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Par le Docteur Yvette Parès, initiatrice de l’hôpital Keur Massar au Sénégal

Médicaments, la pollution imprévue

Nous avons le plaisir de publier un article du Dr Yvette Parès, ancien professeur à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, directrice du Centre de Recherches Biologiques sur la Lèpre et fondatrice de l’hôpital traditionnel de Keur Massar. Son article concerne l’eau « potable » qui arrive dans nos maisons. Elle renferme de nombreux résidus médicamenteux dont certains très nocifs. Et de préciser que les stations d’épuration se sont montrées jusqu’à présent incapables de les éliminer.

Au cours du 20e siècle, la médecine occidentale a connu, de toute évidence, une période faste qui succédait aux défaillances venues d’un lointain passé. Après le déclin des célèbres écoles d’Italie, de France et d’Espagne dont le rayonnement fut intense au 12e siècle, l’art médical avait périclité et les connaissances thérapeutiques n’avaient cessé de s’appauvrir. L’aube du 20e siècle en était encore affectée. L’avènement des antibiotiques, des molécules issues de la chimie, les techniques de pointe, les avancées de la science apportaient le renouveau. On évoquait les « progrès foudroyants » de la médecine. Les maladies seraient enfin maîtrisées et les épidémies tenues au loin. Qu’en est-il en ce début du 21e siècle? Le constat est beaucoup moins exaltant. Après d’innombrables succès, l’antibiothérapie a révélé sa face cachée, ses méfaits que les lacunes des données scientifiques sur la biologie des micro-organismes rendaient imprévisibles: sélection de germes résistants, maladies nosocomiales, tuberculoses multirésistantes et hyper-résistantes. Ces problèmes sanitaires inattendus demeurent encore sans solution. D’autre part, les molécules de synthèse ont provoqué effets indésirables et maladies iatrogènes graves et souvent mortelles. Quant aux épidémies essentiellement virales, elles ne rencontrent qu’impuissance. La survie, pour le Sida, s’accompagne d’un intense mal-être. Mais à tous les défauts thérapeutiques observés vient s’ajouter un danger de détection récente. On a soudain pris conscience d’une réalité qui avait jusqu’alors échappé à l’observation. Il s’agit de la pollution de l’environnement et spécialement de l’eau par les médicaments issus de la chimie. La première étape commence avec les processus de synthèse. Les réactifs volatils et souvent cancérigènes sont rejetés dans l’atmosphère. Les résidus des opérations parviennent dans les cours d’eau. On doit encore évoquer un fait aggravant : le grand nombre d’essais infructueux avant qu’une molécule n’apparaisse douée d’un avenir thérapeutique. Une autre étape concerne la prescription des médicaments. Après la traversée de l’organisme humain, ils sont rejetés tels quels ou sous forme de leurs métabolites. Les eaux usées des hôpitaux en sont particulièrement chargées et vont se mêler aux eaux des rivières et des fleuves. L’étape suivante s’avère des plus préoccupantes. Les eaux polluées s’infiltrent dans les sols et parviennent aux nappes phréatiques. On a constaté dernièrement qu’elles étaient corrompues par les produits médicamenteux. Ainsi les réserves naturelles dans les pays européens sont maintenant contaminées et constituent un danger pour les populations. Comment retrouver la pureté de ces eaux? Le phénomène serait-il irréversible ou lentement réparable? La dernière étape concerne l’eau « potable » qui arrive dans nos maisons. Elle renferme, elle aussi, de nombreux résidus médicamenteux dont certains très nocifs. Les stations d’épuration se sont montrées jusqu’à présent incapables de les éliminer. Un point déplorable apparaît dans toute son ampleur: l’eau, élément vital par excellence, respectée dans toutes les traditions, a subi une atteinte dans sa nature profonde. L’ère du « progrès » se solde par un désastre. Mais la vision doit encore s’élargir au-delà des humains, à l’ensemble du monde vivant. Quel est l’impact de cette pollution de l’eau sur les animaux, les végétaux, les microfaunes, les microflores et les microorganismes bactériens ? Une loi règne sur la planète, celle de l’interdépendance de toutes les formes de vie, elles-mêmes dépendantes de tous les facteurs externes. A titre d’exemples concrets, que deviendraient les légumes de nos potagers, les céréales, les fruits des arbres de nos vergers, si leurs racines devaient puiser dans le sol une eau devenue cocktail médicamenteux de plus en plus concentré? L’homme sain, la femme, l’enfant en bonne santé seraient contraints d’absorber inconsidérément des produits d’action délétère. Que reste-t-il, de nos jours, des « bonnes nourritures » prônées dans le passé ? Après l’exposé de cet ensemble de faits , une question vient à l’esprit. Peut-on continuer de poursuivre et d’accentuer au fil du temps cette pollution de l’eau due aux médicaments chimiques ? La réponse ne peut être que négative. Une évidence s’impose. Leur synthèse devra être abandonnée, à plus ou moins court ou moyen terme. Mais alors, dans ces conditions, que deviendrait la médecine occidentale privée de ses moyens d’action habituels ? La sagesse ne serait-elle pas de se préparer dès maintenant à une telle éventualité, en explorant les savoirs ancestraux des pays d’Europe? Ils apporteraient non pas un retour purement passéiste mais des éléments de base qui permettraient l’élaboration d’une thérapeutique nouvelle et non polluante pour la médecine de demain. Dr Yvette Parès Professeur à l’Université de Dakar de 1960 à 1992 – Dr es-science – Dr en médecine – Directrice du centre de recherches biologiques sur la lèpre de 1975 à 1992 – Directrice de l’Hôpital traditionnel de Keur Massar (Sénégal) de 1980 à 2003

Yvette Parès : Pionnière française de la médecine traditionnelle africaine

Née en 1926, en France, Yvette Parès devient chercheuse au CNRS après avoir obtenu une thèse en sciences naturelles en 1957.Trois ans plus tard, elle est nommée à l’Université de Dakar où elle obtient le doctorat en médecine en 1968. C’est dans ce pays qu’elle découvre la médecine traditionnelle. Son séjour à l’université de Dakar où elle dirige, pendant 17 ans, le Centre de recherches biologiques sur la lèpre et le contact avec les malades l’incitent à s’investir dans la médecine traditionnelle. Les travaux scientifiques qu’elle entreprend mettent en évidence les capacités des plantes réputées anti lépreuses. C’est ainsi qu’elle rencontre en 1979 le grand maître Dadi Diallo qui lui a fait découvrir la richesse de la médecine traditionnelle. Après l’avoir vu guérir des malades considérés incurables, elle devient son disciple. « En Occident, on continue de penser que le savoir des tradithérapeutes n’est que superstition mêlée à des connaissances empiriques dénuées de toute rationalité« , explique-t-elle. Avec Dadi Diallo, elle apprend les vertus thérapeutiques des plantes africaines, leurs modes de récolte, de préparation et de prescription. En 1980, Yvette Parès a créé un centre de soins, à quelques kilomètres de Dakar, pour donner un nouvel essor à la médecine traditionnelle africaine. Le centre obtient le statut d’hôpital en 1985 et Yvette Parès le dirige jusqu’en 2003. Au fil du temps, l’hôpital se spécialise dans le traitement de la lèpre infantile. En 1987, des premiers patients séropositifs reçoivent des soins à l’hôpital. En 20 ans d’activité, l’hôpital Keur Massar a obtenu d’importants résultats dont la guérison de la lèpre, la prévention de la lèpre infantile et la guérison de plusieurs maladies infectieuses bactériennes : paludisme, tuberculose, hépatites, dermatose, etc… Yvette Parès a contribué au développement de réseaux de consultations locales et de pharmacies externes. Elle a développé des recherches thérapeutiques concernant le sida. Elle a contribué à la création des associations régionales de tradipraticiens et a participé au 1er « Congrès international des médecines traditionnelles et affection vih-sida » en 1999, à Dakar. Afin de trouver les financements nécessaires au développement des activités de l’hôpital, elle a organisé des conférences annuelles en Allemagne (1981 – 1992) et en Suisse (1986 – 1992) pour les médecins intéressés par les actions de l’hôpital Keur Massar. Grâce à son intervention, l’association « Rencontre des médecins » a obtenu le statut d’ONG en 2001 auprès des autorités sénégalaises. Vous pouvez lire : « La médecine africaine : une efficacité étonnante. Témoignage d’une pionnière » publié en 2004 par Yves Michel. Chez le même éditeur en 2007 : « Sida, de l’échec à l’espoir« .

 

Merci à Marie-France pour nous avoir transmis cet article. Médecin depuis 1973, elle anime un blog que vous pouvez consulter en cliquant ici.

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Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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