L’Impact Tank, premier think-tank dédié à l’économie à impact positif créé à l’initiative du Groupe SOS et de quatre universités (Sciences Po, Sorbonne Université, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris Dauphine-PSL), rend public lors du Sommet de la transformation durable, son dernier rapport sur l’économie à visée régénérative.

Le Sommet de la Transformation Durable, organisé par Décideurs Magazine et 100 Transitions, réunira plus de 600 décideurs issus des directions générales, RSE, juridiques, ainsi que des sphères politiques, économiques et associatives. Tous partagent une ambition commune : accélérer la transition écologique et mettre en œuvre des solutions concrètes.
Conclusions du rapport
En janvier 2025 à Davos, les principaux leaders issus du monde politique, économique, des institutions internationales, des ONG et de la recherche, se sont réunis lors du World Economic Forum. À cette occasion, l’organisation a publié un panorama actualisé des risques mondiaux : 1 125 dirigeants présents au forum ont été invités à évaluer la gravité des risques potentiels à horizon de 2 ans et de 10 ans, permettant ainsi d’identifier les menaces perçues comme les plus significatives.
Les quatre principaux risques soulevés à 10 ans sont tous environnementaux :
- événements climatiques extrêmes,
- perte de biodiversité et effondrement des écosystèmes,
- changements critiques du système Terre,
- pénurie de ressources naturelles.

L’économie régénérative, un changement de paradigme économique
Visualisation du modèle World3 présentant les évolutions des différentes variables
Face à ces risques, notre économie doit développer sa résilience, c’est-à-dire sa capacité à les anticiper, à s’adapter et à les surmonter.

Dans cette nécessaire transition, l’expérience a montré que l’écologie perçue comme punitive suscite de vives résistances, comme en témoignent la crise des Gilets jaunes à partir de 2018, la mobilisation des agriculteurs en 2024 ou encore le rejet croissant de l’ESG aux États-Unis et en Europe.
Pour refonder l’économie de demain, il est donc nécessaire de concevoir une transition juste et désirable.
L’économie régénérative représente une voie prometteuse.

Diagramme des limites planétaires (actualisation de septembre 2024)
Comme le montre le schéma ci-dessus, plusieurs limites sont déjà franchies ou sur le point de l’être.
L’économie régénérative constitue un changement de paradigme considérable : il ne s’agit plus seulement de limiter les impacts négatifs des activités humaines, mais bien de créer des dynamiques positives qui régénèrent les écosystèmes naturels et sociaux et contribuent au développement de leur plein potentiel.
Ce modèle repose sur :
- l’intégration des principes du vivant,
- la coopération entre les acteurs
- et la redéfinition des finalités économiques.
Les travaux de ces dernières décennies, de la pensée systémique de Donella Meadows à l’économie du Donut de Kate Raworth, en passant par la régénération appliquée à l’agriculture ou à l’industrie, convergent tous vers un constat : les trajectoires actuelles sont insoutenables et appellent à une refonte profonde des modèles économiques et organisationnels.

L’économie régénérative vient répondre à une crise environnementale et sociale sans précédent
Cadre du Donut : En 2012, Kate Raworth, économiste à Oxford, présente un travail de recherche « Un espace sûr et juste pour l’humanité : Pouvons-nous vivre à l’intérieur du donut ?», avant la conférence des Nations unies sur le développement durable Rio+20. Elle y propose une approche équilibrée entre limites sociales et planétaires pour un développement durable de l’économie qu’elle développera dans un livre cinq ans plus tard. L’anneau intérieur du donut représente les fondations sociales (liées aux objectifs de développement durable), tandis que l’anneau extérieur symbolise les neuf limites planétaires nécessaires à la stabilité de la planète
Il ne s’agit plus d’améliorer l’existant à la marge, mais bien de repenser les principes fondamentaux de création de valeur, d’interactions avec le vivant et d’équilibres entre exploitation et régénération.
Toutefois, si des concepts et des outils existent, leur mise en œuvre demeure encore marginale et fragmentée. L’économie régénérative ne peut se construire sans une mobilisation collective forte, impliquant les entreprises, les États, les collectivités, les citoyens et les scientifiques.

La trajectoire vers l’économie régénérative issue des travaux du groupe de travail de l’AFNOR SPEC, Économie régénérative
Les cadres méthodologiques, bien que de plus en plus structurés – notamment via les référentiels de la CSRD, la SPEC de l’AFNOR ou des initiatives comme le Regen Ecosystem – doivent encore être consolidés et généralisés.
C’est en ce sens que notre groupe de travail a construit un référentiel commun d’indicateurs de mesure d’impact qui capitalise sur les référentiels existants et a été enrichi des réflexions menées avec un grand nombre d’organisations (entreprises, ONG, acteurs publics et chercheurs).
Afin de garantir une meilleure appropriation des indicateurs par les entreprises, nous avons choisi d’ancrer le suivi des effets des initiatives régénératives dans le cadre de la directive CSRD. Pour ce faire, les normes ESRS ont été traduites en « familles d’effets attendus », elles-mêmes déclinées en indicateurs concrets.

Trajectoire du design organisationnel écologique
Le principe de régénération, du secteur agricole à l’application aux modèles économiques : Aux origines de la régénération, l’agriculture régénératrice et une extension progressive de la pensée régénérative à l’ensemble des champs économiques
Cette approche permettra d’identifier et de structurer les impacts qu’une entreprise peut anticiper en adoptant une démarche régénérative.

Modèle symbiotique de la ville de Kalundborg
Dans cette marche ambitieuse vers des modèles régénératifs, les initiatives existantes doivent se garder de deux écueils.
- D’une part, elles doivent éviter la tentation du greenwashing : se prévaloir d’une démarche régénérative si l’essentiel de leur activité nuit au vivant.
- D’autre part, elles doivent veiller à éviter toute dérive vers une forme de radicalité qui exclurait des acteurs économiques : l’économie régénérative ne saurait être réservée à un cercle restreint d’initiés. Elle doit se présenter comme un chemin ouvert et accessible à toutes les organisations, exigeant, mais centré sur l’essentiel : remettre l’économie au service du vivant et du développement de son plein potentiel.

Les deux approches de soutenabilité
La régénération doit proposer une véritable réinvention des récits qui façonnent nos aspirations collectives. Il est nécessaire de dépasser le mythe de la croissance infinie et du progrès basé sur l’accumulation matérielle pour redonner du sens à nos activités économiques et sociales.

L’intégration des principes du vivant
La transition vers une économie régénérative n’est pas une simple évolution, mais une transformation qui touche à la fois les modes de production, de consommation et de gouvernance.
La transition vers une économie régénérative est un défi à la mesure des enjeux du XXIe siècle et une opportunité inédite de réconcilier l’économie avec le vivant.
Un référentiel inédit pour guider la transition
Le rapport de l’Impact Tank propose un référentiel opérationnel aligné avec les grands référentiels internationaux, et enrichi de dimensions propres à l’économie régénérative (relation au vivant, orientation temporelle, gouvernance partagée). Il constitue ainsi une ressource opérationnelle pour les acteurs y compris pour ceux qui sont concernés par la directive CSRD, en leur offrant une grille d’analyse complémentaire à la double matérialité et aux normes ESRS.
En mettant l’accent sur les contributions positives, il invite les organisations à dépasser la logique de conformité pour faire de la mesure d’impact un véritable levier d’innovation, de résilience et de transformation écologique et sociale.
Ce référentiel s’articule autour de trois dimensions clés :
- Réduire ses impacts négatifs, en adoptant une sobriété choisie, c’est-à-dire un engagement collectif pour vivre durablement dans le cadre des limites planétaires, tout en assurant un socle de bien-être commun.
- Générer des impacts positifs nets, en s’appuyant sur des démarches volontaires (comme la certification internationale Cradle to Cradle ou la directive CSDDD) et en outillant les acteurs pour identifier, mesurer et valoriser leur contribution effective à la régénération.
- Contribuer à un changement systémique, en transformant les modèles de production, de gouvernance et de coopération, à partir d’une approche interdépendante du vivant.
Des initiatives concrètes pour inspirer l’action publique et privée
Plus de 50 projets à “marqueurs régénératifs” ont été analysés dans le cadre du rapport. Parmi eux, quatre initiatives emblématiques illustrent la diversité des approches et leur capacité à transformer les modèles économiques :
- Amarenco : producteur d’énergie solaire, Amarenco développe des fermes agrivoltaïques qui associent production d’électricité, régénération des sols et biodiversité. Chaque projet est conçu en coopération avec les agriculteurs, dans une logique de co-bénéfices écologiques et économiques.
- Fermes d’Avenir : ce réseau pionnier de l’agriculture régénérative accompagne des exploitations agricoles engagées dans l’agroécologie, soutient la formation des paysans et favorise la résilience alimentaire des territoires.
- Norsys : entreprise de services numériques engagée dans une démarche de permaentreprise, Norsys intègre les principes de durabilité à tous les niveaux : gouvernance partagée, sobriété numérique, implantation territoriale et redistribution équitable de la valeur.
- Labelemmaüs : structure d’insertion issue du mouvement Emmaüs, elle se positionne comme contre-modèle dans le paysage du e-commerce, en combinant économie circulaire et inclusion sociale.
15 recommandations phares pour structurer le passage à l’échelle des projets économiques
Ce rapport porte enfin 15 recommandations à destination des entreprises pour s’engager concrètement dans une visée régénérative, ainsi qu’aux acteurs publics à l’échelle nationale et locale, pour faire évoluer le cadre institutionnel et politique en vue de faciliter la bascule régénérative des entreprises.
Il propose notamment :
- De créer une plateforme nationale de mesure d’impact standardisée et accessible à tous, regroupant méthodes, indicateurs et bases de données pour harmoniser les démarches et faciliter la comparaison entre acteurs.
- De former les hauts fonctionnaires et managers de la fonction publique aux enjeux de l’économie régénérative, à l’économie du vivant et aux trajectoires de transformation, pour faire de l’État un catalyseur de changement.
- D’intégrer l’économie régénérative dans les PLU et PLUi pour piloter l’impact au plus près du terrain, en y inscrivant des objectifs de renaturation, de préservation des ressources, de résilience climatique et de revitalisation du lien social à l’échelle locale.