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L’économie citoyenne : un nouveau mouvement a vu le jour

L’économie citoyenne – ou quand l’intérêt général s’invite dans le bilan des entreprises. Conçu avec le soutien de nombreuses PME et le mouvement ATTAC, un nouveau modèle économique a vu le jour en Autriche – ni communiste, ni capitaliste. Christian Felber prône une troisième voie indépendante et démocratique dont les principaux acteurs sont les citoyens eux-mêmes. Comment s’y prendre pour entraver l’engrenage catastrophique des crises économiques à répétition ? Soutenu par de nombreux économistes alternatifs en Europe, ce nouveau modèle convainc de plus en plus de personnes.

Christian Felber, membre d’ATTAC (Autriche) a fondé un mouvement incitant les entreprises à faire, chaque année, le bilan de leurs efforts citoyens (écologiques, sociales, solidaires, démocratiques). Dans ce livre publié en France aux éditions Actes Sud, porté par les expériences concrètes et diverses d’une centaine d’entreprises, nous apprend donc comment transformer l’économie en évitant les écueils du communisme et d’autres totalitarismes. L’économie citoyenne repose sur des valeurs susceptibles de réunir l’adhésion d’un grand nombre de personnes, puisque ce sont les mêmes que celles qui font la réussite de nos relations sociales : confiance, coopération, respect, démocratie, solidarité (selon des études scientifiques récentes, il apparaît que ce qui satisfait et motive le plus l’être humain, c’est l’établissement de bonnes relations sociales). Quel est cet « intérêt général » que l’entreprise citoyenne s’engage à favoriser ? Sa définition serait établie au cours d’une convention démocratique et ancrée dans la Constitution. Les entreprises en rendraient donc compte dans un nouveau type de « bilan » qu’elles devraient présenter chaque année, en plus du bilan financier : le bilan citoyen. Y apparaissent seulement des critères qu’on peut concrètement évaluer selon des valeurs fondamentales : responsabilité sociale, durabilité écologique, cogestion démocratique, solidarité envers tous les acteurs concernés (les salariés, mais aussi les fournisseurs, les acheteurs, les clients…). Grâce à des « points citoyens », ce bilan rend exactement compte des actions en faveur de l’intérêt général. Les entreprises qui ont cumulé, dans leur bilan citoyen, le plus de « points citoyens », se verraient attribué, par la loi, des avantages – ce qui leur permet de couvrir plus facilement leurs frais (parfois plus élevés) : imposition et droits de douane plus faibles, crédits plus avantageux, priorité pour les marchés publics et les programmes de recherche… Un cadre juridique devrait ensuite inciter l’intérêt général, les biens collectifs, et la coopération. Les enjeux de la réussite au sein de l’entreprise seraient donc redéfinis. Jusqu’à présent perçu comme un objectif à atteindre, le capital devient, dans ce nouveau modèle économique, un simple moyen. Il ne sert plus qu’à réaliser le but que l’entreprise s’est fixé(la production de biens, les services, l’agriculture, etc.) Garantir le revenu de tous les employés est l’un de ces buts. Un revenu maximal est instauré (par exemple 20 fois le salaire minimum légal). Les bénéfices de l’entreprise peuvent être utilisés pour des investissements (à valeur ajoutée sociale et écologique), le remboursement de crédits, redistribués aux salariés ou utilisés pour des crédits sans intérêts aux entreprises associées. En revanche, il n’est pas prévu que les bénéfices soient distribués à des personnes qui ne travaillent pas dans l’entreprise, ni utilisés pour l’achat hostile (OPA) d’autres entreprises, ni pour l’investissement sur des marchés financiers (ces marchés n’existent plus). Grâce à ce modèle, les inégalités de revenus et de patrimoines seront réduites. En même temps que le revenu, le patrimoine de chacun et la possibilité de transmettre un héritage seront limités, sans pourtant tomber dans l’austérité communiste. Les grandes entreprises de plus de 250 salariés deviennent partiellement la propriété des salariés et de la communauté et, au-delà de 5.000 salariés, à 100 %. Les citoyens sont représentés par les députés élus dans les « parlements économiques régionaux ». Le gouvernement n’exerce aucune main mise sur les entreprises publiques. Ceci vaut également pour la troisième catégorie juridique de propriété que le modèle propose. A côté d’une grande majorité de (petites) entreprises privées et quelques grandes entreprises de propriété mixte, il existerait des « coopératives de service public » – entreprises du domaine de l’éducation, de la santé, du social, de la mobilité, de l’énergie et de la communication. La « banque » est, elle aussi, une coopérative et sa gestion se fait de façon démocratique. Elle aussi est au service de l’intérêt général et, comme les autres coopératives de service public, elle est contrôlée par la souveraineté démocratique et non par le gouvernement. Ses principaux services sont les suivants : l’épargne sécurisée, des crédits bons marchés, des crédits à risque de caractère écologique ou social, ainsi que des comptes courants gratuits. La démocratie représentative sera ainsi complétée par la démocratie directe participative. De nouvelles matières seront étudiées dans les écoles pour préparer les citoyens à leur implication dans les affaires économiques et sociales. Lors de la parution du livre, une page Internet traduite en français a été mise en ligne sur laquelle figurent tous les entreprises soutenant le modèle – actuellement plus de 150 entreprises de six pays (« pour signifier que ce modèle n’a pas été élaboré seulement dans une tour d’ivoire visionnaire, mais également par la pratique entrepreneuriale », précise l’auteur) : www.gemeinwohl-oekonomie.org. Vu l’actuel débat – au sein du parti socialiste français, mais aussi dans d’autres mouvements et initiatives – ce livre constitue une denrée rare de nos jours : une utopie « réaliste ». Basée sur d’authentiques expériences, elle invite à l’engagement de tous les acteurs de la vie économique et sociale pour sortir de la situation catastrophique dans laquelle se trouve actuellement l’économie occidentale. L’AUTEUR : Christian Felber, né en 1972 à Salzbourg, a étudié les langues romanes, les sciences politiques, la sociologie et la psychologie à Vienne et à Madrid. Considéré comme l’une des voix essentielles de la critique anti-mondialiste en Autriche, où il fut l’un des co-fondateurs d’Attac, il combat le néo-libéralisme en proposant des modes d’actions démocratiques. Ecrivain, chargé de cours à l’Université, il intervient très souvent publiquement au sujet d’un changement radical de l’économie. Par ailleurs, il est danseur contemporain. Auteur de plusieurs ouvrages traduit dans plusieurs langues, son dernier essai L’économie citoyenne est le premier à être traduit en français. RÉFÉRENCES : L’économie citoyenne : un nouveau mouvement a vu le jour de Christian Felber – Éditeur : Actes Sud – Date de publication : Avril 2011 – 224 pages – Traduit de l’allemand par : Olivier MANNONI – ISBN 978-2-7427-9698-4 – Prix indicatif : 20,00€

Les 15 piliers du modèle de l’économie citoyenne

1. L’économie citoyenne repose sur les valeurs majoritaires qui permettent la réussite de nos relations : confiance, coopération, estime, solidarité. (Les données scientifiques actuelles montrent que les relations réussies sont ce qui rend les hommes les plus heureux et les motive le plus.) 2. Le cadre incitatif légal de l’économie, aujourd’hui axé sur le profit et la concurrence, est recentré sur le bien commun et la coopération. La réussite d’une entreprise est redéfinie : l’essentiel n’est plus le profit, mais le bien commun. 3. Le bien commun est prédéfini au cours d’un large processus démocratique, puis confié à une convention économique élue au suffrage direct, et ancré dans la Constitution par votation populaire. 4. Le bien commun est évalué dans le nouveau bilan central de toutes les entreprises : le bilan citoyen. Plus les entreprises ont une action et une organisation sociales, écologiques, démocratiques et solidaires, plus leurs résultats au bilan sont bons et plus ils atteignent des paliers supérieurs sur l’échelle du bien commun: on peut obtenir un maximum de 1000 points citoyens. 5. Les entreprises ayant le meilleur bilan citoyen bénéficient d’avantages légaux. Impôts et taxes douanières réduits, crédits à des taux préférentiels, priorité pour les achats publics et les programmes de recherche : autant d’éléments qui leur permettent de couvrir la hausse de leurs coûts. 6. Le bilan financier devient un bilan secondaire. Le capital n’est plus une fin, mais un moyen. Il ne sert plus qu’à atteindre le nouvel objectif de l’entreprise (contribution au bien commun). Les bénéfices peuvent être utilisés aux fins suivantes : Investissements (avec plus-value sociale et écologique), remboursement de crédits, provisions dans une mesure limitée ; redistribution aux collaboratrices (jusqu’à vingt fois le salaire minimum) et crédits sans intérêts aux entreprises partenaires ; les bénéfices ne peuvent pas être utilisés aux fins suivantes : distribution à des personnes qui ne collaborent pas à l’entreprise ; achats hostiles d’autres entreprises investissements sur les marchés financiers (ceux-ci n’existent plus). 7. Le profit n’étant plus qu’un moyen, et non une fin, les entreprises peuvent s’efforcer d’atteindre leur taille optimale. Elles n’ont plus à redouter d’être absorbées par une autre et ne sont plus forcées de se développer pour devenir plus grandes, plus fortes ou plus rentables que d’autres. Toutes les entreprises sont libérées de la contrainte générale de croissance et de rachat des concurrents. 8. Les inégalités de revenus et de fortune sont limitées : le revenu maximal ne peut pas dépasser vingt fois le salaire minimum légal ; la fortune privée est limitée à dix millions d’euros ; le droit de donation et d’héritage à 500 000 euros par personne ; pour les entreprises familiales, à dix millions par personne. Toute la part de l’héritage dépassant cette somme est distribuée sous forme de « dot démocratique » à tous les descendants de la génération suivante : un « capital de départ » identique, c’est une meilleure égalité des chances. 9. Les grandes entreprises de plus de 250 employés, passent partiellement et, d’abord, par paliers, entre les mains des employés et de la collectivité ; pour les grandes entreprises, ce transfert de propriété atteint les 100%. Le public est représenté par le biais de « parlements économiques régionaux » délégués à cette fin. Le gouvernement n’a pas d’emprise sur les entreprises publiques. 10. Cela vaut aussi pour les « biens communs démocratiques », la troisième catégorie de propriétaire à côté de la grande majorité de (petites) entreprises privées et d’une petite partie de grandes entreprises mixtes. Les « biens communs démocratiques » sont des entreprises assurant des services de base dans le domaine de l’éducation, de la santé, du social, de la mobilité, de l’énergie et des communications. 11. Parmi ces biens communs démocratiques, la Banque démocratique joue un rôle important. Comme toutes les entreprises, elle est au service du bien commun ; et comme tous les biens communs démocratiques, elle est contrôlée par le souverain démocratique et non par le gouvernement. Ses prestations de base sont des capacités d’épargne garanties, des crédits à bas prix, des crédits-risque écologique et sociaux, ainsi que la mise à disposition gratuite de comptes courants. Elle peut en outre émettre de la monnaie régionale. Les marchés financiers n’existeront plus sous leur forme actuelle. 12. La démocratie représentative est complétée par la démocratie directe et la démocratie participative. Le peuple souverain doit pouvoir corriger ses délégués, lancer lui-même des lois et les voter, et contrôler d’importants secteurs de l’économie – par exemple les banques. 13. Outre la Convention Démocratique de l’Économie ou du Bien commun, d’autres conventions sont nommées pour approfondir la démocratie : Convention de l’éducation, convention des médias, convention de la prévoyance. 14. Pour ancrer dans l’esprit de la jeune génération les valeurs de l’économie citoyenne aussi profondément que l’est aujourd’hui l’image de l’homme forgée par le darwinisme social et le capitalisme, je propose cinq nouvelles matières d’enseignement obligatoires : science des sentiments, science des valeurs, sciences de la communication, sciences de la démocratie, science de l’expérience de la nature ou de la vie sauvage. 15. Puisque, dans l’économie citoyenne, le succès d’une entreprise aura une tout autre signification qu’aujourd’hui et que l’on demandera donc de tout autres qualités de direction, on aura plutôt tendance à faire appel aux personnes les plus responsables socialement et les plus compétentes, celles capables de sympathie et d’empathie, celles qui auront en outre une réflexion et une sensibilité sociale et écologique – et à les prendre comme modèles.

 

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David Naulin
David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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3 Commentaires

  1. ☮ La Nouvelle Économie.
    Il est certain que le but recherche est le seul qui soit durable. La question se pose cependant de la manière dont est distribue l’investissement et le fait que de toutes les façons les entreprises chercheront a faire le maximum de profits (au moins dans la limite des 1000 points et même le rendement de ces 1000 points devra être supérieur au profit abandonnes.

    Toute économie doit se voir dans un contexte International. Peut on augmenter la justice sociale dans un Pays sans le faire partout et alors on voit la taille du challenge.

    Dans le meilleurs des cas il ne me semble pas crédible d’envisager de mettre en place un tel système avant le Crash du système capitaliste car alors les intérêts corporatistes seraient trop fort pour le permettre:

    Je vous serais gré de bien vouloir vous mettre en contact avec moi pour en discuter.

      • ☮ La Nouvelle Économie.
        járrive trop tard á répondre, et pour votre grand ennui si certain me lit, je suis español et mon français est pénible.

        Dábord, j´suis d´accord avec vous, et pour mieux répondre au précédent, je pense qu´il faut TOUJOURS quand on parle de thémes de ce type, manier plusiers, beaucoup d´échelles:
        grande ville, village, quartier et ou????

        Exemple: Marinaleda etc. Sevilla. j´ajoute une web de la TV hollandaise je pense. Pardon, je n’ai pas pu la trouver en français
        Á Marinaleda on peut gommer des dictionnaires le mot hypothéque parce que la dépense mensuelle pour la maison est de 15 €, le jardin d´infance 1 €, et 2€ commo je crois m´éveiller le polysportif

        Et le plus beau: une fourgonnette avec haut parleurs rappelle aux citadins que á 19h il y a une assemblée etc etc ( democracie  » asamblearia » de nos jours)

        Souvent je me rappelle aussi des cantons suisses et de sa histoire de centaines de référendums(a) inaliénables

        bonne santé et force