Six associations (AFD, ANDRM, CCC, FCPE, PEEP, UFC-Que Choisir), unies contre l’obésité infantile, viennent de publier les résultats de la campagne de terrain qu’elles ont menée durant les trois derniers mois dans 65 départements, et demandent solennellement à la Ministre de la Santé de faire urgemment de la lutte contre ce fléau sanitaire une priorité de santé publique.
Avec un taux de croissance annuel de 5,7% par an, d’1,5 million d’enfants touchés, une augmentation de 50% de la fréquence du diabète liée pour partie au surpoids, une diminution de 10 ans de l’espérance de vie, l’obésité infantile est une véritable pandémie qui n’épargne pas la France. En un an, la France comptabilise 330 000 personnes obèses supplémentaires. Malgré ces chiffres, rien n’a changé sur les écrans la publicité gave autant le public de produits trop gras ou trop sucrés [[L’enquête annuelle de l’UFC-Que Choisir sur le contenu des spots publicitaires, diffusés lors des programmes pour enfants, est accablante. Sur les 1039 publicités analysées, 87 % des spots pour les produits alimentaires (89% l’an dernier) portent sur des produits particulièrement sucrés ou gras : yaourts, crèmes desserts et céréales dans leurs versions les plus sucrées, glaces, confiseries, gâteaux, etc. en contradiction complète avec les recommandations des nutritionnistes !]]. En mai 2007, Nicolas Sarkozy s’était engagé à faire de la lutte contre l’obésité infantile une priorité de santé publique et d’agir par la loi si la responsabilisation des professionnels ne portait pas ses fruits [[Durant la campagne présidentielle, Nicolas SARKOZY a affirmé que « les comportements alimentaires nocifs sont pris dès le plus jeune âge et doivent donc être particulièrement combattus » et s’est dit « favorable à une évolution sur ce sujet, de préférence par la responsabilisation des professionnels, à défaut par l’encadrement normatif, car la lutte contre l’obésité doit devenir une priorité de santé publique » (Stratégies, n°1455 du 3 mai 2007, page 8).]]. De septembre à octobre, le collectif a réalisé une série d’audits dont les résultats sont sans appel : – En matière de restauration scolaire : 45% des établissements du secondaire ne respectent pas les recommandations nutritionnelles. – En matière de marketing alimentaire à destination des enfants : 82% des produits bénéficiant des mises en avant de la grande distribution (brochures, têtes de gondoles, etc.) sont trop gras ou trop sucrés sur les quelques 120 magasins de la grande distribution visités par nos enquêteurs. En outre, les 4/5 présentent encore des confiseries au niveau des caisses, contrairement à l’avis de l’AFSSA de 2004. – En matière d’offre alimentaire : les produits promus apportent en moyenne 2 fois plus de calories que l’apport recommandé par les nutritionnistes. La preuve est donc faite que se reposer sur la seule responsabilisation des professionnels est un leurre ! Seule une loi peut répondre à l’enjeu de société qu’est l’obésité infantile. Décidée à obtenir ce texte dans les plus brefs délais, la plateforme associative formule 7 propositions concrètes : – Pour la filière fruits et légumes : attribution du statut « intérêt général permanent » qui permet de réduire de 50% les coûts d’achat d’espaces publicitaires et le doublement de l’aide publique à la recherche (pour améliorer l’attractivité des fruits et légumes). – Pour les PME de l’agro-alimentaire : doublement de l’aide de la recherche publique et transferts de technologies pour de véritables améliorations de la qualité nutritionnelle des produits proposés en rayon. – Pour la restauration scolaire : l’application obligatoire des recommandations nutritionnelles et l’intervention régulière dans chaque établissement d’un diététicien mutualisé au niveau des collectivités territoriales (suivi de la qualité, éducation nutritionnelle et au goût …). – Pour le marketing à destination des enfants : l’encadrement des publicités télévisées pour les produits déséquilibrés et le retrait des confiseries au niveau des caisses dans les grandes surfaces. Comme l’ont souligné les 21 conférences-débat régionales du collectif, tenues en octobre et novembre et qui ont réuni pédiatres, médecins, nutritionnistes, ces propositions font aujourd’hui l’objet d’un consensus scientifique (CNA, AFSSA, INSERM, etc.) et sont fortement attendues par les citoyens et les parlementaires. Plus de 40 000 courriels ont ainsi été adressés aux députés, via le site de campagne www.obesipub.org, pour leur demander d’agir dans les plus brefs délais. La mobilisation citoyenne a effectivement suscité l’engagement des parlementaires qui, avec 167 questions écrites à Madame BACHELOT et plusieurs propositions de loi déposées, ont souligné l’urgence d’un véritable plan législatif de lutte contre l’obésité. Au vu de cette attente scientifique, citoyenne, parlementaire, le collectif a adressé une lettre ouverte à la Ministre de la Santé pour lui rappeler l’engagement présidentiel et lui demande de le respecter en faisant adopter en 2008 une grande loi de prévention de l’obésité infantile. Les pouvoirs publics doivent faire preuve du même volontarisme en matière d’obésité infantile que s’agissant de la lutte contre le tabac ! En réponse aux associations, Michel Barnier vient d’annoncer ses mesures pour relancer la consommation de fruits et légumes.Obésité, le poids des inégalités
Et si l’état de l’obésité devenait le meilleur miroir de la santé de la France ? Serge Hercberg, auteur du Programme national nutrition santé, s’inquiète dans Libération (édition du 5 décembre 2007) de la difficulté des populations défavorisées à consommer assez de fruits et de légumes : «Depuis 1992, l’obésité augmente beaucoup plus vite chez les agriculteurs ou les ouvriers que chez les cadres et professions intellectuelles. Il est clair, insiste le chercheur, que plus un individu est diplômé, moins il a de risque d’être obèse.» En 2003, 15 % des individus sans diplôme sont en fort surpoids, contre 5 % des diplômés du supérieur. «En vingt ans, l’écart a été multiplié par deux.»