Comment améliorer l’efficacité énergétique de la France ? C’est à cette question que devront répondre, le 15 juin prochain, les groupes de travail chargés de formuler des propositions autour de 3 axes : réduction de la facture énergétique des ménages, amélioration de la compétitivité des entreprises et exemplarité de l’Etat. Ces propositions devront déboucher sur des mesures concrètes, applicables dès début 2012. Dans une lettre ouverte à Nathalie Kosciusko-Morizet, huit ONG (Greenpeace, WWF, Amis de la Terre, Réseau Action Climat-France, Réseau Action Climat-France, HELIO International et Comité de Liaison Énergies Renouvelables) posent comme conditions préalables à la participation à cette nouvelle table ronde la nécessité d’aborder le volet production d’énergie ainsi que le respect des engagements pris jusqu’ici en matière d’efficacité énergétique. Les associations estiment que « le niveau de mise en oeuvre effective des mesures du Grenelle est insuffisant pour ouvrir un nouveau chantier visant à aller plus loin ». « La mission primordiale qui incombe aujourd’hui au gouvernement n’est pas de définir un nouveau plan d’action mais de passer à l’action! Et ce, afin de réduire le gouffre qui existe entre les engagements qui ont déjà été pris et leur mise en oeuvre », poursuivent-elles. « Comment, avec un calendrier aussi serré avant la prochaine élection présidentielle, peut-on espérer voir d’éventuelles nouvelles mesures traduites par des décrets d’application alors que nous sommes toujours en attente de la mise en oeuvre des engagements tirés des lois Grenelle 1 et 2 ? », interrogent les ONG.
Pourquoi consacrer une table ronde nationale à l’efficacité énergétique ? L’accélération du changement climatique, la raréfaction des énergies fossiles et la concentration de leurs réserves en un nombre de pays toujours plus réduit, l’instabilité des marchés de l’énergie et les augmentations des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité rappellent l’urgence du défi énergétique que la France doit relever. L’amélioration de l’efficacité énergétique est une priorité. Pour être durable, notre économie doit diminuer sa dépendance à l’énergie. Depuis longtemps, de nombreux acteurs, publics, associatifs et privés, oeuvrent pour les aider à toujours plus progresser en ce sens. Malheureusement, les marges de manoeuvre restent encore souvent mal connues des acteurs et l’action se heurte à des obstacles – tant techniques que sociaux ou culturels. Or une rupture de tendance est nécessaire pour permettre à la France d’effectuer sa « transition » vers une économie quasiment décarbonée à l’horizon 2050. Le Président de la République a demandé à Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, de lancer une réflexion pour accélérer cette mutation. La mise en place d’une table ronde nationale sur l’efficacité énergétique devra conduire à des mesures concrètes et partagées permettant d’alléger la facture d’énergie des ménages, de rendre les entreprises plus compétitives, de créer de l’emploi et d’améliorer l’efficacité de l’Etat et des collectivités territoriales. La table ronde s’attachera ainsi à identifier les potentiels d’amélioration de l’efficacité énergétique dans tous les secteurs. Mode d’emploi de la table ronde La table ronde réunira l’État et les représentants des collectivités locales, des professionnels et de la société civile afin de définir une feuille de route en faveur des économies d’énergie dans tous les secteurs. Elle aboutira à un plan d’action de mesures concrètes et quantifiables recueillant un accord le plus large possible des participants. Elle sera composée d’une cinquantaine de membres répartis en 7 collèges. Ces collèges ont pour vocation de représenter les acteurs du développement durable : l’Etat, les collectivités locales, les organisations non gouvernementales de l’écologie, les employeurs, les salariés, les consommateurs-usagers et personnalités qualifiées. Le calendrier de la table ronde nationale- 31 mai – Lancement de la table ronde nationale
- 15 juin au 15 novembre – Concertation – 15 juin : installation de la Table ronde nationale sous la présidence de la ministre
- Fin septembre : point d’étape – réunion sous la présidence de la ministre
- Début novembre : remise des rapports des groupes de travail – Mi-novembre : réunion de la Table ronde nationale sous la présidence de la ministre
- 15 novembre à mi-décembre – Approfondissement des mesures les plus matures et consultation du public
- Mi-décembre – Conclusions finales
- l’habitat / logement
- la mobilité (transports individuels et collectifs)
- les modes de consommation et les biens de consommation…
- le secteur de l’énergie (production, transport, distribution)
- les transports de marchandise, la logistique
- les métiers du bâtiment
- le rôle du secteur bancaire et assurantiel
- la consommation énergétique des employés (plans de déplacement d’entreprise…) et des bâtiments (entrepôts, bureaux…)
- les productions industrielles fortement consommatrices d’énergie
- l’éco-conception…
- L’amélioration des dispositifs autour de la commande publique ;
- L’amélioration de la consommation énergétique des bâtiments (tertiaire public) et des flottes de véhicules ;
- L’amélioration des politiques d’aménagement ;
- La dynamique des plans d’action locaux (freins et leviers d’accélération).
Lettre ouverte des ONG à Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l’Ecologie
En réaction à l’annonce de Nathalie Kosciusko-Morizet concernant le lancement d’une table ronde nationale pour l’efficacité énergétique, les associations du RAC-F réagissent au travers d’une lettre ouverte adressée à la Ministre de l’Écologie. « Madame la Ministre, Nous avons pris connaissance du lancement, par le Gouvernement, d’une table ronde nationale sur l’efficacité énergétique, dont les conclusions finales sont prévues pour la mi-décembre 2011. Dans ce cadre, il est prévu que trois groupes de travail réfléchissent à des mesures d’efficacité énergétique et d’économies d’énergie visant les ménages, les entreprises et le secteur public. Les travaux ainsi menés devront permettre d’aboutir à un « plan d’action de mesures concrètes et quantifiables ». Les questions d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique sont cruciales pour les objectifs que nos associations respectives défendent. Elles ont toujours figuré en tête de nos priorités et de nos propositions. Nous avons prouvé par le passé, en particulier lors du Grenelle de l’environnement, notre attachement à la construction collective de solutions concrètes. Cependant, par ce courrier, nous souhaitons vous informer que nous estimons que le niveau de mise en œuvre effective des mesures du Grenelle est insuffisant pour ouvrir un nouveau chantier visant à aller plus loin. En effet, l’ensemble des sujets figurant dans la note de cadrage de cette table ronde a déjà fait l’objet d’engagements de la part du Gouvernement. Plusieurs objectifs ont été adoptés au niveau européen ou dans le cadre du Grenelle de l’environnement et attendent encore aujourd’hui d’être atteints par les secteurs visés par cette table ronde tels que l’habitat, les plans climat énergie territoriaux ou encore l’éco-conception. Par ailleurs, la table ronde que vous lancez aujourd’hui doit rendre ses conclusions à la mi-décembre. Comment, avec un calendrier aussi serré avant la prochaine élection présidentielle, peut-on espérer voir d’éventuelles nouvelles mesures issues de cette table ronde traduites par des décrets d’application alors que nous sommes toujours en attente de la mise en œuvre des engagements tirés des lois Grenelle 1 et 2 ? Enfin, nous ne voyons pas comment discuter d’économies d’énergie sans questionner la problématique de la production de celle-ci, en particulier de la production d’origine nucléaire ou fossile qui sont en parfaite contradiction avec la maîtrise de l’énergie. Le premier groupe de travail de la table ronde que vous proposez vise les ménages et la réduction de leurs factures énergétiques, avec un accent particulier donné à la précarité énergétique. Nous souhaitons vous rappeler qu’un groupe de travail a déjà été mis en place par Valérie Létard sur le sujet de la précarité énergétique, au sein duquel certains d’entre nous se sont beaucoup investis. Des propositions de mesures très concrètes en sont ressorties et attendent encore aujourd’hui d’être appliquées par le Gouvernement. De la même manière, le Président de la République s’était engagé à mettre en place une contribution énergie climat afin d’inciter les ménages et les entreprises à réduire leur consommation d’énergie. Cette mesure essentielle a finalement été abandonnée et repoussée aux calendes grecques, le Gouvernement conditionnant sa mise en place en France à l’adoption d’une taxe carbone au niveau européen. En matière d’habitat, des objectifs ont été adoptés, à la fois concernant le bâtiment neuf (la réglementation thermique 2012) et le parc de bâtiments anciens (réduction de la consommation d’énergie de celui-ci de 38% en 2020). Des décrets d’application importants pour la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation et l’atteinte de ces objectifs font encore aujourd’hui cruellement défaut. Par ailleurs, toujours concernant l’efficacité énergétique du bâtiment, le Premier Ministre François Fillon a confié à Philippe Pelletier le pilotage d’un programme de réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre dans le bâtiment. Ce « plan bâtiment du Grenelle » traite avec un haut niveau de qualité et en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés de tous les sujets incontournables ayant trait à ce secteur : banque /assurance, secteur public, tertiaire, formation des professionnels du bâtiment, etc. Il est nécessaire de s’appuyer sur cet outil à la fois politique et opérationnel. Concernant les biens de consommation, la directive européenne éco-conception de 2005 établit un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’efficacité énergétique et environnementale des produits. Beaucoup de travail reste encore à accomplir dans le cadre de la mise en œuvre de cette directive, afin de couvrir une gamme plus importante de produits. Au niveau du second groupe de travail envisagé, relatif aux entreprises et à la manière dont celles-ci peuvent gagner en compétitivité, là encore, beaucoup d’engagements ont été pris par le Gouvernement. Les métiers du bâtiment ont été largement traités dans le pacte de solidarité énergétique lancé par l’ancien Ministre d’Etat à l’Ecologie[3] et le plan bâtiment du Grenelle. Concernant le transport, visé dans ce groupe de travail, nous souhaitons vous rappeler que la taxe poids lourds, initialement prévue pour 2010 n’a toujours pas vu le jour et que le Gouvernement a prévu de la reporter en 2012. Enfin, concernant le troisième groupe de travail visant les pouvoirs publics et la manière dont ils peuvent être exemplaires, là encore, de nombreux engagements attendent encore d’être traduits dans les faits. Les décrets relatifs aux schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) qui doivent être co-élaborés par les préfets de région et les présidents de conseils régionaux d’ici le mois de juillet 2011 n’ont pas encore été adoptés. Il en va de même pour les décrets relatifs aux plans climat énergie territoriaux, que la loi Grenelle 2 a par ailleurs restreint aux collectivités de plus de 50 000 habitants, au détriment des collectivités plus petites laissées en marge d’une mutation pourtant nécessaire. Dès lors, Madame la Ministre, vous comprendrez que nos associations posent comme conditions préalables à la participation à une nouvelle table ronde la nécessité d’aborder le volet production d’énergie ainsi que le respect des engagements pris jusqu’ici en matière d’efficacité énergétique. Vous l’aurez compris, pour nous, la mission primordiale qui incombe aujourd’hui au Gouvernement n’est pas de définir un nouveau plan d’action mais de passer à l’action ! Et ce, afin de réduire le gouffre qui existe entre les engagements qui ont déjà été pris et leur mise en œuvre. Nos associations souhaitent enfin vous rappeler que le débat sur l’énergie né spontanément dans la société suite à la catastrophe de Fukushima doit conduire les candidats à la future élection présidentielle à se positionner clairement sur notre système énergétique, celui-ci dépassant la seule question de la consommation d’énergie pour intégrer les volets de la production mais également de la gouvernance de notre modèle énergétique. C’est dans ce cadre que nos associations souhaitent s’investir. La nécessité de la transition énergétique vers une société basée sur la sobriété, l’efficacité et les renouvelables et intégrant la sortie du nucléaire est un sujet majeur sur lequel l’ensemble des futurs candidats devront se prononcer. En vous remerciant par avance de la prise en considération de nos demandes, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération ».- Stephen Kerckhove, Délégué Général d’Agir pour l’Environnement
- Hélène Connor, Présidente d’HELIO International
- Martine Laplante, Présidente des Amis de la Terre
- Morgane Créach, Directrice du Réseau Action Climat-France
- Raphaël Claustre, Directeur du Comité de Liaison Énergies Renouvelables
- Guillaume Blavette, Administrateur du Réseau Sortir du Nucléaire
- Pascal Husting, Directeur de Greenpeace France
- Serge Orru, Directeur du WWF