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Supplique du WWF pour le thon rouge par Isabelle Autissier et Serge Orru

Le thon rouge est proche de l’extinction : l’appel du WWF au Président de la République

La Commission européenne attend toujours le choix de Paris pour arrêter sa position en vue de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacée d’extinction (CITES) qui prendra une décision finale sur le sort du thon rouge en mars au Qatar. Le comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) souhaite que le gouvernement français attende la prochaine évaluation du stock de thon rouge pour 2010 avant d’arrêter sa décision, de crainte que les pêcheurs de cette espèce se retrouvent privés de revenus du jour au lendemain. Dimanche dernier, ce Comité a notamment menacé le gouvernement : si le « fantasme écologique » devait l’emporter, les pêcheurs « n’auraient plus rien à perdre et sauraient prendre leurs responsabilités ».

Quant aux écologistes, ils souhaitent, eux, que Nicolas Sarkozy, qui s’était prononcé en juillet dernier pour l’interdiction du commerce du thon rouge ait conservé sa position. En effet, dans son discours de clôture du Grenelle de la mer, le Président de la République annonçait alors : « la France sera, dorénavant, à la tête de la politique environnementale européenne, avec la Commission et le Parlement européens qui sont le moteur de cette politique. Toutes les initiatives de la Commission pour accroître les normes, nous les soutiendrons. » « Sauver in extremis un géant des mers avec lequel l’homme entretient une relation de pêche 5 fois millénaire, et garder la possibilité d’ici quelques années de réouvrir une pêche durable pour nos pêcheurs artisans ? Ou ne pas se mettre à dos la pêche industrielle, une vingtaine de thoniers, avant les élections régionales et accompagner l’effondrement de l’espèce ? Où est le véritable courage politique ? » s’interrogent notamment le WWF et Greenpeace. « Ces grands thoniers ont déjà été financés pour moitié par le contribuable européen lors de leur construction, ce qui a contribué à la surexploitation de l’espèce. Ils bénéficient aujourd’hui de plan de sortie de flotte, précisément parce que l’espèce a été surexploitée, ce qui paie quasiment l’autre moitié. Il y a de quoi sérieusement s’indigner de l’usage qui est fait des deniers du contribuable. De plus, ces thoniers savent le thon rouge et donc leur activité condamnés et investissent déjà ailleurs. Ils s’en sortiront, le thon rouge et la petite pêche côtière, non », indique Charles Braine, chargé du programme Pêche durable du WWF-France. Ainsi malgré l’engagement du Président Sarkozy, le gouvernement tergiverse encore, pris en tenaille entre pêcheurs et écologistes. Ce lundi, une nouvelle réunion inter-ministérielle à Matignon entre les acteurs concernés – Agriculture, Ecologie, Finances notamment – n’a pas permis de trancher ce sujet délicat, entre protection d’une espèce en danger et revendications des pêcheurs. Cependant pour le WWF, « le cas du thon rouge est l’occasion parfaite pour la France d’enfin mettre en œuvre l’engagement présidentiel ; et de montrer, sur une question simple, si elle est à la tête ou à la traîne de la politique environnementale européenne ». De leur côté, les scientifiques estiment, eux aussi, que l’espèce est mise en danger par la surexploitation et la Commission européenne a entamé à plusieurs reprises des procédures d’infraction contre les pays européens, dont la France, qui ne contrôlent pas suffisamment les captures de leurs pêcheurs. Les quotas de pêche annuels fixés par l’exécutif européen sont systématiquement épuisés après quelques mois de pêche mais les captures illégales seraient beaucoup plus importantes. C’est dans ce contexte qu’Isabelle Autissier, nouvelle présidente du WWF France en a appelé dimanche dernier dans le JDD au chef de l’Etat, qu’elle a accusé d’avoir fait « marche-arrière » : la survie du thon rouge, estime-t-elle, est « menacée par le déploiement ces dernières décennies d’une pêche intensive basée sur le profit à court terme ». Voici son appel, co-signé par Serge Orru, Directeur général du WWF France.

Supplique du WWF pour le thon rouge par Isabelle Autissier et Serge Orru

Monsieur le Président de la République, Le thon rouge est proche de l’extinction. « Ce majestueux grand prédateur est encore présent dans nos océans grâce à un délicat équilibre entre pêche traditionnelle et respect de l’espèce. Cette relation entre l’homme et l’animal dure depuis 5000 ans. Malheureusement, sa survie est aujourd’hui menacée par le déploiement, ces dernières décennies, d’une pêche intensive, basée sur le profit à court terme répondant à une demande forte du marché japonais. L’erreur fut de penser l’océan infini, immense garde-manger sans limite. Nous avons donc accru la taille et le nombre de nos bateaux pour aller pêcher plus, plus loin et plus profond. Les pouvoirs politiques sont aussi responsables de cet emballement déraisonné. En finançant la construction des navires par l’octroi de subventions publiques, ils ont accéléré le phénomène. Pour la pêcherie du thon rouge, le contribuable aura financé la quasi intégralité des derniers navires, ceux-là même responsables du déclin de l’espèce. Nous aurions dû tirer les leçons de l’effondrement des populations de cabillaud à Terre-Neuve au début des années 90. Mais même en cette année de la biodiversité, l’histoire pourrait bégayer. La biodiversité, c’est l’immense variété des espèces que l’on trouve sur la planète et les systèmes complexes qu’elles nouent entre elles ; c’est comme un château de cartes, il suffit d’en retirer une pour que tout l’édifice s’écroule. Le thon rouge est une de ces cartes. Malgré des éléments scientifiques accablants, l’espèce continue d’être pêchée à un niveau bien trop élevé. L’organisation internationale censée la gérer ne suit pas les avis de ses propres experts, succombant aux pressions des industriels de la pêche et de leurs principaux clients. Il n’y a plus rien à attendre de cette institution tant elle a failli. Ses propres analyses montrent que même avec un moratoire d’une décennie, l’espèce n’aurait qu’une « chance » sur deux de sortir de la zone rouge. Pourtant il reste une vraie chance de sauver ce seigneur des mers. La Principauté de Monaco a déposé une demande d’inscription du thon rouge à l’annexe I de la CITES [[CITES : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction]], ce qui en interdirait le commerce international et mettrait donc fin à sa surpêche. Dans votre discours de clôture du Grenelle de la Mer, que nous avons salué, vous aviez annoncé le soutien de la France à « l’inscription du thon rouge à l’annexe de la convention internationale sur les espèces sauvages, pour en interdire le commerce » mais depuis la France semble hésiter. Notre pays déterminera le vote de l’Europe en faveur de l’interdiction du commerce du thon rouge en mars prochain, à la réunion de la CITES à Doha. Le gouvernement français devant prendre sa décision cette semaine, nous vous demandons, avec force et respect, de ne pas mettre un terme à cette formidable et très ancienne relation qui lie les peuples méditerranéens et le thon rouge. C’est l’unique chance pour sauver à terme la pêche artisanale. Alors que des acteurs de l’économie française comme Carrefour, Auchan, Casino et les grands chefs de Relais & Châteaux ont cessé de proposer le thon rouge à leurs clients, nous ne comprendrions pas que la France, que vous avez souhaitée leader sur ces questions, ne prennent pas une décision claire, forte et sans réserve. Monsieur le Président de la République, graciez ce géant des mers ! Les générations futures vous en seront reconnaissantes ».

Pour aller plus loin

Depuis dix ans, Greenpeace tire la sonnette d’alarme. Le thon rouge de Méditerranée est menacé d’extinction. Dans son premier rapport sur le sujet, en 1999, Greenpeace annonçait que le nombre de thons rouges adultes avait diminué de 80% au cours des vingt années précédentes. Aujourd’hui, la catastrophe annoncée se confirme : le stock de thon rouge de Méditerranée va s’effondrer. Peut-être dès 2012 estime l’ONG. Pour en savoir plus, consulter le document : « Mais où est donc passé le thon rouge en Méditerranée ? » et le dossier « Le thon rouge en Méditerranée ». Comment en est-on arrivé là ? – Le premier responsable, c’est la surpêche. On pêche tout simplement trop de thon rouge en Méditerranée, et on les pêche trop jeunes, les empêchant de se reproduire. Le secteur de la pêche au thon rouge fait ce qu’il veut, sans aucun respect pour l’avenir des ressources marines. Il s’est doté d’un matériel extrêmement performant. Parfois, il ne respecte pas les quotas de pêche qui lui sont attribués, n’hésite pas dans certains cas à cacher ou à falsifier les chiffres. Il est même aidé par les Etats et l’Union Européenne qui ont subventionné le secteur sans aucune réflexion sur le long terme. – Les fermes de thons rouges sont un des éléments majeurs de ce système. Le principe consiste à capturer un banc de thons vivants, le transférer dans une cage de transport, remorquer cette cage jusqu’à la ferme pour y transférer les poissons. Là, ils sont gavés pendant plusieurs mois (parfois deux ans) avant d’être vendus sur le marché japonais. Il existe ainsi près de 60 fermes de ce genre sur le pourtour méditerranéen. D’où encore plus de prises de thon, mais aussi d’autres poissons destinés à nourrir ces thons élevés en ferme. D’où plus de surpêche. Et tout cela avec la bénédiction financière de l’UE ! – Puisque les gouvernements subventionnent ce massacre, il n’est pas étonnant que l’ICCAT traîne les pieds. L’ICCAT (International Commission for the Conservation of Atlantic Tunas) est l’organisation intergouvernementale chargée de gérer les stocks de thon rouge dans l’Atlantique Nord et en Méditerranée. Pour préserver le thon rouge, elle devrait décréter un moratoire immédiat sur la pêche au thon rouge. Au lieu de cela, lors de sa dernière réunion en novembre 2009, elle a autorisé un quota total de 13 500 tonnes pour la saison de pêche de 2010 ! Quand on sait en plus que ces quotas ne sont jamais respectés (60 000 tonnes de prises réelles en 2007 contre les 30 000 autorisées), on réalise à quel point l’ICCAT se montre irresponsable. Elle est incapable de dépasser les intérêts à court-terme de l’industrie de la pêche. Pour en savoir plus, découvrez le document réalisé par le WWF et Greenpeace : « Comprendre les avis du comité scientifique de l’ICCAT sur le thon rouge ». Comment réagir ? Face à cette catastrophe, il faut de toute urgence : – décréter un moratoire sur la pêche du thon rouge – interdire le commerce international du thon rouge dans le cadre de la  » Cites  » (la convention chargée de réglementer le commerce des espèces menacées) lors de sa prochaine réunion en mars 2010 au Qatar – créer des réserves marines dans les zones de reproduction du thon rouge en Méditerranée (notamment dans les Baléares) – réduire la surcapacité (il y a trop de bateaux, trop de fermes d’engraissement) – respecter pleinement les avis scientifiques et les règles fixées par l’ICCAT. Ainsi, on pourrait sauver le thon rouge de la catastrophe, mais aussi une pêche vieille de 5 000 ans. L’un ne va pas sans l’autre. Si, un jour, il n’y avait plus de poissons, que feraient les pêcheurs ?

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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