Ce que l’on peut désormais appeler – et pour longtemps sans doute – la grande déconvenue de Copenhague est à la mesure de l’espoir que cette rencontre avait suscité. Après les grandes cérémonies précédentes (Rio de Janeiro, Kyoto, Johannesburg, etc.), il fallait être singulièrement naïf pour croire qu’une quelconque décision – que l’immense gravité des enjeux nécessite absolument – allait enfin surgir d’une ambiance de hall de gare, où chaque nation veille avant tout sur ses intérêts propres.
L’enjeu lui, est des plus simples. Suite à des transgressions de l’espèce humaine, il se pose comme un ultimatum dont les fioritures verbales et les péroraisons politiques ne peuvent éluder la rigueur. L’humanité doit changer de comportement à l’égard de la planète qui l’héberge, si elle ne veut pas disparaître. Au lieu de son unité, on a pu encore une fois prendre la mesure d’un fait à l’origine de nos plus grands maux et des obstacles sur notre chemin d’humanisation. En effet, sur une planète une et indivisible d’un pôle à l’autre – et dont la diversité et la cohésion renforcent la vie et la survie – notre espèce, en dépit de sa nature également unitaire, est par contre fragmentée. L’avènement très récent du phénomène humain a instauré un vivre ensemble fondé sur l’antagonisme. Certains font appel aux théories – dont l’interprétation n’est pas clarifiée – de M. Darwin, pour justifier le caractère dynamique et inéluctable de cet état des choses. Quoi qu’il en soit, contrairement aux autres espèces, il n’a pas pour seul mobile la lutte pour la survie et des problèmes de territoire – ce qui est relativement facile à solutionner – mais des causes plus subtiles : les mythes, les croyances, les symboles pour exorciser une sorte de peur primale enkystée dans les esprits. Ces paramètres sont omniprésents dans toutes les concertations lorsqu’il s’agit de résolutions communes. La rivalité issue de l’insécurité est allée jusqu’à apposer – comme l’examen d’une mappemonde nous le révèle – un ordre cloisonné, fait de morceaux de planètes circonscrits et sécuritaires appelés territoires, et à l’origine de grands conflits, alibis à la prolifération extravagantes des armes de destruction. Ces territoires sont comme les éléments d’un puzzle mais qui, au lieu de rendre intelligible le tout, en exacerbent la confusion. C’est ainsi que les questions factuelles sensées être examinées à l’occasion de ces rencontres se font en occultant les mécanismes subjectifs qui les sous-tendent et les déterminent. Ainsi, des questions concernant le sort commun sont-elles limitées par des préjugés qui éloignent de la nécessité urgente de prendre des résolutions communes qui, par leur caractère universel, transcendent les intérêts particuliers des nations. C’est aussi la même irrationalité froide qui fait qu’au lieu d’exalter la splendeur d’une planète vivante et unique, née de la conjonction des paramètres les plus improbables, oasis merveilleuse dans un désert sidéral infini, elle est ravalée à un gisement de ressources vivantes ou minérales à exploiter selon un principe minier, jusqu’à leur prévisible et total épuisement. Ce principe minier semble avoir comme finalité de subordonner les dons les plus précieux, les plus indispensables qui soient à la vie, à la vulgarité totalitaire de la finance. Pour ce faire, un ordre anthropophagique mondial s’est imposé insidieusement, avec une règle du jeu qui permet aux plus voraces de dévorer légalement les plus démunis. Pire encore, des états corrompus vont même jusqu’à confisquer aux populations qu’ils sont sensé protéger leurs biens légitimes indispensables à leur survie et à celle de leur descendance, pour les livrer à la braderie internationale. Comme nous ne sommes pas à une perversion près, le Tiers Monde – chaque jour pillé et spolié – suscite, comme contrepartie de son appauvrissement programmé, des dispositifs internationaux à caractère compassionnel, pour lui allouer quelques subsides lui permettant de surmonter les conséquences écologiques désastreuses, imputables aux nantis de la civilisation de la combustion énergétique outrancière. On peut se demander jusqu’où le cynisme moralisé peut aller… Par une sorte de manipulation mentale et subliminale, la politique du pompier pyromane devient un mécanisme normal, banalisé, comme l’humanitaire est devenu le moyen compensatoire aux défaillances de l’humanisme, seul en mesure de le rendre sans objet. Le plus extraordinaire encore, c’est d’avoir réussi à donner le noble vocable d’Economie – à savoir la régulation des échanges de nécessité pour la satisfaction des besoins de tous – à ce qui est le déni même de l’Economie. La croissance économique fondée sur la prédation et la dissipation sans limite des ressources, provoque une multitude d’effets directs et collatéraux négatifs parmi lesquels, justement, le réchauffement climatique, objet du débat de Copenhague. Bien des problématiques comme la faim dans le monde et autres calamités mériteraient autant d’effervescence, mais on sait que les priorités sont définies, au-delà même de l’autorité politique, par la puissance insidieuse du lucre. On entend souvent dire que ces rencontres – dont le bilan est souvent décevant – permettent néanmoins de sensibiliser l’opinion aux grands enjeux écologiques. Cela est indéniable, comme est indéniable la sincérité de nombreuses personnes qui aspirent au changement positif de l’aventure humaine. Elles sont presque toujours au sein même de ces grandes foires où hypocrisie et stratagèmes de diversion s’allient pour abuser l’opinion. Mais il faut cesser d’être naïf, car le temps n’est pas à l’aménagement de notre modèle de société, mais à un changement radical de ce modèle pour qu’enfin, en plaçant l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations, nos talents et nos moyens puissent être mobilisés pour construire un monde digne de la vraie intelligence. Nous en avons les moyens matériels, il ne nous manque que l’audace et la détermination. Ce qui donne de l’espoir, c’est que la société civile planétaire semble déjà s’être engagée activement pour que ce changement de paradigme puisse advenir. Pierre Rabhi Le blog de Pierre Rabhi
Retour sur Copenhague par Pierre Rabhi
la famille rabhi que j’admirais a de droles de moeurs, quelle déception !
http://www.liberation.fr/societe/0101547486-violee-chez-sa-seconde-famille