Régénérer, c’est pour l’entreprise s’engager vers la génération d’impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société. Concrètement, comment une entreprise peut-elle contribuer à la régénération du vivant ? LUMIA, a défini 11 principes pour y arriver, qui sont autant de dimensions de transformations organisationnelles ou culturelles à évaluer et enclencher.
Afin de qualifier plus précisément la forme que pourrait prendre une entreprise régénérative, LUMIÅ a travaillé à l’identification de grands principes régissant son fonctionnement. Parce que la régénération est une propriété exclusive du vivant, c’est naturellement vers les principes du vivant que l’entreprise a orienté sa recherche.
Ont ainsi été recensés les principes du vivant émanant des travaux d’Hoagland, Dodson et Hauck (2001), les principes permacoles d’Holmgren (2014) et la manière dont ils ont été traduits par Breuzart dans une application à la permaentreprise (2021), ceux issus des travaux du Biomimicry Institute et de Biomimicy 3.8., les principes de la chimie verte rappelés par Gauthier Chapelle (2015) et les principes du Framework for Strategic Sustainable Development (FSSD).
Ont également été relevés les principes sociaux issus de la théorie du Donut, des travaux sur le Social Return on Investment ou des travaux sur l’analyse sociale du cycle de vie.
Un travail de réflexion, issu d’une confrontation à la pratique et d’études de cas d’entreprises régénératives ou visant une ambition régénérative, a permis d’établir 11 principes, décrits plus en détail
ci-après, exemples à l’appui.1
Principe 1 : Créer une valeur étendue positive nette pour ses parties prenantes, les écosystèmes et la société
Une entreprise régénérative crée une valeur étendue positive nette pour ses parties prenantes, les écosystèmes et la société.
Ce premier principe inscrit d’emblée l’ambition régénérative au cœur de l’entreprise régénérative. Celle-ci vise à produire des impacts positifs nets pour les écosystèmes et les communautés humaines desquels elle dépend et sur lesquels elle agit.
Observons les écosystèmes naturels. Ils créent de la valeur étendue positive nette pour de très nombreuses entités. De nombreuses espèces singulières créent au sein de ces écosystèmes ces bénéfices, non seulement pour leurs congénères, mais également pour d’autres espèces.
Par extension, l’entreprise régénérative entend générer des bénéfices avérés pour une large catégorie de parties prenantes et pour les milieux desquels elle dépend et sur lesquelles elle agit. La sacro-sainte valeur, au cœur des théories économiques et de management, est ici largement étendue aux parties prenantes, aux écosystèmes et plus largement à la société dans son ensemble.
La notion de valeur étendue positive nette est ici essentielle. Fondamentalement, elle renvoie à une comptabilité assez basique des impacts : pour être positifs nets, les impacts positifs générés sur tel ou tel paramètre doivent excéder les impacts négatifs générés sur ces mêmes paramètres.
Principe 2 : Adopter une vision systémique
Une entreprise régénérative adopte une vision systémique
Notre planète est un vaste système complexe formé de très nombreux sous-systèmes eux-aussi complexes. Les organismes vivants sont des systèmes complexes. Le corps humain est un système complexe. Ils partagent tous en commun de voir leurs composants interagir de manière forte ou faible entre eux.
Les équilibres n’y sont jamais figés, mais toujours dynamiques, fruits des nombreuses boucles de rétroactions et de rétro-feedback que les composants génèrent les uns sur les autres dans leurs interactions. Reconnaître la nature intrinsèquement complexe du réel et adapter ses modes de fonctionnement en conséquence ne va pas de soi pour l’entreprise.
Les humains ont tendance à fragmenter le réel et à chercher à le simplifier. Culturellement, notre désir de maîtrise et de contrôle se prête peu à la complexité, qui est par nature non complètement déterminable, décomposable ou prédictible (Simon, 1969). Dans cette optique, adopter une vision systémique signifie d’abord pour l’entreprise d’aborder les différents enjeux environnementaux et sociaux qui se présentent à elle de manière concomitante.
Par exemple, si la réduction des émissions carbone est aujourd’hui un objectif largement adopté par un nombre toujours croissant d’entreprises, les pressions exercées sur la biodiversité ou sur le cycle de l’eau sont rarement intégrées. De sorte que les solutions mises en œuvre sur la décarbonation sont susceptibles d’augmenter ces pressions.
En adoptant une vision systémique, on réduit de manière sensible le risque de déplacer les problèmes, quand bien même il est impossible de maitriser toutes les interactions. Raison pour laquelle il importe d’être attentif aux rétroactions et effets induits.
Aujourd’hui, le mode de fonctionnement des entreprises est éloigné de ce principe. L’entreprise accepte intentionnellement ou non intentionnellement de ne pas adapter son fonctionnement en réponse aux effets de rétroactions que ses actions occasionnent sur les écosystèmes et les communautés humaines.
Une entreprise agricole mettant en œuvre des pratiques conventionnelles va ainsi appauvrir, voire détruire la vie dans ses sols, sans pourtant décider d’adopter de nouvelles pratiques. Elle « corrigera » ces impacts négatifs sur les sols par l’apport de nutriments, sans pour autant les régénérer ou chercher à y ramener de la vie.
Ces effets d’interaction et leur chaîne de conséquences constituent les fameuses externalités, le plus souvent négatives, qu’une entreprise induit de par son existence et ses activités. Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, bien peu d’entreprises décident d’internaliser les externalités dans leur modèle dans le but de se transformer, quand bien même elles les ont identifiées. Dit autrement, elles décident délibérément de ne pas tenir compte des boucles de rétroactions, qui in fine impacteront négativement les écosystèmes et les communautés humaines, y compris les parties prenantes directement engagées dans les activités.
Adopter une vision systémique signifie donc également d’être attentif aux rétroactions, ce qui signifie pour l’entreprise d’investir dans la compréhension des impacts qu’elle occasionne à travers son existence propre sur les milieux et communautés avec lesquels elle est en lien, de manière proche ou distante. Et d’agir en conséquence dans la construction d’un équilibre par nature dynamique, construit sur les capacités d’apprentissage consécutives de ses interactions (a fortiori si elles risquent de générer des boucles positives).
C’est l’essence même de la co-évolution qui sera développée au travers du principe 8. L’entreprise évolue en fonction de son milieu qui lui-même évolue à travers les actions de l’entreprise, afin de créer les conditions permettant à tous de prospérer.
Principe 3 : Être capable de se limiter
Une entreprise régénérative est capable de se limiter
Le vivant ne croît pas de manière indéfinie. Les arbres ne poussent pas indéfiniment, tout comme le nombre d’arbres se développant au sein d’une forêt est lui-même limité par les conditions du milieu et la présence d’autres individus de l’espèce et d’individus d’espèces différentes.
La dynamique des populations est une branche de l’écologie qui s’intéresse spécifiquement à l’évolution dans le temps du nombre d’individus au sein d’une population d’êtres vivants. Elle met en évidence que dans la nature, la taille et la croissance d’une population sont limitées par un ensemble de facteurs.
La compétition pour l’accès à la nourriture, à l’eau ou aux abris, les maladies ou les comportements de prédation, constituent des facteurs directement dépendant de la densité de la population qui régulent son évolution.
D’autres facteurs sont indépendants de la densité de la population, comme les catastrophes naturelles, des conditions météorologiques extrêmes, des pollutions particulières ou des interventions humaines telles que par exemple la déforestation ou la surpêche.
L’adage est bien connu : une croissance infinie dans un monde fini relève d’une impossibilité physique.
Malgré son caractère d’évidence, cet adage semble ne pas influer sur la quête constante de croissance du monde économique. Le système économique macro-économique est tout entièrement tourné vers une croissance continue du PIB. A l’échelle micro-économique, et comme décrit préalablement, la très grande majorité des modèles économiques d’entreprise sont construits sur des logiques volumiques à visée de croissance.
Et la croissance verte à laquelle se réfèrent les partisans d’un développement sans limite repose sur l’inaccessible promesse d’un découplage absolu, total, global, permanent, suffisant et suffisamment rapide.
Nous n’échapperons donc pas aux lois du vivant : les organismes que sont les entreprises ne pourront pas continuer à croître de manière indéfinie. La capacité à apprivoiser l’autolimitation et la nécessaire transformation des modèles économiques qu’elle requiert constitue non seulement une exigence environnementale, mais au-delà un facteur de résilience accrue pour les entreprises. Car des modèles économiques croissantistes qui, demain, évolueront dans des contextes de marchés accroissants ne seront tout simplement pas adaptés et seront terriblement vulnérables.
Mais qu’en est-il de productions intrinsèquement et réellement régénératives sur un plan socio-écologique ? Celles-là n’auraient-elles pas intérêt à croître de manière indéfinie, puisqu’à chaque unité aux vertus régénératives supplémentaire correspondraient des impacts positifs nets sur les écosystèmes et la société.
L’analyse de cas d’entreprises régénératives suggère, sans toutefois complètement le démontrer, qu’au-delà d’une certaine taille, elles ne sont plus en capacité de contrôler les externalités négatives qu’elles induisent.
Guayaki illustre cette situation. L’entreprise produit une boisson énergisante à base de maté cultivé sous la canopée de la forêt Atlantique et a développé un modèle économique de reforestation. Chaque boisson vendue contribue à séquestrer plus de carbone qu’elle n’en a émis sur son cycle de vie grâce aux actions de reforestation associée à la mise en culture du maté. Mais le passage à un contenant en aluminium génère désormais des pollutions atmosphériques, terrestres et maritimes. Si l’examen du seul bilan carbone encourage la croissance de l’entreprise, les externalités induites sur les écosystèmes marins remettent à contrario cet objectif en question. Amenant Alex Pryor, le co-fondateur de l’entreprise, à reconnaître que malgré tous les efforts mis en œuvre, l’entreprise génère des impacts négatifs sur la planète. Ce qui l’amène à requestionner ses objectifs de croissance, en tout cas tant qu’une solution de packaging alternatif puisse être trouvée (Berger et Lomé, 2018)
Principe 4 : Renforcer les services écosystémiques de soutien et de régulation
« une entreprise régénérative renforce des services écosystémiques, en particulier de soutien et de régulation, avec un impact net »
L’humanité profite de nombreux services que le vivant lui apporte. Les scientifiques de l’IPBES – la Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques – les ont nommés « services écosystémiques » puisqu’ils proviennent des écosystèmes
et participent au bien-être des humains.
Homo sapiens a su tirer parti de ces services. D’abord via les services d’approvisionnement avec l’agriculture, la sylviculture, l’aquaculture,… qui ont offerts aux humains des ressources alimentaires,
de matériaux, d’énergie. Ces services d’approvisionnement sont optimisés et l’on constate globalement un accroissement de leur production.
Toutefois, leur surconsommation et l’évolution de la chaîne alimentaire vers des productions de protéines animales s’opposent à la régénération. L’entreprise régénérative est ainsi attentive à favoriser le renouvellement des ressources qu’elle utilise, à favoriser la régénération des écosystèmes dont elle dépend et sur lesquelles elle agit.
Il s’agit par exemple d’extraire les ressources renouvelables à un rythme compatible avec leur vitesse de régénération.
L’Homme bénéficie aussi des apports de la nature pour des pratiques récréatives ou culturelles telle que la chasse, la pêche ou les activités sportives pour ne citer qu’elles. Ce sont les services culturels.
L’entreprise régénérative sera donc vigilante à ne pas impacter de façon irrémédiable les écosystèmes dont elle dépend et sur lesquels elle agit et à respecter les besoins, us et coutumes des communautés locales quand elle s’appuie sur ces services culturels. A noter que dans certains cas, c’est grâce à des relations spirituelles ou cultuelles que les Hommes entretiennent avec les écosystèmes que ces derniers peuvent être protégés.
Le fonctionnement de la nature s’appuie également sur des boucles de rétroaction et des dispositifs de régulation, les fameux services de régulation. Le plus connu d’entre eux est certainement celui de la pollinisation, permettant la fécondation des plantes à fleurs et donc le maintien et de la diversification des populations, mais bien d’autres services permettent de réguler le fonctionnement des écosystèmes eux-mêmes : la régulation du climat, la régulation des flux d’eau, la régulation de la qualité de l’air,… L’entreprise régénérative s’applique à ne pas perturber ces dispositifs de régulation, voire à les renforcer si ces derniers ont été affectés et sont déficients.
Enfin, les scientifiques distinguent selon les sources bibliographiques les services de support ou services de soutien tels que la photosynthèse, le cycle de la matière, le cycle de l’eau, la formation des sols, la conservation de la biodiversité, la production d’air respirable,… Comme leur nom l’indique, ces services soutiennent l’ensemble des autres services écosystémiques, c’est-à-dire qu’ils créent les conditions de base au développement de la vie sur Terre.
Ces services sont indirects ou apparaissent sur le long terme. Ces services sont aujourd’hui en déclin. En cela, ils constituent donc une priorité dans leur régénération.
L’entreprise régénérative s’attachera prioritairement à renforcer ces services de soutien si elle souhaite pouvoir s’appuyer sur les autres services énoncés plus haut. L’entreprise régénérative est ainsi actrice du renforcement des services écosystémiques, avec une attention toute particulière aux services de soutien et de régulation.
Renforcer ces services, c’est donner une chance à l’humanité et plus largement à l’ensemble du vivant de mieux vivre.
Principe 5 : Partager la valeur monétaire avec ses parties prenantes et pour l’intérêt général
Une entreprise régénérative partage la valeur monétaire avec ses parties prenantes et pour l’intérêt général
Depuis trente ans, la part de la valeur ajoutée redistribuée au travail tend à baisser. Les travaux de Karabarbounis et Neiman (2014) dégagent clairement une tendance à la baisse de cette part dans l’ensemble des économies. AuxÉtats-Unis par exemple, le PIB a augmenté de 260% entre
1967 et 2013 alors que le revenu médian des ménages américains n’a augmenté sur la même période que de 19%.
Pire, dans un contexte de croissance continue du PIB entre 2009 et 2015, le revenu médian des Américains a baissé jusqu’en 2014 (Laurent, 2019). Loin de constituer un « défaut » d’allocation, il semble au contraire que la concentration de richesses soit une propriété endogène2 de l’économie de marché. Ce qui est mis en évidence par de nombreux travaux, dont ceux de Boghosian.
Bruce Boghosian est professeur de mathématiques à l’université Tufts, aux États-Unis. Constatant que les inégalités en matière de richesse s’accroissent à un rythme alarmant non seulement aux États-Unis et en Europe, mais aussi dans des pays aussi divers que la Russie, l’Inde et le Brésil, il a développé avec ses collègues des modèles mathématiques décrivant la répartition de la richesse dans les économies modernes et rendant compte avec une grande précision des données réelles observées dans les différentes économies testées. Leurs modèles viennent battre en brèche plusieurs idées reçues sur le libre marché (Boghosian, 2020). Ainsi, dans une économie de marché, les richesses générées passent des pauvres vers les riches. Les modèles démontrent que loin de ruisseler vers les pauvres, la tendance naturelle de la richesse est de s’écouler vers le haut, de sorte que la répartition «naturelle» de la richesse dans une économie de marché correspond à une oligarchie totale.
Seule la redistribution fixe des limites à l’inégalité.
Ce qui, à l’échelle de l’entreprise, pose la question centrale des rémunérations et du partage des profits. Et appelle à la mise en place de pratiques en la matière. Comme par exemple la fixation de règles pour limiter les inégalités de salaire, à l’instar du plafonnement de la différence de rémunération entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut.
L’entreprise Enercoop a par exemple fixé ce plafond à 3. Des entreprises vont encore plus loin.
Laloux (2015) par exemple présente dans son célèbre livre « Reinventing Organization » le cas d’entreprises ayant mis en place des processus de définition de salaire de manière collégiale, par voie directe ou indirecte, voire même des entreprises où chaque salarié détermine de manière individuelle son salaire, au terme d’un processus de sollicitations d’avis, si besoin complété par un conseil avec des représentants qui le guident dans sa définition du montant.
Les 3 principes éthiques de la permaculture :
Les 3 éthiques de la permaculture sont proches des piliers du développement durable mais plus engagées :
– Prendre soin de l’humain
– Prendre soin de la Terre
– Répartir équitablement
Dans son étude « Entreprise & post-croissance » (Prophil, 2021), Prophil fait de la question du partage de la valeur un axe central de la refonte de la gouvernance de l’entreprise et invite à réinterroger le rapport de l’entreprise au profit et à qui il doit profiter. Plus spécifiquement, l’étude pose les trois enjeux suivants :
- La juste rémunération des contributeurs : il s’agit de rechercher une équité dans le partage de la valeur en interne et, dès que possible, auprès de l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le processus de création de valeur, selon des critères transparents et coconstruits. Reste à savoir ce qu’est un prix juste. Vaste question. En pratique, le prix juste est d’abord un prix qui s’oppose aux prix pratiqués par le commerce conventionnel de marché, considéré intrinsèquement comme injuste (Pouchain, 2016). Néanmoins, s’il est un prix contre le marché, il ne peut pas complètement s’en défaire, au risque de se positionner hors marché. Pour le sociologue Marc Poncelet (dans Pouchain, op.cit.), il doit d’abord s’envisager au regard des coûts de production d’un système de production durable offrant des conditions de vie décente à ses participants et des capacités d’investissement pour conduire des projets d’amélioration. Le prix juste cherche alors à se réaligner avec la valeur du travail, le temps et les conditions de travail devenant des données importantes pour sa construction. C’est le point de départ pris par Bronkhorst (2004) pour calculer le prix juste qui devrait être payé à des fournisseurs indiens. A savoir une construction au départ d’un salaire minimum décent dans le contexte indien, en fonction des conditions de salaire minimum, des seuils de pauvreté, de la composition et des modes
d’organisation du travail au sein des familles pour assurer un revenu décent à cette unité (tout en intégrant le besoin de revenus pour prendre en charge un mode de vie particulier, par exemple l’organisation d’un mariage ou de funérailles). Pour Thomas d’Aquin, il y a deux critères essentiels dans la notion de prix juste :
- 1) il est raisonnablement profitable pour l’une et l’autre des parties ;
- 2) il faut aussi qu’il le soit pour le bien commun.
Un prix juste est ainsi un prix qui répartit la valeur de manière équitable entre les acteurs de la chaine de valeur, de sorte que l’un ne réalise pas de surprofit déraisonnable sur le dos de l’autre.
Mais un prix juste n’est pas seulement ajusté aux intérêts du vendeur et de l’acheteur. Il est aussi adossé à un souci de justice pour tous. Cela veut dire qu’on ne peut pas seulement s’appuyer sur l’offre et la demande et sur l’accord des parties. Il faut donc aussi se soucier des conséquences du prix sur le bien commun. Un prix trop bas par exemple peut entraîner une surconsommation et donc un déséquilibre écologique. L’exemple prototypique est celui de l’ultra-fast fashion avec des pièces textiles de qualités environnementales et sociales médiocres, vendues à un prix dérisoire. A l’inverse, un prix élevé pour de bonnes raisons économiques peut par exemple lui être injuste vis-à-vis du bien commun, comme par exemple le prix de certains médicaments pour des maladies rares.
- La circularité des profits : les éventuels bénéfices financiers réalisés par l’entreprise (après avoir rémunéré les différents contributeurs au processus de création de valeur, réalisé les investissements nécessaires au maintien des activités dans l’espace sûr et juste et payé les impôts) sont redistribués pour soutenir la régénération des ressources ou contribuer à des causes d’intérêt général. Ce qui nécessite un alignement total du/des actionnaires ou la présence majoritaire d’un actionnaire d’intérêt général, tel que par exemple une fondation actionnaire.
- La redirection des profits : les bénéfices sont prioritairement réinvestis dans l’entreprise afin d’accélérer la redirection écologique et sociale des activités. Ce qui nécessite une politique de modération des dividendes et des obligations de profitabilité.
L’entreprise régénérative, soucieuse de créer une valeur étendue positive nette pour ses parties prenantes, les écosystèmes et la société (principe 1), va mettre en œuvre ces trois orientations. En particulier, elle décide par gouvernance d’affecter prioritairement ses résultats à sa redirection écologique vers la mise en œuvre d’un modèle régénératif sur son périmètre propre et au sein de l’écosystème coopératif dans lequel elle s’engage.
Principe 6 : Chercher un équilibre entre performance et robustesse
Une entreprise régénérative cherche un équilibre entre performance et robustesse (prinicpe de sous-optimalité)
Selon le biologiste Olivier Hamant (2022), le vivant, loin d’être parfait, est bien davantage continuellement imparfait, en mouvement permanent. Fondamentalement, il ne met pas l’accent sur la performance, mais bien sur la robustesse, dans un fonctionnement sous-optimal.
Et cela en vue d’acquérir une certaine stabilité face aux fluctuations environnementales. Ce qui participe à sa résilience. Ainsi un système devient résilient quand il présente des caractéristiques de robustesse, d’adaptabilité et de transformabilité. Un système est robuste quand il est capable de maintenir ses réponses dans une fourchette donnée, malgré les perturbations qu’il subit.
- La stabilité n’est pas une rigidité ou une réponse passive à des contraintes extérieures, mais plutôt une flexibilité interne pour résister activement aux perturbations de l’environnement.
- Il est adaptable quand il est capable d’ajuster ses réponses tout en maintenant ses principales fonctions (ex. le corps humain s’adapte à la fièvre tout en maintenant les possibilités de respirer ou de manger).
- Finalement, il est transformable quand il peut évoluer vers un système différent en modifiant sa structure et ses fonctions.
Le vivant ne fonctionne pas au maximum de ses capacités, mais bien davantage de manière sous-optimale, et ce afin de rester adaptable.
Ainsi, nous disposons d’enzymes qui ont un optimum d’activité à 40°, là où ils évoluent dans un corps à 37°, ce qui les rend sous-optimaux à cette température. Mais quand par exemple un pathogène induit de la fièvre, la température du corps monte et l’enzyme peut alors “surprendre” le pathogène, notamment en stimulant la réponse immunitaire. Le fonctionnement de l’enzyme peut alors être optimal, mais cet optimum ne sera que transitoire.
À l’inverse, nos entreprises misent tout sur la performance et l’optimisation. Pourtant, cette dernière est adaptée aux systèmes fermés, où les problèmes sont bien circonscrits. Quand le système devient ouvert, qu’il est fait de multiples boucles de rétroactions et que l’environnement est très incertain, l’optimisation est moins pertinente car elle fragilise. Or l’entreprise constitue et évolue dans des systèmes largement ouverts.
La crise du covid et son impact sur les chaînes d’approvisionnement mondialisées ont largement mis en évidence la fragilité consécutive d’un manque de robustesse (notamment liée ici à un manque de redondance dans les approvisionnements).
De surcroît, l’optimisation s’opère non pas en fonction de critères incontestables, mais en fonction d’une approche multicritères imposant une priorisation reposant sur l’importance donnée à certains critères au détriment d’autres critères. Ainsi, pour me rendre de Nice à Paris, j’ai le choix entre le train, l’avion, la voiture, … Les critères de choix varieront en fonction du temps, du coût, des émissions de gaz à effet de serre, … De sorte que si je privilégie l’avion, c’est pour optimiser un critère – ici le temps – au détriment d’autres critères. L’avion est donc optimal sur le critère du temps, mais absolument non optimal sur le critère des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, nos logiques d’optimisation donnent le plus souvent priorité de manière implicite ou explicite à des critères financiers, s’opérant au détriment d’autres dimensions pourtant essentielles à la vie et aux grands équilibres écologiques et sociaux.
Le vivant ne joue pas de l’optimisation. Il opère au contraire sur des équilibres dynamiques construits sur des trajectoires viables dans un ensemble de contraintes plurielles. Cette approche de la viabilité vise à identifier un ensemble d’états à partir desquels il existe au moins
une trajectoire permettant de respecter de manière viable l’ensemble des contraintes sur tout l’horizon du
problème. Contrairement à l’approche multicritère, elle permet d’identifier des solutions sans avoir à hiérarchiser les critères souhaités.
Ce principe est particulièrement déstabilisant tant nous avons érigé l’optimisation en vertu cardinale. A fortiori dans le domaine de la soutenabilité, où nous associons le plus souvent aux logiques d’optimisation des plus-values environnementales ou sociales en prenant appui, par exemple, sur l’intelligence artificielle, les big datas ou la smartness (par exemple les smart cities). S’il semble difficile de critiquer le bien-fondé d’une approche d’optimisation en étudiant une de ses applications sur ses périmètres propres – par exemple l’usage du numérique pour optimiser la réduction de fuites d’eau d’un réseau donné -, il est utile de dézoomer le périmètre et de questionner ses effets rebonds.
Car si l’optimisation peut en effet générer des résultats a priori probants sur le périmètre restreint de l’espace applicatif, ce n’est généralement pas le cas quand on prend de la hauteur. Ainsi, l’optimisation et la dématérialisation par le numérique devaient apporter la frugalité et une meilleure maîtrise des flux. C’est l’inverse qui s’est produit avec une explosion de la demande énergétique et des ressources associées, comme les travaux d’Eloi Laurent (2019) mettent en évidence la rematérialisation massive de l’économie par l’explosion du numérique.
Comment réduire l’empreinte écologique du numérique ?
De la sobriété responsable à l’approche régénérative du service numérique
Finalement, à cause des très nombreux effets rebonds, les gains d’optimisation obtenus dans une application donnée finissent par « rebondir » dans des applications générant des impacts négatifs, de sorte qu’au global, la pression sur les écosystèmes et la société ne se réduit pas, bien au contraire.
C’est l’exemple classique du secteur automobile qui a optimisé le fonctionnement de ses moteurs dans une perspective de réduction de la consommation de carburant. Les gains d’optimisation par véhicule ont très largement été effacés par l’augmentation du nombre de véhicules sur la route et de la circulation qu’ils parcourent.
Nous pouvons également observer l’exemple de la révolution agricole. Avec la mécanisation de l’agriculture et les engrais, les rendements ont explosé. Mais quand le coût calorique de ces machines et intrants est ajouté au système, l’agriculture devient déficitaire depuis 1970 en France. Elle consomme aujourd’hui plus de calories qu’elle n’en produit là où en 1929, l’agriculture produisait trois calories en en consommant une (Bonneuil et Fressoz, 2016).
Principe 7 : Créer des relations vivifiantes
Une entreprise régénérative crée des relations vivifiantes
La régénération socio-écologique consiste à mettre la vie et le vivant au centre de chaque action et décision, à dynamiser le vivant sous toutes ses formes.
Ce qui s’applique évidemment en premier lieu aux relations. Les relations entretenues entre les uns et les
autres sont-elles vivifiantes, stimulantes, énergisantes, ou sont-elles à contrario limitantes, plombantes ? L’entreprise régénérative va chercher à créer les conditions propices aux relations vivifiantes entre ses différentes parties prenantes humaines et non humaines. Ce qui a de nombreuses implications.
L’entreprise doit d’abord permettre aux uns et aux autres de pouvoir exprimer leur plénitude, leurs talents et leur singularité. Il n’y a rien de plus énergivore que de devoir jouer un rôle qui n’est pas naturellement le sien. Cela requiert des architectures et des cultures organisationnelles particulières, favorisant la prise d’initiative, la capacité à exprimer les talents de chacun et les intelligences multiples coexistant au sein de l’organisation.
Les entreprises très verticales qui fonctionnent autour de procédures strictes, dissociant l’élaboration stratégique de l’exécution et qui enferment les uns et les autres dans des rôles prescrits, avec des processus freinant ou empêchant la prise d’initiative, ne favorisent ni l’expression de ses élans de vie naturels, ni donc les relations stimulantes et vivifiantes. Le niveau d’engagement est limité, voire inexistant, tout comme le désir de contribution et l’expression des intelligences, des talents et des singularités divers et variés présents au sein ou autour de l’entreprise.
Autre enjeu clé, l’hygiène relationnelle et la qualité de la communication entre les individus. Des rituels sont-ils mis en place pour exprimer son état intérieur ou pour permettre d’identifier et de déminer les inévitables tensions qui surgissent dans tout collectif ? La communication non violente est-elle une
pratique encouragée et travaillée dans un climat bienveillant ? Les feedbacks et la qualité avec laquelle ils sont posés sont-ils encouragés ? Le tout avec le bon dosage, pour ne pas tomber dans l’introspection permanente.
Au-delà des parties prenantes internes, quel est le niveau de vitalité que l’entreprise entretient avec ses parties prenantes externes ? Ses fournisseurs ? Ses clients ? Ses co-traitants et partenaires ? La société civile ? Les uns et les autres se sentent-ils mis en vie ou limités dans le
cadre de ces interactions ? Peuvent-ils exprimer leur potentiel ou sont-ils au contraire contraints et limités ?
Les conditions de relations vivifiantes sont-elles réunies tant sur un plan matériel qu’immatériel et financier ? Et au-delà encore, quel est le niveau de vitalité des relations que l’entreprise entretient avec ses parties prenantes non humaines ? Avec la biodiversité et les écosystèmes dont elle dépend et sur lesquels elle agit ?
Le territoire joue ici un rôle particulier. Le vivant est par essence situé et ancré territorialement. Les relations que nous tissons entre humains et avec les non-humains sont incarnées dans les territoires, qui créent l’espace d’intimité et de responsabilisation des humains à l’égard du vivant (Mang et Reed, 2012). Les territoires constituent les espaces géographiques et culturels au sein desquels
la régénération socio-écologique se met en œuvre.
Nombre d’entreprises ont tendance à considérer et à agir au sein des territoires comme s’ils étaient des « tout » homogènes, sans reconnaitre la singularité des lieux. Or Paris n’est pas Londres ou Bruxelles. La Seine n’est pas la Tamise ou le Rhin. Créer des relations vivifiantes avec son territoire, c’est donc aussi réinvestir la compréhension du lieu, de sa singularité, de son histoire, de sa géographie, de ses écosystèmes présents, de sa culture. C’est comprendre ses relations d’interdépendance avec ce qui l’entoure et ce qui est plus grand que lui et le contient.
Comment espérer créer des relations vivifiantes et favoriser l’expression des potentialités présentes dans le ou les territoires où l’entreprise opère si elle ne connait rien de ce(s) territoire(s) ou qu’elle le(s) traite comme une(des) entité(s) homogène(s) ? Il importe donc de réinvestir le champ de la compréhension des modes de fonctionnement des systèmes vivants ancrés territorialement et des propriétés qui les caractérisent.
Principe 8 : Créer des relations réciproques et co-évolutives basées sur la coopération
Une entreprise régénérative crée des relations réciproques et co-évolutives basées sur la coopération
Nous avons tendance à penser le vivant comme un vaste terrain de lutte entre espèces pour leur intérêt propre, a fortiori quand la pénurie gagne le milieu. C’est non seulement une erreur, et même s’il ne faut pas idéaliser ou fantasmer le vivant – la prédation et le parasitage étant des modes de fonctionnement qui y sont avérés -, c’est plutôt l’inverse qui se produit.
De manière générique, le vivant fonctionne davantage par coopération, voire par symbiose. Et quand, dans les écosystèmes, la pénurie frappe le milieu, la coopération à tendance à s’amplifier, en créant de la valeur bien moins grâce aux ressources matérielles qu’offre le milieu que grâce à l’hétérogénéité des partenaires.
L’exemple prototypique est la forêt : si les conditions sont favorables, le prélèvement d’un arbre
dans une forêt jeune bénéficiant d’un milieu particulièrement généreux fera que les arbres voisins vont profiter de l’espace créé pour augmenter leur biomasse. Ils étaient donc en compétition, l’élimination de certains individus profitant aux autres. Mais si les conditions environnementales sont plus sévères, comme par exemple en haute montagne, les arbres voisins de l’arbre coupé vont réduire leur biomasse, signe que ces arbres coopéraient entre eux et qu’on leur a enlevé un partenaire (Hamant, 2022).
Aujourd’hui, les entreprises se développent dans l’illusion d’un monde aux ressources abondantes où la compétition constituerait un moyen de progresser, de croître en consommant toujours plus de ressources, en produisant et en mettant sur le marché toujours plus de produits et/ou de services.
Nous sommes objectivement dans un monde en dette écologique et donc en pénurie de ressources.
Dans ce contexte, la nature nous donne un message clair : les entreprises devraient s’attacher à créer des relations coopératives avec des partenaires nombreux et diversifiés.
Notons également que les relations coopératives s’inscrivent au sein même des processus évolutifs (Mang et Haggard, 2016). L’aptitude à coopérer serait la marque de maturité d’une espèce.
Lorsqu’une espèce est jeune, celle-ci lutterait dans un premier temps pour disposer de ressources et de territoire. Toutefois, en multipliant les interactions avec les autres espèces présentes, elle entrerait dans un processus de négociation, qui la ferait mûrir, ce qui permettrait à tout l’écosystème entier de mûrir à son tour. Cette évolution est largement observée dans les forêts tropicales anciennes. Qu’en conclure ici sur le niveau de maturité de l’espèce humaine, semblant bloquée dans la compétition et la prédation ?
Au-delà des coopérations, les symbioses sont l’un des facteurs du foisonnement de la vie sur Terre. Celles-ci reposent sur des relations dites à bénéfices mutuels. Elles s’inscrivent donc dans une logique de coévolution entre espèces y participant, et nécessitent à la fois une coopération mais aussi une réciprocité pour fournir leur plein potentiel.
Par exemple, le lichen est en lui-même le résultat d’une symbiose entre une algue unicellulaire et un champignon. Le champignon apporte à l’algue l’eau et les sels minéraux dont elle a besoin pour se développer, l’algue fournissant aux champignons le glucose qu’elle produit au travers de la photosynthèse.
Principe 9 : Utiliser des molécules bio-assimilables
Une entreprise régénérative utilise des molécules bio-assimilables pour toutes les matières dont les flux ne sont pas strictement contrôlés pour éviter leur dispersion dans le cycle biologique
En biologie, l’assimilation est une propriété que possèdent les organismes vivants de pouvoir reconstituer leur propre substance à partir d’éléments puisés dans le milieu et transformés par la digestion. La bio-assimilation est donc ce processus par lequel des êtres organisés transforment les matières qu’ils absorbent en leur propre substance, sans que cela n’altère leur santé.
En prenant appui sur la physique, la chimie mais aussi la biologie, nous, humains, avons produit quantité de molécules et de substances issus de minerais, d’extraits du vivant ou de reproductions synthétiques des compétences du vivant qui constituent des contaminants pour les écosystèmes et les espèces vivantes. Les plastiques, les métaux lourds ou les produits phytosanitaires en sont des illustrations. Ces contaminants, une fois relâchés dans les écosystèmes, vont être absorbés par les organismes vivants et s’accumuler dans leurs tissus.
Cette bioaccumulation par chaque organisme vivant va induire un processus de bioamplification au plus on remonte les chaines alimentaires. Ainsi, lorsque des organismes contaminés situés bas dans la chaîne alimentaire sont ingérés par des organismes de plus haut niveau, ils
vont transmettre les contaminants qu’ils contiennent. Il en résulte une augmentation de la concentration de ces contaminants au plus on monte dans la chaîne alimentaire.
En effet, si un végétal est contaminé, l’herbivore qui consomme ces végétaux concentre les contaminants du végétal. Le carnivore prédateur de cet herbivore va lui aussi concentrer encore un peu plus les contaminants. Ainsi, en partant d’une eau de pluie contaminée au PCB à hauteur de 0,000002 particule par million (ppm), le phytoplancton (algue microscopique) qui évolue dans le milieu recevant cette eau de pluie va concentrer le PCB à 0,0025 ppm. Le zooplancton qui se nourrit de phytoplancton le concentrera à 0,123 ppm, puis l’éperlan à 1,04 ppm, la truite qui mange l’éperlan à 4,84 ppm et le goëland argenté qui mange la truite sera in fine à 124 ppm, tout comme ses œufs. C'est la bioamplification.
Même en cas de pollution infime en début de chaîne alimentaire, des organismesc vivants peuvent devenir fortement toxiques en bout de chaîne. Et qui est le dernier maillon de quantité de chaînes alimentaires ? L’Homme, qui est donc exposé aux plus hautes concentrations de ces contaminants bio-amplifiés.
L’entreprise régénérative s’appuie sur les principes de la chimie verte ou chimie naturelle et en particulier plusieurs de ces principes, comme par exemple la prévention de pollution à la source en évitant la production de résidus ou la mise au point de molécules plus sélectives et non toxiques. L’entreprise produit, pour les matières dont les flux ne sont pas strictement contrôlés pour éviter leur dispersion dans le cycle biologique, des molécules bio assimilables et non toxiques pour les écosystèmes, les espèces vivantes qui y prospèrent et in fine pour l’Homme. Elle utilise de plus très peu d’auxiliaires de synthèse tels que les solvants ou procède principalement avec l’eau comme solvant.
Dans l’essentiel des cas, elle réalise les étapes de transformation dans des conditions de pression et de température ambiante réduisant ainsi l’utilisation d’énergie. Enfin, elle utilise principalement des ressources naturelles ou renouvelables.
Ce faisant, elle adopte les compétences de création continue du vivant non humain et les inscrit au cœur de ses pratiques visant la régénération écologique.
Principe 10 : Être circulaire par design
Une entreprise régénérative est circulaire par design
La circularité est une spécificité du fonctionnement de notre planète. Celle-ci subit les effets des cycles du Soleil, de la Lune et dispose de ses propres cycles pour fonctionner. Les êtres vivants sont eux-mêmes inscrits dans les cycles de la Terre : le cycle de l’eau, de l’azote, du carbone…
Exception faite des humains, ils ne produisent pas des déchets mais des ressources qui, si elles ne sont pas directement valorisées par l’espèce qui en est la source, profiteront à d’autres.
L’entreprise régénérative est circulaire par design. Elle ne produit pas de déchets, mais des ressources qu’elle pourra directement valoriser ou qui pourront être valorisées par d’autres. A noter que la pensée circulaire va au-delà de l’éco-conception et du recyclage, pour intégrer les flux informationnels.
Nous avons en effet réduit l’économie circulaire à une économie de flux de matières non plus linéaires, mais tournant en boucles fermées. Mais les premiers flux sont les flux informationnels. Nous rappelant que le vivant s’adapte constamment sur base des boucles de rétroactions (Hamant, 2022), et renvoyant ainsi au second principe.
Lorsque l’entreprise ne peut être circulaire sur son seul périmètre par design, elle peut le devenir par les coopérations qu’elle peut mener localement. On parle alors d’écologie industrielle et territoriale (Erkman, 1998), décrite « comme une certaine configuration de flux et de stocks de matière, d’énergie et d’information, tout comme les systèmes biologiques ».
Ainsi, l’entreprise se réinscrit dans les cycles propres au vivant au sein d’un écosystème coopératif né des relations de coopération avec d’autres acteurs (entreprises, collectivités, associations) en s’inspirant des connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes et de la biosphère.
Principe 11 : Être ancrée dans le local, ce qui favorise la sobriété et la multifonctionnalité
Une entreprise régénérative est ancrée dans le local, ce qui favorise la sobriété et la multifonctionnalité
Le vivant n’utilise que ce dont il a besoin pour faire ce qu’il a à faire. Il ne stocke pas déraisonnablement et s’appuie sur les ressources qui lui sont localement disponibles. Il fonctionne à l’énergie de flux, le soleil en tête. Et il est multifonctionnel par essence.
Une forêt écologiquement saine offre par exemple un nombre incroyablement élevé de fonctionnalités. Elle constitue un réservoir de biodiversité et abrite une multitude d’êtres vivants.
Le couvert forestier favorise l’infiltration des eaux de pluie, agit comme un filtre et régule les précipitations. Il joue un rôle crucial dans le cycle de l’eau. Mais aussi du carbone. La forêt fixe les poussières et les polluants, préserve naturellement de l’érosion, offre des services récréatifs pour les humains que nous sommes, mais aussi des fonctions économiques, …
L’entreprise régénérative a ainsi le modèle à suivre. Ce qui peut constituer un vivier d’innovations et de bonnes pratiques.
- Les exemples présentés ci-après ne relèvent pas tous d’entreprise régénérative, ni même parfois d’entreprises engagées dans la régénération socio-écologique. Ils ont néanmoins été sélectionnés pour leur capacité, à travers le modèle et la ou les pratiques présentées, à illustrer le principe auquel ils
sont rattachés. ↩︎ - Propre au système. ↩︎