L’objectif de cette note de La Fabrique Écologique est de traiter deux outils prioritaires pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette, la réduction du nombre de logements vacants et la fiscalité sur le non bâti. Ces deux domaines sont très peu abordés dans le débat et les politiques publiques. Il est pourtant essentiel, pour la réussite de l’objectif de ZAN, que les mesures à prendre ne se résument pas à des exigences d’urbanisme, mais réforment aussi les instruments publics qui incitent au contraire à l’artificialisation.
Introduction
De l’UE1 à la profession agricole, chacun admet que le rythme d’artificialisation des terres est insoutenable. Elle constitue un des principaux facteurs d’érosion de la biodiversité2, et l’étalement urbain favorise les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il est donc important d’adapter la fiscalité des terres agricoles et des espaces naturels à cette priorité.
L’objectif de ZAN apparaît pour la première fois en France dans le plan biodiversité 2018-2024. En 2021, la loi Climat et résilience intègre un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2050. Cet objectif est aligné sur celui de la feuille de route de l’UE « pour une Europe efficace dans l’utilisation de ses ressources » de 2011. Ce document prévoit de « supprimer d’ici à 2050 toute augmentation nette de la surface de terres occupée ».
L’artificialisation des sols est définie dans la loi Climat et résilience comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». Il s’agit de la dégradation des espaces naturels, agricoles et forestiers par l’activité humaine.
L’artificialisation « nette » est « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés »3. Ainsi, la loi Climat et résilience vise d’ici 2050 un équilibre entre surface de sols artificialisés et surfaces renaturées, et, d’ici 2031 un maximum d’artificialisation égal à 50 % du nombre d’hectares artificialisés entre 2011 et 2021.
Atteindre ces objectifs nécessite de réduire fortement l’artificialisation des terres. Mais cette réduction est difficile à mettre en œuvre, notamment car elle peut se heurter à des habitudes ou à des projets de nombreux acteurs et de secteurs d’activité. Elle peut affecter par exemple les communes rurales qui ont besoin de revitaliser leur économie, ce qui nécessite de construire de nouveaux logements et infrastructures de services.
En 2023, une nouvelle loi dite ZAN vise à « faciliter la mise en œuvre dans les territoires des objectifs de zéro artificialisation nette ». Ce texte apporte quelques assouplissements par rapport à la loi de 2021. Il prévoit notamment une enveloppe minimale d’un hectare à artificialiser entre 2021 et 2031 pour chaque commune. Il précise que la consommation d’espace attachée aux projets d’envergure nationale ou européenne n’est pas comptabilisée dans les enveloppes de surface pouvant être artificialisée des régions, mais dans un forfait national à part, fixé à 12 500 hectares pour la période 2021-2031. Les modalités de déclinaison dans les documents d’urbanisme de l’objectif du ZAN restent néanmoins contestées, comme le montre un récent rapport du Sénat4.
De leur côté, la réflexion et les décisions ont peu avancé sur les différents autres outils qui, au-delà de la planification de l’usage des sols, permettraient d’enrayer la croissance de l’artificialisation. Il n’a par exemple été effectué aucun bilan complet des politiques publiques qui aboutissent à un encouragement de l’artificialisation. C’est aussi le cas pour l’impact des règles fiscales ou d’octroi de subventions publiques, qui ont pourtant une puissante capacité d’inciter ou de freiner certaines pratiques, notamment en matière de développement de projets.
La Fabrique Écologique a publié en 2021 une note sur l’artificialisation des sols5. Ce document énumère notamment les dispositifs fiscaux qui encouragent l’artificialisation et n’incitent pas à la sobriété foncière, mais n’analyse pas ces questions afin d’en faire découler des recommandations précises.
L’objectif de cette note est de traiter deux outils prioritaires pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette, la réduction du nombre de logements vacants et la fiscalité sur le non bâti. Ces deux domaines sont très peu abordés dans le débat et les politiques publiques. Il est pourtant essentiel, pour la réussite de l’objectif de ZAN, que les mesures à prendre ne se résument pas à des exigences d’urbanisme, mais réforment aussi les instruments publics qui incitent au contraire à l’artificialisation.
SYNTHÈSE
La lutte contre l’artificialisation des terres est essentielle pour la réussite de la transition écologique. Dans notre pays, la surface moyenne d’un département est artificialisée tous les 10 ans. Un tel rythme est non seulement néfaste à notre agriculture, mais a aussi des conséquences très négatives sur la biodiversité, dont la diminution rapide est très préoccupante. Les sols abritent plus d’un quart de la biodiversité mondiale. Ils assurent des fonctions essentielles comme le stockage du carbone, la régulation du cycle de l’eau ou la production de biomasse.
Depuis 2021, l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) est fixé par la loi, avec un calendrier et des étapes. Des dispositions ont été prises pour intégrer ces préoccupations aux règles et plans d’urbanisme. Mais les mesures prises sont contestées, comme le montrent les travaux du Sénat, notamment un récent rapport sur ce sujet. Leur atténuation ou leur report aboutirait à une remise en cause de la possibilité même d’atteindre l’objectif.
PROPOSITIONS
Ces règles pourraient en revanche être complétées par des mesures sur les différents autres outils qui peuvent contribuer à atteindre cet objectif. La terre et son usage ont marqué l’histoire de notre pays. Le droit de propriété constitue un des éléments fondateurs de la révolution française. Mais, plus largement, il s’agit de contribuer à réduire les gaspillages de terres qui interviennent dans leur mode d’utilisation.
Cette note vise ainsi à traiter, de manière non exhaustive, de deux domaines indispensables pour limiter l’artificialisation des sols : la réduction du nombre de logements vacants et l’adaptation de la fiscalité sur le non bâti. Ces deux sujets, peu évoqués dans le débat et les politiques publiques, mériteraient de donner lieu à des mesures fortes.
La note critique le projet d’extension du prêt à taux zéro aux territoires dont le marché immobilier est détendu.
Dans cette perspective le groupe de travail porte trois propositions :
#1 – Donner une vraie priorité à une réduction du nombre de logements vacants, avec une politique volontariste, fiscale et financière, et une amélioration de la rentabilité locative des logements anciens.
#2 – Prévoir une disparition progressive de la fiscalité sur les terres non bâties à dimension écologique.
#3 – Introduire des dispositions fiscales innovantes pour protéger les terres agricoles de l’artificialisation.
Sommaire
- I. L’indispensable réduction du nombre de logements vacants
- I. Les logements vacants, un apport potentiel important
- II. La réduction de la vacance de logement, impensée des politiques et du débat public.
- II. La nécessaire réduction de l’écart fiscal entre les terres bâties et non bâties
- I. Une faible rentabilité des terres agricoles en France
- II. … aggravée par la fiscalité sur les terres non bâties
Conclusion
Annexe I
Annexe II
- Agence européenne pour l’environnement. (2019). Terres et sols en Europe – Du béton urbain à perte de vue ? Commission Européenne. (2012). Lignes directrices concernant les meilleures pratiques pour limiter, atténuer ou compenser l’imperméabilisation des sols. Document de travail. doi: 10.2779/79012 ; Commission européenne. (2020). Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 – Ramener la nature dans nos vies. Communication de la Commission européenne. Bruxelles. ↩︎
- IPBES. (2019). Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques – Résumé à l’intention des décideurs. Secrétariat de l’IPBES. ↩︎
- LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (1) (J.O. du 24 août 2021). ↩︎
- Celui-ci plaide par exemple pour « Lever temporairement et de manière ciblée la contrainte « ZAN » pour faire face à l’urgence de la crise du logement » ↩︎
- Les défis de la lutte contre contre l’artificialisation des sols ↩︎