ne se traduit par le nombre, alors que des centaines de « variétés » de ce catalogue sont identiques les unes aux autres, ne se distinguant que par des traits génétiques imperceptibles, et alors qu’elles présentent une base génétique extrêmement restreinte, et une structure de type hybride F1 très majoritairement. Il en résulte une très grande uniformité des « variétés » présentées à la vente et cultivées en agriculture, au contraire du concept même de « variété » et de celui, bien sûr, de « diversité ». La Catalogue officiel n’est donc pas un indicateur fiable de la biodiversité cultivée en France. Cette mascarade des chiffres doit cesser. L’Europe a perdu, en un siècle, 98% de sa biodiversité agricole et ce n’est pas le travail de réfrigération des sélectionneurs, publics ou privés, qui va y remédier. Cela fait d’ailleurs des années que la FAO l’a écrit et que la communauté internationale tente d’y remédier, sans réelle volonté politique malheureusement. Le concept de « progrès génétique » qu’affectionne tant le GNIS est un concept à la fois eugéniste et scientiste, qui marque la volonté de plier les semences et l’agriculture à un certain projet politique, productiviste et standardisateur, qui sert également les dessins d’appropriation du vivant d’une poignée de « sélectionneurs » ultra spécialisés. Rappelons en passant que le Grenelle de l’Environnement n’a nullement consacré l’utilité du catalogue officiel, comme l’affirme le GNIS, mais propose au contraire la création d’un nouveau catalogue qui permettrait les échanges et la commercialisation de la « biodiversité domestique et cultivée ». Quant au travail des sélectionneurs sur les résistances monogéniques aux maladies, il ne remplacera pas les larges bases génétiques des variétés anciennes, qui sont autant de défenses potentielles contre des maladies de toutes sortes, et une saine hétérogénéité des plants, qui prémunit contre la perte généralisée de toute une récolte, comme les serristes en déplorent fréquemment aujourd’hui. Sur le plan de l’appropriation du vivant, il faut rappeler que les semences nouvellement créées, et protégées par le Certificat d’Obtention Végétale (COV) visé par le GNIS, sont élaborées majoritairement à partir des variétés anciennes élaborées par des générations de paysans et confisquées aujourd’hui dans des banques génétiques réfrigérées. Or, d’une part, ces variétés nouvelles, par leur caractéristique d’hybrides F1, ne sont pas reproductibles par les paysans – et quand elles le seraient, il conviendrait alors que ceux-ci versent des royalties aux sélectionneurs – et, d’autre part, seules ces variétés nouvelles sont autorisées à la vente, à l’exclusion de toutes les semences fermières. Le Certificat d’Obtention Végétale, dont les critères d’obtention sont également ceux de l’inscription au Catalogue officiel, est ainsi devenu un outil d’élimination des variétés anciennes et d’éradication des méthodes de sélection paysanne. Les paysans ont ainsi été totalement dépossédés de leurs semences, de leurs savoirs-faire et de leur droit de ressemer le produit de leurs récoltes. Quant à la représentativité du GNIS, à l’égard des producteurs ‘bio’ en particulier, elle fait sourire dès lors que l’on sait que l’adhésion à cet organisme est rendu obligatoire par la réglementation. En définitive, il eût été plus convenable que ce communiqué, compte tenu de l’inexactitude des arguments qu’il présente, ait été rédigé par la FNPSP (Fédération nationale des professionnels des semences potagères et florales). Le but du propos en eût été plus clair pour tout le monde. Mais le GNIS, qui est le fruit du corporatisme d’Etat mis en place par le régime de Vichy, joue de son statut hybride, à la fois public et privé, pour créer la confusion entre intérêt général et intérêts privés. En sortant ainsi de la réserve que lui impose son statut de personne publique, il cultive regrettablement l’image de la collusion de nos institutions avec les intérêts des industriels privés. C’est également ce que nous dénonçons ». Association Kokopelli – P.I.S.T Oasis, 131 Impasse des palmiers 30319 Alès Cedex – Tél : 04 66 30 64 91 / 04 66 30 00 55 – Site Internet : www.kokopelli.asso.fr.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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