Le « Made in France » est à la croisée des chemins. Pendant des décennies, produire français était un acte de résistance, pour s’opposer à la désindustrialisation, freiner la perte de savoir-faire séculaire et refuser la baisse de qualité inhérente à une production mondialisée, standardisée, à bas prix. Pour Jérémy Dumont, fondateur de Nous sommes Vivants, le collectif de la Transition écologique, aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de résister, mais de produire en France pour régénérer la France. La mission devient réparer son économie, sa société et son environnement en fonction de la singularité et du potentiel de chaque territoire.

Bienvenu dans l’ère du Made in France Régénératif
La régénération est un chemin. La régénération c’est la capacité du vivant à atteindre sa pleine capacité dans son milieu de vie. Après une phase de conformité et de réduction des impacts négatifs les entreprises sont en croissance en triple impacts : économique, environnementale et sociale. Elle contribuent de part leur activité à la prospérité des territoires.

4 pistes sont explorées pour que les entreprises Françaises implantées sur leurs territoires visent la régénération :
- 1️⃣ Agroécologie, Sols & Forêts. Ce secteur est au cœur de la restauration du patrimoine naturel français (sols, forêts, eau).
- 2️⃣ Mode, Textile & Artisanat. Ce secteur est essentiel pour la restauration du patrimoine culturel et l’évitement de l’obsolescence.
- 3️⃣ Industrie, Réparation & Mobilité. Ce secteur transmet des savoir-faire et allonge le cycle de vie des objets pour réduire la pression sur les écosystèmes.
- 4️⃣ Services, Finance & Social. Ce secteur est essentiel pour réparer le vivant et le tissu social (lien, transmission, financement éthique).


Le Made in France « Classique » respectait des normes élevées pour réduire ses impacts. La démarche Made in France Régénératif est une démarche de Contribution Positive Nette en triple impact. L’entreprise ne se demande plus seulement comment réduire son empreinte carbone, mais elle pose une question existentielle : « Est-ce que la France va mieux parce que notre usine existe ? ».
Dans ce paradigme, l’activité industrielle doit devenir un outil pour restaurer les sols, revitaliser la biodiversité, purifier l’eau et contribuer positivement au tissu social local. La proximité géographique est la condition sine qua non de la régénération. Le Made in France devient un levier d’impacts dont les contributions doivent être valorisées sur les produits pour engager les consommateurs finaux dans une démarche vertueuse.
Le principe du « Triple impact gagnant »
Comment opérer cette bascule conceptuelle et opérationnelle ? La réponse réside dans l’abandon de l’arbitrage économique contre social ou environnemental, propre au développement durable, pour celle de la synergie et de l’intégration écosystémique des impacts.

Dans le modèle régénératif, une décision n’est validée que si elle sert simultanément les trois piliers : la Nature, l’Humain, et l’Économie. Il ne s’agit plus de répartir la valeur, mais de la créer par l’interaction de ces trois dimensions.
Prenons l’exemple du sourcing des matières premières :
- Gain Économique (La Résilience) : En maîtrisant sa chaîne d’approvisionnement locale, l’entreprise se protège des fluctuations des cours mondiaux. Elle vend un produit à haute valeur ajoutée, faisant de l’écologie un facteur de résilience économique.
- Gain Environnemental (La Nature) : Ces plantes (lin, chanvre) nécessitent peu d’eau, aucun pesticide et, grâce à leurs racines profondes, structurent et aèrent les sols, stockant du carbone. La culture régénère la terre.
- Gain Social (L’Humain) : En travaillant avec des coopératives agricoles locales, l’industriel sécurise des revenus pour les agriculteurs et maintient des savoir-faire de teillage et de filature sur le territoire.
L’ordre des priorités évolue :
- La nature d’abord : Sols, eau, biodiversité, qualité des milieux.
- Les humains ensuite = Savoir-faire, qualité de vie au travail, santé, dignité, lien social.
- L’économie en conséquence : Robustesse, emplois durables, valeur territoriale, souveraineté.

Programme conçu et animé par Open Lande et le CDM avec le soutien de l’ADEME – Septembre 2021 – Mai 2022
Les usines comme organes du territoire
L’idée de l’usine régénérative met fin à la notion de concurrence stérile qui a longtemps dominé notre pensée économique. Sur un même territoire, les entreprises de secteurs différents – qu’elles soient manufacturières, agricoles ou de services – deviennent profondément interdépendantes par nécessité stratégique.
Cette coopération territoriale n’est pas qu’une simple commodité logistique ; elle régénère la densité des liens sociaux et économiques au sein du bassin d’emploi. En échangeant des flux et en partageant des risques, les chefs d’entreprise et les équipes reconstruisent un tissu de confiance, de connaissance mutuelle et de réciprocité.
Ce maillage coopératif est la garantie ultime contre la délocalisation. La stratégie de l’entreprise s’arrime à un écosystème symbiotique de relations vivantes.
On peut déménager une machine-outil, mais on ne peut pas déraciner un réseau d’interdépendances local.
C’est ici, dans cette densité de liens restaurés et cette solidarité systémique, que la régénération ancre durablement et profondément l’emploi. Le coût de la délocalisation devient alors le coût de la destruction d’un écosystème entier.

La fierté nationale
Au-delà de la philosophie, le Made in France régénératif porte une mission humaniste qui peut raviver la fierté nationale en cultivant le vivant et les capacités humaines.
Régénérer les sols : En exigeant des matières premières issues de l’agriculture bio, l’industrie française peut devenir le premier financeur de la transition agricole. Chaque T-shirt en lin, chaque meuble en bois sourcé localement, chaque produit cosmétique bio devient un mandat donné à l’agriculture pour régénérer les organismes vivants dans l’humus, abriter les oiseaux et stocker l’eau. Le « Made in France » devient le gardien des paysages français.

Régénérer les hommes : La désindustrialisation a laissé des cicatrices profondes : territoires sinistrés, perte de fierté, sentiment d’abandon. Le modèle régénératif replace l’humain au centre. Il ne s’agit pas de réintroduire le travail à la chaîne abrutissant du XXe siècle, mais de valoriser l’intelligence de la main et l’agilité technologique. Une entreprise régénérative s’investit dans la formation de ses bassins d’emploi. Elle ne « consomme » pas des ressources humaines ; elle développe des talents. Elle recrée du lien social en ouvrant ses portes, en expliquant son métier, en redevenant une fierté locale.
Régénérer la France. Nous avons les atouts pour devenir la première nation industrielle régénérative au monde : une agriculture diverse, une énergie décarbonée, des ingénieurs de talent, une culture de l’artisanat et une prise de conscience citoyenne forte.
Ce chemin demande du courage. Il demande aux investisseurs d’accepter des temps de retour différents, basés sur la robustesse à moyen terme plutôt que sur le profit à court terme. Il demande aux consommateurs de comprendre que le « prix juste » inclut la régénération Il demande aux industriels de devenir des jardiniers du vivant autant que des ingénieurs de la matière.

Preuves par l’exemple : quand l’industrie devient jardinière
Cette vision n’est pas une utopie, elle est déjà à l’œuvre dans nos territoires. Voici comment le Made in France régénératif transforme chaque secteur en visant la régénération :
1. Industrie & Économie Circulaire : « Chaque réparation évite une mine »

Dans l’ancien monde, réparer était une corvée. Dans l’économie régénérative, c’est un acte de sauvegarde écologique majeur.
- L’impact : En prolongeant la durée de vie des équipements (électroménager, auto), on évite l’extraction de matières premières vierges. Extraction évitée = habitats naturels préservés.
- L’exemple : Le reconditionnement industriel automobile à Flins ou la réparation d’électroménager (ex: Envie) ne font pas que créer des emplois locaux ; ils soulagent physiquement la pression sur la croûte terrestre.
2. Agroécologie & Textile : « Sans débouché, pas de sols vivants »

L’industrie a le pouvoir d’être le premier financeur de la transition agricole.
- L’impact : En s’engageant sur des volumes et des prix justes pour des matières comme le lin, le chanvre ou la laine, l’industriel donne un mandat à l’agriculteur pour soigner la terre. « Ce vêtement commence dans un sol vivant ».
- La preuve : Des filières textiles entières (ex: Atelier Tuffery, Laines Paysannes) se reconstruisent non pas sur le prix bas, mais sur la capacité des fibres à structurer les sols et à préserver l’eau.
3. Mobilité & Santé : « Le vélo soigne la ville »

L’industrie du cycle ne vend pas seulement des déplacements, elle vend de la santé publique.
- L’impact : Fabriquer des vélos en France, c’est réduire la place de la voiture, donc favoriser un air plus sain et une biodiversité urbaine retrouvée.
- La synergie : C’est l’exemple parfait du triple gagnant : des emplois industriels qualifiés (Humain), une ville respirable (Vivant) et une filière d’excellence (Économie).
4. Eau & Territoire : « Protéger l’eau, c’est soigner les sols »

Même les services publics entrent dans la danse. Pour garantir une eau potable de qualité à Paris, il ne faut pas seulement traiter l’eau, il faut aider les agriculteurs en amont à réduire leurs intrants.
L’eau devient le vecteur d’une transition agroécologique massive qui restaure les milieux aquatiques.
30 exemples de Made in France à visée régénérative
Les exemples sont des activités localisées en France, analysées selon quatre critères simples :
- Un métier clair, exercé quelque part en France
- Un impact contributif sur le vivant (biodiversité, sols, eau, …)
- Un impact humain tangible (savoir-faire, qualité de vie, santé, …)
- Une activité économique viable, créatrice d’emplois non délocalisables.

Ils montrent que la régénération du vivant est déjà à l’œuvre en France — discrète, souvent imparfaite — mais bien réelle.
Un nouveau récit national
Face aux géants mondiaux qui parient sur le volume et le low-cost, la France doit gagner la bataille de la valeur, du sens et de la résilience.
La France ne gagnera jamais la bataille du « moins cher ». Mais elle a tout pour gagner celle du « mieux disant ». Qui n’est pas forcement plus cher : économies sur les achats, création de valeur et donc de marge, prix qui restent accessibles, consommateurs qui achètent, inclus dans la démarche vertueuse.
Notre agriculture, nos ingénieurs, nos artisans et nos territoires sont les briques de cette nouvelle économie. Le Made in France Régénératif n’est pas une étiquette, c’est un projet de société. Produire en France, c’est désormais prendre soin du monde.
Nous avons les atouts pour devenir la première nation industrielle régénérative au monde : une agriculture diverse (sols vivants ), une culture de l’artisanat (savoir-faire couture ) et une prise de conscience citoyenne forte (participation coopérative ).
Jérémy Dumont, fondateur du Collectif de la Transition écologique
La renaissance industrielle est en marche. Elle ne sera pas faite de cheminées fumantes, mais de boucles vertueuses, de sols vivants et de territoires solidaires. Produire en France, c’est désormais bien plus que fabriquer des objets : c’est cultiver un avenir en commun.



