Respectivement anciens directeur des campagnes de Greenpeace, directrice fédérale de France nature environnement et porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, Yannick Jadot, Sandrine Bélier et Jean-Paul Besset ont fait le pari des élections européennes. Ces trois têtes de liste sont pourtant issues du milieu associatif, réputé apolitique. Leur point commun: «l’échec» du Grenelle de l’environnement. Un article du Journal de l’Environnement
– Avec 11% d’intentions de vote, les sondages placent les liste Europe Ecologie et Modem au coude à coude, derrière celles de l’UMP-Nouveau centre (27%) et du PS (21%). Un score à comparer avec celui de 1,57% réalisé par les Verts à la présidentielle 2007. Quelles sont les motivations de votre engagement pour les élections européennes? Yannick Jadot: Les associations environnementales rassemblées dans l’Alliance pour la planète avaient réussi, avec Nicolas Hulot, à imposer l’environnement dans la présidentielle de 2007. Nous avons obtenu le Grenelle de l’environnement. Depuis, je n’ai pu que constater sa faillite. La relance économique se fait avec les vieilles formules -nucléaire, incinérateurs, agriculture intensive- dans une direction opposée à celle du Grenelle. J’ai aussi fait le constat que si les associations faisaient leur travail, le maillon faible était du côté des politiques. Sandrine Bélier: Le Grenelle de l’environnement a été un superbe exercice de démocratie participative. Nous avons produit une boîte à idées pour sortir de la crise. Mais j’ai eu le déclic avec le plan de relance de Patrick Devedjian [ministre de la relance] et François Fillon: relance de la construction, alors que le Grenelle préconisait la fin de l’étalement urbain, des infrastructures routières, et simplification des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Puis, il y a eu la suppression de l’enquête publique… Avec le projet de loi «Grenelle II», nous serions repartis dans un bras de fer. On ne marchait plus que sur une jambe. La société civile forte était là, mais pas les politiques. Le Parlement n’a pas compris, à droite comme à gauche, qu’il avait dans les mains des clés pour transformer l’économie. Le mieux était de porter les solutions à la seule échelle pertinente, l’échelle européenne. Jean-Paul Besset: Il n’y a pas que le Grenelle de l’environnement. Cela fait partie de mes engagements, dans la continuité de ce que j’ai fait ces dernières années avec Nicolas Hulot: le pacte écologique, la prise de conscience, l’environnement dans la présidentielle de 2007, qui a débouché sur le Grenelle. Mais il n’était pas possible de se contenter de cette démarche-là. Et s’est présentée l’opportunité des européennes. Mais pour moi, le Grenelle n’est pas un échec. C’est le verre à moitié vide et à moitié plein. L’activité d’eurodéputé est chronophage. Ne craignez-vous pas d’avoir fait perdre à vos organisations une certaine compétence environnementale au moment où l’état de grâce du Grenelle est en train de s’estomper? Sandrine Bélier: Ma décision a été l’aboutissement d’un questionnement douloureux. Si je suis eurodéputée dimanche, j’aurai un CDD de 5 ans. Ces années seront primordiales à l’échelle européenne. Soit on réussit la transition, soit on la rate. Yannick Jadot: Mon départ peut créer du flottement dans un premier temps. J’avais acquis une certaine place dans l’organisation, mais personne n’est irremplaçable. L’échelon européen est le plus pertinent. En matière d’agriculture, de pêche ou d’automobile, nous n’arriverons à rien au niveau national. Où les décisions se prennent-elles réellement? Sur tous ces questions-là, c’est au Parlement européen qu’il faut être, d’autant que l’Europe représente une échelle de masse. Jean-Paul Besset: De plus en plus de gens sont spécialisés dans les questions écolos, se mobilisent. Ma compétence, je la déplace sur notre champ, le niveau européen. Vous faisiez partie d’associations réputées apolitiques. Redoutez–vous une récupération par les Verts? Vous considérez-vous faire «partie du système»? Sandrine Bélier: Les Verts ont été marginalisés par le Grenelle. Il fallait que les solutions soient portées par l’ensemble de la famille écologique. Au début, lors des premières réunions de terrain, les Verts ont eu peur de voir arriver une environnementaliste, qui soit perdue pour ce qui touchait les questions sociales et économiques. Finalement, chacun a mis ses priorités dans le programme pour les élections. La récupération des Verts n’est pas possible. Nous sommes face à un rassemblement des forces. Quant à faire partie du système, FNE a dépassé le cap de l’opposition environnementale depuis 10 ans en se retrouvant comme une force de proposition. Yannick Jadot: Jean-Paul Besset a pris son bâton de pèlerin pour aller voir les uns et les autres, c’est comme cela que s’est constituée la liste. Cela n’aurait pas pu marcher si cela avait été l’initiative des Verts. A l’instar du Nouveau parti anticapitaliste, un parti ne peut appeler au rassemblement que sur sa propre base. Là, nous avons des associatifs, des élus, des personnalités comme Eva Joly… Nous faisons de la politique, mais au sens noble du terme. Nous ne sommes pas dans un tour de chauffe de la présidentielle. Aujourd’hui, je me situe dans un cadre politique large avec une culture différente. Jean-Paul Besset: Que les Verts aient été marginalisés par le Grenelle, je ne crois pas. Ils se sont tirés plusieurs balles dans le pied bien avant, et ont décidé de faire leur révolution culturelle. Ils sont passés du camp de la dénonciation à celui de la proposition. Nous ne faisons pas du tout partie du système. Notre programme, c’est changer le système, de modèle économique de notre société. Quels liens entretenez-vous avec vos organisations respectives? Sandrine Bélier: Après avoir travaillé 10 ans ensemble, vous n’imaginez pas qu’on ne se parle plus! Je me sens porte-parole, mais ne peux pas me revendiquer de mon organisation, je n’ai pas de mandat pour cela. Cependant ma famille de pensée demeure évidemment France nature environnement. Yannick Jadot: Je n’ai aucun lien à titre formel. Je reste adhérent à Greenpeace, mais ne suis plus directeur des campagnes depuis le 1er septembre dernier. Jean-Paul Besset: Il n’y a pas de mélange des genres. J’ai démissionné de la FNH. Les associations et fondations ont le devoir de ne pas prendre partie politiquement pour respecter la diversité de leurs adhérents.