À l’interface entre science et société, le Muséum national d’Histoire naturelle a une mission de sensibilisation et de partage des savoirs autour des grands enjeux environnementaux. Depuis 2017, il publie chaque année un Manifeste, signé par un comité d’experts interdisciplinaire, qui explore une grande question de société à la lumière de l’histoire naturelle. Le 9e opus de cette série, à paraître le 21 novembre 2025, part de ce constat : alors que les alertes sur l’effondrement de la biodiversité se multiplient, les prises de décision en faveur de sa protection restent souvent timides, voire ambivalentes. Pourquoi une telle inertie face à une crise écologique sans précédent ? Les réponses sont peut-être à chercher dans nos manières d’être en relation avec la nature, c’est-à-dire les différentes valeurs que nous mobilisons pour la défendre ou la transformer.

Alors que les alertes sur l’effondrement de la biodiversité se multiplient, les prises de décision en faveur de sa protection restent souvent timides, voire ambivalentes. Pourquoi une telle inertie face à une crise écologique sans précédent ?
Tandis qu’on s’interroge sur une exploitation des grands fonds marins, les scientifiques mettent en garde contre des conséquences écologiques encore sous-estimées. Les insectes disparaissent, mais les pratiques agricoles intensives en grande partie responsables de cette extinction perdurent. Ces situations mettent l’accent sur une crise plus profonde que la seule crise écologique : une crise des valeurs.
Les décisions politiques qui touchent à l’environnement ne sont pas neutres : chacune d’entre elles est portée par une vision du monde, par des intérêts qui sont susceptibles d’entrer en tension avec d’autres. Privilégier l’extension d’un centre commercial au détriment d’une zone humide n’impacte par exemple pas de la même manière toutes les personnes et tous les groupes sociaux – y compris parmi les générations futures –, ni les lieux et les entités naturelles. Ainsi, les valeurs que nous attribuons à la nature ne sont pas neutres, pas plus qu’elles ne sont universelles ou figées. Elles dépendent de multiples facteurs.
Pour mieux les comprendre et les appréhender, plusieurs classifications ont été proposées. Ainsi, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) distingue trois grands types de valeurs :
- les valeurs instrumentales, qui renvoient aux usages que les humains font de la nature ;
- les valeurs relationnelles, fondées sur les liens d’identité, de soin et de réciprocité qui existent entre humains, environnements et non-humains ;
- les valeurs intrinsèques, qui reconnaissent aux autres vivants et à la nature en général une importance par et pour eux-mêmes.
En invitant à intégrer dans nos prises de décision politiques cette diversité des valeurs attribuées à la nature, ce nouveau Manifeste du Muséum invite à repenser nos cadres juridiques, économiques, éducatifs, culturels et institutionnels.
Il s’agit de pouvoir mieux répondre aux défis environnementaux auxquels nos sociétés sont confrontées, dans une perspective à la fois équitable et durable.
La nature à ses justes valeurs

Un manifeste coordonné par Jane Lecomte, écologue, directrice du département scientifique « Sociétés et environnements » du MNHN et Frédérique Chlous, anthropologue, directrice générale déléguée à la Recherche, l’enseignement, la valorisation et l’expertise au MNHN.