A l’heure où une nouvelle Assemblée nationale se forme et qu’un nouveau gouvernement se dessine, Oxfam France publie une étude sur les politiques d’adaptation de la France au changement climatique. Les conclusions sont claires : les pouvoirs publics n’anticipent pas assez les politiques et les investissements nécessaires à l’adaptation et ne protègent à ce jour pas les citoyennes et citoyens face aux conséquences du changement climatique.
Oxfam révèle que plus de la moitié des droits humains est menacée en France du fait de l’improvisation des pouvoirs publics en matière d’adaptation et en l’absence de politique globale ambitieuse.
Changement climatique :
nous ne sommes pas prêt⸱es !
Retour sur le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC)
Dès son arrivée au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu a fait de l’adaptation au changement climatique une priorité de son action. Il était et reste persuadé qu’adapter la France aux effets du dérèglement climatique est une nécessité pour préserver notre prospérité, nos libertés et notre puissance dans un monde qui change vite.
Cela ne signifie pas que la France a renoncé à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. C’est même le contraire : les émissions de notre pays ont baissé de près de 6% en 2023, comme jamais auparavant dans notre histoire.
Pour préparer le pays à un réchauffement qui pourrait atteindre 4°C à la fin du siècle, une grande stratégie publique a permis d’émaborer le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). Ce document est le résultat d’un travail des administrations de l’Etat et des parties prenantes pour préparer toutes les composantes de la vie de la Nation à la nouvelle donne climatique.
Le 3ème PNACC était sur le point d’être mis à consultation lorsque l’Assemblée nationale a été dissoute. Le Gouvernement démissionnaire ne pourra pas endosser la responsabilité d’une stratégie qui engage l’avenir du pays sur plusieurs décennies. Il appartiendra au futur gouvernement d’en assumer la responsabilité politique.
Fondé sur la science, la trajectoire de réchauffement qui lui sert de boussole est une trajectoire scientifique robuste et largement partagée. Ce Plan concerne l’ensemble de la vie de la Nation et s’adresse à tous les publics (entreprises, citoyens, jeunes, collectivités, agriculteurs …)
- Au niveau normatif, elle est pragmatique puisqu’elle mêle incitations, recommandations, normes techniques et règles de droit positif à édicter
- Au niveau temporel, elle prévoit des mesures immédiates, de moyen terme et de long terme ;
- Au niveau territorial, elle propose une responsabilisation des collectivités territoriales et une différenciation locale afin de faire émerger les solutions du terrain.
- Au niveau justice et finance, les mesures du PNACC visent à éviter le coût abyssal pour la collectivité de l’inaction ou de la « mal-adaptation » et propose une refonte de nos mécanismes d’indemnisation et de prévention en direction des ménages les plus modestes.
J’ai mesuré l’impérieuse nécessité pour la puissance publique de préparer la Nation au monde qui nous attend. J’ai la conviction qu’avec une stratégie, un cap et une volonté, la France restera quoi qu’il arrive libre, prospère et belle. Le PNACC est une première étape sur ce long chemin de l’adaptation, auquel j’ai été heureux et fier d’apporter une pierre
Christophe Béchu
Adaptation au changement climatique : les chiffres clés
- Au moins 26 des 50 droits fondamentaux de l’UE sont directement menacés en France du fait de la négligence de l’État en matière d’adaptation, dont le droit à la santé, le droit à l’éducation, ou encore, le droit à un logement digne.
- 1,3 million d’enfants français en maternelle seront exposés à une chaleur excédant 35° dans les classes d’ici 2030. 55% des écoles maternelles françaises seront concernées et dans 4 départements, – les Bouches du Rhône, la Seine-Saint-Denis, Paris et la Gironde -, ce seront 100% des maternelles.
- Aujourd’hui, 36% des travailleur⸱euses sont déjà exposé⸱es aux chaleurs extrêmes sur leur lieu de travail.
- D’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture à cause des aléas climatiques extrêmes, et 3% des écoles primaires et 2,3% des maisons de retraite seront affectés par la montée des eaux.
Face aux conséquences des changements climatiques, les inégalités se creusent en France
Comme le reste du monde, la France est touchée de plein fouet par la crise climatique. L’été 2023 a été l’un des plus chauds mesurés en France, tandis que l’année 2022 a vu se cumuler tous les aléas climatiques extrêmes : sécheresse, mégafeux, orages violents… On considère que 62% de la population française est exposée de manière forte ou très forte aux risques climatiques.
Changement climatique et inégalités s’alimentent réciproquement : si ce sont les plus riches qui émettent le plus de gaz à effet de serre et qui donc aggravent le plus la crise climatique, ce sont les plus vulnérables qui sont en première ligne des conséquences de cette crise. Les ménages pauvres et modestes, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les groupes marginalisés sont parmi les plus affectés.
Le rapport d’Oxfam révèle, qu’en Europe, les 20% les plus riches sont mieux protégés que les 20% les plus pauvres. En cause : des politiques publiques et actions d’adaptation qui bénéficient en premier lieu aux plus riches.
Les droits fondamentaux sont menacés en France
Dans son rapport, Oxfam a calculé qu’au moins 26 des 50 droits fondamentaux inscrits aux articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne sont menacés si l’Union européenne et la France ne se donnent pas les moyens d’adapter les populations aux effets du dérèglement climatique. Cette menace concerne des droits aussi centraux que le droit à la santé, à l’éducation ou encore, le droit à un logement digne.
Dans le domaine de la santé par exemple, d’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture du fait de l’inadaptation des infrastructures aux événements climatiques extrêmes.
Le droit du travail en manque d’adaptation
A l’image de l’ensemble du cadre règlementaire et législatif français, le droit du travail n’est pas pensé pour une France à +4°C. Aujourd’hui, 36% des travailleur⸱ses français⸱es en France sont déjà exposé⸱es aux chaleurs extrêmes sur leur lieu de travail.
Parmi les professions les plus vulnérables face aux conséquences du changement climatique, on retrouve notamment les travailleur⸱ses du bâtiment, les agriculteur⸱rices et les personnels soignants.
A ce jour, le code du travail ne propose aucune règle précise en cas de vague de chaleur et ne comporte, par exemple, aucune indication de température maximale au-delà de laquelle il serait interdit de travailler ou qui pourrait justifier de l’exercice du droit de retrait.
Les politiques d’adaptation en France : la grande improvisation
Le rapport d’Oxfam montre que l’adaptation à la française est une adaptation non planifiée, en réaction et par à-coup. Les pouvoirs publics attendent que les catastrophes se produisent pour tenter de les réparer.
Pourtant, la France s’est dotée depuis 2011 d’un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), qui vise à présenter des mesures concrètes pour limiter les effets négatifs du dérèglement climatique en France. Mais ce plan est une coquille vide, sans aucune mesure concrète traduisible en actes politiques avec des objectifs atteignables et ambitieux.
Par ailleurs, l’approche des pouvoirs publics est aujourd’hui sectorielle. Il n’existe pas de vision globale de l’adaptation et encore moins d’analyse sociale des politiques publiques envisagées.
Adaptation : les recommandations d’Oxfam
Oxfam appelle à une planification socialement juste de l’adaptation en France et formule plusieurs recommandations en ce sens :
- Plusieurs dizaines de milliards d’euros par an justement répartis pour l’adaptation en France, assorti d’un système fiscal juste ;
- Une adaptation démocratique et transparente appuyée sur des analyses de vulnérabilité et sur une institution nouvelle composée de citoyen⸱nes chargée de décider de l’adaptation d’un territoire donné ;
- Des investissements publics conditionnés à des critères d’efficacité et de réduction des inégalités ;
- Un Plan national d’adaptation au changement climatique opposable et contraignant permettant de rendre l’État redevable vis à vis des citoyen⸱n⸱es pour qui des droits sont menacés ;
- Un droit du travail réformé et adapté aux effets du changement climatique afin de garantir une protection juridique aux travailleur⸱euses ;
- Une adaptation juste au niveau international, la France devant assumer pleinement sa responsabilité historique dans le changement climatique en finançant, à la hauteur des besoins, l’adaptation des pays du Sud global.