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Une brève proposition de classification des différentes significations de

L’Economie Circulaire

selon trois approches principales qui émergent en France et en Europe - Par Jan Jonker et Anne-Claire Savy-Angeli.

Dans le cadre du stage interne au MSGDDCC (Mastère Spécialisé de Gestion de Développement Durable et du Changement Climatique), Anne-Claire Savy-Angeli a entrepris un travail de recherche sur l’économie circulaire avec le Professeur Jan Jonker, Professeur hollandais du développement durable aux Pays-Bas, et actuellement titulaire de la Chaire d’Excellence Pierre de Fermat pour la région Midi-Pyrénées, accueillie pour deux ans par la Toulouse Business School. Ils ont écrit une note brève pour classifier les différentes notions d’économie circulaire en cours actuellement, dont la forme la plus évoluée, l’économie circulaire inclusive ou Weconomy, qui pourraient nous amener vers la nouvelle économie.

L’Economie Circulaire Une brève proposition de classification des différentes significations selon trois approches principales qui émergent en France et en Europe. Par Jan Jonker et Anne-Claire Savy-Angeli Toulouse Business School (France) Toulouse, Juin 2015,

Introduction

Depuis peu, l’intérêt qui est porté vers le concept d’économie circulaire (EC), d’abord initiée par Stahel (1982), dans un document qui fait référence aujourd’hui, a pris une grande ampleur. Stahel a eu un fort impact en développant le champ de la durabilité par la préconisation de « l’allongement de la durée de vie des objets, la réutilisation, la réparation, le reconditionnement et l’amélioration technologique », toutes ces approches concernant les économies industrialisées (Erkman, 2004). Actuellement, de nombreuses et diverses personnes et/ou instituts[[Voir par exemple la création de L’Institut de l’Economie circulaire en 2013 , la tenue des 1ères Assises nationales de l’Economie circulaire en 2014, la création du MOOC sur Economie Circulaire et Innovation, en 2014, avec pour référent scientifique Dominique Bourg Professeur à l’Université de Lausanne. Voir également les nombreux rapports de l’ADEME, du Commissariat du Développement Durable et multiples dossiers et rapport sur le thème de l’économie circulaire, en France, ces dernières années, La Chambre de Commerce et d’Industrie de France, et bien d’autres.]], ont stimulé la discussion sur l’EC et les concepts sous-jacents. Parmi ces derniers, on peut trouver les mouvements « Natural Step », « Cradle to Cradle », et « l’Economie Bleue ». Depuis 2012, la fondation d’Ellen McArthur (R-U) a nourri et encouragé un débat sur la nécessité d’une transition vers une EC et sur ses aspects économiques. Plus récemment, l’Union Européenne (UE) a commencé à recommander fortement l’EC et à l’inclure dans ses politiques et ses programmes de travail[[Voir par exemple : – http://ec.europa.eu/environment/circular-economy/index_en.htm – https://www.eu-ems.com/summary.asp?event_id=246&page_id=2158]]. On peut supposer qu’avant la fin de 2015, Frans Timmermans (premier vice-président de l’UE) lancera un programme ambitieux centré sur l’EC dans le cadre de l’UE 2020. Initialement, la signification du concept d’EC apparaît comme l’action spécifique de créer une économie de nature circulaire. Cette économie est perçue comme l’opposé de l’économie dominante actuelle qui se caractérise par sa linéarité. L’EC est un terme générique pour une économie industrielle qui est, par conception ou intention, réparatrice, c’est-à-dire qu’elle vise une longue durée d’usage des produits plutôt que leur obsolescence rapide et elle privilégie la réparation plutôt que la mise au rebut. Dans cette économie, les flux de matière sont différenciés selon deux catégories, la première est celle des nutriments biologiques destinés à être réintroduits dans la biosphère sans être dénaturés, la seconde est celle des nutriments techniques qui sont conçus de haute qualité afin d’être utilisés selon des cycles sans fin, sans pénétrer dans la biosphère[[Voir le schéma de l’économie circulaire dessiné par la « Chaire Business as Unusual » de la Kedge Business School et l’institut de l’Economie Circulaire en 2013]]. L’objectif général de l’EC est de découpler croissance économique et utilisation des ressources naturelles et des écosystèmes, en employant ces ressources de manière plus efficace. Concevoir une EC signifie (UE, 2015) concevoir une économie basée sur le réemploi, la réparation, la remise à neuf et le recyclage des matériaux et produits existants. Par conséquent, la création d’une EC est considérée comme un défi de conception et de transformation. L’EC est perçue comme un défi de conception puisqu’elle émerge à partir d’un certain nombre d’autres développements économiques tels que l’écoconception (Schiesser, 2011), l’écologie industrielle et territoriale (Buclet, 2011), l’économie de fonctionnalité (Bourg et Buclet, 2005), l’économie de partage (Novel et Demailly, 2013), l’économie de collaboration (Jacquemin et Thocquenne, 2014) et la bio-économie (Passet,2012; Vivien, Dannequin et Diemer, 1999). En plus de ces tendances ‘économiques’ deux autres importants mouvements peuvent être remarqués. Il s’agit de l’Impression 3D et de l’Internet des Objets. Ces deux derniers influenceront pleinement ces tendances, mais d’une manière que l’on ne peut encore prévoir. Jonker a récemment établi un inventaire de ces développements qui sont apparus comme un large éventail de sept tendances. Il a appelé l’ensemble formé par ces sept courants, la WEconomy (Jonker, 2015). L’EC est considérée comme un défi de transformation puisque l’émergence d’une telle économie aura lieu dans le paysage d’une organisation institutionnelle ayant pour bases des principes complètement différents. Fondamentalement, l’impact de la mise en oeuvre d’une EC sur le paysage économique socio-institutionnel actuel peut être considéré comme un changement de paradigme. Il peut prendre une génération ou deux, sinon plus, pour se réaliser complètement. Cette note propose de classifier plusieurs concepts actuels de l’EC tels qu’ils émergent à travers l’Europe. On distinguera trois approches principales qui seront identifiées par l’EC 1.0, l’EC 2.0 et l’EC 3.0, correspondant à différents degrés que le concept d’EC devrait intégrer dans la société.

L’EC 1.0 : une intégration du concept d’EC dans les boucles de matière et d’énergie

Dans cette approche, l’EC est centrée sur l’organisation de boucles (fermées) ayant pour objet essentiel la matière (en particulier, les déchets) et l’énergie (Le Moigne, 2014). Cette approche pourrait être perçue comme une « circularité fonctionnelle » puisqu’elle s’applique à une seule fonction déjà existante et souvent prise en compte. Ce qui était autrefois considéré comme du déchet peut devenir une ressource. Le principe essentiel est que chaque ressource doit être gérée plus efficacement tout au long de son cycle de vie. Dans cette perspective, on distingue deux sphères : la biosphère (sphère des nutriments biologiques) et la sphère des nutriments techniques. Toutes les deux devraient être harmonisées dans l’intention de réduire la consommation de substances organiques ou de matières inertes, dans toute chaine de valeur spécifique. Stratégiquement parlant, cette approche appartient à l’école de l’éco-efficacité.

L’EC 2.0 : une intégration du concept d’EC dans le système législatif et la planification territoriale

Dans cette deuxième approche, la circularité est perçue d’avantage comme une tentative sociétale collective qui doit s’imbriquer dans le paysage institutionnel et géographique existant (Lévy, 2015). L’approche est fondée sur l’hypothèse que, pour entreprendre une démarche d’EC, celle-ci doit être instaurée dans les règles et les règlements concernés (“Projet de Loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte,” 2015) [[Voir notamment le travail de l’Institut de l’Economie Circulaire et de son Président le Député Sénateur François-Michel Lambert pour insérer puis amender l’article IV dans le projet de Loi sur la Transition Énergétique pour une Croissance Verte, loi adoptée par l’Assemblée Nationale française le 29/05/2015]] , par exemple, le traitement des déchets, les politiques d’achat, les mesures fiscales (Aurez et Georgeault, 2015), et la planification territoriale (Lévy et Aurez, 2014). Cela implique, presque par définition, que l’EC est initiée selon une approche descendante, « top-down », puisque les citoyens ont très peu d’influence, voire aucune, sur le tissu institutionnel. Harmoniser l’ambition de l’EC avec le tissu institutionnel concret d’un territoire (ou dans la société dans son ensemble) a un impact transformationnel de grande envergure (Fan, Bourg et Erkman, 2006). Stratégiquement parlant, cette approche appartient à « l’école » de l’éco-efficience.

L’EC 3.0: une intégration du concept d’EC à la base des relations socioéconomiques

Dans cette troisième approche, la circularité est considérée comme un principe fondamental de conception qui conduit un processus de création de valeur au sein d’un groupe constitué de diverses parties prenantes. L’objectif est de créer des synergies entre diverses personnes, organismes et donneurs d’ordres institutionnels. Ces acteurs sont souvent situés sur un même territoire et tendent à constituer un système riche et complexe d’échanges de valeurs (mutualisation, échange de matière, d’énergie et de services mais également de sources de bien-être, de reconnaissance, de participation, d’éducation, etc.) qui sont matérielles tout autant que sociales. Les projets de l’EC menés par des groupes de personnes émergent souvent, mais pas toujours, de manière ascendante ou « bottomup ». Cela conduit à un système riche de création de valeurs réciproques, dans lequel trois cycles sont imbriqués : le cycle biologique, le cycle matériel, et le cycle social. Cela aboutit à une approche (socialement) inclusive de l’économie circulaire. Etant donné la nature innovante de cette approche, de nouvelles méthodes d’organisation doivent être imaginées pour créer de nouveaux modèles économiques. Cette EC 3.0, pourrait être appelée Economie Circulaire Inclusive. Stratégiquement parlant, cette approche appartient à « l’école » de l’éco-innovation.

Épilogue : la longue évolution vers une EC

Cette note a tenté de proposer une vue d’ensemble synthétique de l’historique de l’EC et de l’état actuel des débats à son propos. Le concept d’EC, intégré à différents degrés selon chacune de ces trois tendances, est fermement établi, avec des origines claires, visant à développer et à concevoir une approche radicalement différente de l’économie industrielle conventionnelle dominante. Même si de nouvelles personnes souhaitant travailler à la mise en oeuvre d’une EC apparaissent constamment et par conséquent également de nouvelles idées de projets, concevoir une telle économie aura de profondes conséquences organisationnelles et institutionnelles. En particulier, les questions fiscales, légales, institutionnelles, administratives, de planification territoriale et d’organisation nécessiteront une attention rigoureuse et harmonieuse, pour transformer de riches promesses en pratiques réelles. Ces questions présenteront de tels défis qu’une approche de conception théorique initiale n’est pas appropriée. C’est seulement avec une approche pas à pas, construisant le savoir tout en l’expérimentant, que de nouvelles pratiques pourront prendre forme.

Références

– Aurez, V., et Georgeault, L. (2015). Inscrire les aides publiques dans l’économie de fonctionnalité : une nouvelle donne en faveur d’une économie circulaire. – Bourg, D., et Buclet, N. (2005). L’économie de fonctionnalité. Changer la consommation dans le sens du développement durable. – Buclet, N. (2011). Écologie industrielle et territoriale: stratégies locales pour un développement durable. – Erkman, S. (2004). Vers une écologie industrielle. – Fan, X., Bourg, D., et Erkman, S. (2006). L’économie circulaire en Chine: Vers une prise en compte de l’environnement dans le système économique chinois ? – Jacquemin, M., et Thocquenne, B. (2014). L’Economie collaborative : nouveau vecteur d’influence et de reconquête du pouvoir Anne-Florence Evroux Florence Rodet. – Jonker, J. (2014). Changer la logique de création de valeur. – Jonker, J. (2015). Framing the WEconomy; exploring six trends and speculating on a wild card to enable the shaping of a socio-economic transitions. Document de travail de la Nijmegen School of Management, disponible automne 2015 – Le Moigne, R. (2014). L’économie circulaire – Comment la mettre en oeuvre dans l’entreprise grâce à la reverse supply chain ? – Lévy, J. (2015). L’hypothèse d’une Économie circulaire ? – Lévy, J., et Aurez, V. (2014). L’économie circulaire : un désir ardent des territoires. – Novel, A.-S., et Demailly, D. (2013). Economie du partage : Enjeux et opportunités pour la transition écologique. – Projet de Loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. (2015). – Schiesser, P. (2011). Éco-conception: Indicateurs. Méthodes. Réglementation (Vol. 2011). – Stahel, W. (1982). Product-Life Factor. – Vivien, F.-D., Dannequin, F., et Diemer, A. (1999). Industrielle ou politique ? Quelle écologie pour le développement durable ? International Conference on Industrial Ecology and Sustainability, 1–11.

Auteurs

Jan Jonker
Jan Jonker
Jan Jonker est professeur à l’école de Gestion de Nimègue – Université de Radboud (Pays-Bas). Il est également titulaire de la Chaire d’Excellence Pierre de Fermat de la région Midi-Pyrénées, accueillie par la Toulouse Business School (Toulouse – France).
Anne-Claire Savy-Angeli
Anne-Claire Savy-Angeli
Anne-Claire Savy-Angeli, dans le cadre d’une reconversion professionnelle, suit le Mastère Spécialisé de Gestion de Développement Durable et du Changement Climatique de la Toulouse Business School et effectue un stage au sein de la Chaire d’Excellence Pierre de Fermat. Ensemble, ils développent une recherche-action sur une série de trois études de cas de projet d’économie circulaire dans la région Midi-Pyrénées, en 2015. Les résultats de leur projet seront publiés comme documents de travail, à l’automne 2015. Ils peuvent être contactés via : janjonker@me.com ou acsavy@hotmail.com – Télécharger la note sur l’Economie Circulaire du Professeur Jan JONKER et Anne-Claire SAVY-ANGELI

 

Documents joints

Fondée en 1903 par la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, l’école avait pour vocation initiale de former des gestionnaires compétents pour les besoins de la communauté économique locale. L’école était installée à l’origine dans l’Hôtel St Jean, monastère du XVe siècle ayant abrité les hospitaliers de l’Ordre de Malte. Elle dispose aujourd’hui de 4 campus : le 1e se trouve au coeur de Toulouse, situé à deux pas du Capitole dans le quartier des affaires Compans Cafarelli, le 2e est situé au coeur des zones d’activité technologiques de l’est toulousain (Entiore), le 3e est implanté en plein centre de Barcelone et le 4e à Casablanca.

– www.tbs-education.fr

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