L’énergie procède de la transformation de la matière. L’économie n’étant rien d’autre qu’une machine à transformer des ressources, nos sociétés industrielles sont de plus en plus gourmandes en énergie, alors même que les stocks susceptibles de leur en fournir, que ce soit du charbon, du pétrole ou de l’uranium, diminuent inexorablement. Partant de ce constat, Jean-Marc Jancovici montre que les espoirs placés par nos gouvernants dans la reprise de la croissance sont illusoires et dangereux : dans une économie monde qui dépend des énergies fossiles, plus vite la croissance repartira, plus vite arrivera le prochain choc pétrolier qui la tuera à nouveau.
Il faut sortir de cette spirale infernale. L’éolien, le solaire seraient-ils une solution ? Billevesées, démontre Jean-Marc Jancovici : leur coût est astronomique et leur contribution actuelle, insignifiante. Le nucléaire, alors ? C’est souvent une excellente formule de transition, qu’il faut perfectionner et développer. Mais surtout, il faut un nouveau projet de société, tout entier tourné vers une économie « décarbonée ». Un tel projet touchera à tout : nos métiers, notre habitat, notre système de soins, notre agriculture, notre alimentation, notre mobilité, notre lieu de vacances, notre armée et notre diplomatie, la consolidation de l’Europe, les procédés industriels, la productivité du travail et la gestion des retraites… Pour éviter l’impasse, chacun de ces compartiments de la société doit être libéré au plus vite de sa dépendance au carbone, et Jean-Marc Jancovici propose des pistes concrètes pour y parvenir. Tout un programme, certes, mais prendre la contrainte carbone à bras le corps n’est pas une option, écrit-il. Si nous ne faisons pas le premier pas, c’est elle qui choisira la forme de l’étreinte !Extrait : introduction de l’ouvrage
À l’été 2005, alors que tant de Français rêvaient d’aller batifoler dans les vagues ou les montagnes, mon complice Alain Grandjean et moi-même avons choisi de passer une partie de notre temps estival à une occupation un poil moins reposante : écrire un premier livre sur la dépendance du monde moderne au triptyque pétrole-charbon-gaz. Nous y expliquions que, pour des raisons physiques, les Français n’échapperont pas à une hausse du prix de l’énergie fossile et que, si nous refusons de nous imposer volontairement cette hausse par la fiscalité, ce seront des tensions sur l’approvisionnement, entre autres, qui se chargeront de régler le problème. Ces tensions, dans notre délire estival d’il y a six ans, pouvaient se manifester sous forme de récession, de troubles bancaires, de hausse du chômage, de problèmes de financement de l’État et des régimes sociaux, et autres péripéties qui ne font généralement pas partie des objectifs pour l’avenir. Évidemment, nous racontions n’importe quoi : il n’y a pas eu l’ombre d’une crise depuis cette époque, ni économique ni bancaire, n’est-ce pas ? En fait, la survenue des petits pépins que nous avons connus depuis lors est tout sauf surprenante. Dès 2005 ou 2006, alors que nous étions en pleine euphorie économique, il était possible de parier que le chômage allait frapper à nouveau, et le PIB connaître quelques petits soubresauts pas spécialement envisagés par les économistes dits sérieux. Par amour du pessimisme ? Non : tout simplement à cause du mariage de sang que notre économie moderne a contracté depuis plus d’un siècle avec le sous-sol des pays producteurs de pétrole, de gaz et de charbon, qui ne pouvait que produire ce genre de conséquence dans le contexte de l’époque. Nous avons vécu jusqu’à maintenant la phase ascendante de ce mariage faustien : de plus en plus d’énergie pour tous. Comme pour le vrai mariage, qui est comme chacun sait un repas qui commence par le dessert, les amants terribles que sont l’homme et l’énergie vont devoir sauver leur idylle en phase « descendante » de l’approvisionnement énergétique fossile, qu’elle soit voulue, pour des raisons de préservation du climat, ou subie, pour des raisons d’approvisionnement insuffisant. Bien gérer la sortie de scène du « Père Fossile » ne va pas être une mince affaire. En 2009, il restait trois ans pour s’engager dans la voie étroite qui nous permettrait de le faire. À quelques mois d’une année charnière pour le monde (élections américaines, échéance du protocole de Kyoto, survenue vraisemblable d’un nouveau choc pétrolier, sans compter que le calendrier maya mettrait la fin du monde en 2012 !) et très accessoirement pour la France (le nouveau président élu en 2012 devra gérer un contexte énergétique et donc économique en décalage fort avec l’idée qu’il s’en fait probablement), nous n’avons toujours pas pris le bon virage et fonçons avec détermination vers une impasse. Combien de temps allons-nous encore hésiter ? Si l’Europe compte préserver la paix et la démocratie, un modèle social à peu près sympathique, du travail pour beaucoup et une espérance de vie qui ne soit pas divisée par deux, elle n’a qu’un seul pari gagnant à sa disposition. Ce pari, il apparaît désormais clairement : organiser tout son avenir économique et industriel, donc social et politique, autour de la décarbonisation de nos activités. S’y lancer sans attendre, c’est avoir une petite – ou grosse ! – chance de rafler la mise en développant les premiers les modes d’organisation, les schémas économiques, les métiers, les filières et les technologies qui seront adaptés à un monde libéré de la « tenaille fossile », transformant cette dernière en opportunité. Ne pas le faire, c’est condamner la jeune génération à un avenir bouché et la vieille à la honte. Il est encore temps, réveillons-nous ! Vous retrouverez plus d’informations sur ce livre sur site de l’auteur en cliquant ici. – L’avis de Libération : Son livre, plutôt que d’agiter les grandes peurs, constitue d’abord une tentative de baliser le chemin d’un sursaut radical. Il retrace méthodiquement les petits pas et les avancées qui, du Club de Rome, à la fin des années 60, au sommet de Copenhague sur le climat, en 2009, en passant par le Grenelle de l’environnement, ont commencé à faire bouger les choses. Consultant pour des entreprises, des politiques et des associations, Jancovici ne s’en cache pas : il cherche à imposer cette thématique aux prochains candidats à l’élection présidentielle. Cet ingénieur polytechnicien allie le sens du concret à celui de la formule. Déjà, en 2007, il était, avec quelques autres, derrière le fameux «pacte écologique» que Nicolas Hulot réussit à faire signer à tous les grands candidats à la magistrature suprême. La trop fameuse «taxe carbone», une vieille idée remise au goût du jour, c’était lui. Cette fois, son projet ne se limite plus à quelques grandes mesures emblématiques. Le «plan» Jancovici propose ni plus ni moins «d’organiser tout notre avenir économique et industriel, donc social et politique, autour de la décarbonisation de nos activités». Forte hausse de tous les prix de l’énergie, nouvelles réglementations drastiques, mise en place de monopoles publics, refonte de la fiscalité, relance du nucléaire (oui, même après Fukushima)… Le tout financé en grande partie par la grâce de la Banque centrale européenne et de sa création monétaire. C’est peu dire que l’Etat règne dans le petit monde de Jancovici ! Au final, la toute-puissance de cette machinerie effraie quand même un peu. Loin de la dynamique vertueuse du Grenelle mêlant tous les acteurs et toutes les énergies (positives cette fois), ce plan dirigiste et quasi martial semble mettre à distance la démocratie. Il faut avancer à vive allure, certes, nul ne plus en douter après le diagnostic de l’auteur, mais il manque encore une méthode politique convaincante pour embarquer les citoyens dans ce sauvetage planétaire..Références de l’ouvrage
Changer le monde : tout un programme ! de Jean-Marc Jancovici – Editeur : Calmann Lévy- Date de parution : 5 mai 2011 – ISBN / EAN : 9782702142141 – prix public : 18 €