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Bilan du Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec

Véritable opération de blanchiment écologique pour les uns, révolution parée de toutes les vertus pour les autres, le Grenelle de l’environnement fut au centre de l’agenda politico-médiatique durant trois longues années. Fin octobre 2007, l’Etat, les collectivités locales, les syndicats et certaines associations se réunissaient afin de sceller « les accords du Grenelle » : deux cent soixante-huit engagements devaient marquer une véritable rupture…

Bilan du Grenelle de l'environnement : l'histoire d'un échec
Bilan du Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec
« Révolution », « Grenelle mondial », « New deal écologique », dixit le chef de l’Etat… « Monument écologique », « changement de paradigme » confirmait son ministre de l’Ecologie. « Transformation profonde des comportements » pour le patron des députés UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé. « Aucun gouvernement – en France ou ailleurs – n’a fait autant pour l’environnement que le gouvernement Fillon », ajoutait encore le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer… Malgré cette longue litanie de petites phrases et grands discours, les non-dits, reculs et engagements virtuels ont fini de justifier les craintes de celles et ceux qui avaient émis des doutes sur l’objectif caché de ce Grenelle. En 2010, le Président de la République, quelques jours avant le débat parlementaire entourant l’adoption de la seconde loi issue du Grenelle, n’a-t-il pas lui même refermé le petit livre vert du grenelle en lâchant devant des agriculteurs : « L’environnement… ça commence à bien faire ! » ?
Grenelle de l'environnement : paroles, paroles, paroles ...
Grenelle de l’environnement : paroles, paroles, paroles …
Dans un ouvrage publié en septembre dernier, « Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec », Stephen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement tire les enseignements de cette grand-messe écologique en listant notamment quelques-unes des décisions prises parallèlement au Grenelle : relance autoroutière, construction de réacteurs nucléaires, inscription de maïs transgéniques au catalogue des semences, homologation de certains insecticides tueurs d’abeilles, inauguration d’incinérateurs, report de la taxe carbone et de la taxe « poids lourds », déclaration d’utilité publique octroyée à un projet d’aéroport situé sur une zone humide… Du coup, pour 74% des Français, le Grenelle est un échec selon un sondage réalisé par Opinion Way pour Terra Eco. Pour découvrir les résultats complet de cette étude et lire les réactions d’Isabelle Autissier, Pierre Rabhi, Jean-Marc Jancovici et Hubert Reeves, cliquez ici.
Une analyse du Réseau Action Climat France
Une analyse du Réseau Action Climat France
« Le moins que l’on puisse dire c’est que le « New deal » écologique promis par le Président de la République n’a pas eu lieu », constate également Olivier Louchard, Directeur du Réseau Action Climat-France. « Au contraire, ce que certains redoutaient déjà en 2007 est arrivé : les petites avancées que le gouvernement affiche ne doivent pas masquer l’absence criante de mesures de rupture, structurantes et réellement efficaces ». Trois ans après les engagements des tables rondes et le discours enflammé de Nicolas Sarkozy le 25 octobre 2007 et au rapport remis à Jean-Louis Borloo le 2 novembre dernier, le Réseau Action Climat propose son bilan du Grenelle de l’environnement (Télécharger le Bilan du Grenelle par le Réseau Action Climat – Mise à jour du 1er Novembre 2010 en cliquant ici) : – L’enterrement de la taxe carbone : « L’abandon de la taxe carbone au lendemain des élections régionales aura eu un mérite : faire tomber les masques, commente Karine Gavand, responsable climat à Greenpeace. Il est clair désormais que l’environnement est avant tout une tactique électorale, et l’opportunisme politique de Nicolas Sarkozy sans bornes. La mise en place de cette mesure, structurante et structurelle, vendue par le candidat à la présidentielle comme le pilier de sa politique environnementale, aurait eu le mérite d’enclencher une réelle prise de conscience au sein de la société française. Le renoncement du gouvernement, après le fiasco de Copenhague, encourage, dangereusement, le sentiment d’un « à quoi bon ? ». »La Contribution Climat Energie au point mort : Ce devait être LA mesure permettant d’asseoir enfin une fiscalité écologique efficace en France. Désormais renvoyée à une improbable décision européenne, personne n’ose l’envisager, ni même la proposer pour la loi de Finances 2011 actuellement examinée au Parlement. Le rendez-vous est d’ores et déjà pris avec les candidats aux présidentielles 2012. – Le dossier noir des transports : Premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 26% des émissions nationales, les transports risquent de le rester encore très longtemps : relance d’un programme routier/autoroutier (plus de 1000 km), taxe kilomètres poids lourds reportée à 2012 (enfin peut-être), casse de l’activité wagons isolés dans le plan Fret, autorisation de circulation pour les 44 tonnes (denrées agricoles), etc. Quant au secteur aérien, le plus énergivore par passager et km parcouru, il est préservé : le kérosène reste le seul carburant exonéré de taxes et l’aéroport Notre Dame des Landes est bien inscrit dans le projet de schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Résultat : l’objectif pour 2012 d’augmenter de 25% la part modale du fret non routier et non aérien (soit 17,5%) ne sera pas atteint. Au contraire, au lieu d’augmenter, cette part a diminué pour ne représenter que 12% en 2009 alors qu’elle était de 14% en 2006 (année de référence). Par ailleurs, le soutien à l’alternative que représente le vélo pour les déplacements individuels de courte distance se fait toujours attendre en France : alors que la part modale du vélo en Europe du nord et en Allemagne est à deux chiffres, ici elle est à peine de 3%. – L’agriculture parent pauvre des mesures climat : L’agriculture est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre (21%) en France. Les discussions se sont surtout focalisées sur les consommations énergétiques (émissions de CO2) avec le lancement d’un plan de performance énergétique des exploitations agricoles. Même si une relance des protéagineux et autres légumineuses a été décidée, aucun objectif précis ou mesure significative n’a été retenue pour réduire drastiquement les émissions de N2O et de CH4 qui représentent pourtant plus de 90% des émissions agricoles. – Imposture sur les agrocarburants : Le Grenelle demandait une étude exhaustive et contradictoire sur les bilans énergétiques et GES des agrocarburants produits en France. En laissant de côté l’impact indirect du changement d’affectation des sols (conversion de jachères ou de prairies, déforestation au Sud), les bilans GES des agrocarburants ne peuvent pas être considérés comme complets. Pourtant, ces données continuent à être la caution des avantages fiscaux pour les filières industrielles d’agrocarburants, la défiscalisation étant reconduite tous les ans dans la loi de finances. Le RAC demande la suppression de ces aides injustifiées car les quelques 480 millions d’euros qui seront octroyés aux industriels en 2011 trouveraient bien meilleur emploi auprès de filières qui réduisent réellement les émissions de GES et permettent à la France d’améliorer son indépendance énergétique. – Bâtiments : progrès sur le neuf, enlisement sur l’ancien : La généralisation des bâtiments neufs à basse consommation semble sur la bonne voie bien que les retards s’accumulent. C’est déjà ça. Mais l’enjeu réel se situe bien sûr ailleurs : la rénovation thermique des bâtiments existants. Alors que la loi Grenelle 1 fixe un objectif très ambitieux (38 % de baisse de consommation du parc d’ici 2020), les outils et les moyens déployés ne sont pas à la hauteur de l’enjeu et pourraient même être contre-productifs si les rénovations sont faites à moitié, rendant l’atteinte d’une bonne performance énergétique impossible. De plus, l’immense chantier promis tarde à se mettre en place, faute de programme précis, de moyens d’envergure et de forte mobilisation des professionnels. – Énergie : fossile et nucléaire toujours, les énergies renouvelables en galère : L’objectif européen de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2020 (contre 10% aujourd’hui) a été inscrit dans la Loi Grenelle 1. Cela signifie qu’il faudra maîtriser notre consommation d’énergie et développer massivement les énergies renouvelables, ce qui est loin aujourd’hui d’être le cas. En décidant de construire deux nouveaux EPR, le gouvernement a réaffirmé sa politique résolument pro-nucléaire. Ceci est un non sens absolu puisque le pays est en surcapacité. Rappelons également qu’en plus d’être inutile, l’EPR est inefficace en économie de CO2 et très coûteux. Et que dire du terminal charbonnier à Cherbourg, projet qui mise sur un développement de la filière charbon en Europe ? La feuille de route énergétique du Grenelle prévoit de faire passer la production à partir d’ENR de 20 Mtep à 37 Mtep d’ici 2020. En représentant près d’un tiers des nouvelles productions (5 Mtep), la filière éolienne doit y jouer pleinement son rôle. Pourtant les dispositions de la loi Grenelle 2 ont rendu plus contraignantes les règles d’implantations d’éoliennes (classement ICPE, seuil minimum de 5 éoliennes par parc, etc.), ce qui risque fortement de mettre un coup d’arrêt au développement de la filière. Les récentes communications du gouvernement montrent par ailleurs un manque de soutien à la filière photovoltaïque qui est tout aussi inquiétant. Du côté de la chaleur renouvelable, si l’on peut se réjouir de la création du fonds chaleur, il est urgent de mener un travail de mobilisation de la ressource biomasse avec les collectivités. Enfin, l’information citoyenne de proximité sur les questions d’énergie a été complètement occultée, ce qui n’incite pas les français à s’intéresser à des enjeux qui les concernent individuellement et collectivement. – La taxe sur les incinérateurs et les centres de stockage dépouillée de son contenu : La TGAP, mesure phare du Grenelle sur les déchets, présente l’avantage de renchérir le coût du stockage, à l’origine de 13% des émissions annuelles de méthane en France, et de l’incinération des déchets, qui produit annuellement autant de CO2 que 3 millions de voitures. La portée de cet outil fiscal, incitatif à la réduction et au recyclage, a malheureusement été significativement réduite par l’action de certains industriels qui ont su négocier des modulations sur la base de critères sans rapport avec l’objet de la taxe. D’un montant initialement prévu entre 10 et 20 euros par tonne de déchets, la TGAP a vu ses montants réduits de 1,5 à 7 euros par tonne de déchets. La TGAP « version light » survivra-t-elle à la prochaine loi de finances ? La transition vers une politique déchets moins émettrice de gaz à effet de serre et plus préservatrice de nos ressources est loin d’être assurée. – Politiques territoriales et urbanisme : des avancées. Le Grenelle a identifié les collectivités territoriales comme étant des acteurs incontournables des politiques climat-énergie. A ce titre, les régions, départements, communautés urbaines, communautés d’agglomération ainsi que les communes et communautés de communes de plus de 50 000 habitants doivent avoir adopté un plan climat-énergie territorial pour le 31 décembre 2012. Si cette obligation constitue une avancée majeure, il est regrettable que le texte de loi restreigne le champ d’action aux compétences de la collectivité et délaisse par conséquent l’approche territoriale. Autre biais majeur : l’obligation ne couvre pas l’ensemble du territoire français et met ainsi les communes et intercommunalités de moins de 50 000 habitants et les territoires de projet (pays, Parcs Naturels Régionaux), soit en pratique les territoires ruraux, sur la touche. Concernant l’urbanisme, de réelles avancées ont été obtenues avec la nécessité de prendre en considération la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables dans les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU).

L’histoire d’un échec

Grenelle de l'environnement L'histoire d'un échec
Grenelle de l’environnement L’histoire d’un échec
A la lecture de ces résultats, comment expliquer l’engouement dont a fait l’objet ce Grenelle ? Ne faut-il pas, a contrario, ouvrir les yeux sur un processus hors-sol construit avant tout pour saturer l’agenda médiatique et verdir une politique éco-prédatrice ? s’interroge Stephen Kerchove. Avec son livre, il vous propose des réponses à ces questions, un bilan ainsi qu’une analyse du Grenelle de l’environnement, qui ne pourront que vous éclairer sur ces trois années de négociation. – Références : Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec de Stephen Kerchove – Editeur : Yves Michel – 128 pages – ISBN : 978 2 913492 87 5 – Prix public : 10 € – Achetez l’ouvrage « Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec » chez notre partenaire Amazon.fr pour 9,50 € en cliquant ici.
Grenelle de l'environnement, la supercherie écologique
Grenelle de l’environnement, la supercherie écologique
Jean-Christophe MATHIAS, chercheur indépendant et conférencier spécialisé en politique de l’environnement, vient de publier lui aussi son analyse critique du Grenelle. Avec « Grenelle de l’environnement, la supercherie écologique », il qualifie ce grenelle d’« opération de prostitution de l’écologie ». Pour en savoir plus sur cet ouvrage, cliquez ici. Enfin, Terra eco propose dans son nouveau numéro un dossier complet sur le Grenelle de l’environnement et le bilan de Nicolas Sarkozy. Pour en savoir plus, cliquez ici.

 

Contacts :

– Olivier Louchard – Réseau Action Climat : 01.48.58.83.92

– Karine Gavand – Greenpeace : 06.77.04.61.90

– Jean Sivardière – FNAUT : 04.76.75.23.31

– Raphaël Claustre – Comité de Liaison Energies Renouvelables : 06.03.85.87.96

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