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Birmanie : silence sur la répression militaire

Un mois après la révolte des moines bouddhistes birmans, les militaires ménent une répression méthodique, et une peur généralisée s’est installée dans le pays, dans l’indifférence générale de la communauté internationale. L’ONU a bien tenté de protester mais c’était sans compter sur l’opposition de la Chine et de la Russie à toute résolution du Conseil de sécurité condamnant explicitement et fermement la répression des manifestations. C’est dans ce contexte de statu-quo que Bernard Kouchner entame aujourd’hui une tournée en Asie.

Rappel des faits La Birmanie, rebaptisée « Myanmar » en 1989 par le nouveau régime, est certainement un des pays les plus secrets d’Asie. Cet Etat, un des plus pauvres au monde, est gouverné par des juntes militaires successives depuis quarante-cinq ans. Au milieu du mois d’août, le régime militaire décide d’augmenter les prix des carburants. Les manifestations, d’abord timides, prennent de l’ampleur avec la participation de milliers de bonzes. Fin septembre, le régime réagit en faisant intervenir les forces de l’ordre. Les autorités birmanes ont violemment réprimé les manifestations de protestation faisant au moins 13 morts. Au total quelque 3.000 personnes ont été arrêtées durant cette période, parmi lesquelles au moins cent moines sont toujours en prison. La répression se déroule depuis dans l’indifférence générale jusqu’à être ignorée en Chine. Le travail des journalistes sur place est difficile. L’envoyé spécial d’Europe 1, Nicolas Tonev, a été contraint de quitter la Birmanie sous la pression des forces de l’ordre. La situation Ariane Chemin, l’envoyée spéciale du Monde (édition du 28 octobre) témoigne : « Figures familières de la vie birmane, les moines semblent avoir été gommés du décor. Mais où sont les moines ? Lourde question. Certains sont toujours emprisonnés. D’autres ont été libérés des écoles, gymnases ou établissements publics où on les avait parqués, et souvent battus, selon les rares témoignages recueillis. (…) Certains religieux ont été « reconduits » dans leurs villages d’origine par l’armée, ajoute Thierry Ribaux, délégué adjoint du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Birmanie. D’autres se cachent dans les villes. » « Qu’il s’agisse des bonzes ou des autres manifestants, le nombre d’arrestations reste invérifiable. Le CICR n’a plus accès aux lieux de détention birmans depuis la fin de l’année 2005, et reçoit juste les demandes de « plusieurs dizaines de familles » à la recherche de disparus. « Personne n’a une grande idée de ce qui se passe », confesse M. Ribaux. Jusqu’à ces derniers jours, des récits d’arrestations en pleine nuit ont été recueillis par des voisins. Il semble que les policiers n’emprisonnent pas forcément tous ceux qu’ils interpellent. L’essentiel, c’est de faire peur. Et c’est réussi » rajoute Ariane Chemin. « Je ne peux pas spéculer sur des chiffres officiels sous-évalués, mais je peux dire qu’il y a eu des milliers d’arrestations », explique l’ambassadeur de France Jean-Pierre Lafosse. La communauté internationale regarde ailleurs
Reportage à lire dans Marianne n°549
Reportage à lire dans Marianne n°549
Marianne publie cette semaine (N°549 du 27 octobre au 2 novembre) un reportage réalisé par son envoyé spécial Alain Léauthier. L’hebdomadaire revient notamment sur la position de la communauté internationale qui proteste et puis qui oublie. Alors, c’est vrai, l’ONU a mandaté un envoyé spécial pour préparer l’ouverture du régime vers l’opposition. Mais comme le souligne Marianne, « Ibrahim Gambari n’a pas dû se faire trop longtemps d’illusions sur son pouvoir d’intimidation ». L’envoyé spécial a pu rencontrer Aung San Suu Ki [[Née le 19 juin 1945, à Rangoun, en Birmanie, Aung San Suu Kyi est la figure emblématique de l’opposition birmane à la dictature militaire. Elle s’est fait connaître du grand public en recevant le prix Nobel de la paix en 1991 pour ses actions de non-violence.]] et la reverra peut-être à nouveau à la mi-novembre, quand il reviendra à Rangoon au terme d’une tournée des capitales asiatiques. Conséquence immédiate pour la Prix Nobel toujours assignée à résidence ? La désignation d’un officier de liaison de la junte pour prétendument maintenir le contact. « En clair, une gifle pour tout le monde » traduit Marianne. Du côté des sanctions unilatérales, les Américains ont élargi la liste des militaires et de leurs familles interdits de séjour sur leur territoire. Mais, comme le souligne l’hebdomadaire, les militaires birmans « s’en moquent éperdument, accueillis royalement à Bangkok, Singapour ou Séoul ». Quant aux européens, qui avaient promis de ne pas rester silencieux, « ils pataugent toujours ». Quelle importance au demeurant ? s’interroge Marianne. Pas un observateur, un diplomate, un expatrié de Rangoon ne croit à l’utilité ou à l’efficacité des sanctions. Bien au contraire. Alors, pour l’heure, il faut écouter les cyniques ou les réalistes et leurs guère enthousiasmantes prédictions d’une lente, très lente évolution « à la chinoise » : d’abord l’amélioration des conditions de vie, ensuite peut-être un peu plus de libertés. « C’est un scénario vraisemblable mais pas forcément unique », conclut Marianne. « C’est une analyse qui présente l’avantage de ne pas prendre beaucoup de risques, confie un très bon connaisseur du pays vivant à Rangoon. Mais est-on vraiment certains, que le peuple, lui n’en prendra aucun ? » La réponse française : Kouchner en tournée Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner entame aujourd’hui jusqu’au 1er novembre une tournée à Singapour, en Thaïlande et en Chine pour demander un renforcement des pressions sur la junte birmane afin qu’elle cesse de reprimer le mouvement de contestation. « Cette visite a pour but de renforcer la mobilisation internationale sur la Birmanie et de soutenir la mission de M. Ibrahim Gambari, l’émissaire de l’ONU », a déclaré jeudi la porte du ministère des Affaires étrangères, Pascale Andréani. Paris soutient le renforcement des sanctions de l’Union européenne contre le régime de Rangoun, mais est régulièrement critiqué par des organisations de défense des droits de l’Homme et par l’opposition birmane en raison des activités en Birmanie du groupe pétrolier Total. Le président Nicolas Sarkozy a demandé le gel de tout nouvel investissement français dans ce pays à la suite de la répression du mouvement de contestation, sans toutefois aller jusqu’à demander un retrait de Total. La France fait valoir que les activités de ce groupe ne sont pas contraires aux sanctions européennes, et met en avant le risque de voir des compagnies asiatiques remplacer le pétrolier français s’il se retirait. La mobilisation citoyenne s’organise Pour marquer les 12 ans de détention d’Aung San Suu Kyi, des organisations des droits de l’homme avaient appelé à manifester mercredi dernier devant les ambassades de Chine de douze villes afin de protester contre l’assignation à résidence par la junte militaire de la prix Nobel de la Paix, figure de proue de l’opposition. Des manifestations se sont déroulées devant les ambassades de Chine de Londres, Paris, Berlin, Dublin, Vienne, Sydney, Washington, Toronto, New York, Brasilia, Bangkok et Cape Town. Les participants étaient invités à porter des masques à l’effigie de l’opposante birmane. L’appel, lancé par une coalition d’organisations des droits de l’homme telles Amnesty International et Burma Campaign, vise à faire pression sur la Chine, fidèle alliée de la junte birmane, pour qu’elle soutienne des sanctions contre le régime. Vous pouvez vous aussi agir en signant notamment la pétition lancée par Amnesty International L’opposition à une force armée, la résistance à une pression comme la manifestation d’un désaccord sont nécessaires mais pas suffisantes pour gagner la paix, la liberté ou la citoyenneté. Chaque citoyen peut agir pour soutenir les bonzes de Birmanie, le respect des droits humains et l’exercice de la démocratie par les citoyens. Agir, manifester, signer … S’engager est un choix qui reste ouvert à chaque citoyen.

 

Sources : Le Monde Edition du 28 octobre – Marianne n°549 du 27 octobre au 2 novembre – AFP

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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