C’était en décembre 1999. Le naufrage de l’Erika provoquait une marée noire de 400 km sur les côtes bretonnes. Hier, au cours du procès ouvert début février, les procureurs ont requis les peines maximales à l’encontre de Total, du propriétaire et du gestionnaire du pétrolier. Le parquet a requis les peines maximales au pénal en réclamant notamment 375 000 € d’amende pour Total et la société de certification Rina. La procureure est ensuite allée dans le sens voulu par les Régions. Elle demande au tribunal de faire jurisprudence en prenant également en compte le préjudice écologique.
Les réquisitions du parquet ont duré près de cinq heures. La procureure a débuté appelant le Tribunal à faire jurisprudence pour ce premier procès d’une marée noire en France. Après une longue démonstration juridique, le Procureur Laurent Michel a requis la peine maximale de 75000€ d’amende et un an de prison avec sursis pour M. SAVARESE (armateur) et M. POLLARA (gestionnaire du navire), la peine maximale de 375 000€ pour TOTAL SA, TPS et la RINA et 10 000 € d’amende pour le capitaine MATHUR. Pour les autres prévenus, le ministère public a requis la relaxe. Auparavant la Procureure avait souligné les montants dérisoires des amendes prévues par la loi notamment au regard des sommes demandées par les parties civiles. En effet c’est la loi du 5 juillet 1983 qui est applicable au moment des faits. Et pourtant une nouvelle loi en 2004 a considérablement augmenté ces peines plafonds passant à 1million d’euros maximum pour les personnes morales. C’est pourquoi à titre exceptionnel, le Parquet a demandé au Tribunal de prendre en compte les intérêts civils demandés par les victimes car « la sanction doit aussi être économique ». Si vous souhaitez en savoir plus sur le procès de l’Erika, consultez www.proces-erika.org, le site web des collectivités parties civiles au procès de l’Erika qui se sont coordonnées pour faire reconnaître le préjudice écologique : Régions Pays de la Loire, Bretagne et Poitou-Charentes, Conseil général du Finistère, Villes de Saint-Nazaire, de Pornichet et de Ploemeur, Cap l’Orient. Le préjudice écologique C’est un des enjeux du procès Erika : faire reconnaître le préjudice écologique et pas seulement le préjudice économique. Plusieurs collectivités parties civiles ont décidé d’adopter cette stratégie. Une partie des collectivités territoriales touchées par la marée noire de l’Erika ont donc décidé de ne pas se contenter de faire valoir le préjudice économique subi. L’objectif est de faire reconnaître également le préjudice écologique. Une stratégie qui s’appuie sur l’étude d’un chercheur de l’Inra. L’AIOLS, une association qui réunit plusieurs collectivités, a commandé à l’INRA une évaluation du préjudice né de l’atteinte à l’intégrité du patrimoine naturel régional par la marée noire provoquée par le naufrage de l’ERIKA. Cette expertise, a été réalisée par le Pr François Bonnieux, directeur de recherche à l’INRA de Rennes. Son objet est de donner une estimation monétaire du dommage environnemental subi par les régions. L’INRA évalue ce préjudice à plusieurs centaines de millions d’euros. Ce chiffrage est en l’état uniquement indicatif et illustratif de l’intensité et de la variété des dommages subis par les collectivités. L’étude évalue, d’une part, les «pertes d’agrément des usagers du littoral» au cours des six premiers mois qui ont suivi le naufrage (par exemple abandon de la pêche à pied… ) et, d’autre part, la «composante de non-usage du préjudice écologique» qui représente la part de leur impôt que les habitants des trois régions sont prêts à payer, ou qu’ils considèrent nécessaire, pour la protection du littoral. Le préjudice écologique est difficile à estimer car il ne relève pas de la sphère marchande, au contraire du préjudice subi par les pêcheurs professionnels ou les métiers du tourisme. La mer et le littoral jouent un rôle central dans le choix de résidence, la qualité de vie et les loisirs. Il en découle que toute dégradation de l’écosystème entraîne un préjudice écologique et de façon corrélative une perte pour les résidents.