Une nouvelle étude publiée aujourd’hui par la campagne One for One estime que 3,7 millions de personnes au sein de l’UE pourraient perdre leur emploi en cas d’effondrement du marché des combustibles fossiles. La France devrait dépenser 57 milliards d’euros pour maintenir les banques à flot, l’équivalent de 948 € par personne consacrée au renflouement des banques françaises. La Campagne One for One demande aux pays membres de l’UE et aux régulateurs mondiaux de protéger la stabilité financière pendant la transition vers le « zéro émission nette » en imposant des exigences de fonds propres « One for One », pour obliger les banques et les assureurs à verser un euro pour chaque euro qui finance de nouveaux combustibles fossiles. Explications.
L’UE pourrait perdre 3,7 millions d’emplois en raison de l’effondrement du marché des combustibles fossilesUne nouvelle étude révèle les conséquences sociales catastrophiques susceptibles de résulter d’un effondrement de la valeur des actifs liés aux combustibles fossiles, avec 3,7 millions de pertes d’emplois prévues dans l’UE si des mesures ne sont pas prises pour consolider la stabilité financière au niveau mondial. Alors que les dirigeants du monde entier s’apprêtent à se réunir la semaine prochaine lors du Forum économique mondial de Davos pour discuter de la « coopération dans un monde fragmenté », les militants à l’origine de cette étude appellent les gouvernements et les régulateurs financiers à coordonner leur action pour remédier aux faiblesses critiques des règles mondiales en matière de banque et d’assurance. Les militants avertissent que ces lacunes rendent les pays du monde entier vulnérables à une nouvelle crise économique semblable au krach financier mondial de 2008. L’étude, publiée par la campagne One for One, montre que les institutions financières mondiales devraient détenir environ 2 000 milliards d’euros (2 200 milliards de dollars) d’actifs risqués liés aux combustibles fossiles d’ici à 2030. Les banques auraient besoin d’un renflouement de 4 600 milliards d’euros (4 900 milliards de dollars) si la bulle des combustibles fossiles éclatait cette année-là. Cette somme représente plus du double des 2 300 milliards de dollars nécessaires lors de la crise financière de 2008, avec 13,6 millions d’emplois menacés dans le monde. Le gouvernement français pourrait être contraint de dépenser l’argent des contribuables à hauteur de 57milliards d’euros (60milliards de dollars) pour maintenir les banques à flot pendant la crise, soit l’équivalent de 948 euros (1 000 dollars) par personne si la « bulle carbone » éclate en 2030. Pour parvenir à ces chiffres, la recherche part du principe que, d’ici à 2030, le monde commence à s’orienter vers une trajectoire de 2 °C d’augmentation de la température mondiale. Si nous restons sur la trajectoire actuelle de 3,5°C d’augmentation de la température mondiale d’ici à la fin du siècle, la crise sera encore plus grave, car l’exposition des banques aux actifs risqués liés aux combustibles fossiles sera plus importante. Dans ce cas, si aucune mesure n’est prise en vue d’une transition vers une économie nette zéro, 86 milliards d’euros (90 milliards de dollars) pourraient être nécessaires pour renflouer les banques françaises, pour un coût de 1 200 euros (1 300 dollars) par contribuable, tandis que les pertes d’emplois pourraient atteindre 5,1 millions dans toute l’UE. Au niveau international, un plan de sauvetage de 6 400 milliards d’euros (6 800 milliards de dollars) pourrait être nécessaire et 18,7 millions d’emplois pourraient être menacés. La modélisation ne tient pas compte de l’impact du changement climatique sur la stabilité financière globale. La campagne One for One demande un renforcement des réglementations financières afin de se prémunir contre les risques liés au financement des combustibles fossiles, en traitant les combustibles fossiles comme la catégorie d’actifs la plus risquée. Cela signifie que pour chaque euro utilisé pour financer ou assurer de nouveaux projets de combustibles fossiles, les banques et les assureurs devraient assumer leurs responsabilités et verser un euro au titre des pertes. La campagne One for One est une initiative du Sunrise Project. Des organisations telles que Finance Watch, Share Action, la New Economics Foundation, Fridays for Future Europe, SumOfUs et le Climate Safe Lending Network ont également lancé des campagnes en faveur de la règle One for One.
Hilal Atici, directrice stratégique du programme de réglementation financière au sein du Sunrise Project, a déclaré : « Les banques continuent d’injecter de l’argent dans les combustibles fossiles qui détruisent le climat et, lorsque tout ira mal, nous devrons payer la facture. Sans une réglementation appropriée, nous sommes confrontés à un effondrement financier hors de contrôle qui nous touchera tous, nécessitant des renflouements financés par les contribuables. Puis, la crise bancaire se propageant à l’ensemble de l’économie – comme nous l’avons vu lors de la crise financière mondiale de 2008 – 3,7 millions d’emplois risquent d’être perdus dans l’UE. La règle « un pour un » garantira que les banques qui investissent dans les combustibles fossiles à haut risque assument elles- mêmes ce risque. Elle nous protégera d’un krach financier et mettra également un frein d’urgence au financement des combustibles fossiles. »
James Vaccaro, directeur exécutif du Climate Safe Lending Network, a déclaré : « Les régulateurs reconnaissent que, quelle que soit la quantité d’analyses produites par les banques centrales, l’expansion des combustibles fossiles demeurera incompatible avec la stabilité financière mondiale qu’elles sont tenues de maintenir et de protéger. Le système financier permet aux entreprises du secteur de l’énergie de réaliser des bénéfices à court terme aux dépens de l’ensemble de la société, en détruisant nos écosystèmes et en mettant en danger des millions de personnes parmi les plus vulnérables dans le monde. La règle « One for One », qui garantira que les risques liés au changement climatique sont pris en compte dans les dépenses en capital, constitue l’approche la plus pragmatique et la plus prudente pour maintenir une économie sans risque pour le climat à l’avenir. »
Le Dr Joshua Ryan-Collins, maître de conférences en économie et en finance à l’Institute for Innovation and Public Purpose de l’University College de Londres, a déclaré : « Si nous ne mettons pas en place des règles pour garantir que le financement des combustibles fossiles est soutenu par des niveaux de capital adéquats, il sera impossible de passer à une économie à faible émission de carbone sans déclencher une grave instabilité financière. Les banques et les assureurs doivent disposer de réserves pour absorber les chocs résultant de l’effondrement de la valeur des actifs pétroliers, gaziers et charbonniers à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation et de la baisse de la demande due à l’essor des énergies renouvelables. Le renforcement des exigences en matière de fonds propres pour les « actifs sales » devrait également inciter les banques à réorienter les prêts actuellement effectués en vue de renoncer aux activités non viables, ce qui, en soi, réduira les risques liés à la transition. »Au sein de l’UE, les députés européens de la commission des affaires économiques et monétaires voteront dans les semaines à venir quant aux propositions de modification de la directive sur les exigences en matière de fonds propres et de Solvabilité. Des députés européens de différents partis, dont l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates, Renew Europe et le Groupe des Verts – Alliance libre européenne ont déposé des amendements de type « One for One » en vue du vote. Par la suite, les co-législateurs de l’UE – la Commission et le Conseil – décideront de l’adoption des amendements.
Dans un article récent du Financial Times’s Sustainable Views, le député européen allemand des Verts, Rasmus Andresen, a déclaré : « Lors du prochain vote en commission sur le règlement relatif aux exigences en matière de fonds propres, nous, les membres, avons la possibilité de voter des amendements qui reflètent les demandes de la campagne One for One… Cela signifie que, tout en nous attaquant à la crise climatique, nous pouvons également éviter le risque d’un nouveau krach financier. Il est essentiel que le principe One for One fasse partie du rapport final et de la position du Parlement. Je demande instamment à mes collègues députés européens de soutenir les amendements, afin que ces règles deviennent une réalité dans toute l’UE, avec des implications pour le monde entier. »Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a récemment mis à jour ses recommandations auprès des banques à la suite d’une consultation sur la manière d’intégrer les risques climatiques dans son cadre réglementaire au début de l’année 2022. Il a conclu que les banques et les régulateurs nationaux devaient adopter une approche «prudente» de la gestion des risques, mais n’a pas recommandé l’application de la pondération des risques la plus élevée possible pour les actifs liés aux combustibles fossiles. Les universitaires et les économistes tirent la sonnette d’alarme depuis de nombreuses années sur le risque croissant d’une bulle des combustibles fossiles. Cela signifie que les investissements dans des projets d’exploration et d’extraction de pétrole, de gaz ou de charbon pourraient soudainement voir leur valeur réduite à néant si la demande diminue en raison de l’action climatique, de l’évolution des préférences des consommateurs et des développements technologiques. Une chute soudaine de la valeur des actifs liés aux combustibles fossiles pourrait amener les emprunteurs à ne pas rembourser leurs dettes, ce qui rendrait les banques et les assureurs insolvables et aurait des répercussions sur l’ensemble des marchés financiers.
Etude Sunrise Project pour la campagne One for One (en anglais)
Banking on Bailouts: Sizing the social costs when the fossil fuel bubble bursts