La Journée mondiale de l’environnement, qui a eu lieu le 5 juin, a mis l’accent cette année sur l’urgence de la restauration des terres, de l’arrêt de la désertification et de la lutte contre la sécheresse. En France, ces trois grands défis liés aux effets du réchauffement climatique résonnent tristement avec les menaces qui pèsent sur les massifs forestiers. La restauration des forêts – l’une des principales pompes à carbone du pays – constitue en effet un enjeu majeur des prochaines années et de notre avenir climatique.
L’impact du dérèglement climatique sur les forêts françaises
Les effets du changement climatique n’ont pas épargné les forêts françaises. Les grandes vagues de chaleur et de sécheresse estivales qui sévissent en France depuis 2018 ont conduit à un dépérissement des arbres affectant aujourd’hui quelque 300 000 hectares. Un contexte qui a fait augmenter la mortalité des arbres de + 80% sur les dix dernières années, selon l’IGN, tandis que les experts constatent un ralentissement de leur croissance. Un des exemples les plus frappants des conséquences de cette sécheresse : les grands incendies de 2022 qui ont brûlé 61 921 hectares de forêt (soit sept fois plus que la moyenne annuelle).
À cela s’ajoute le développement de maladies et la pullulation d’insectes qui s’attaquent aux massifs forestiers dont les défenses immunitaires sont devenues vulnérables en raison de la sécheresse. Avec les étés caniculaires et le manque d’eau, les arbres doivent en quelque sorte « choisir » entre l’énergie qu’ils mettent dans leur croissance et celle qu’ils mettent dans leurs défenses face aux nuisibles. Dans le même temps, des automnes trop doux ont favorisé le foisonnement de ces parasites, terminant de faire des arbres des proies faciles. Parmi les dégâts les plus notables : la prolifération du champignon « chalarose » – une maladie provoquée par le champignon « Chalara fraxinea » qui colonise les feuilles et les jeunes rameaux des frênes l’été, et fait chuter prématurément le feuillage dès mi-août – ainsi que de parasites comme les chenilles processionnaires qui dévorent les chênes, ou encore des scolytes qui ravagent les pins et les épicéas.
Asséchés, brûlés et gangrénés de parasites, non seulement les arbres de nos forêts dépérissent et meurent sous les coups de butoir du réchauffement climatique, mais ils exercent moins efficacement leur fonction essentielle de « pompe à carbone » naturelle. En d’autres termes, ils absorbent (par photosynthèse) et stockent moins de CO₂ qu’auparavant tandis que le couvert forestier n’a jamais été aussi vaste et continue de s’étendre (17,3 millions d’hectares en France métropolitaine, soit 31 % du territoire). C’est notamment le cas en zone méditerranéenne où le stock de carbone affiche un niveau deux fois inférieur à celui du Grand Est. Si rien n’est entrepris, la France pourrait bien perdre sa première protection face aux émissions de CO₂. Aussi, l’urgence de la restauration des forêts françaises s’appuie sur le travail quotidien des forestiers et une adaptation des sylvicultures au climat de demain.
L’urgence de la restauration de nos forêts
Cette politique de restauration est d’autant plus impérative que certaines espèces pourraient être menacées de disparition si les scénarios les plus pessimistes venaient à se produire. D’après une étude de la revue Nature Ecology & Evolution, ce serait près d’un tiers du réservoir d’espèces d’arbres européennes qui deviendrait inutilisable dans les prochaines années. C’est par exemple le cas du hêtre dans certaines forêts. Pour éviter les conséquences que de telles extinctions pourraient avoir sur l’économie, la biodiversité et le climat, les forestiers réfléchissent d’ores et déjà à planter les espèces d’avenir, c’est-à-dire celles qui ont la capacité de résistance suffisante pour traverser le siècle. Un véritable casse-tête, l’enjeu étant de pouvoir trouver des espèces à la fois susceptibles de survivre aux conditions climatiques actuelles (gel et dégel en hiver) et à celles pronostiquées en 2100 ; mais aussi compatibles pour cohabiter avec les espèces actuelles ; et qui répondent à des critères objectifs comme la conservation des habitats, le stockage du CO₂ et la production de bois.
Par ailleurs, si ces études alarmistes ont le mérite d’éveiller les consciences, les évolutions futures du climat demeurent incertaines dans une large mesure. En effet, il ne s’agit pas non plus de se débarrasser des espèces actuelles condamnées par les études pour les remplacer par des essences exotiques. Cela pourrait provoquer l’apparition de nouveaux pathogènes, l’accélération de la baisse du puits de carbone et l’accentuation de la menace lors des périodes de gel.
Le travail de boisement et de reboisement des forestiers est donc essentiel pour la survie des écosystèmes français et le maintien des puits de carbone. C’est seulement l’ancrage à long terme d’une sylviculture durable qui permettra aux forêts françaises de devenir résilientes face au changement climatique : développement de forêts « mosaïques » qui misent sur la diversification des essences ; contrôle de la dégradation des sols, des risques hydrauliques et des glissements de terrain ; récoltes d’assainissement permettant de prévenir l’expansion des ravageurs et des maladies etc. Grâce à ces pratiques durables mises en œuvre, les forestiers seront plus susceptibles de trouver les réponses adaptées aux défis environnementaux du 21e siècle.