– Extraits du N°382 (Mars 2008) :
Un concept, plusieurs approches… Bernard Bougon expose la vision nord-américaine et européenne de la Responsabilité Sociale des Entreprises
L’histoire du concept de Responsabilité Sociale des Entreprises commence dès la seconde moitié du XIXème siècle. Depuis longtemps, en effet, des auteurs soutiennent que les responsabilités des entreprises, dépassant les seuls domaines économiques et légaux, sont aussi d’ordre éthique et ne peuvent se réduire aux seuls actionnaires. Ce point de vue est aussi celui de nombre d’entrepreneurs qui, au travers d’innovations managériales, ont donné et donnent un contenu pragmatique à ces responsabilités .
Pourtant, cette élaboration ne s’est pas faite sans des débats, parfois vifs. Aujourd’hui, on peut distinguer deux grandes lignes dans l’interprétation de cette notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).
L’une portée par la tradition nord-américaine et l’autre par les entrepreneurs de l’Europe de l’Ouest.
En 1979, Archie B. Caroll - professeur de management au Terry College of Business, Université de Georgie et généralement considéré aux États-Unis comme le
père du sens actuellement donné à ce concept
de RSE - propose de distinguer, et donc de
classer, les responsabilités sociales des entreprises
en quatre grandes catégories : les
responsabilités économiques, juridiques,
éthiques et « discrétionnaires ». Cette conception
de la RSE a été reprise et critiquée par
d’aut res universitaires américains, mais n’a
pas été modifiée en son fond. Pour Archie
B. Caroll ces quatre catégories comprennent
l’ensemble des responsabilités sociales d’une
entreprise que peut aujourd’hui identifier et
doit accepter « un homme d’affaire consciencieux ».
Il propose de les organiser en forme
de pyramide mais sans l’interpéter comme
Abraham H. Maslow la sienne, où chaque
niveau atteint permet de passer au suivant.
Parcourons rapidement avec Archie B. Caroll
ces responsabilités et leurs articulations.
Responsabilités économiques
L’entreprise se présente comme une unité
économique de base de notre société. Son
rôle principal est de produire les biens ou
d’assurer les services dont ont besoin les
hommes pour vivre en société. Il est nécessaire
que cette unité de base tire de son activité
les profits qui lui permettront d’assurer
sa pérennité et son développement. C’est
pourquoi Archie B. Caroll propose de les
placer au socle de sa pyramide.
Responsabilités légales
Elles ne sont pas moins importantes. Pas une
seconde Archie B. Caroll ne pense que l’on
peut développer une activité économique sans
tenir compte des ses responsabilités légales.
La raison en est simple. Une entreprise est, du
fait de son rôle économique, partie prenant e
du contrat social tel que défini par les lois et
les diverses règles édictées par la société.
Si, dans la représentation pyramidale d’Archie
B. Caroll, ces responsabilités légales viennent
au-dessus des responsabilités économiques, elles doivent, et c’est lui qui insiste : « coexister avec les premières comme un principe fondamental
du système de la libre entreprise » .
Responsabilités éthiques
A rchie B. Caroll exprime ici la conscience
que les hommes d’entreprise doivent faire des
choix et prendre des décisions dans des situations
qui ne peuvent être ni prévues ni anticipées
par les codes. Non seulement cela, mais
les hommes d’entreprises participent aussi aux
valeurs de la société où ils vivent et à l’évolution
de ces valeurs. Ils auront tout naturellement
le désir de les mettre en pratique dans
leurs métiers. Cela relève d’une simple cohérence
personnelle. Ainsi l’éthique précède en
quelque sorte et suit la loi. Elle précède la loi,
car tout code législatif repose sur des valeurs
éthiques qui le fondent. Ainsi en est-il du Code
de commerce français qui repose essentiellement
sur deux valeurs éthiques : la loyauté et
la bonne foi dans les affaires. Mais l’éthique
suit aussi la loi car toute situation ne peut être
anticipée. Ce sera à chacun dans l’exercice de
son métier et dans le cadre de son rôle ou de
sa fonction de faire les choix et de prendre les
décisions qui seront dans l’esprit des lois ou
des réglementations, c’est-à-dire, en fait, dans
l’esprit des valeurs qui les fondent.
Cette éthique, souligne Archie B. Caroll
n’est pas laissée à l’arbitraire des perceptions
des personnes. Elle fait aussi, et depuis les
origines de la pensée, l’objet d’une partie de
la réflexion philosophique. Ainsi l’homme
d’action peut s’appuyer pour se guider dans
ses choix et ses décisions sur le respect des
principes de la justice ou des Droits de
l’Homme et - dans un contexte anglo-saxon -
sur la théorie morale de l’utilitarisme.
Là encore, Archie B. Caroll, insiste pour
dire que ce niveau n’est pas facultatif. Il
découle comme naturellement du rapport
qu’entretiennent entre eux l’éthique et les lois.
Responsabilités philanthropiques
La vision d’Archie B. Caroll dépend ici étroitement de pratiques et de conceptions américaines de la vie en société imprégnées par le principe chrétien de la destination universelle des biens. Il considère, d’ailleurs, que ce quatrième niveau de responsabilités philanthropiques de l’entreprise est facultatif. Elles se présentent comme la cerise sur le gâteau ( « icing on the cake »). La société (américaine) attend de tels engagements citoyens de la part des entreprises, mais celles-ci n’y sont pas obligées. C’est pourquoi certains parlent de responsabilités discrétionnaires, semblables, d’une certaine manière, aux pratiques européennes du mécénat d’entreprises.
Toutes ces responsabilités que nous venons d’évoquer, s’appuient sur la théorie dite des parties prenantes. Théorie à laquelle se rallient aujourd’hui nombre de multinationales - telles que Boeing, Schneider Electric, Solvay… - si l’on en croit leurs chartes en faisant référence non seulement aux actionnaires, mais aussi aux collaborateurs, aux clients, aux fournisseurs, aux collectivités locales quant ce n’est
pas à la planète dans son ensemble.
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