Trafigura, multinationale responsable du déversement en 2006 de déchets toxiques à Abidjan en Côte d’Ivoire, à la suite duquel plus de 100’000 personnes ont dû se faire soigner, doit faire l’objet d’une enquête pénale au Royaume-Uni, ont conclu Amnesty International et Greenpeace Pays-Bas dans un nouveau rapport de premier plan rendu public mardi 25 septembre 2012.
Fruit de trois années d’investigations, Une vérité toxique examine en profondeur la succession tragique des défaillances à l’origine d’un désastre sanitaire, politique et environnemental. Ce rapport explique que la législation existante qui vise à prévenir de telles tragédies a été bafouée, plusieurs gouvernements s’étant montrés incapables d’interrompre le voyage du Probo Koala et de sa cargaison toxique vers Abidjan. «Six années se sont écoulées depuis que l’on a laissé cette horrible tragédie se produire», a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International. «Trafigura doit aujourd’hui être amenée à rendre pleinement compte de ses actes devant la justice. Nous sommes responsables des personnes qui, comme à Abidjan, deviennent les victimes d’une multinationale qui place le profit avant la santé des êtres humains.»

FAITS ET CHIFFRES sur le déversement de déchets toxiques en Côte d’Ivoire
– Trafigura : Trafigura se classe au troisième rang mondial des négociants indépendants en produits pétroliers. Le groupe compte parmi ses clients BP, ConocoPhillips, ExxonMobil, Total, Shell et Chevron. Trafigura Ltd, basée à Londres, est l’entité qui coordonne une grande partie des opérations pétrolières du groupe, notamment celles concernant le déversement en Côte d’Ivoire. En 2010, Trafigura a réalisé un chiffre d’affaires de 79,2 milliards USD, avec une marge brute de 1,3 milliard USD et une marge nette de 690 millions USD. Son chiffre d’affaires annuel est de loin supérieur au produit national brut (PNB) de nombreux États. À titre de comparaison, en 2006, la multinationale a réalisé un chiffre d’affaires de 45 milliards USD tandis que le PNB de la Côte d’Ivoire s’élevait à quelque 18 milliards USD. – Les déchets toxiques. Les déchets toxiques dangereux déversés à Abidjan ont été générés par le lavage à la soude caustique de gros volumes de pétrole non raffiné appelé naphta de cokéfaction, achetés par Trafigura en juin 2005. Ces déchets contenaient des substances chimiques, notamment de l’hydroxyde de sodium, des mercaptides, des sulfures et des phénolates, ainsi que des composés organiques, comme le benzène, le xylène et le toluène. – Le déversement des déchets toxiques . Les déchets ont été acheminés à Abidjan à bord d’un navire appelé le Probo Koala, après que Trafigura eut refusé les tarifs proposés par Amsterdam Port Services (APS) aux Pays-Bas, entreprise chargée initialement d’éliminer les déchets. Les coûts avaient en effet augmenté après l’analyse des déchets par APS, les résultats ayant révélé le niveau réel de contamination. La compagnie Tommy, société nouvellement agréée en Côte d’Ivoire, a alors été chargée d’éliminer les déchets à Abidjan. Le contrat ne fait aucune mention d’un traitement des déchets pour éliminer leur dangerosité. Des chauffeurs de camion recrutés par la compagnie Tommy ont déchargé et déversé les déchets dans la décharge d’Akouédo, qui ne disposaient pas des installations nécessaires pour éliminer les déchets en toute sécurité, ainsi qu’en plusieurs lieux d’Abidjan. – Les conséquences sur la santé des habitants d’Abidjan. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont souffert, entre autres, de nausées, de maux de tête, de vomissements, de douleurs abdominales, ainsi que d’irritations cutanées et oculaires. Les centres de santé ont enregistré plus de 100 000 patients qui sont venus se faire soigner pour des symptômes similaires à ceux présentés après une exposition à des déchets toxiques. En outre, les autorités ivoiriennes ont fait état de 15 décès liés à une exposition aux déchets. – La réglementation du déversement de déchets toxiques au regard du droit international. Les déchets transportés à bord du Probo Koala et déversés illégalement en Côte d’Ivoire étaient des déchets dangereux au sens de la Convention de Bâle. Tout mouvement transfrontière de déchets dangereux ou d’autres déchets constitue un « trafic illicite » dès lors qu’il est réalisé sans que l’État destinataire n’en soit informé ou qu’il entraîne délibérément une élimination dans de mauvaises conditions (comme un déversement). La Convention de Bâle érige en infraction le trafic illicite de déchets dangereux ou d’autres déchets, et exige des États qu’ils prennent des mesures, en particulier juridiques, pour punir ce type d’agissements et veiller à l’application de la Convention.