Les Amis de la Terre, les réseaux Counter Balance et Eurodad viennent de publier un nouveau rapport, “Flying in the face of development : How EIB loans enable tax havens”, qui met en lumière l’implication de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans des paradis fiscaux. Cette étude révèle que la Banque de l’Union européenne investit des milliards d’euros dans des entreprises liées à des centres offshores. Les ONG dénoncent cette situation scandaleuse et demandent aux Etats européens de se montrer cohérents avec leurs déclarations contre les paradis fiscaux en exigeant que la BEI mette fin à cette pratique et respecte son mandat de développement.
Ces cinq dernières années, la BEI a prêté 5,66 milliards d’euros aux banques françaises, néerlandaises et anglaises les plus impliquées dans des paradis fiscaux [[Il s’agit de la Barclays Bank, la Royal Bank of Scotland, BNP Paribas, la Société Générale et ING.]] , tandis que 210 millions d’euros sont allés à des fonds africains utilisant les paradis fiscaux dans leurs stratégies d’investissement. En outre, de grands projets d’infrastructures tels que le Gazoduc Ouest Africain au Nigeria [[Le consortium West African Gas Pipeline Company Limited (WAGPCo) est enregistré dans les Bermudes. La BEI a accordé 75 millions d’euros de prêt au Ghana pour la mise en œuvre de ce projet.]], la mine de Tenke Fungurume en République Démocratique du Congo [[Tenke Holding Ltd /Lundin Holding, enregistrée aux Bermudes, est partiellement propriétaire du projet d’exploitation des mines de cuivres et de cobalt de Tenke Fungurume en République Démocratique du Congo pour lequel la BEI a approuvé sous conditions un prêt de 100 millions d’euros en 2007.]] ou la mine de Mopani en Zambie [[Mopani Copper Mines plc (mines de cuivre de Mopani), qui a bénéficié d’un prêt de 48 millions d’euros de la BEI, est détenue en majorité par Carlisa Investments Corporation, installée dans les Îles Vierges britanniques.]] sont liés aux Bermudes ou aux Iles Vierges, paradis fiscaux notoires. Anne-Sophie Simpere des Amis de la Terre, explique : « Notre étude démontre que de nombreux projets financés par la BEI impliquent des paradis fiscaux et des multinationales utilisant des centres offshore. Pourtant, les politiques d’investissement de la BEI sont décidées par son Conseil d’administration, composé des Etats membres de l’UE dont les décideurs enchaînent les déclarations contre les paradis fiscaux. Comment peuvent-ils prétendre lutter contre ces pratiques alors qu’en même temps, ils les cautionnent massivement avec la banque publique de l’Union européenne ? » Desislava Stoyanova, coordinatrice de Counter Balance, poursuit : « Cette situation est inacceptable de la part d’une institution publique. Et en particulier de la BEI, dont les lacunes en matière de transparence et de responsabilité sont notoires, alors que ce sont deux aspects cruciaux en matière de lutte contre les paradis fiscaux. » Le rapport rappelle que le recours aux paradis fiscaux est un frein au développement, comme le montrent de nombreuses études, notamment le récent rapport du gouvernement norvégien sur le sujet [[Voir Commission on capital flight from developing countries, Tax havens and development, Summary of the preliminary study, Juin 2009, page 4 : » Illegal capital flight corresponds to roughly ten times the financial assistance given to developing countries. »]]. Anne-Sophie Simpere conclut : « Le gouvernement norvégien vient de proposer une série de mesures pour s’assurer que son Fonds d’investissement n’alimente pas les paradis fiscaux. Les Etats européens resteront-ils à la traîne en laissant leur banque de développement continuer à financer des projets liés à de douteuses places financières, dans l’opacité ? » Les Amis de la Terre et Counter Balance demandent à la BEI et aux Etats européens de ne plus soutenir de projets liés à des paradis fiscaux et d’assurer une transparence totale des prêts de la BEI à des intermédiaires financiers, pour garantir que ces flux ne contribuent pas à alimenter l’évasion fiscale.