Le développement durable est-il l’affaire des entreprises ? Si la grande majorité de celles-ci reconnaissent leur volonté d’inscrire des pratiques plus respectueuses de l’environnement à leur agenda, elles se heurtent à une complexité de déploiement et tardent alors à le faire en masse. Pendant ce temps, l’horloge tourne, les émissions de CO2 s’accumulent et la terre continue dangereusement à se réchauffer…. Il existe cependant une recette pour motiver les chefs d’entreprises et accélérer l’engagement réel et opérationnel du monde économique dans la préservation de la Terre.… Il s’agit de revenir au principe fondamental de profit des entreprises et de proposer à celles-ci de s’appuyer sur le développement durable pour s’enrichir. Réduire le CO2 pour gagner plus… Si sur le papier, c’est simple et tout le monde y gagne, dans la réalité, c’est néanmoins un peu plus difficile car la bonne manière de procéder va à contre-courant de la pensée commune.
Règle N°1 : Le développement durable, ça coûte moins cher et ça rapporte gros. En France notamment, règne un climat de méfiance, parfois un peu terroriste à l’égard des entreprises s’engageant dans le développement durable. Historiquement, c’est justifié et de nombreux abus ont été punis. Mais aujourd’hui, ce régime de la tutelle paralyse plus qu’il ne filtre. Il est temps de changer et notamment ne plus reprocher aux entreprises d’avoir une vision utilitariste et financière du développement durable. En effet, pourquoi les priver de cette motivation essentielle ? Le développement durable, ce sont le plus souvent des pratiques plus sobres et de bon sens : faire mieux avec moins, limiter les gaspillages, réduire les zones d’hyper confort. Autant de logiques synonymes d’économies réelles et rapides à mettre en œuvre pour une entreprise. Dans un second temps, celles qui mettent une stratégie de développement durable au cœur de leur modèle, sont aussi celles qui innovent, développent leur chiffre d’affaires, soignent leur notoriété, fédèrent leurs collaborateurs… et surtout créent de la valeur. Comme le montre la toute récente étude MIT / BCG [[Sustainability & Innovation Global Executive Study by MIT Sloan Management Review and The Boston Consulting Group – Winter 2011]], les entreprises les plus investies en matière de développement durable ont réussi en large majorité à démontrer la rentabilité de leurs efforts (66% des entreprises « pionnières »). Si on peut postuler qu’à terme, la valeur d’une entreprise sera évaluée selon des critères qui dépasseront la seule notion de rentabilité, aujourd’hui, aucun patron d’entreprise ne s’engagerait dans une stratégie adossée au développement durable si elle n’est pas en ligne avec sa performance économique instantanée. Il faut aujourd’hui composer avec cette contrainte, l’intégrer et en faire une force. Tout le monde sera gagnant. Règle N°2 : Seule l’entreprise a la capacité d’agir avec la puissance nécessaire. Les activités de biens et services (industrie, bâtiment, transport et agriculture) étant à l’origine de plus de 50% des émissions de gaz à effet de serre [[http://www.manicore.com/documentation/serre/GES.html pour la France; Inventory of U.S. Greenhouse Gas Emissions and Sinks- Avril2010 pour les Etats-Unis]], ce sont bien les entreprises qui sont les premières concernées par la lutte contre le réchauffement climatique. Une étude de McKinsey de 2007 [[The carbon productivity challenge: curbing climate change and sustaining economic growth – McKinsey Global Institute]] démontre que pour maintenir la croissance économique tout en luttant contre le réchauffement, l’intensité carbone des activités humaines doit être améliorée d’un facteur 10 sur les 30 prochaines années. Quelle est la mesure de ce challenge ? Si on compare avec l’amélioration de la productivité industrielle au siècle dernier, cela revient à faire aussi bien, en 3 fois plus rapide. Plus qu’un challenge, c’est une course contre la montre. Qui peut relever le défi ? Les gouvernements ? Prenons acte des échecs répétés de la concertation internationale pour signifier la difficulté d’une prise de position qui, faisant consensus, ne se trouve pas vidée de son ambition. Les associations ? Le seul moteur de l’intention voire du militantisme ne permet pas d’espérer des changements rapides à grande échelle. En fait, seules les entreprises sont capables de résoudre l’équation. Elles possèdent la discipline et la force de déploiement nécessaires. Cette mutation accélérée est possible. En premier lieu, comme dit plus haut, parce que c’est dans leurs intérêts. En second lieu, parce que l’entreprise est une organisation habituée à changer avec force et rapidité. Elle a intégré tant et tant d’indicateurs de performance– la qualité, les délais, les coûts, les taux de service… – et les a améliorés sans cesse depuis plusieurs décennies. Lui rajouter des métriques simples – m3 d’eau, kWh, taux de recyclage, TeqCO2 – et lui demander aujourd’hui de les faire progresser vite et fort, n’est certes pas un jeu d’enfants. Mais c’est un jeu tout à fait à la hauteur de ses moyens. Règle N°3 : les consommateurs sont des turbos plutôt que des moteurs du changement Nous rêvons tous d’une société qui se prendrait en charge, qui n’achèterait que des produits vertueux et responsables et pénaliserait systématiquement les mauvais élèves. Malheureusement, la réalité est tout autre : l’énorme majorité des consommateurs, noyée dans ses habitudes et confrontée à la multitude (ou parfois l’unicité) de l’offre, n’est guère capable de produire les efforts nécessaires pour infléchir le cours des choses. Proposez un chocolat équitable à un panel de consommateurs : qui l’achètera s’il n’est pas au moins aussi bon que le chocolat auquel ils sont habitués ? Et qui l’achètera s’il est plus cher ? Une toute petite fraction seulement. Le succès du chocolat équitable, c’est le succès d’un chocolat aussi bon, au même prix, avec un supplément d’âme. Dans sa grande majorité, le choix environnemental n’est pas un choix consumériste. Le pouvoir des consommateurs existe pourtant. Les réseaux sociaux permettent le déploiement rapide et à grande échelle d’actions plus passives : faire passer l’information et plébisciter « en cliquant ». L’effort est minimal et peut donc donner facilement un coup de turbo à des produits et des services aussi bons, au même prix, mais plus propres. Sous cet angle, le développement durable aura toutes les chances de se propager avec la puissance indispensable à la résolution des problèmes posés. Le protocole de Kyoto a 13 ans, période sans doute suffisante pour décortiquer la doctrine. Il est vital aujourd’hui de passer à l’acte de manière pragmatique. Les entreprises y croient. Ne leur barrons pas la route.