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Une expertise collective de l'Inserm

Cancers et environnement

En 2005, le nombre de nouveaux cas de cancers en France a été estimé à près de 320 000 pour les deux sexes confondus, 180 000 chez les hommes et 140 000 chez les femmes. On constate une augmentation de l’incidence des cancers depuis une vingtaine d’années. Si l’on tient compte des changements démographiques (augmentation et vieillissement de la population française), l’augmentation du taux d’incidence depuis 1980 est estimée à +35 % chez l’homme et +43 % chez la femme [[BELOT A, GROSCLAUDE P, BOSSARD N, JOUGLA E, BENHAMOU E, et coll. Cancer incidence and mortality in France over the period 1980-2005. Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 2008, 56 :159-175]]. Il n’est pas possible actuellement de chiffrer avec précision la part due à l’évolution des pratiques de soins dans cette augmentation. Les modifications de l’environnement pourraient être partiellement responsables de l’augmentation constatée de l’incidence de certains cancers. Cette hypothèse doit faire l’objet d’un effort de recherche constant, portant à la fois sur la mesure de l’exposition des populations à des cancérogènes avérés ou probables, et sur l’existence et la nature du lien causal. L’Afsset a chargé l’Inserm d’établir un bilan des connaissances sur les liens entre l’environnement et neuf cancers qui ont été sélectionnés lors d’une expertise précédente [[Cancer, approche méthodologique du lien avec l’environnement, Editions Inserm, expertise collective 2005, 92 p]] en raison de l’augmentation de leur incidence au cours des 25 dernières années : les cancers du poumon, les mésothéliomes, les hémopathies malignes, les tumeurs cérébrales, les cancers du sein, de l’ovaire, du testicule, de la prostate et de la thyroïde. Pour réaliser cette nouvelle expertise, l’Inserm a réuni deux groupes de chercheurs ayant des compétences dans les domaines de l’épidémiologie, de la toxicologie, de la clinique, de la médecine du travail et de la quantification des risques. Ces experts ont analysé les données de la littérature internationale sur les neuf cancers et considéré comme facteurs environnementaux les agents physiques, chimiques ou biologiques présents dans l’atmosphère, l’eau, les sols ou l’alimentation dont l’exposition est subie et non générée par des comportements individuels. Ainsi, le tabagisme passif est abordé dans cette expertise alors que le tabagisme actif ne l’est pas. L’investigation prend en compte les facteurs de l’environnement général et ceux présents dans l’environnement professionnel. L’impact d’un facteur environnemental sur le risque de cancer dépend à la fois de son lien avec ce cancer et de la prévalence d’exposition à ce facteur dans la population. Ainsi, un facteur environnemental conférant une augmentation même faible ou modérée du risque de cancer aura un impact élevé si ce facteur est très répandu dans la population générale. À l’inverse, un facteur cancérogène même puissant aura un impact faible si très peu de personnes y sont exposées. L’évaluation de l’impact des facteurs environnementaux reste limitée dans bon nombre de cas, en raison d’une absence ou d’une insuffisance de données permettant de quantifier les expositions sur l’ensemble de la vie des populations exposées et de préciser les co-expositions. L’évaluation des effets des expositions chroniques à de faibles doses doit encore progresser. C’est une problématique importante en termes de santé publique car cela concerne une large part de la population.

Incidences des neufs cancers et leur évolution

Une augmentation de l’incidence des neuf cancers a été observée entre 1980 et 2000. Sur la période plus récente (2000-2005) on constate un ralentissement de cette augmentation voire une diminution de l’incidence pour certaines localisations.Cancer de la prostate : En 2005, le cancer de la prostate est le plus fréquent de tous les cancers avec 62 245 nouveaux cas. C’est le cancer dont le taux d’incidence a le plus augmenté entre 1980 et 2005 (+6,3 %) et l’augmentation annuelle est encore plus marquée entre 2000 et 2005 (+8,5 %). Les cancers de la prostate sont responsables d’environ 70 % de l’augmentation globale des cancers chez l’homme en France ces 25 dernières années. L’évolution récente de l’incidence du cancer de la prostate s’explique pour une grande part par l’évolution du dépistage avec l’extension du dosage systématique du PSA (Prostate-Specific Antigen) en France. – Cancer du sein : Le cancer du sein demeure le cancer le plus fréquent chez la femme. Le nombre de nouveaux cas pour l’année 2005 a été estimé à 49 814, soit un taux d’incidence parmi les plus forts en Europe. Le taux d’incidence du cancer du sein a augmenté de 2,4 % en moyenne par an sur la période 1980-2005. Dans l’élévation de l’incidence du cancer du sein, il est difficile de quantifier la part due à l’évolution des facteurs de risque environnementaux ou comportementaux et l’extension de la pratique du dépistage individuel et organisé. – Cancer du poumon : L’incidence du cancer du poumon (23 937 nouveaux cas en 2005) a augmenté chez l’homme jusqu’à la fin des années 1990, puis diminué sur la période 2000-2005. Chez la femme en revanche, le taux d’incidence a continué à augmenter (4 % par an) sur la période la plus récente 2000-2005. – Cancer de la thyroïde : Parmi les 6 672 nouveaux cas de cancer de la thyroïde estimés pour l’année 2005, 76 % surviennent chez la femme. Les taux d’incidence ont fortement augmenté entre 1980 et 2005 (+6 %). L’augmentation de l’incidence a surtout concerné les formes de meilleur pronostic grâce à une détection de plus en plus précoce. – Hémopathies malignes : Avec plus de 10 000 nouveaux cas estimés pour l’année 2005, dont un peu plus de la moitié chez l’homme, les lymphomes malins non hodgkiniens représentent les hémopathies malignes les plus fréquentes chez l’adulte. L’incidence des lymphomes malins non hodgkiniens a régulièrement augmenté de 1980 jusqu’à la fin des années 1990 dans les deux sexes. Cette augmentation s’est ralentie chez la femme et n’est plus observée chez l’homme sur la période 2000-2005. – Mésothéliome : Le taux d’incidence du mésothéliome (au total 906 nouveaux cas en 2005) a augmenté chez l’homme de près de 5 % par an entre 1980 et 1995 puis on a observé une décroissance entre 2000 et 2005 correspondant à la diminution de l’incidence dans les cohortes nées après 1930. Chez la femme, le taux d’incidence a augmenté de 3,1 % en moyenne sur la période 1980-2005. Cette croissance est moins prononcée entre 2000 et 2005 (+1,8 %). – Cancer du testicule : Le taux d’incidence du cancer du testicule (2 002 nouveaux cas en 2005) a augmenté de 2,5 % sur la période 1980-2005. Le taux d’incidence du cancer du testicule augmente dans la plupart des pays du monde, de façon plus marquée encore en Europe. – Tumeurs cérébrales : Le taux d’incidence des tumeurs malignes du système nerveux central (4 090 nouveaux cas en 2005) a augmenté régulièrement de 1 % sur la période 1980-2005. – Cancers de l’enfant : La surveillance des cancers de l’enfant est réalisée en France par deux registres nationaux spécialisés, l’un sur les hémopathies malignes (début de l’enregistrement en 1990) et l’autre sur les tumeurs solides (début de l’enregistrement en 2000). Environ 1 700 nouveaux cas de cancers de l’enfant sont diagnostiqués chaque année en France. Les plus fréquents des cancers de l’enfant sont les leucémies avec 470 nouveaux cas par an. L’incidence des leucémies semble avoir été stable depuis 1990 en France. Les tumeurs cérébrales sont un peu moins nombreuses, avec un peu moins de 400 nouveaux cas par an. L’incidence était stable sur la période 1990-1999 d’après les données des registres régionaux pédiatriques. Le registre national est encore trop récent pour fournir des indications d’évolution.

Facteurs environnementaux associés aux cancers

La démonstration de la nature causale d’une association entre un facteur d’exposition et une maladie est complexe et nécessite un ensemble d’arguments épidémiologiques, complétés avec des connaissances toxicologiques disponibles. L’évaluation de ces éléments pour les nombreuses substances supposées impliquées dans le développement de cancers permet de les classer en trois catégories selon la classification du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) : cancérogène avéré, probable, possible. (Cf. annexe 2). Plusieurs facteurs environnementaux classés dans le groupe 1 des cancérogènes avérés par le Circ sont impliqués dans les cancers qui font l’objet de cette expertise. Il s’agit principalement de facteurs de risque professionnels (amiante, certains métaux, hydrocarbures polycycliques aromatiques, benzène, radiations ionisantes dont le radon…). Des facteurs présents dans l’environnement général ont également fait la preuve de leur cancérogénicité comme le tabagisme passif, l’arsenic ou le radon. La liste des facteurs débattus est longue et présente une grande diversité : agents physiques, chimiques ou biologiques. Notons que la quantité d’information disponible sur les associations entre facteurs environnementaux et cancers est très variable d’un facteur à l’autre et également selon le cancer considéré. (Cf. annexe 3). Recommandations générales en termes de prévention et de précaution – Assurer la mise en oeuvre effective des mesures d’amélioration de la qualité des milieux (air, eau, aliments) proposées par le Plan national Santé-Environnement – Renforcer les politiques d’éviction ou de réduction des expositions professionnelles aux agents classés CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique) – Constituer des bases de données documentant l’historique des expositions dans les milieux professionnels à partir d’échantillons représentatifs – Favoriser la traçabilité et l’enregistrement au niveau individuel des expositions passées, ou actuelles, à des produits cancérogènes en milieu professionnel ; l’usage de la bio-métrologie doit être renforcée quand elle est disponible – Renforcer l’information au sein des personnels et des acteurs de la prévention de l’entreprise vis-à-vis des risques liés à l’exposition à des produits cancérogènes en milieu professionnel – Faire évoluer les recommandations de surveillance des populations ayant été exposées professionnellement à des produits cancérogènes, en prenant en compte les données scientifiques récentes (démarche médicale fondée sur les preuves) – Constituer des bases de données bien échantillonnées des expositions en environnement général, tenant compte des modes de vie aux différents âges.

AMIANTE

L’amiante est un cancérogène professionnel avéré pour le poumon (même en l’absence d’asbestose) et pour le mésothéliome. Il s’agit de la plus fréquente des expositions professionnelles à l’origine de cancers du poumon. Même si les données récentes mettent en évidence une diminution nette des niveaux d’exposition depuis 1997 (année de l’interdiction en France de l’utilisation d’amiante), divers corps de métiers sont susceptibles d’intervenir sur des matériaux contenant encore de l’amiante. Il existe des dispositions réglementaires spécifiques, pour les interventions de retrait de matériaux contenant de l’amiante, pour l’inventaire et le contrôle de l’état de conservation des matériaux contenant de l’amiante en place, ainsi que pour le circuit de gestion des déchets. Recommandation : veiller à renforcer les mesures de suivi des expositions à l’amiante – Dans le cadre du plan d’action amiante, renforcer les mesures de prévention et de protection dans les secteurs professionnels concernés par une exposition aux fibres d’amiante – Assurer une information des personnes en milieu du travail sur toutes les sources d’exposition résiduelle mais également auprès des particuliers effectuant divers travaux de rénovation.

RADON DOMESTIQUE ET EN MILIEU PROFESSIONNEL

Le radon est classé comme cancérogène avéré pour le cancer du poumon. Il pourrait également être impliqué dans les leucémies chez l’adulte et chez l’enfant. Il est connu de longue date que le radon est à l’origine de décès par cancer du poumon chez les mineurs en particulier dans les mines d’uranium. Si l’exploitation de ces mines a cessé en France depuis 2001, d’autres populations peuvent être exposées à des concentrations de radon élevées du fait de leur profession (autres mines, établissements thermaux…) ou parce que leur activité est effectuée partiellement en sous-sol (champignonnières, caves vinicoles…). Il est aujourd’hui reconnu que le radon représente un risque même aux concentrations présentes dans les habitations ou bâtiments publics. L’excès de risque est estimé à 8-10 % pour 100 Bq/m3. Le nombre de personnes exposées est important. Une large campagne de mesure à l’intérieur des habitations a fourni une couverture nationale de plus de 10 000 communes répartie dans tous les départements métropolitains et la Corse. Une concentration de radon supérieure à 200 Bq/m3 est observée dans environ 9 % des habitations. Recommandation : Réduire les expositions au radon domestique et en milieu professionnel – Poursuivre l’inventaire des situations d’exposition au radon en milieu du travail. Il est nécessaire de disposer d’une estimation fiable des expositions et des effectifs de travailleurs concernés – Diffuser l’information sur les risques à l’ensemble des personnels potentiellement exposés de par leur profession, ainsi qu’aux personnes chargées de leur suivi médical. L’adaptation à ces populations des normes de radioprotection actuellement en vigueur dans les mines devra être mise en oeuvre – Constituer des bases de données sur les zones géographiques à risque élevé d’émanation et les sites où subsistent des dépôts miniers pouvant contaminer les cours d’eau – Promouvoir des outils d’information pour le public, les professionnels du bâtiment, les équipes de santé environnementale sur les risques et sur les mesures préventives qui peuvent réduire l’exposition – Etudier la faisabilité de différentes stratégies d’intervention afin d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre réglementaire européen

PARTICULES FINES ET ULTRAFINES

Plusieurs études ont montré une association entre les particules atmosphériques et le cancer du poumon. Les particules réglementairement mesurées (PM10) forment un mélange complexe qui varie en fonction du lieu et de la période de l’année. Elles proviennent essentiellement du trafic automobile, du chauffage et des activités industrielles. Les données acquises sur les particules diesel ont joué un rôle important dans la compréhension des effets biologiques. Les particules diesel peuvent représenter en France jusqu’à 90 % des émissions particulaires liées au trafic routier. Les concentrations moyennes annuelles de PM10 ont diminué entre 1996 (date du début de leur surveillance) et 1999. On n’observe pas de tendance nette à la baisse de 1999 à 2006 (actuellement autour de 20 μg/m3 sur les stations urbaines ; les niveaux mesurés sont plus élevés à proximité de trafic routier), malgré la réduction des émissions dans la plupart des secteurs. Il est admis que les particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 micromètres (PM2,5) présentent une activité biologique plus grande que les grosses particules car elles peuvent atteindre les alvéoles pulmonaires et franchir les barrières épithéliales (particules ultra-fines). Certains travaux ont estimé qu’environ 1 300 et 1 900 décès par cancer du poumon pourraient être évités chaque année dans 23 villes européennes si les niveaux moyens de PM2,5 étaient ramenés respectivement à 20 et à 15 μg/m3. Par ailleurs, à partir des concentrations de PM2,5 relevées chez des individus vivant dans quatre agglomérations françaises (Paris, Grenoble, Rouen et Strasbourg), des auteurs évaluent à 10 % les cancers du poumon attribuables à l’exposition aux PM2,5. La nouvelle directive européenne sur la qualité de l’air (publiée en juin 2008) introduit un seuil applicable aux poussières PM 2,5 qui n’étaient pas réglementées jusqu’à présent. La valeur cible de 25 μg/m3 en 2010 deviendra contraignante à partir de 2015. Recommandation : Réduire les expositions aux particules fines et ultrafines – Suivant les avis de différentes institutions [[Avis du Conseil national de l’air en date du 22 mars 2006, du Conseil supérieur d’hygiène publique de France en date du 12 mai 2006 et du Haut conseil de la santé publique en date du 7 novembre 2007.]], établir en France, pour les PM2,5, des valeurs limites journalière de 25 μg/m3 et annuelle de 10 μg/m3 proposées par l’OMS Europe, à échéance de 2020, avec un plan annuel de réduction contraignant – Prendre les mesures nécessaires pour réduire les concentrations ambiantes et donc les émissions sur les sites industriels et sur des stations de proximité relative au trafic routier où les valeurs limites en moyenne annuelle et journalière sont dépassées – Promouvoir l’utilisation de dispositifs permettant de réduire l’émission de particules fines et ultrafines des véhicules à moteur et en particulier des poids lourds, engins lourds, autobus, qui sont les plus forts émetteurs.

RAYONNEMENTS X ET GAMMA

L’exposition externe aux rayonnements ionisants est classée comme cancérogène avéré par le Circ. De nombreuses études ont démontré ou suggéré une augmentation du risque de plusieurs types de cancer (cancer du poumon, leucémie, cancer de la thyroïde, cancer du sein, mésothéliome, tumeurs cérébrales) avec l’exposition aux rayonnements ionisants (X et gamma). L’excès de risque par unité de dose est généralement plus élevé pour une exposition durant l’enfance qu’à l’âge adulte. En particulier, il a été montré que les examens radiologiques répétés, que cela soit dans l’enfance ou à l’âge adulte, augmentent le risque de cancer du sein, et pourraient augmenter celui d’autres cancers. Les professionnels concernés par l’exposition aux rayons X ou gamma sont les travailleurs de l’industrie nucléaire, les radiologues et techniciens radiologistes. Plus de 250 000 personnes sont surveillées annuellement en France pour l’exposition externe aux rayonnements ionisants. Plus de 95 % des travailleurs surveillés reçoivent moins de 1 mSv (limite de dose annuelle recommandée pour le public), et quelques dizaines dépassent 20 mSv (valeur limite d’exposition pour la dose annuelle moyenne des travailleurs sous rayonnement, établie sur une période de 5 ans). Dans l’environnement général, différents systèmes permanents permettent une surveillance continue des débits de dose dans l’air ou l’eau, complétée par des campagnes spécifiques. Ces données servent de bases à des estimations de l’exposition de la population française aux rayonnements ionisants. Environ 60 à 73 millions d’examens diagnostiques radiologiques sont réalisés chaque année en France, soit environ un examen par personne. Il est noté une augmentation de 5 à 8 % du nombre d’examens réalisés par an. Entre 1983 et 1996, la fréquence des examens radiologiques a augmenté de 10 % tandis que la dose moyenne par examen augmentait sur la même période de 20 % et la dose collective annuelle de près de 50 %. L’examen scanographique est à l’origine de près de 40 % de la dose collective reçue. Recommandation : Surveiller les expositions aux rayonnements X et gamma – Compléter l’enregistrement national individuel des expositions professionnelles des travailleurs exposés, limité actuellement aux expositions externes. La reconstitution des doses dues à des contaminations internes permettrait d’améliorer l’estimation réelle des doses d’exposition des travailleurs – Effectuer un suivi des pratiques radiologiques en France compte tenu du nombre de personnes concernées. Il est particulièrement important de mieux préciser les expositions des populations sensibles que sont les enfants, ainsi que les doses reçues pour pouvoir évaluer le risque sanitaire à long terme et pour cibler des actions de réduction des expositions – Etablir un enregistrement national individuel des examens radio-diagnostiques sur le modèle du fichier existant pour les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants – Mettre en place un carnet des doses absorbées pour chaque individu. Les informations dosimétriques figurent dans le compte rendu de l’examen utilisant les rayonnements ionisants (JO du 29 septembre 2006).

PESTICIDES

Les pesticides regroupent différentes familles chimiques destinées à différents usages (insecticides, herbicides, fongicides…), variables en fonction des contextes agricoles. Le Circ a classé l’application professionnelle d’insecticides non arsenicaux dans les activités relevant du groupe cancérogène probable (groupe 2A). L’arsenic est classé comme cancérogène certain, le captafol et le dibromure d’éthylène comme cancérogènes probables (groupe 2A) et dix-huit molécules, dont le DDT, sont classées comme cancérogènes possibles (groupe 2B). Près d’un millier de molécules ont été mises sur le marché en France ; les risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de données toxicologiques et épidémiologiques suffisantes. Les expositions professionnelles aux pesticides ont été plus particulièrement mises en cause dans les hémopathies malignes lymphoïdes. Des études en populations agricoles suggèrent leur implication dans les tumeurs cérébrales et dans les cancers hormono-dépendants (cancers de la prostate, du sein, des testicules, de l’ovaire). Chez l’enfant, l’utilisation domestique de pesticides, notamment d’insecticides domestiques, par la mère pendant la grossesse et pendant l’enfance a été régulièrement associée aux leucémies et, à un moindre degré, aux tumeurs cérébrales. La plupart des études souffrent cependant d’une forte imprécision sur l’exposition aux pesticides, souvent réduite à la notion d’utilisation ou non de pesticides ou des grandes familles telles que insecticides, fongicides, herbicides. La réalité de l’exposition en milieu agricole est beaucoup plus complexe, du fait de la diversité des secteurs, des cultures, des tâches et du matériel utilisé. Les pesticides sont retrouvés dans tous les compartiments de l’environnement et peuvent donc conduire à une exposition de la population générale par les aliments, l’eau de boisson, l’air intérieur et extérieur et les poussières de la maison. Les données sur les risques sanitaires liés à ces contaminations demeurent trop parcellaires pour pouvoir être prises en compte dans la définition des seuils dans les différents milieux. Recommandations : Réduire les expositions aux pesticides – Agir à la fois sur le type de pesticides et sur les modes d’utilisation de ces produits pour réduire l’exposition selon les objectifs du plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides 2006-2009 – Renforcer l’information des utilisateurs de pesticides à usage professionnel ou domestique, et la formation des professionnels – Développer une meilleure connaissance de la contamination des compartiments de l’environnement (air, eau, sol et denrées alimentaires) – Concernant le suivi des populations exposées, documenter les expositions via les différents milieux d’apport ; distinguer les différentes formes de pesticides utilisés et le type d’usages, évaluer les quantités utilisées, préciser les périodes d’emploi ; utiliser les marqueurs d’exposition. Ces données devraient permettre de mieux appréhender le risque lié à l’utilisation de ces produits.

Recherches pour une meilleure maîtrise de la gestion du risque

Les effets des expositions chroniques à de faibles doses de polluants et ceux des mélanges demeurent un problème non résolu. De même, la possibilité d’interaction entre différents polluants (synergie, opposition, indépendance) peut être cruciale pour les contaminants souvent associés (par exemple pesticides et dioxines) ou les contaminants présents dans des particules (constituants de particules atmosphériques). Enfin, de nombreux polluants peuvent avoir des effets multiples et il est nécessaire d’envisager l’ensemble des mécanismes d’action possibles. L’exposition de la population générale à un ou des agents chimiques ou physiques soupçonnés d’être cancérogènes est le plus souvent une exposition à de faibles doses. La question du risque aux faibles doses peut être illustrée par l’exemple des expositions aux radiations ionisantes. Les résultats épidémiologiques concernant la survenue de cancers après exposition aux radiations proviennent de populations ayant reçu des expositions externes élevées, corps entier, et sur une courte période. Des hypothèses sont alors nécessaires pour appliquer les relations dose-réponse estimées à des populations soumises à des expositions de type différent (exposition chronique, exposition de faible niveau, contaminations internes par ingestion ou inhalation…). De nombreuses incertitudes persistent, en particulier sur les effets des expositions chroniques à faibles doses et sur les effets des expositions internes. En dessous de 100 mSv, les effets des rayonnements ionisants ne sont pas démontrés mais les risques potentiellement associés représentent un enjeu majeur de santé publique dans la mesure où une part importante de la population générale est soumise à ces faibles doses. Cette situation non scientifiquement tranchée conduit à des positions qui peuvent être divergentes (à partir de mêmes données) pour la gestion du risque. Le système de radioprotection actuel repose sur un modèle d’extrapolation linéaire aux faibles doses compatible avec les connaissances disponibles. La prise en compte dans ces modèles de facteurs tels que l’âge à l’exposition, le délai depuis l’exposition ou le débit de dose apparaît de plus en plus pertinente dans l’évaluation des risques de cancers aux faibles doses de rayonnements ionisants. Tous les individus ne réagissent pas de la même façon aux expositions à des agents cancérogènes. Il existe une immense diversité génétique d’un individu à l’autre, due au caractère polymorphe du génome humain. L’efficacité des enzymes impliquées dans la réparation de l’ADN, ainsi que des enzymes qui jouent un rôle dans le métabolisme des cancérogènes (activation ou détoxification en vue de l’élimination de l’organisme) dépend des variations nucléotidiques présentes dans le génome (polymorphismes génétiques). Ces différences d’efficacité des enzymes sont susceptibles de moduler les effets génotoxiques des facteurs environnementaux. La situation est encore plus complexe dans le cas des cancers hormono-dépendants, puisque de nombreuses enzymes polymorphes sont impliquées dans le métabolisme hormonal. Les interactions gène-environnement ont déjà fait l’objet de nombreux travaux, en particulier dans les cancers liés au tabac comme le cancer du poumon. Les interactions mises en évidence dans ces études sont peu nombreuses et rarement reproduites dans la littérature internationale. Les avancées récentes sur les techniques de génotypage (biopuces) permettent actuellement l’analyse simultanée de plusieurs centaines de milliers de polymorphismes dans les études épidémiologiques. Ces technologies qui peuvent être utilisées dans le cadre d’études de grande envergure au niveau international. Elles devraient permettre d’aborder les interactions entre les facteurs environnementaux et les polymorphismes génétiques dans toute leur complexité, à condition toutefois qu’un effort majeur soit également fait sur la caractérisation de l’environnement. Recommandations : Renforcer la recherche épidémiologique, toxicologique et moléculaire – Promouvoir une recherche étiologique de qualité, sans restriction thématique, dans le domaine des risques environnementaux de cancer, en soutenant le recrutement de nouveaux chercheurs et la formation sur ces problématiques – Soutenir les études sur les effets des expositions à faibles doses à des agents reconnus comme cancérogènes à fortes doses – Soutenir les travaux permettant une analyse des risques intégrée vie entière – Poursuivre et renforcer les recherches qui permettent d’améliorer la quantification des associations entre les expositions et les risques (établissement de relations dose-effet, modélisation) – Poursuivre et renforcer les recherches qui concourent à la connaissance des effets d’expositions conjointes (synergies, additivités, antagonismes) – Poursuivre et renforcer les recherches épidémiologiques d’envergure sur les interactions entre facteurs génétiques et facteurs environnementaux – Susciter et soutenir la recherche fondamentale sur les mécanismes d’action cancérogène des polluants – Développer des démarches toxicologiques nouvelles adaptées à la situation de l’exposition aux mélanges de composés à l’état de trace. Ceci fait appel à une stratégie d’éco-toxico-pharmacologie adaptée, capable de décrire les mécanismes d’action, les passages transbarrières ou les interactions cellulaires – Développer les outils et les compétences en modélisation des risques, notamment pour l’établissement des relations dose-réponse et la prise en compte de la toxicodynamie et de la toxicocinétique.

 

Pour en savoir plus

Qu’est-ce que l’expertise collective de l’Inserm ?
Groupe d’experts et auteurs

– Coordination scientifique : Centre d’expertise collective de l’Inserm, sous la responsabilité de Jeanne Etiemble – Référence de l’ouvrage

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David Naulinhttp://cdurable.info
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