Depuis le 18 octobre, les représentants des 193 pays se sont rassemblés à Nagoya, au Japon, pendant 12 jours pour un sommet capital en faveur de la biodiversité : la dixième Conférences des Parties à la Convention de la diversité biologique (CDB). En 2002, les Etats signataires de cette Convention s’étaient déjà engagés à réduire significativement le rythme de disparition de la biodiversité d’ici à 2010. Cet objectif n’a malheureusement pas été atteint. La biodiversité continue de se dégrader à un rythme alarmant.
L’édition 2010 du Rapport Planète Vivante , que le WWF a publié il y a quelques jours, montre que les ressources naturelles de la planète ont en effet chuté de 30% depuis les années 1970 et de 60% dans les Tropiques, alors que la demande de l’homme en ressources naturelles monte en flèche jusqu’à dépasser de 50 % ce que notre planète peut soutenir. Nos dirigeants doivent donc s’engager pour stopper la dégradation de la biodiversité d’ici 2020, et pour conserver intacts les services qu’elle nous fournit (comme l’eau, l’air pur, les sols fertiles, les mers poissonneuses, les ingrédients nécessaires à notre médecine, etc.). La biodiversité doit absolument être intégrée dans l’ensemble des politiques, ainsi que dans nos modèles de développement rappelle le WWF. « Ce que le monde attend le plus de Nagoya ce sont les accords qui puissent mettre fin à la perte dramatique et continue de la richesse vivante de la planète et à l’érosion sans fin de nos écosystèmes » a notamment déclaré Jim Leape, Directeur général du WWF-International. « Au Japon, nous avons une occasion unique pour rassembler tout le monde – les Etats, le secteur privé et le public – afin de répondre à la crise qui menace la vie sur la Terre », confime Julia Marton-Lefèvre, Directrice générale de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), le plus vaste réseau mondial de protection de l’environnement. « Nous demandons instamment aux gouvernements, à tous les ministères et départements gouvernementaux, d’investir dans notre capital naturel et d’arrêter le déclin de la biodiversité une fois pour toutes, en adoptant un solide plan stratégique doté d’objectifs mesurables et réalistes. » La valeur immense des services rendus par les écosystèmes doit être prise en compte dans les décisions économiques. Les forêts, les océans et les rivières de la planète constituent les fondements de notre société et de notre économie. Les gouvernements pourraient faire des bénéfices énormes tout simplement en mettant un terme aux subventions qui déterminent la surexploitation des ressources naturelles. « Il est nécessaire de mettre fin aux subventions favorisant l’importation de certains produits (bois exotiques, huile de palme, …) afin d’enrayer la destruction de la nature, notamment en forêts tropicales », souligne Christine Sourd, Directrice adjointe des Programmes au WWF-France. Le WWF plaide pour d’autres objectifs ambitieux tels que l’augmentation des surfaces protégées à 20% des surfaces nationales disponibles, l’arrêt de la déforestation nette d’ici 2020, l’arrêt de la destruction des écosystèmes d’eau douce, l’élimination de la surpêche et des pratiques de pêche destructives et la suppression des subsides susceptibles de dégrader la nature (comme la pêche ou l’agriculture), etc. Le WWF tentera également de peser sur le progrès d‘un des objectifs orignaux de la CDB, à savoir, un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. En résumé, les attentes du WWF pour Nagoya sont :- Un nouveau Plan Stratégique avec pour objectif, d’ici 2020, de mettre un terme à la perte de la biodiversité.
- Un Protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.
- Une Stratégie ambitieuse de mobilisation des ressources afin d’accroître les financements pour la biodiversité.
- Des programmes de travail thématiques renforcés pour les zones protégées et la diversité biologique côtière.
- Une programme de travail conjoint sur la biodiversité et le changement climatique qui améliorera les relations et explorera les co-bénéfices entre la CDB, la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), et la Convention des Nations Unies pour combattre la désertification.
Pour agir
– Lire et télécharger le Rapport Planète Vivante 2010 du WWF : le bilan de santé le plus complet de notre planète en cliquant ici. – Lire et télécharger le guide pratique pour comprendre et agir : Les entreprises face à l’érosion de la biodiversité en cliquant ici. – Lire et télécharger l’outil d’initiation à la biodiversité à destination du secteur privé en cliquant ici.Vidéos
Message d’Edward Norton, ambassadeur de l’année internationale de la Biodiversité : Message de Misia, ambassadrice honoraire du COP10 adressé aux participants de la Conférence de Nagoya :
Plan stratégique, soutiens financiers, ABS … les premiers dossiers entrent sur la table des négociations
Cela fait à peine 4 jours que le coup d’envoi officiel de la CDB COP10 a été donné et pourtant nous pouvons d’ores et déjà observer des divergences dans les discours entre les 193 Parties présentes.
Petit état des lieux de l’avancée des négociations, en direct de Nagoya…
« If you cannot save the world, at least stop breaking it »
– A l’heure où s’ouvre les premières sessions de négociations sur la biodiversité à Nagoya, le président de la CDB COP 10, Ryu Matsumoto (ministre japonais de l’environnement) donne le ton, en reprenant la citation de Severn Cullis-Suzuki, âgée de 12 ans à l’époque, qui s’était exprimée à la Conférence de Rio en 1992 : « if you cannot save the world, at least stop breaking it« .
Si les orateurs semblent s’entendre sur le déclin alarmant de la biodiversité et notre incapacité à stopper ce processus, il est maintenant temps d’agir pour assurer une planète vivante à nos enfants.
– Malgré l’agenda chargé et la complexité des négociations, il règne ici un optimisme général, tout le monde étant convaincu qu’un échec n’est pas envisageable.
Négociations liées au plan stratégique : les 27 Etats membres de l’UE maintiennent la pression
– Conformément à l’accord du Conseil environnement du mois de mars, les 27 Etats membres de l’Union européenne, sous la conduite de la Présidence belge, maintiennent un haut niveau d’ambition pour le Plan Stratégique d’application de la Convention pour les dix prochaines années.
Il s’agit notamment de porter à 20% les surfaces terrestres en zones protégées, à 15% les surfaces marines, et de s’engager pour la lutte contre la déforestation ou la surpêche.
Les Etats les plus riches en biodiversité exigent des soutiens financiers
– Des engagements clairs pour la mise en place de systèmes de soutien plus efficaces, notamment via des moyens financiers suffisants et des transferts de capacités pour la protection de leur capital naturel… telle est la demande des Etats les plus riches en biodiversité.
L’Inde a par exemple avancé le chiffre de 10 milliards US$ par an d’ici 2012 et 30 milliards par an de 2012 à 2020.
Nul doute que le dossier des finances sera un élément clé de l’issue finale des négociations. A suivre de près donc…
Le protocole ABS (access and benefit sharing) entre la table des négociations
Marathon…Il s’agit bien de négociations « marathon » dans lesquelles se sont engagés les Etats pour trouver un accord sur le protocole sur l’accès et le partage des avantages résultant de l’utilisation de la biodiversité et des ressources génétiques. De très grands enjeux financiers sont en jeu et les négociations sont extrêmement tendues. Un état des lieux sur les négociations à ce sujet sera réalisé vendredi.
Les trois blocs des négociations (Plan Stratégique, Stratégie de mobilisation des ressources et protocole ABS) sont intrinsèquement liés : les Etats les plus riches en biodiversité exigent des accords sur les deux derniers blocs avant d’accepter un plan stratégique pour les 10 prochaines années.
Le WWF appelle toutes les Parties à s’accorder sur un plan de sauvetage global à la hauteur de l’enjeu que représente la perte de notre capital naturel. Les gouvernements doivent arrêter de considérer la protection de la biodiversité comme un coût et reconnaître qu’il s’agit d’un investissement pour combattre le changement climatique et transmettre « une seule Terre » aux générations futures.
Il n’y a pas de plan B, il n’y a pas de planète B.