Selon un nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté jusqu’à des niveaux sans précédent malgré un nombre croissant de politiques de réduction des changements climatiques. Les émissions ont progressé plus rapidement entre 2000 et 2010 qu’au cours de chacune des trois décennies précédentes. D’après l’apport du Groupe de travail III au cinquième Rapport d’évaluation du GIEC, il serait possible, grâce à toute une gamme de mesures techniques et de changements de comportement, de limiter la hausse de la température mondiale à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Toutefois, ce n’est que grâce à des bouleversements institutionnels et technologiques majeurs qu’il y aura plus d’une chance sur deux pour que le réchauffement mondial ne dépasse pas ce seuil.
Le rapport du Groupe de travail III, intitulé Changements climatiques 2014: atténuation du changement climatique, est le troisième des rapports de trois groupes qui, avec un Rapport de synthèse à paraître en octobre 2014, constituent le cinquième Rapport d’évaluation du GIEC sur l’évolution du climat. Le Groupe de travail III est dirigé par trois coprésidents, M. Ottmar Edenhofer (Allemagne), M. Ramón Pichs-Madruga (Cuba) et M. Youba Sokona (Mali). Selon M. Edenhofer, «Les politiques climatiques visant l’objectif des 2 °C doivent prévoir des réductions importantes des émissions. La science nous transmet un message clair: nous devons abandonner le statu quo pour éviter toute interférence dangereuse avec le système climatique.» Selon certains scénarios, pour avoir une chance de limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 2 °C, il faudra réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 à 70 % par rapport à 2010 d’ici le milieu du siècle et les éliminer presque totalement d’ici la fin du siècle. Des mesures ambitieuses d‘atténuation pourraient même exiger une extraction directe du dioxyde de carbone de l’atmosphère. La documentation scientifique existante confirme que des objectifs même moins ambitieux en matière de température exigeraient tout de même des réductions semblables des émissions. Environ 1 200 scénarios présentés dans la documentation scientifique ont été analysés pour le rapport. Ces scénarios ont été produits par 31 équipes de modélisation issues du monde entier, qui ont étudié les conditions économiques, techniques et institutionnelles nécessaires et les effets de moyens d’atténuation plus ou moins ambitieux. D’après M. Edenhofer, «De nombreuses mesures peuvent permettre de respecter la limite des 2 °C, mais elles exigeront toutes des investissements importants. On peut limiter les frais associés en évitant de retarder encore les dispositions d’atténuation et en faisant appel à des techniques très variées.» Les évaluations du coût économique de l’atténuation sont très variables. Dans les scénarios ne prévoyant aucun changement, la consommation croît de 1,6 à 3 % par an. Des mesures ambitieuses d’atténuation réduiraient cette croissance à environ 0,06 % par an. Toutefois, les chiffres correspondants ne tiennent pas compte des avantages économiques d’une atténuation des changements climatiques. Beaucoup de nouvelles connaissances sur l’atténuation des changements climatiques sont apparues depuis le dernier rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2007. Les auteurs du cinquième rapport du Groupe de travail III ont réuni environ 10 000 références à des documents scientifiques présentées dans 16 chapitres. Pour stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il faudrait réduire les émissions dans le secteur de la production et de l’exploitation d’énergie, dans les transports, dans les bâtiments, dans l’industrie, dans le domaine de l’affectation des sols et dans celui des établissements humains. Les actions d’atténuation mises en oeuvre dans un secteur permettront de déterminer les besoins qui existent dans d’autres. L’élimination presque totale des émissions imputables à la production d’électricité est une condition commune à divers scénarios ambitieux d’atténuation, mais il est également important d’exploiter l’énergie de façon efficace. Selon M. Pichs-Madruga, «La réduction de la consommation d’énergie nous donnerait plus de souplesse quant au choix de techniques énergétiques à faible intensité de carbone, dès maintenant et à l’avenir. Elle pourrait aussi accroître la rentabilité des mesures d’atténuation. Depuis la publication du quatrième Rapport d’évaluation, on s’intéresse à des politiques climatiques conçues pour offrir plus d’avantages connexes et pour réduire les effets secondaires néfastes.» Les sols sont une autre composante clef de l’objectif de 2 °C. Le ralentissement du déboisement et la création de forêts ont permis de stopper ou même d’inverser l’augmentation des émissions imputables à l’exploitation des sols. Les sols pourraient servir à absorber le dioxyde de carbone de l’atmosphère grâce au reboisement. Cette absorption pourrait aussi être obtenue en associant la production d’électricité à partir de la biomasse au piégeage et au stockage de dioxyde de carbone. À ce jour, toutefois, cette association ne peut pas être réalisée à l’échelle voulue, le stockage permanent de dioxyde de carbone dans le sous-sol pose des problèmes et il convient de gérer les risques d’une concurrence accrue pour les sols. Selon M. Sokona, «Le principal objet de l’atténuation des changements climatiques est de dissocier les émissions de gaz à effet de serre de la croissance des économies et des populations. En donnant accès à l’énergie et en réduisant la pollution locale de l’air, de nombreuses mesures d’atténuation peuvent contribuer à un développement durable.» D’après M. Edenhofer, «L’évolution du climat est un problème lié au patrimoine mondial. Une coopération internationale est essentielle pour atteindre les objectifs visés en matière d’atténuation. C’est un défi en soi que de mettre en place les institutions internationales nécessaires à cette coopération.» Le rapport du Groupe de travail III se compose d’un résumé à l’intention des décideurs, publié aujourd’hui, d’un résumé technique plus détaillé, de 16 chapitres associés et de trois annexes. Les équipes du Groupe de travail III chargées des divers chapitres comprenaient 235 auteurs et 38 réviseurs de 57 pays, ainsi que 180 experts exerçant les fonctions d’auteurs collaborateurs. Plus de 800 experts ont révisé et commenté les versions préliminaires du rapport. Selon M. Rajendra Pachauri, président du GIEC, «Le Groupe d’experts intergouvernemental a pu recruter une équipe diverse et extrêmement compétente d’auteurs qui sont des experts éminents de leurs domaines respectifs.» Il a ajouté «Je sais gré aux nombreux contributeurs qui ont mis leur temps et leur talent au service de la préparation de ce rapport. Leurs activités ont permis au GIEC d’obtenir une vaste perspective tout en évaluant l’atténuation des changements climatiques de façon globale. Le rapport du Groupe de travail III constitue un apport précieux au Rapport de synthèse, qui doit paraître en octobre 2014. Je suis convaincu que le contenu du rapport sera utilisé de façon productive lors des négociations au titre de la CCNUCC.» On peut consulter le résumé à l’intention des décideurs et le rapport complet du Groupe de travail III ainsi que d’autres informations aux adresses suivantes : – www.mitigation2014.org – www.ipcc.ch.Vidéo
Volume 3 : changements climatiques 2014 – l’atténuation du changement climatiqueItw de Ségolène Royale lors de la publication… par developpement-durable
A propos du GIEC
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est un organe international chargé d’évaluer les activités scientifiques consacrées aux changements climatiques. Il a été créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l’environnement afin d’offrir aux décideurs des évaluations régulières du fondement scientifique de l’évolution du climat, des incidences et des risques associés et des possibilités d’adaptation et d’atténuation. Le Groupe de travail III, qui a pour mission d’évaluer les possibilités d’atténuation du changement climatique, est coprésidé par M. Ottmar Edenhofer, de l’Institut de recherche de Postdam sur les effets du changement climatique, par M. Ramón Pichs-Madruga, du Centre for World Economy Studies, et par M. Youba Sokona, du South Centre. Le groupe de soutien technique du Groupe de travail III est hébergé par l’Institut de recherche de Postdam et financé par le Gouvernement allemand. Les membres du GIEC ont décidé de préparer un cinquième Rapport d’évaluation lors de la 28e session du Groupe d’experts, qui a eu lieu en avril 2008. Une réunion spécifique a été organisée en juillet 2009 pour définir la portée et les grandes lignes du Rapport. La contribution prévue des trois groupes de travail au Rapport a été approuvée lors de la 31e session du GIEC, en octobre 2009. L’apport du Groupe de travail III au cinquième Rapport d’évaluation du GIEC, intitulé Changements climatiques 2014: atténuation du changement climatique, consistait à évaluer les possibilités d’atténuer les changements climatiques et les conditions techniques, économiques et institutionnelles de leur apparition. Le rapport du Groupe de travail présente de façon transparente les risques, l’incertitude et le fondement éthique des politiques mondiales, nationales et infranationales d’atténuation des changements climatiques, étudie les mesures d’atténuation envisageables dans tous les grands secteurs et évalue les investissements réalisables et les questions financières associées. Le Groupe de travail I du GIEC a publié le Résumé à l’intention des décideurs de son rapport sur les éléments physiques de l’évolution du climat en septembre 2013 et son rapport complet en janvier 2014. Le Groupe de travail II, quant à lui, a publié son rapport sur les conséquences, l’adaptation et la vulnérabilité le 31 mars 2014. Le cinquième Rapport d’évaluation va être complété par un Rapport de synthèse, qui doit être finalisé en octobre 2014.A lire
– Quel est l’enseignement du 2ème volet du 5ème rapport du GIEC ? – Second volet du 5ème rapport du Giec : impacts des changements climatiques
Changement climatique : pour Novethic, il nous faut repenser notre modèle de développement
« C’est une révolution, pas moins, de notre modèle de développement économique que nous devons effectuer dès maintenant pour éviter un emballement du changement climatique. C’est la teneur du message que livre le groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport.
Limiter la hausse de la température mondiale à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels ? C’est encore possible. Mais les gouvernements et les acteurs économiques doivent agir dès maintenant. Et il y a urgence. Car même en prenant des mesures drastiques, il n’existe seulement qu’un peu plus d’une chance sur deux de ne pas dépasser le seuil fatidique. C’est ce qu’explique le groupement intergouvernemental d’expert sur l’évolution du climat (GIEC) dans le troisième volet de son cinquième rapport général consacré à « l’atténuation du changement climatique ».
Pour se faire, il faudra réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 à 70 % par rapport à 2010 d’ici 40 ans et les éliminer presque totalement d’ici la fin du siècle. Des mesures ambitieuses d‘atténuation pourraient même exiger une extraction directe du dioxyde de carbone de l’atmosphère, affirment les experts. »
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