La demande croissante en viande, aliments fourragers et agrocarburants en Europe exerce une pression de plus en plus forte sur l’Amazonie et le Cerrado, au Brésil, comme le révèle un nouveau rapport des Amis de la Terre Europe. Alors que l’Europe ouvre le débat sur le futur de son agriculture, les Amis de la Terre Europe appellent à une réforme profonde de la Politique agricole commune pour réduire la dépendance de l’Europe aux importations de soja, d’aliments fourragers et de viande.
Le rapport « De la forêt à la fourchette » des Amis de la Terre Europe utilise les données les plus récentes pour montrer que l’Union européenne :
- est le 4ème importateur mondial de viande du Brésil avec 250 000 tonnes de bœuf importées en 2009 ;
- achète environ un tiers de la récolte de soja du Brésil ;
- est le premier importateur mondial d’éthanol brésilien, issu de la canne à sucre.
L’association souligne que ce phénomène pourrait s’accentuer d’ici à 2020 : la production de soja pourrait augmenter de 5 millions d’hectares et la surface consacrée à l’élevage et à la culture de canne à sucre, de 25 % pour la même période.
Pour Adrian Bebb, chargé de campagne Agriculture et Alimentation au sein des Amis de la Terre Europe : « Les consommateurs européens peuvent jouer un rôle pour réduire la pression sur l’Amazonie et le Cerrado en limitant leur consommation de viande mais nous avons besoin que les gouvernements mettent en place des politiques pour aider les agriculteurs à réduire les importations de tourteaux de soja pour le bétail, ou encore pour stopper l’utilisation d’agrocarburants ».
Sous la pression des industriels de l’agrobusiness, la loi forestière brésilienne pourrait être modifiée. Des amendements seront prochainement discutés au Congrès et pourrait conduire à la remise en cause du statut de protection d’environ 70 millions d’hectares, ce qui conduirait à l’émission de 25 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Les fragiles efforts qui ont permis de réduire le taux de déforestation en Amazonie ces dernières années risquent même de voler en éclat avec la remontée des cours des commodités agricoles comme l’explique Clarissa Trois Abreu des Amis de la Terre Brésil : « S’appuyant sur une demande internationale croissante, les entreprises de l’agrobusiness sont en train de mener un plaidoyer agressif pour relancer la déforestation. La communauté internationale doit faire pression sur le Brésil pour que les lois existantes ne soit pas affaiblies ».
Pour Sylvain Angerand, chargé de campagne Forêt pour les Amis de la Terre France : « Le cas brésilien illustre les ambigüités de la communauté internationale. A la tribune des négociations sur le climat, les pays riches appellent à protéger les forêts mais dans les coulisses des négociations commerciales, les forêts sont sacrifiées sur l’autel des intérêts économiques. Il est très difficile d’amener les pays riches à accepter l’idée qu’ils doivent réduire leur consommation et réorganiser radicalement leur économie, c’est pourtant une condition indispensable pour alléger la pression sur les forêts. »