Quand agriculteurs et riverains d’un territoire s’associent pour développer des projets d’énergie renouvelables, les résultats ne se font pas attendre. L’énergie partagée citoyenne, c’est ça ! L’Ademe a interrogé Marc Mossalgue, responsable communication d’Énergie Partagée et Alain Cholet, agriculteur dans le Maine et Loire, pour en savoir plus.
Énergie Partagée, c’est quoi ?
Énergie Partagée fédère et accompagne les acteurs de l’énergie citoyenne en France. Cette dynamique existait déjà outre-Rhin et au Danemark lorsqu’elle est arrivée en 2010 en France. « Nous sommes passés de zéro à 350 projets en une dizaine d’années » explique Marc Mossalgue, responsable communication du mouvement. Par « projets », comprenez des installations photovoltaïques, mais aussi des parcs éoliens, des méthaniseurs, des chaufferies bois et un peu d’hydroélectrique, tout ça pour produire de l’électricité et de la chaleur renouvelables.
« Le photovoltaïque l’emporte en nombre mais pas en production, car ce qui produit le plus, c’est l’éolien » précise Marc. Aujourd’hui, le mouvement Énergie Partagée compte 40 salariés qui accompagnent différents projets citoyens, même les plus complexes.
Nous encourageons le développement des énergies renouvelables de façon locale, avec les habitants, les collectivités territoriales et tous les acteurs d’un territoire. La transition énergétique doit s’effectuer partout en France et il est impératif que les citoyens s’impliquent, à la fois financièrement et dans la gouvernance.
Marc Mossalgue, Responsable communication d’Énergie Partagée
Comment ? En se constituant en groupements bien sûr ! Depuis sa création, Énergie Partagée a accompagné des projets portés par 828 collectivités et 30 538 actionnaires citoyens.
Les agriculteurs, moteur de la coopération citoyenne
Une part croissante des projets accompagnés par Énergie Partagée implique de près ou de loin des agriculteurs. « C’est quand on arrive sur des projets de grande envergure en milieu rural que les agriculteurs entrent en scène. Ils ont souvent des responsabilités locales et une réelle implication dans la trajectoire de leur territoire » indique Marc. Sur le terrain, ce sont de vrais accélérateurs de projets ! « Les agriculteurs n’ont pas froid aux yeux, ils savent manipuler des investissements lourds avec des sommes importantes et se projeter sur plusieurs années. Ils se connaissent entre eux et sont habitués à travailler ensemble. Quand ils font équipe avec les autres citoyens et les collectivités, les projets vont loin » précise Marc. Les agriculteurs sont là depuis longtemps et pour longtemps. C’est pourquoi ils ne s’engagent que sur des projets qui ont du sens pour eux et pour le territoire. « Ils apportent de la solidité et de la légitimité aux projets d’énergie renouvelable » estime Marc.
Quelles sont les ENR les plus plébiscitées ?
« Il n’y a pas de classement particulier » explique Marc. « Les citoyens choisissent en fonction de leur territoire, de leurs appétences et leurs ressources ». Ainsi, même si le photovoltaïque est la solution la plus facile à mettre en place, certains territoires vont se tourner vers l’éolien, plus lourd à développer. C’est le cas du Maine-et-Loire, où Alain Cholet a participé au déploiement d’un des 3 parcs éoliens citoyens lancés entre 2020 et 2021.
Alain Cholet, un agriculteur dans le vent !
Il est aujourd’hui retraité, après toute une vie passée sur l’exploitation agricole familiale (reprise depuis par son frère et son neveu). Mais en 2016, alors qu’il gère plus de 60 vaches laitières et des élevages de lapins, Alain Cholet décide de se lancer dans un nouveau projet avec les citoyens de sa commune à Beaupréau-en-Mauges : la création d’un parc éolien. « Comme tout chef d’entreprise, j’aime relever les défis » explique-t-il. « J’ai découvert le projet lors d’une réunion publique et je me suis rapidement engagé ». Un groupement citoyen, composé à 85 % d’habitants de la commune, se constitue après la réunion pour acheter et prendre la gérance de la construction et exploitation du futur parc. « Il a fallu créer une société, solliciter des juristes, décrocher des soutiens financiers, dont celui d’Énergie Partagée… » énumère Alain. Les discussions avec le développeur angevin, david énergies, durent un an et demi. En 2019, la société est créée et compte 220 actionnaires citoyens possédant 60 % des parts (les 40 % restants allant à une autre société). Coût de l’opération : 12 millions d’euros. En 2021, les 3 éoliennes entrent en service, avec une production moyenne de 23 500 MWh par an, soit l’équivalent la consommation électrique annuelle de 20 000 personnes (hors chauffage et eau chaude sanitaire). L’électricité est revendue à Enercoop à des prix indexés sur l’inflation et les actionnaires citoyens touchent une rémunération supérieure à la rémunération du livret A. « Notre priorité est de rembourser le prêt » précise Alain. « Le succès du projet montre bien que quand on se met ensemble autour de la table, les choses avancent. Les projets citoyens ont un gros potentiel ! ». À bon entendeur.
Intégrer les ENR dans les territoires : une question d’équilibre
Depuis quelques années, les projets citoyens changent d’échelle. « Sur le solaire par exemple, en complément des toitures classiques, on va progressivement aussi sur des installations autour du foncier agricole » indique Marc. « Il faut donc être extrêmement vigilant pour ne pas mettre en concurrence la production d’énergie et la production agricole ». Energie Partagée soutient ainsi des projets d’installations photovoltaïques sur des hangars agricoles et exploités par des coopératives locales. En témoignent deux inaugurations en mai 2023 dans le Loir-et-Cher : une toiture photovoltaïque de 18kW sur une ferme par Énergies Vendômoises et une autre de 100kW sur un hangar agricole par Blais’Watt. Le mouvement a édicté différentes chartes de bonne conduite sur 3 filières pour encadrer le développement des ENR dans le sens de l’intérêt général. La plus récente encadre ainsi le développement du photovoltaïque au sol, en particulier sur les enjeux agricoles. Quant à la méthanisation, Énergie Partagée encourage les projets qui valorisent les déchets agricoles et biodéchets des collectivités dans un périmètre limité. « On ne veut pas du modèle allemand de giga structures avec des camions sur la route ! » s’exclame Marc. Cette année, un méthaniseur sera mis en service à Blois, porté par 25 agriculteurs avec le soutien d’Energie Partagée.
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