Regards sur la Terre décrypte chaque année la complexité des processus qui composent le développement durable et en révèle toute la richesse. Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable aux enjeux du DD. Cette année, l’ouvrage a pour thème Construire un monde durable
Regards sur la Terre 2015
Regards sur la Terre met en lumière les mutations et les grands défis environnementaux et sociaux actuels : – Il décrypte les questions de mise en œuvre du développement, et explore différentes options pour faire de son financement un levier de transformation des économies et des sociétés – Un indispensable outil d’information et de compréhension des grands enjeux contemporains ! L’ouvrage dresse le bilan de l’année 2014 : retour sur les dates, lieux et rapports clés qui ont structuré les débats et l’action ; identification et analyse des faits marquants, des enjeux et perspectives dans les domaines du développement, de la biodiversité, du climat, de la gouvernance. 2015 est une année charnière pour la coopération internationale pour le développement puisque seront définis, lors du Sommet de New York du mois de septembre, les Objectifs de développement durable (ODD) pour les quinze années à venir. La deuxième partie de l’ouvrage analyse les enjeux de ce nouveau cadre de coopération. Et présente des exemples de politiques locales et régionales ambitieuses pour un développement plus durable, sur les cinq continents.Regards sur la Terre 2014
Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développement durable et en révèle toute la richesse. – La première partie dresse le bilan de l’année 2013 : retour sur les dates, les lieux et rapports clés qui ont structuré les débats et l’action en faveur d’un développement plus durable ; analyse des événements marquants, identification des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives dans les domaines du développement, de l’agro-écologie, de la biodiversité, du climat, de la gouvernance, etc. – Le Dossier 2014 a pour ambition de décortiquer et analyser les rouages de l’innovation, considérée comme la nouvelle clé du développement durable. Véhicules électriques, agriculture biologique, énergies renouvelables, e-learning : l’essor de ces technologies émergentes et modèles alternatifs génère l’espoir d’un développement plus décentralisé, frugal, flexible et démocratique, que les modèles déployés au cours du XXe siècle. L’innovation s’impose comme mot d’ordre des organisations internationales, gouvernements, entreprises, universités et de la société civile pour répondre aux défis économiques, sociaux et environnementaux de la planète. Quel est le véritable potentiel de ces innovations ? Comment et où se diffusent-elles ? Comment bousculent-elles les modèles conventionnels, dans l’agriculture, l’approvisionnement en eau et en énergie, les transports, l’éducation ? Leur ascension fulgurante, dans toutes les régions du monde, tient-elle ses promesses d’avènement d’une société plus durable et inclusive ? Au-delà de la technologie, quelles innovations institutionnelles sont-elles nécessaires pour atteindre cet objectif ? Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable. Sous la direction de : – Jean-Yves Grosclaude : Directeur exécutif en charge de la stratégie à l’Agence française de développement (AFD). – Rajendra Kumar Pachauri : Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007, directeur général du TERI de New Delhi. – Laurence Tubiana : Économiste, a fondé et dirige l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po.Extraits
« L’innovation frugale : une stratégie pionnière venue du Sud » Navi RADJOU, université de Cambridge, Royaume-UniLongtemps, on a considéré que le Nord innovait et le Sud imitait. Cette période est révolue. Tous les jours, des milliers d’entrepreneurs et d’entreprises dans les économies émergentes, en Afrique, en Chine, au Brésil ou en Inde témoignent de leur ingéniosité et inventent des solutions durables et rentables pour répondre aux besoins socioéconomiques des communautés locales en utilisant un minimum de ressources. Ce sont les pionniers d’une approche radicalement nouvelle, l’innovation dite « frugale » – un modèle de rupture dont l’Occident aurait tout intérêt à s’inspirer. Au xxe siècle, alors que les économies nord-américaines et européennes étaient en plein essor, les entreprises occidentales ont commencé à institutionnaliser leurs capacités d’innovation, en créant des départements dédiés à la recherche et au développement (R&D) et en normalisant leurs processus métier en vue de commercialiser les produits ainsi conçus. Dès lors, elles ont géré l’innovation comme n’importe quelle autre activité. Cette industrialisation du processus créatif a donné lieu à une approche structurée de l’innovation reposant sur des budgets conséquents, des processus standardisés et un accès contrôlé au savoir. Si cette stratégie a donné un temps d’excellents résultats, comme en témoignent les performances des économies occidentales pendant la seconde moitié du xxe siècle, elle n’est plus adaptée à la volatilité de l’environnement typique du xxie siècle ni aux contraintes en termes de ressources – et ce, pour trois grandes raisons. Premièrement, l’approche occidentale de l’innovation est trop onéreuse et gourmande en ressources. Les économies occidentales ont fini par se convaincre que leur système d’innovation – comme tout système industriel – serait plus productif (nombre d’innovations) s’il recevait plus d’intrants (ressources mobilisées). D’où une dynamique de l’innovation structurée à forte intensité de capital, incapable de fonctionner sans s’appuyer sur de vastes moyens financiers et ressources naturelles pourtant toujours plus rares. Tout a été conçu pour produire « plus avec plus » : les entreprises font payer au prix fort des produits et des services exagérément sophistiqués qui sont coûteux à élaborer et à fabriquer. Les 1 000 entreprises mondiales qui investissent le plus dans l’innovation – pour la plupart des groupes occidentaux – ont dépensé la bagatelle de 603 milliards de dollars en R&D pour la seule année 2011 ! Et qu’ont-elles obtenu en échange ? Pas grand-chose, si l’on en croit une étude du cabinet de conseil en stratégie Booz et Company : les trois secteurs qui consacrent le plus de fonds à la R&D en Occident – l’informatique/électronique, la santé et l’automobile – peinent à produire un flux constant d’innovations révolutionnaires, malgré ces coquets investissements… Il n’y a donc pas de véritable corrélation entre les sommes allouées à la R&D et les performances en termes de conception et de commercialisation de produits suffisamment rentables. Autrement dit, la formule est un peu brutale, l’innovation ne s’achète pas. L’industrie pharmaceutique occidentale, fervente adepte du « toujours plus » en matière de R&D, est visiblement à bout de course. Alors que les dépenses de R&D des grands groupes du secteur (européens ou américains pour la plupart) ont bondi entre 1995 et 2009, de 15 à 45 milliards de dollars, le nombre de nouveaux médicaments mis sur le marché chaque année a reculé de 44 % depuis 1997. Une évolution d’autant plus inquiétante qu’un grand nombre de brevets vont tomber entre 2011 et 2016, représentant au total 139 milliards de dollars. Deuxième limite de l’approche occidentale de l’innovation, son manque de souplesse. Du fait de leurs investissements massifs dans la R&D, les entreprises occidentales ont développé une aversion au risque dans les projets d’innovation. Pour les gérer et les contrôler, elles ont introduit des processus standardisés (comme la méthode Six Sigma, qui propose un ensemble intégré de techniques de gestion censées réduire les défauts de production et accroître l’efficacité opérationnelle grâce à la normalisation des processus) et des analyses de type « étape-porte » (stage gate). Elles comptaient sur cette structuration pour réduire de manière drastique l’incertitude – et le risque d’échec – tout au long du processus d’innovation et améliorer la prévisibilité des projets de R&D en termes de mise en œuvre et de performances. Mais cette approche est incompatible avec l’agilité et la différenciation requises dans un monde toujours plus évolutif. Construites autour de procédures stables et prévisibles, les méthodes de type Six Sigma interdisent toute possibilité de changement rapide – la qualité même que les entreprises doivent posséder pour proposer à des clients toujours plus exigeants et divers des produits et des services personnalisables et, dans le même temps, rester à la pointe des évolutions technologiques. Troisièmement, le modèle d’innovation occidental pèche par son caractère élitiste, étriqué et exclusif. Convaincues que le savoir, c’est le pouvoir et que la réussite passe par le contrôle de l’accès aux connaissances, les entreprises occidentales ont créé tout au long du xxe siècle d’immenses laboratoires de R&D, qui emploient des centaines de scientifiques et d’ingénieurs de haut niveau. Elles ont ainsi fait de l’innovation une activité élitiste réservée à une poignée d’élus – ces ingénieurs et scientifiques oeuvrant dans le secret de laboratoires maison jamais très loin des sièges sociaux des groupes. Admis dans le saint des saints, le département R&D, ces rares privilégiés pouvaient laisser libre cours à leur imagination, grâce aux ressources mises à leur disposition. Toute trouvaille était jalousement protégée et les relations avec les autres employés – a fortiori des personnes étrangères à l’entreprise – étaient bannies… toujours selon l’idée que, pour dominer les marchés par l’innovation, une entreprise devait faire jouer deux leviers : une technologie de pointe et les meilleurs cerveaux (par le biais des droits de propriété intellectuelle), tous deux « accessibles » pour peu qu’on en ait les moyens. Sans doute valable au début de l’ère industrielle, ce principe a beaucoup perdu de sa pertinence. Parce l’on pensait que seule une poignée de scientifiques surdiplômés pouvait inventer, les systèmes de R&D pyramidaux mis en place sont souvent incapables de s’ouvrir à des idées venues du terrain. Mais l’élitisme du modèle occidental ne s’arrête pas là : en produisant des biens et des services trop onéreux que seul le grand public fortuné des pays occidentaux peut s’offrir, il interdit aux couches les moins aisées de la population d’y avoir accès. Ou comment l’élitisme entretient la marginalisation.[…]
Non contents d’être plus sensibles au coût, les consommateurs occidentaux sont toujours plus conscients des enjeux écologiques et plébiscitent les biens et services respectueux de l’environnement et économes en ressources. Ainsi, 71 % des Américains intègrent l’écologie dans leurs achats, contre 66 % en 2008. Et plus de 80 % des citoyens européens estiment que l’impact environnemental pèse dans leurs décisions de consommation. Tout cela prouve que les entreprises occidentales doivent repenser leur approche, pour innover plus vite, mieux et moins cher – et produire des biens abordables et durables, adaptés aux attentes de consommateurs occidentaux de plus en plus frugaux et éco-responsables. Pour ce faire, elles auraient tout intérêt à se tourner vers leurs homologues… dans les pays du Sud !L’innovation frugale : une approche révolutionnaire venue du Sud
De l’Afrique au Brésil en passant par l’Inde et la Chine, des pays en développement sont les pionniers de l’innovation frugale – un paradigme diamétralement opposé de l’approche coûteuse, rigide et élitiste privilégiée par l’Occident. À rebours du « toujours plus » et de la course aux ressources, il s’agit ici de faire plus avec moins, c’est-à-dire de créer davantage de valeur sociale en réduisant au maximum la ponction sur des moyens financiers et des ressources naturelles rares. Au Kenya, en Inde, au Pérou ou aux Philippines, des milliers d’entrepreneurs et d’entreprises rivalisent d’ingéniosité pour concevoir des solutions bon marché et durables à partir de ressources limitées. Ces innovateurs frugaux voient dans les contraintes fortes – le manque d’eau ou d’électricité par exemple – non pas un frein, mais l’occasion d’innover et de créer plus de valeur pour les communautés locales. En Inde, Harish Hande a ainsi créé SELCO – une entreprise qui alimente en énergie solaire et à des prix abordables plus de 125 000 foyers dans des zones rurales isolées, en s’appuyant sur un vaste réseau local de micro-entrepreneurs qui vendent des lampes solaires et assurent leur entretien (l’entrepreneur a reçu le prix Ramon Magsaysay en 2011). Au Pérou, où l’air est très humide mais les précipitations rares, des ingénieurs du cru ont mis au point un panneau publicitaire qui transforme cette humidité en eau potable (en trois mois, ils ont réussi à en produire près de 10 000 litres). À côté de ces entrepreneurs du terrain, de nombreuses entreprises des marchés émergents recourent à l’innovation frugale pour développer à grande échelle des solutions de qualité et bon marché, destinées aux millions de consommateurs peu fortunés. C’est ainsi qu’est née Nano, la voiture la moins chère du monde (2 000 dollars), produit du conglomérat indien Tata Group, lequel a aussi conçu Swach, un purificateur bon marché qui utilise des produits naturels, comme les résidus d’écorces de riz, pour filtrer l’eau. Ces deux solutions frugales visent les centaines de millions d’Indiens au bas de la pyramide économique du pays. Au Kenya, l’opérateur télécom Safaricom a conçu M-PESA, un service de paiement par téléphone mobile qui permet aux abonnés d’envoyer et de recevoir de l’argent sans avoir de compte en banque. Plus de 15 millions de Kenyans utilisent ce dispositif aujourd’hui – soit plus que le nombre d’habitants ayant un compte en banque ! Tous ces entrepreneurs et entreprises des pays en développement convertis à l’innovation frugale incarnent l’esprit jugaad – un terme hindi familier qui désigne « une solution ingénieuse et originale, fruit d’une improvisation astucieuse ». Avoir le jugaad, c’est savoir se débrouiller et trouver des solutions dans des conditions hostiles à partir de ressources limitées. Selon les pays, le jugaad prend des noms différents : au Brésil, on parle de jeitinho ; en Chine, de zizhu chuangxin (par opposition au shanzhai, qui signifie « imitation ») ; et au Kenya, on emploie l’expression jua kali. Quel que soit le terme employé, l’esprit jugaad prouve que les pays en développement sont capables de trouver des solutions originales à des problèmes locaux. Le modèle d’innovation frugale – qui se nourrit de cet état d’esprit jugaad fait d’ingéniosité – où l’Afrique, l’Amérique latine et les pays en développement d’Asie font figure de pionniers, non seulement apporte un démenti cinglant à l’idée selon laquelle « le Nord invente, le Sud imite » mais offre également une alternative rentable et durable au modèle d’innovation occidental, intensif en ressources et qui a prouvé ses limites. À mille lieux de cette approche, l’innovation frugale permet de mobiliser un minimum de ressources, d’avoir une souplesse maximale et de favoriser une collaboration et un engagement accrus au sein des communautés. Pour comprendre le fonctionnement concret de cette forme d’innovation, arrêtons-nous sur les méthodes adoptées par les innovateurs frugaux.[…] […]
Le monde étant interconnecté et interdépendant, le problème énergétique des États- Unis est aussi celui de l’Inde : puisque nous partageons la même planète, la solution sera globale ou ne sera pas. Le même constat vaut pour la santé : les problèmes que rencontre la Chine, dont la population vieillit rapidement, sont identiques à ceux des pays européens – et l’enjeu sanitaire à relever est mondial. Économies émergentes comme pays développés ont besoin de solutions bon marché et viables pour répondre aux urgences dans des secteurs comme l’éducation, l’énergie, la santé, les transports ou les services financiers. Les modèles traditionnels de R&D sont trop rigides et trop coûteux pour réussir. L’innovation frugale est mieux à même de fournir des solutions rentables et éconergétiques. Testée sur des marchés émergents aux moyens limités, elle gagne rapidement du terrain dans les économies occidentales frappées par la récession. Espérons que les chefs d’entreprise et les décideurs des pays du Nord joindront bientôt leurs forces à celles de leurs homologues du Sud pour constituer des réseaux intégrant leurs atouts et savoir-faire respectifs en matière d’innovation, afin d’inventer ensemble des solutions frugales aux graves problèmes socioéconomiques auxquels sont confrontés tous les pays du monde.
« Les bailleurs émergents et le Partenariat mondial » Laëtitia MARTINET, AFD, France Armand RIOUST DE LARGENTAYE, AFD, France
L’année 2013 a été marquée par des initiatives préparatoires au grand rendez-vous de 2015, année d’échéance des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). À cette occasion doivent être définis les objectifs du développement durable (ODD) et mis en place le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement (Partenariat mondial). En parallèle aux préparatifs du Partenariat mondial entrepris par le Comité de pilotage constitué à la suite du forum de Busan sur l’efficacité de l’aide, les bailleurs émergents ont œuvré en 2013 pour faire valoir leur vision d’une coopération efficace pour le développement selon le mode Sud-Sud, plutôt que selon les normes traditionnelles du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’aide Nord-Sud. Bien que très répandu, le terme de « bailleur émergent » est imparfait et les contours du groupe qu’il dessine sont flous. Il désigne le plus souvent l’ensemble des pays à la fois bénéficiaires et donateurs d’aide publique au développement (APD) et également non membres du CAD de l’OCDE. Contrairement à ce que laisse supposer le terme « émergent », la contribution à la coopération au développement de ces acteurs n’est pas toujours récente. C’est plutôt leur poids croissant, en termes de volume et d’influence politique, qui est un phénomène nouveau, comme l’analysent Olivier Ray et Jean-Michel Severino dans leur ouvrage Le Grand Basculement (2011). Le volume de l’aide chinoise (dont le périmètre n’est pas celui des pays du CAD) est particulièrement en hausse : de 2004 à 2009, il a augmenté en moyenne de 29 % par an (ministère chinois du Commerce – MOFCOM –, Livre blanc, 2011). Dans le même temps, les contributions des bailleurs du CAD et autres bailleurs traditionnels stagnent. Pour certains, sous l’effet de la crise économique et des politiques d’austérité budgétaire, elle est même en baisse. Cette double tendance implique une modification importante du paysage de l’aide. Par ailleurs, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, au sein du groupe des BRICS, ainsi que l’Indonésie sont aujourd’hui devenus des interlocuteurs incontournables sur les grands dossiers de la gouvernance mondiale (lutte contre le changement climatique, définition des ODD). Ils se considèrent comme les défenseurs des intérêts des pays en développement (PED), notamment ceux des pays formant le G77.
Quelle a été la place des bailleurs émergents dans les grandes rencontres internationales de la gouvernance de la coopération au développement, et notamment dans les préparatifs du Partenariat mondial en 2013 ? La question de la légitimité des discussions et des conclusions de telles instances se pose en effet si des acteurs de poids croissant décident de ne pas adhérer au processus et de créer leurs propres groupes de concertation et un système parallèle de gouvernance.Le forum de Busan et le lancement du Partenariat mondial
Le forum de Busan, qui s’est tenu à la fin de l’année 2011, a constitué l’aboutissement du cycle de l’efficacité de l’aide ouvert par la déclaration de Paris en 2005. L’objectif du forum était d’évaluer les progrès réalisés par rapport aux engagements de Paris, en mesurant les résultats obtenus sur les douze indicateurs de la déclaration. Les participants au forum ont pris acte des progrès réalisés par les PED, notamment dans le domaine de l’appropriation des stratégies de développement et de réduction de la pauvreté. En revanche, d’après les évaluations présentées à Busan, les bailleurs (les pays donateurs) n’ont pu montrer que des résultats modestes par rapport aux engagements pris six ans plus tôt. Au-delà de cette évaluation, le forum de Busan a été marqué par l’adhésion de la Chine au terme d’une négociation mouvementée menée par le président du CAD, Brian Atwood, ancien administrateur de l’Agence des États- Unis pour le développement international (USAID). Cette négociation a fini par aboutir, moyennant la mention en évidence au début du document de Busan, de la différence entre la coopération Sud-Sud et la coopération Nord- Sud. Une des caractéristiques de la coopération Sud-Sud, souvent soulignée par la Chine, est qu’elle doit produire des « bénéfices mutuels », par opposition au caractère unilatéral de l’aide Nord-Sud. Avec l’adhésion de la Chine et des bailleurs émergents, le forum de Busan a pu lancer le Partenariat mondial, poursuivant ainsi l’élargissement du groupe « Efficacité de l’aide » du CAD (initiateur de la déclaration de Paris), qui avait accueilli les PED et les partenaires non-gouvernementaux (organisations de la société civile, secteur privé, parlementaires). Avant de se dissoudre en juin 2012, conformément aux dispositions du forum de Busan, le groupe « Efficacité de l’aide » a créé le Comité de pilotage du Partenariat mondial. Ce Comité est formé de 18 membres, y compris deux représentants des bailleurs émergents. L’un de ses deux représentants, Armida Alisjahbana, ministre indonésienne de la Planification du développement, siège au praesidium du Comité avec deux autres personnes, représentant respectivement les pays donateurs (Justine Greening, secrétaire d’État britannique en charge du développement international) et les PED (Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des Finances du Nigeria). Le Comité de pilotage du Partenariat s’est déjà réuni quatre fois (à Londres en décembre 2012, à Bali en mars 2013 – à la veille de la réunion du Panel de haut niveau pour l’agenda post-2015 qui a produit quelques semaines plus tard son rapport Pour un partenariat mondial -, à Addis-Abeba en juillet 2013 et à Washington les 10 et 11 octobre 2013) et devait se réunir les 13 et 14 janvier 2014 à Abuja, dernière réunion avant la rencontre « à haut niveau » du Partenariat mondial programmée à Mexico les 15 et 16 avril 2014. Le Comité de pilotage a fixé les cinq thèmes à traiter à la réunion de Mexico, comme suit : 1. la mise en oeuvre des engagements de Busan et le développement inclusif ; 2. la mobilisation des ressources (fiscales et financières) des pays partenaires ; 3. le partage des connaissances pour le développement et la coopération Sud-Sud ; 4. le rôle des pays à revenu intermédiaire ; 5. l’engagement du secteur privé en faveur du développement.[…]
Au total, la mise en place du Partenariat mondial pour le développement n’échappe pas aux difficultés de l’accouchement d’une nouvelle structure de gouvernance mondiale. Elle est le lieu de la complexe conciliation d’idéologies historiquement opposées. Elle réalise la convergence d’au moins deux courants, celui de l’efficacité de l’aide, et celui des OMD/ODD, ranimé par la Conférence Rio+20. Ainsi, derrière les oppositions et les réticences observées en 2013, le « grand basculement » géopolitique du tournant du millénaire pourrait, moyennant la foi et la vision des acteurs, esquisser laborieusement un mouvement fondateur de la gouvernance mondiale.
Regards sur la Terre 2013
Réduire les inégalités Le monde est-il de plus en plus inégalitaire ? Les riches sont-ils de plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? Quelles sont les composantes non monétaires de l’inégalité ? Pour saisir l’évolution contemporaine des inégalités et comprendre leurs conséquences sur le développement durable, Regards sur la Terre dissocie les écarts de niveau de vie entre pays des écarts au sein des pays. Chacune de ces deux dimensions connait actuellement un grand retournement, dont la conjonction marque une rupture historique à l’échelle de l’humanité. Le premier retournement est celui d’une tendance séculaire de creusement des écarts de richesses entre régions du monde, puisque la croissance spectaculaire des émergents se traduit par une diminution des inégalités de revenu moyen entre pays, accompagnée d’une importante réduction de la pauvreté absolue. Parallèlement, un deuxième retournement s’opère, se manifestant par une augmentation des inégalités au sein de nombreux pays. Ce renversement sans précédent des inégalités a des conséquences considérables sur l’état de notre planète et de nos sociétés, et sur notre capacité collective à produire un développement durable selon les engagements pris à Rio il y a plus de vingt ans. Regards sur la Terre propose un état des lieux des liens entre l’évolution des inégalités et la soutenabilité de nos systèmes de développement. Un nombre croissant de chercheurs et d’institutions s’accorde aujourd’hui sur l’existence d’une relation positive entre la réduction des inégalités et la durabilité des systèmes économiques et sociaux — et en premier lieu leur résilience. Dans la même perspective, la réduction des inégalités peut avoir un impact sur d’autres dimensions du développement, comme la préservation de la biodiversité ou la santé. Si des arguments justifient le traitement politique des inégalités à des fins de durabilité, la traduction de tels arguments en politique publique reste aujourd’hui insuffisante et lacunaire. Au-delà du Brésil souvent cité en exemple, la réduction effective des inégalités au sein des pays exige une part d’innovation sociale et politique, qui va souvent à l’encontre des forces politiques et économiques installées. Les contributions à Regards sur la Terre illustrent l’importance de traiter les inégalités non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen. Un moyen de rendre nos sociétés plus résilientes, nos rapports de force plus équilibrés, les intérêts bien compris mieux partagés et d’infléchir nos trajectoires de développement. Les inégalités sont l’un des problèmes les plus universellement partagés. Elles méritent à ce titre, d’être mises à l’agenda des négociations sur nos modèles de développement « post-2015 ».Extrait
Une introduction de Rémi Genevey, Laurence Tubiana et Rajendra K. Pachauri (directeurs de publication), qui propose un bilan de 20 ans de développement durable.« En 2012, la profonde transformation des équilibres mondiaux consécutive à la crise financière et économique s’est poursuivie. Son appréciation est indispensable pour comprendre l’évolution de l’agenda global du développement durable, ses hésitations et ses accomplissements. […] Dans un tel contexte, miser sur un scénario « business as usual » serait des plus dangereux. […] L’heure tourne, les Nations unies ont pris date pour définir des objectifs de développement durable et un accord contraignant sur le climat à compter de 2015. Nous soulignons ici quelques faits saillants qui feront de ce rendez-vous un véritable renversement dans notre capacité à produire du développement durable – ou un changement pour ne rien changer. »
Sommaire
Chapitre 1 – Inégalités : l’importance de la perspective historique Pedro RAMOS PINTO, université de Manchester, Royaume-Uni Cette perspective historique met en évidence la stabilité des critères à l’aune desquels les individus ou les groupes sont reconnus inégaux, mais signale aussi les opportunités d’évolution de ces critères et de transformation des sociétés. Elle pointe la difficulté d’identifier des remèdes à l’inégalité qui exige notamment de comprendre comment les différentes manières de concevoir les inégalités au sein des sociétés sont intégrées dans les rapports sociaux et, ainsi, généralisées et persistantes. Chapitre 2 – La nouvelle prospérité des rentiers : la dynamique des inégalités dans un monde en croissance faible Thomas PIKETTY, École d’économie de Paris, France Le capitalisme du xxie siècle sera-t-il aussi inégalitaire et instable que celui du xixe siècle en Europe ? Alors qu’on prédisait le triomphe du capital humain et du mérite, Thomas Piketty montre que les revenus d’héritage, détenus par une minorité, ne cessent d’augmenter en proportion de la richesse nationale, pour retrouver des niveaux comparables à ceux du siècle de Rastignac et de Vautrin. et pose la question du partage de la prospérité. Chapitre 3 – Concevoir les inégalités dans le monde : l’émergence d’une idée politique au XXe siècle Vincent BONNECASE, Centre national de la recherche scientifique, France Souvent contestés, les indicateurs de conditions de vie sont au cœur de la problématique des inégalités. L’histoire de la comparaison des niveaux de vie démontre que les indicateurs concourent incontestablement à changer la manière de concevoir le monde. En mettant les hommes dans un même espace d’équivalence, la mesure donne de nouvelles armes discursives qui participent à la reconfiguration des rapports de forces. Chapitre 4 – Inégalités et croissance : l’émergence d’une idéologie globale entre 1990 et 2010 François BOURGUIGNON, École d’économie de Paris, France La relation inégalité-croissance-pauvreté alimente d’intenses débats académiques depuis les années 1950, qui façonnent les politiques des États et des organismes de développement. L’histoire des idées des sciences économiques démontre des changements de paradigme de la croissance et la mise en avant progressive de l’accumulation d’actifs productifs dans les groupes les plus défavorisés. Cela se concrétise dans des outils de mesures, des programmes sociaux et de nouvelles modalités de pilotage des politiques publiques. Chapitre 5 – L’égalité économique, un facteur indispensable pour préserver la biodiversité Gregory M. MIKKELSON, McGill University, Canada Raphaël BILLÉ, Institut du développement durable et des relations internationales, France Gilles KLEITZ, Agence française de développement, France Des travaux empiriques font état d’une corrélation élevée entre inégalités économiques et érosion de la biodiversité. Un certain niveau d’égalité semble également nécessaire pour une bonne gestion communautaire des ressources naturelles renouvelables. Chapitre 6 – Inégalités de revenus, inégalités en santé et progrès social Sridhar VENKATAPURAM, université de Cambridge, Grande-Bretagne Très populaires, les thèses développées dans le livre de Richard Wilkinson et de Kate Pickett, « L’égalité, c’est la santé », sont illégitimement interprétées. L’amélioration des conditions de vie dépend in fine de la qualité des programmes financés par les politiques de redistribution et le prélèvement des impôts.* Chapitre 7 – Les inégalités dans la moitié urbaine du monde David SATTERTHWAITE, International Institute for Environment and Development, Royaume-Uni Diana MITLIN, International Institute for Environment and Development, Royaume-Uni Les plus grandes inégalités apparaissent dans les zones urbaines des pays à revenus faibles et moyens, qui concentrent aujourd’hui 2,8 milliards d’habitants, en particulier dans les quartiers informels où les habitants font l’objet de discriminations inacceptables. L’analyse des nombreuses initiatives d’amélioration de l’accès aux services de base permet d’identifier les conditions de réduction des inégalités par les collectivités locales, la société civile et les institutions d’aide et de développement. Chapitre 8 – Comment tuer la taxe carbone avec l’argument d’équité, ou l’échec de la taxe Sarkozy Jean-Charles HOURCADE, Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, France Loin de servir des objectifs de réforme et de progrès social, la manipulation des arguments d’équité peut être mise au profit de l’inertie politique. C’est la leçon que l’on peut tirer de l’échec de la taxe carbone en France. Jean-Charles Hourcade propose plusieurs pistes si l’on souhaite éviter le piège tendu par toutes celles et ceux qui se réclament des « pauvres » ou des « minorités » pour mettre au rebut un instrument moderne de fiscalité. Chapitre 9 – Les voies de la durabilité dans un monde en crise Peter UTTING, Institut de recherche des Nations unies pour le développement social, Suisse Les contextes de crise ouvrent inévitablement la voie pour « repenser le développement ». À la crise actuelle ébranlant chacun des piliers du développement durable, Peter Utting propose au moins trois types de réponses que différencient les relations entre marché et société et, in fine, l’impact possible sur le développement durable. Chapitre 10 – La politique sociale du Brésil au XXIe siècle Barbosa THIAGO VARANDA, ministère du Développement social et de la Lutte contre la faim, Brésil Oliveira MAYRA JURUÁ, Centre d’études stratégiques et de gestion, Brésil Connu comme l’un des pays les plus inégalitaires de la planète, le Brésil réalise actuellement des progrès considérables de réduction des inégalités et d’amélioration des conditions de vie des travailleurs informels. Pour comprendre ces succès, les auteurs reviennent sur l’expérience brésilienne depuis les années 1930 jusqu’aux récents programmes Fome Zero et Bolsa Familia. Chapitre 11 – Commerce en bas de la pyramide : repenser les stratégies Erik SIMANIS, PhD, Cornell University, États-Unis Les stratégies du BOP (« bas de la pyramide ») sont motivées à la fois par la recherche du profit et l’ambition de développement. L’idée que les multinationales puissent à la fois engranger des profits et réduire la pauvreté ne semble guère résister toutefois à l’épreuve des faits. Des modifications et une certaine modestie s’imposent. Chapitre 12 – L’économie solidaire : l’émancipation en acte au défi du politique Bruno FRÈRE, université de Liège, Belgique, et Institut d’études politiques de Paris, France L’économie alternative et solidaire est partout une émancipation. Elle contourne les règles de l’économie de marché et propose une critique de l’idéologie managériale. Faute de se doter d’une identité et d’un agenda politique propres, elle court néanmoins le risque de rester confi née aux marges de l’échange comme de la société. Chapitre 13 – Définir des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 Xue LAN, université de Tsinghua, Chine Jeffrey D. SACHS, université de Columbia, États-Unis Guido SCHMIDT-TRAUB, Sustainable Development Solutions Network, France Laurence TUBIANA, Institut du développement durable et des relations internationales, France Et les membres du Conseil de direction du Sustainable Development Solutions Network Décision a été prise en 2012 à la Conférence Rio+20 de négocier des objectifs du développement durable (ODD). Engageant tous les pays à compter de 2015, les ODD seront réduits en nombre, simples d’expression, universels dans leur portée et déclinables par pays. La question des inégalités globales sera centrale dans les négociations de ce nouvel agenda de développement.Regards sur la Terre 2012
Développement, alimentation, environnement : changer l’agriculture ? La première partie dresse le bilan de l’année 2011 : retour sur les dates qui ont marqué l’avancée des connaissances et la construction de l’action dans les domaines du climat, de la biodiversité, des ressources naturelles, de la gouvernance, de l’énergie, de la santé ou du développement ; analyse des événements clés et des tendances émergentes, identification des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives. Le Dossier 2012 interroge l’un des enjeux majeurs de nos sociétés contemporaines : l’agriculture. Longtemps restée écartée des politiques de développement, celle-ci fait un retour en force sur le devant de la scène internationale. Mais si l’évidence d’un besoin d’investissements massifs dans le secteur agricole est aujourd’hui reconnue, d’importantes controverses demeurent. L’agriculture peut-elle être un moteur du développement ? Peut-elle assurer la sécurité alimentaire d’une population mondiale qui vient de franchir le cap des 7 milliards d’individus ? Comment concilier la production agricole avec les exigences du développement durable ? Un nouveau modèle doit-il être inventé ? Entre intérêt récent des investisseurs, débat sur les modèles de productions inscrits dans des réalités physiques, climatiques, environnementales et sociales et réflexion sur nos modes de consommation et d’alimentation, l’agriculture, qui cristallise tant les espoirs que les résistances à la mondialisation, est aujourd’hui plus que jamais un enjeu de gouvernance mondiale.Sommaire
Crises financières, alimentaires et agricoles : des opportunités pour changer ? Par Pierre Jacquet, Laurence TUBIANA, Rajendra K. PACHAURI. Regards sur 2011 : BILAN D’UNE ANNÉE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE MOIS PAR MOIS. TENDANCES, ACTEURS, FAITS MARQUANTS – 2011 : année forestière – Alain KARSENTY, Romain PIRARD – Après Fukushima, état des lieux du nucléaire dans le monde – Emmanuel GUÉRIN, Andreas RÜDINGER – Crises alimentaires en Afrique : causes climatiques ou politiques ? Jean-Luc FRANÇOIS – La crise européenne de la dette publique – Pierre JACQUET – Risques énergétiques : l’heure des choix – Michel COLOMBIER – Sous les pavés du printemps arabe, le chômage – Thierry LATREILLE, Olivier RAY – Apprentissage et expérimentations dans la gouvernance des biens publics mondiaux – Pierre JACQUET, Tancrède VOITURIEZ – Processus de Rio : bilan et perspectives – Lucien CHABASON, Henry DE CAZOTTE DOSSIER 2012 : Développement, alimentation, environnement : changer l’agriculture ? – Développement, alimentation, environnement : changer l’agriculture ? – Viviane GRAVEY, Raphaël JOZAN, Sébastien TREYER – – FOCUS : L’humanité pourra-t-elle se nourrir en 2050 ? Une explosion récente des prospectives – Sébastien TREYER – Chapitre 1 – Agriculture et sécurité alimentaire : prendre la mesure d’un défi global – Laurence TUBIANA, Noura BAKKOUR – FOCUS : L’aide confrontée à la question agricole – François PACQUEMENT – Chapitre 2- La crise alimentaire : une recomposition du jeu d’acteurs – Nicolas BRICAS, Benoît DAVIRON – FOCUS : Mobilisations citoyennes pour une évolution des systèmes alimentaires en Thaïlande – Wallapa VAN WILLENSWAARD – Chapitre 3 – Agriculture et transition à l’heure de la mondialisation – Bruno LOSCH – FOCUS : Agriculture urbaine, institutions et développement au Malawi – David MKWAMBISI, Fraser EVAN, Andrew DOUGILL – Chapitre 4 – Agriculture et développement économique en Afrique : les termes du débat – Xinshen DIAO, Elizabeth ROBINSON, Shashidhara KOLAVALLI, Vida ALPUERTO – FOCUS : Les investissements agricoles massifs en Afrique, moteurs du développement ? – Vatché PAPAZIAN – Chapitre 5 – Terre, paysans et migrants : au coeur du développement chinois – Maëlys DE LA RUPELLE, Li SHI, Thomas VENDRYES – FOCUS : Évolution des habitudes alimentaires en Inde et en Chine – Zhang-Yue ZHOU, Hong-Bo LIU, Vasant P. GANDHI – Chapitre 6 – Quel avenir pour l’agriculture dans le contexte mondial de l’« Anthropocène » ? Uno SVEDIN – FOCUS : La résistible ascension de la pénurie d’eau ou la construction sociale d’une « donnée naturelle » dans le bassin de la Garonne – Sara FERNANDEZ – Chapitre 7 – Intensification agricole et forêts : le cas de l’Indonésie – Anne BOOTH, Romain PIRARD, Ahmad DERMAWAN, Heru KOMARUDIN – FOCUS : Les terres cultivables : une ressource rare ? Laurence ROUDART – Chapitre 8 – Changement climatique et sécurité alimentaire : un test crucial pour l’humanité ? Jean-François SOUSSANA – FOCUS : Agriculture et négociations sur le changement climatique Entretien avec Hayden MONTGOMERY – Chapitre 9 – Recherche agricole : transitions stratégiques pour un système d’innovation mondial -Benoît LABBOUZ, Sébastien TREYER – FOCUS : Repenser l’agriculture en Inde après la révolution verte Entretien avec Dr. Seema PURUSHOTHAMAN – Chapitre 10 – Ethnographie de la production et de l’échange du coton dans un village turc – Koray ÇALISKAN – FOCUS : Formation du prix du riz à court et long terme : le rôle de la structure du marché dans la volatilité – Peter TIMMER – Chapitre 11 – L’industrie agroalimentaire au cœur du système alimentaire mondial – Jean-Louis RASTOIN – FOCUS : Accès des petits agriculteurs aux marchés en Amérique latine : nouvelles approches pour une plus grande intégration sociale – Octavio SOTOMAYOR, Javier MENESES – Chapitre 12 – L’instabilité des prix agricoles : des vérités qui arrangent – Tancrède VOITURIEZ – FOCUS : Peut-on réguler les marchés agricoles ? Michel PETIT – Chapitre 13 – Vers une agriculture durable ? Normes volontaires et privatisation de la régulation – Ève FOUILLEUX – FOCUS : Les signalisations de qualité comme instrument de valorisation de l’huile d’olive en Méditerranée – Annarita ANTONELLI, Sébastien ABIS – Chapitre 14 – Amérique latine et Caraïbes : reconstruire les politiques agricoles – Adrián RODRÍGUEZ, Mônica RODRIGUES et Octavio SOTOMAYOR – FOCUS : Apprendre la durabilité : les politiques agricoles européenne et américaine – Antonin VERGEZ, Simon LIU – FOCUS : La réforme PAC 2013, une opportunité pour repenser les politiques agricoles ? Entretien avec Henri NALLET – Chapitre 15 – La sécurité alimentaire comme bien public global – Olivier DE SCHUTTER – FOCUS : Réforme du Comité de la sécurité alimentaire : opportunités pour la gouvernance mondiale ? Sélim LOUAFILes coordinateurs de cet ouvrage
– Pierre JACQUET, ingénieur des Ponts, des eaux et forêts et membre du Cercle des économistes, est chef économiste de l’Agence française de développement (AFD). Il est aussi président du département d’économie, gestion, finances et professeur d’économie internationale à l’École des Ponts-ParisTech. Il est notamment administrateur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut de la gestion déléguée (IGD) et de Proparco. Il a appartenu entre 1997 et 2006 au Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre. Il écrit une chronique mensuelle sur les acteurs du développement dans Le Monde de l’économie. – Laurence TUBIANA, économiste, a fondé et dirige l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’école des affaires internationales de Sciences Po. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions de l’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement-CIRAD, Earth Institute at Columbia University, Oxford Martin School). Elle est également membre de l’India Council for Sustainable Development et du China Council for International Cooperation on Environment and Development. – Rajendra Kumar PACHAURI est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.Commander cet ouvrage
Références : Regards sur la Terre 2012 de Pierre Jacquet, Rajendra Kumar Pachauri et Laurence Tubiana – Editions Armand Colin – Date de parution : 21 mars 2012 – 360 pages – EAN13 : 9782200275280 – Prix public : 25,40 €
Regards sur la Terre 2013 : Réduire les inégalités
La pauvreté – comme la richesse – est une composante de la société, structurelle et mécanique, aussi relative qu’incontournable ; et les inégalités de toutes sortes en résultent. En prendre conscience serait le premier pas à faire pour atténuer cette pauvreté et ces inégalités, voire les maîtriser, à défaut de pouvoir les éradiquer. La preuve a en effet été largement administrée, depuis plus 20 siècles, que les raisonnements, les doctrines ainsi que les méthodes appliqués pour les combattre n’ont fait que les augmenter et les exacerber.
En occident comme ailleurs, dans les pays développés comme dans les autres, la société des hommes est, a toujours été et sera jusqu’à sa fin, irrévocablement faite d’inégalités. L’exception y domine la masse ; le pouvoir y domine le peuple, la force la faiblesse, l’intelligence la sottise, le savoir l’ignorance , la richesse la pauvreté etc. ; dans tous leurs aspects. Et plus les richesses augmentent – qu’elles soient d’ordre matériel ou immatériel –, plus s’accroît l’écart entre le sommet d’une pyramide sociale qui n’a pas d’autres limites que l’ambition humaine et les capacités de la planète et, à l’opposé, une base où règnent la pauvreté absolue et l’indignité, dernier état de notre condition.
Il existe des chiffres et un mécanisme vieux comme le monde, dont il faudrait pourtant avoir clairement conscience avant de tenter sincèrement quoi que ce soit d’utile pour secourir durablement les plus nécessiteux d’entre nous, qu’il s’agisse de nations, de régions, comme d’individus.
À l’aube de notre ère, la Terre était peuplée d’environ 250 millions d’êtres humains. Elle en compte plus de 7 milliards aujourd’hui, dont 1,5 milliard vivent dans un état de pauvreté profonde. L’homme et le progrès dont il est porteur ont ainsi créé, en 20 siècles, 5 fois plus de miséreux qu’il n’y avait d’individus de toutes conditions sur terre au début de leur entreprise. Et la population augmente, quotidiennement, de 220 à 250 000 âmes qui viennent dans leur grande majorité surpeupler la base d’une pyramide sociale dans laquelle le « descenseur social » prend le pas sur l’ascenseur du même nom démontrant, s’il en était besoin, que la pauvreté est plus facile à partager que la richesse.
En dépit du véritable escamotage du fait démographique par la plupart de ceux qui se penchent sur le cas des pauvres, la pyramide sociale, pour aussi schématique qu’elle soit, met pourtant en évidence le fait que les pauvres des uns sont les riches des autres, dans une relativité universelle que non seulement les uns et les autres ignorent, mais qu’ils contribuent à masquer avec un égoïsme comparable à celui des riches du sommet qu’ils ne font qu’imiter et jalouser dans leur impuissance. Ceux qui confondent richesse avec confort et bonheur avec richesse, démontrent ainsi que le sort d’un milliard et demi de pauvres réels et profonds leur importe peu, comparé aux enjeux de leur propre lutte, se limitant à arracher à leurs riches ce qu’ils leur envient, avec une rapacité au moins égale à la leur. En dépit de leurs généreux principes, ils méprisent ainsi ceux dont ils sont eux-mêmes les riches et se prétendent les défenseurs. Ils négligent, dans un égoïsme médian qui vaut n’importe quel autre, que tout ce qu’ils parviennent à obtenir pour améliorer leur propre confort est autant de moins pour plus pauvres qu’eux et, in fine, pour ces pauvres authentiques qu’ils contribuent ainsi à priver de leur pain.
Aucune résignation dans ce qui précède, mais bien au contraire un appel à regarder la pauvreté pour ce qu’elle est réellement, à une échelle planétaire qui concerne dorénavant chacun d’entre nous, du plus humble au plus riche. L’histoire nous enseigne qu’une révolution chasse l’autre … jusqu’à celle d’après, aucune n’ayant jamais changé durablement quoi que ce soit à un ordre établi dont il serait temps de prendre conscience et de tenir compte avec l’intelligence dont l’homme est censé être doté.
Visiter attentivement à ce sujet : http://claudec-abominablepyramidesociale.blogspot.com