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Retour sur Copenhague par Pierre Rabhi

Pour une insurrection des consciences

Ce que l’on peut désormais appeler – et pour longtemps sans doute – la grande déconvenue de Copenhague est à la mesure de l’espoir que cette rencontre avait suscité. Après les grandes cérémonies précédentes (Rio de Janeiro, Kyoto, Johannesburg, etc.), il fallait être singulièrement naïf pour croire qu’une quelconque décision – que l’immense gravité des enjeux nécessite absolument – allait enfin surgir d’une ambiance de hall de gare, où chaque nation veille avant tout sur ses intérêts propres.

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L’enjeu lui, est des plus simples. Suite à des transgressions de l’espèce humaine, il se pose comme un ultimatum dont les fioritures verbales et les péroraisons politiques ne peuvent éluder la rigueur. L’humanité doit changer de comportement à l’égard de la planète qui l’héberge, si elle ne veut pas disparaître. Au lieu de son unité, on a pu encore une fois prendre la mesure d’un fait à l’origine de nos plus grands maux et des obstacles sur notre chemin d’humanisation. En effet, sur une planète une et indivisible d’un pôle à l’autre – et dont la diversité et la cohésion renforcent la vie et la survie – notre espèce, en dépit de sa nature également unitaire, est par contre fragmentée. L’avènement très récent du phénomène humain a instauré un vivre ensemble fondé sur l’antagonisme. Certains font appel aux théories – dont l’interprétation n’est pas clarifiée – de M. Darwin, pour justifier le caractère dynamique et inéluctable de cet état des choses. Quoi qu’il en soit, contrairement aux autres espèces, il n’a pas pour seul mobile la lutte pour la survie et des problèmes de territoire – ce qui est relativement facile à solutionner – mais des causes plus subtiles : les mythes, les croyances, les symboles pour exorciser une sorte de peur primale enkystée dans les esprits. Ces paramètres sont omniprésents dans toutes les concertations lorsqu’il s’agit de résolutions communes. La rivalité issue de l’insécurité est allée jusqu’à apposer – comme l’examen d’une mappemonde nous le révèle – un ordre cloisonné, fait de morceaux de planètes circonscrits et sécuritaires appelés territoires, et à l’origine de grands conflits, alibis à la prolifération extravagantes des armes de destruction. Ces territoires sont comme les éléments d’un puzzle mais qui, au lieu de rendre intelligible le tout, en exacerbent la confusion. C’est ainsi que les questions factuelles sensées être examinées à l’occasion de ces rencontres se font en occultant les mécanismes subjectifs qui les sous-tendent et les déterminent. Ainsi, des questions concernant le sort commun sont-elles limitées par des préjugés qui éloignent de la nécessité urgente de prendre des résolutions communes qui, par leur caractère universel, transcendent les intérêts particuliers des nations. C’est aussi la même irrationalité froide qui fait qu’au lieu d’exalter la splendeur d’une planète vivante et unique, née de la conjonction des paramètres les plus improbables, oasis merveilleuse dans un désert sidéral infini, elle est ravalée à un gisement de ressources vivantes ou minérales à exploiter selon un principe minier, jusqu’à leur prévisible et total épuisement. Ce principe minier semble avoir comme finalité de subordonner les dons les plus précieux, les plus indispensables qui soient à la vie, à la vulgarité totalitaire de la finance. Pour ce faire, un ordre anthropophagique mondial s’est imposé insidieusement, avec une règle du jeu qui permet aux plus voraces de dévorer légalement les plus démunis. Pire encore, des états corrompus vont même jusqu’à confisquer aux populations qu’ils sont sensé protéger leurs biens légitimes indispensables à leur survie et à celle de leur descendance, pour les livrer à la braderie internationale. Comme nous ne sommes pas à une perversion près, le Tiers Monde – chaque jour pillé et spolié – suscite, comme contrepartie de son appauvrissement programmé, des dispositifs internationaux à caractère compassionnel, pour lui allouer quelques subsides lui permettant de surmonter les conséquences écologiques désastreuses, imputables aux nantis de la civilisation de la combustion énergétique outrancière. On peut se demander jusqu’où le cynisme moralisé peut aller… Par une sorte de manipulation mentale et subliminale, la politique du pompier pyromane devient un mécanisme normal, banalisé, comme l’humanitaire est devenu le moyen compensatoire aux défaillances de l’humanisme, seul en mesure de le rendre sans objet. Le plus extraordinaire encore, c’est d’avoir réussi à donner le noble vocable d’Economie – à savoir la régulation des échanges de nécessité pour la satisfaction des besoins de tous – à ce qui est le déni même de l’Economie. La croissance économique fondée sur la prédation et la dissipation sans limite des ressources, provoque une multitude d’effets directs et collatéraux négatifs parmi lesquels, justement, le réchauffement climatique, objet du débat de Copenhague. Bien des problématiques comme la faim dans le monde et autres calamités mériteraient autant d’effervescence, mais on sait que les priorités sont définies, au-delà même de l’autorité politique, par la puissance insidieuse du lucre. On entend souvent dire que ces rencontres – dont le bilan est souvent décevant – permettent néanmoins de sensibiliser l’opinion aux grands enjeux écologiques. Cela est indéniable, comme est indéniable la sincérité de nombreuses personnes qui aspirent au changement positif de l’aventure humaine. Elles sont presque toujours au sein même de ces grandes foires où hypocrisie et stratagèmes de diversion s’allient pour abuser l’opinion. Mais il faut cesser d’être naïf, car le temps n’est pas à l’aménagement de notre modèle de société, mais à un changement radical de ce modèle pour qu’enfin, en plaçant l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations, nos talents et nos moyens puissent être mobilisés pour construire un monde digne de la vraie intelligence. Nous en avons les moyens matériels, il ne nous manque que l’audace et la détermination. Ce qui donne de l’espoir, c’est que la société civile planétaire semble déjà s’être engagée activement pour que ce changement de paradigme puisse advenir.
Pierre Rabhi
Pierre Rabhi
Pierre Rabhi Le blog de Pierre Rabhi
pour une insurrection des consciences
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Biographie de Pierre Rabhi

Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, Pierre Rabhi est un des pionniers de l’agriculture biologique et l’inventeur du concept « Oasis en tous lieux ». Il défend un mode de société plus respectueux des hommes et de la terre et soutient le développement de pratiques agricoles accessibles à tous et notamment aux plus démunis, tout en préservant les patrimoines nourriciers. Depuis 1981, il transmet son savoir-faire dans les pays arides d’Afrique, en France et en Europe, cherchant à redonner leur autonomie alimentaire aux populations. Il est aujourd’hui reconnu expert international pour la sécurité alimentaire et a participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Il est l’initiateur du Mouvement pour la Terre et l’Humanisme. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Paroles de Terre, du Sahara aux Cévennes, Conscience et Environnement ou Graines de Possibles, co-signé avec Nicolas Hulot.

Auteur, philosophe et conférencier, il appelle à l' »insurrection des consciences » pour fédérer ce que l’humanité a de meilleur et cesser de faire de notre planète-paradis un enfer de souffrances et de destructions. Devant l’échec de la condition générale de l’humanité et les dommages considérables infligés à la Nature, il nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à réaliser l’importance vitale de notre terre nourricière et à inaugurer une nouvelle éthique de vie vers une « sobriété heureuse ».

Son dernier ouvrage Graines de Possibles est co-signé avec Nicolas Hulot.

« De ses propres mains, Pierre Rabhi a transmis la Vie au sable du désert… Cet homme très simplement saint, d’un esprit net et clair, dont la beauté poétique du langage révèle une ardente passion, a fécondé des terres poussiéreuses avec sa sueur, par un travail qui rétablit la chaîne de vie que nous interrompons continuellement ».

Yehudi Menuhin

1938 : Fils d’un forgeron du sud algérien, Pierre est confié à l’âge de 5 ans, après le décès de sa mère, à un couple d’Européens. Il reçoit une éducation française tout en conservant l’héritage de sa culture d’origine.

1960 : La guerre d’Algérie accentue le clivage. Il est alors ouvrier dans une entreprise parisienne et met en cause les valeurs de compétition de la modernité. Avec sa femme Michèle, une parisienne, il quitte la capitale pour s’installer en Ardèche. Ouvrier agricole, il récuse déjà fortement la logique productiviste appliquée à l’agriculture dont les conséquences dévastatrices révèlent aujourd’hui leur ampleur.

1972 : Après avoir fait la découverte de l’agriculture biologique et écologique, il applique avec succès ces méthodes sur sa petite ferme, dans l’agriculture et l’élevage, sur cette terre aride et rocailleuse où grandiront leurs cinq enfants.

1978 : Pierre Rabhi est chargé de formation à l’agro-écologie par le CEFRA (Centre d’études et de formation rurales appliquées)

A partir de 1981 Pierre Rabhi commence à transmettre son expérience agroécologique et met au point divers programmes de formation en France, en Europe et en Afrique. Sur l’invitation du Burkina Faso, Pierre Rabhi organise le premier programme d’agroécologie qu’il propose comme alternative aux paysans confrontés au marasme écologique (sécheresses) et économique (cherté des engrais et pesticides). Il fonde en collaboration avec l’association du Point Mulhouse le premier Centre africain de Formation à l’Agroécologie.

1985 : Création du centre de formation à l’agro-écologie de Gorom Gorom, avec l’appui de l’association « Le Point-Mulhouse ».

1988 : Pierre Rabhi est reconnu comme expert international pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification, comprise comme tout processus qui porte atteinte à l’intégrité et à la vitalité de la biosphère, et ses conséquences humaines. Il participe à des programmes d’échelle mondiale y compris sous l’égide des Nations-Unies.

1989 : Fondation du Carrefour International d’Echanges et de Pratiques Appliquées au Développement (CIEPAD) avec l’appui du Conseil général de l’Hérault : mise en place d’un  » module optimisé d’installation agricole « , de programmes de sensibilisation et de formation, lancement de nombreuses actions de développement à l’étranger (Maroc, Palestine, Algérie, Tunisie, Sénégal, Togo, Bénin, Mauritanie, Pologne, Ukraine…)

1992 : Lancement du programme de réhabilitation de l’oasis de Chenini-Gabès en Tunisie.

1997-98 : Pierre intervient à la demande de l’ONU dans le cadre de l’élaboration de la Convention de lutte contre la désertification (CCD) et est appelé à formuler des propositions concrètes pour son application.

1999-2000 : Création de l’association Terre & Humanisme pour la transmission de l’éthique et de la pratique agroécologique. Installation au Mas de Beaulieu en Ardèche comme base logistique des activités et lieu de démonstration, d’expérimentation et de formation. Lancement de nouvelles actions de développement au Niger (région d’Agadez), au Mali (région de Gao) et au Maroc (Kermet BenSalem, Dar Bouaza, Taroudant).

2002 : Encouragé par de nombreux amis, Pierre se lance dans une campagne éléctorale « non conventionnelle » en proposant de replacer l’Homme et la Nature au coeur de la logique. Sa campagne a en très peu de temps suscité une mobilisation exceptionnelle, récolté la signature de nombreux élus et donné naissance à plus de 80 comités départementaux de soutien: les colibris.

2004: Naissance du projet de création d’un centre agroécologique à la Roche / Grâne dans la Drôme, lieu d’accueil, d’hébergement et de pédagogie voué à l’écologie et porteur des valeurs de Terre et Humanisme de sa conception à sa gestion.

2006: Lancement du Mouvement pour la Terre et l’Humanisme

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