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Les récifs coralliens hébergent la plus grande diversité en poissons marins alors qu’ils couvrent 0,1 % de la surface des océans

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Revisiter la distribution des poissons récifaux coralliens avec l’ADN environnemental

bandeau_logos.png La distribution spatiale et les mécanismes à l’origine de la diversité des poissons coralliens restent mal connus car les données d’occurrences sont parcellaires ou manquantes pour de nombreuses espèces. Une équipe internationale impliquant des chercheurs et chercheuses de l’École Pratique des Hautes Études – PSL (EPHE-PSL), de l’Université de Montpellier, de l’IRD, de l’Ifremer, du CNRS, et de l’École polytechnique de Zurich a parcouru les océans tropicaux durant 2 ans au cours de plusieurs expéditions afin de filtrer et séquencer l’ADN environnemental (ADNe) laissé par les poissons dans l’eau. Ils ont détecté une diversité en poissons récifaux plus élevée de 16 % que celle obtenue avec les techniques conventionnelles d’observation visuelle avec un effort d’échantillonnage bien plus important sur 13 ans. Cet article a été publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B le 20 avril 2022.

Distribution de la diversité des poissons récifaux coralliens à travers les océans tropicaux

Les récifs coralliens hébergent la plus grande diversité en poissons marins alors qu’ils ne couvrent que 0,1 % de la surface des océans. Cette diversité, fortement menacée par les perturbations climatiques et humaines, est estimée à ce jour entre 2400 et 8000 espèces réparties dans environ 100 familles. Cette diversité est maximale dans le triangle de corail du Pacifique, avec en particulier des espèces herbivores dont les brouteurs de corail. Des variations dans la composition en espèces apparaissent en raison d’isolements géographiques. Finalement, la moitié de la diversité en poissons récifaux est constituée par de petites espèces benthiques, qui vivent proche du fond, très difficiles à observer avec des approches classiques comme les comptages visuels. Les chercheurs et chercheuses ont séquencé l’ADN filtré de 226 échantillons d’eau de mer collectés dans 26 sites répartis à travers 3 océans et 5 régions en un temps record de 2 ans (voir figure) et identifié une partie des espèces grâce aux séquences présentes dans des bases de référence internationales. Ils ont alors mis en évidence une diversité en poissons récifaux de 2650 espèces, soit 16 % plus élevée que celle observée lors des recensements d’espèces en plongée (figure, sites noir) pendant 13 ans. L’ADN environnemental a permis de détecter de nombreuses espèces pélagiques caractéristiques de la haute mer, des espèces vivant dans les eaux profondes ou cachées près du fond, que les plongeurs ne voient que rarement. Parmi les espèces pélagiques détectées par l’ADNe, beaucoup sont des espèces océaniques ou des eaux profondes, ou appartiennent aux familles qui évitent les plongeurs voire ne résident pas de manière permanente sur les récifs coralliens comme les Scombridae et les Carcharhinidae. La détection de ces espèces transitoires est primordiale de par leur participation active et sûrement sous-estimée au fonctionnement du récif, par le biais des stades larvaires pélagiques ou des migrations nocturnes vers le récif. A l’inverse, les plongées ont permis de détecter de nombreuses familles pas ou peu détectées par l’ADNe, comme par exemple les Labridae ou les Blenniidae. Ces faibles représentations s’expliquent par une présence moindre de ces familles dans les bases de référence de séquences génétiques (entre 0 et 12 %). En effet, une partie importante de l’ADN environnemental filtré ne peut être encore identifié et assigné à des espèces du fait de ces lacunes.

Conséquences pour la biogéographie des poissons récifaux

Les chercheurs et chercheuses ont confirmé une différence de composition en espèces entre les biorégions marines mondiales, en accord avec les plongées et les connaissances passées, qui explique la diversité exceptionnelle des poissons des récifs coralliens. Par exemple, la région tropicale du nord-ouest de l’Atlantique partage seulement 20 % des espèces avec les quatre autres régions. La différence de répartition des espèces à travers les océans peut être expliquée par des événements géologiques passés. Pour cette région, le faible nombre d’espèces en commun avec les autres régions peut s’expliquer par la fermeture de l’isthme de Panama ainsi que par le maintien d’un petit nombre de refuges lors de la dernière période glaciaire pour les récifs coralliens. En revanche, la région indo-pacifique a conservé de vastes refuges de récifs coralliens limitant son isolement. A petit échelle, l’analyse des échantillons d’ADNe montre pour la première fois une forte hétérogénéité dans la composition en espèces de poissons des récifs coralliens. Ainsi, combiner l’ADN environnemental avec des données d’observation directe en plongées permet des inférences robustes de la biodiversité et de ses patrons à large échelle spatiale.

Référence de l’article

Cross-ocean patterns and processes in fish biodiversity on coral reefs through the lens of eDNA metabarcoding Laetitia Mathon1,2*†, Virginie Marques1,3†, David Mouillot3,4, Camille Albouy5, Marco Andrello3,17, Florian Baletaud2,3,6, Giomar H. Borrero-Pérez7, Tony Dejean8, Graham J. Edgar9, Jonathan Grondin8, Pierre-Edouard Guerin1, Régis Hocdé3, Jean-Baptiste Juhel3, Kadarusman10, Eva Maire3,11, Gael Mariani3, Matthew McLean12, Andrea Polanco F.7, Laurent Pouyaud13, Rick D. Stuart-Smith9, Hagi Yulia Sugeha14, Alice Valentini8, Laurent Vigliola2, Indra B Vimono14, Loïc Pellissier15,16‡, Stéphanie Manel1‡, Proceedings of the Royal Society B, 20 avril 2022. + DOI Cette étude a été conduite par un consortium international d’équipes de recherche, dont plusieurs ont développé des collaborations renforcées dans certaines régions du monde.

 

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