L’auteur : Marc Mangin sillonne l’Asie, et la Chine en particulier, depuis plus de 20 ans. Chroniqueur économique, formé à l’anthropologie sociale, il a toujours posé un regard critique sur le développement économique de l’Asie.
Chine - L’empire pollueur de Marc Mangin - Editeur : Arthaud - Parution : 11/04/2008 - Nb de pages : 204 pages - Format : 13 x 20 - EAN13 : 9782700301410 - Prix public : 15,00 €
Quatre questions à l’auteur
Le titre de votre livre ne sonne-t-il pas comme une terrible accusation ?
Marc Mangin : Pointer la Chine comme responsable de la pollution du monde serait un peu réducteur ! Ce pays n’est que le reflet du modèle de société imposé par les Occidentaux à toute la planète depuis le début de l’ère industrielle. Il a été isolé pendant longtemps, interdit d’accès à la technologie. Aujourd’hui, il profite de notre système qui consiste à produire toujours plus, quitte à gaspiller et à détruire l’environnement. La logique capitaliste a atteint ses limites. Le constat que je dresse dans ce livre montre les aberrations du modèle de développement économique en vigueur depuis le XIXe siècle.
Ce constat est accablant au point de dessiner un avenir apocalyptique. La Chine ne se rend-elle pas compte qu’elle se met elle-même en danger ?`
Marc Mangin : Les Chinois sont mieux placés que quiconque pour mesurer les difficultés que pose un pays aussi vaste et aussi peuplé que le leur. Ils ont évalué l’ampleur de leurs besoins. Ils sont un milliard et demi à vivre sur un territoire qui se réduit comme une peau de chagrin puisque les terres, épuisées, cèdent la place au désert. Ils ont conscience que leurs besoins ne peuvent pas être satisfaits par leur seule production. Désormais, ils vont voir ailleurs, en Afrique et en Amérique latine, par exemple, afin de produire à l’extérieur la nourriture qui leur est nécessaire. Aujourd’hui, ils ont acquis la technologie, les moyens de production et les outils de financement. Ils ont financé leur développement grâce aux délocalisations occidentales. Ils ont tiré parti de notre logique qui consiste à consommer toujours plus et à moindre coût. L’Occident a donc fait appel à eux car leur main d’œuvre est bon marché. Désormais, la balle est dans leur camp. Ce sera dur de la leur reprendre !
Les Chinois n’ont-ils donc aucune conscience écologique ?
Marc Mangin : En Occident, nous avons identifié les problèmes écologiques qu’entraîne notre choix de société. Eux, ont identifié un problème de survie. Les solutions valables pour des pays peuplés de quelques dizaines ou quelques centaines de millions d’habitants, ne sont peut-être pas valables pour un pays de près d’un milliard et demi d’habitants. La lutte pour la protection de l’environnement coûte cher. Or, les Chinois ne génèrent pas assez de richesses pour retraiter les eaux, collecter, trier et recycler les déchets, produire de l’énergie propre... Ils savent notamment qu’il n’y a pas d’alternative au nucléaire pour répondre à leurs besoins, sauf à construire des ouvrages pharaoniques comme le barrage des Trois Gorges. Exploiter les rayonnements solaires de leurs déserts ? Une possibilité, certes, mais qui reste à l’état d’hypothèse d’autant plus que le transport de l’électricité vers les villes exigerait d’importantes infrastructures. Restent donc les centrales à charbon, très polluantes, qui fournissent 80 % de l’électricité. C’est la seule énergie financièrement accessible aux Chinois.
N’y a-t-il aucun moyen d’enrayer le désastre ? Que vont devenir les populations acculées à vivre dans un espace de plus en plus restreint ?
Marc Mangin : De 150 à 200 millions de personnes vont devoir s’exiler au cours de la première moitié du XXIe siècle. On peut imaginer les bouleversements que provoqueront ces vagues de réfugiés ! Si les Chinois en parlent déjà, c’est bien parce qu’ils reconnaissent le problème. Alors, comment enrayer le désastre qui frappe la Chine et le reste de la planète puisque la pollution n’a pas de frontière ? En acceptant d’abord le principe que la concentration des moyens de production est la cause d’un immense gâchis. Partant de là, on peut multiplier des petites unités de production, rapprocher la production des consommateurs. Cela allégerait la facture de la pollution : moins de transports, moins de pesticides et d’engrais nocifs pour accélérer le rendement agricole – ce qui diminuerait aussi la consommation d’eau, bref moins de gaspillage. Voilà qui suppose de changer nos habitudes de consommation en Occident, de ne plus manger en plein hiver les tomates que cultive la Chine, par exemple. La Chine est le révélateur de notre société et du modèle que nous avons voulu imposer. Elle polluera moins le jour où nous aurons modifié nos comportements. Ce sont les Occidentaux qui ont donné à la Chine les outils de la pollution. À eux de les leur reprendre !
Propos recueillis par Fabiola Sustendal
– Consulter le blog de Marc Mangin
Critiques :
- Jordan Pouille (MediaPart) : "Marc Mangin décrypte l’état critique voire apocalyptique de l’environnement chinois. Il explique que la Chine n’est pas totalement irresponsable et qu’elle anticipe les crises, en commençant à produire ses céréales en Afrique par exemple. L’auteur explique aussi pourquoi cette fuite en avant, dans la surproduction, peut être en harmonie avec les valeurs ancestrales de la société chinoise et les ambitions politiques du gouvernement. Un brin cynique, plutôt pédagogue et toujours réaliste, Marc Mangin évoque le chantier des 3 gorges, l’expansion en Afrique, la surproduction automobile, la volonté d’importer des céréales".