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Banques françaises : une notation citoyenne révèle les dessous de leurs activités

A la veille de l’ouverture du G20 à Cannes, et alors que la tourmente financière conduit les gouvernements à négocier de nouveau avec les banques sur les dettes souveraines et sur leurs besoins de recapitalisation, Attac et les Amis de la Terre publient aujourd’hui leur rapport : Les banques sous pression citoyenne : l’heure de rendre des comptes. Cette étude fait suite à l’évaluation citoyenne lancée en avril par ces deux associations dans le cadre de leur campagne commune A nous les banques !, et évalue le comportement des dix principaux groupes bancaires opérant en France dans cinq domaines d’impact de leur activité : la stabilité financière, leurs usagers-clients, leurs salariés, l’environnement et les populations locales, et la démocratie.

Attac et les Amis de la Terre lancent la publication de ce rapport aujourd’hui, dans le cadre du Forum des Peuples à Nice, organisé en marge du sommet du G20 de Cannes, et rassemblant des représentants de la société civile venus de divers lieux dans le monde pour montrer leur opposition aux politiques du G20 et défendre les alternatives portées par les mouvements citoyens. Deux ans après avoir été sauvées par les pouvoirs publics, les banques françaises sont à nouveau en très grande difficulté, et Dexia vient même de faire faillite. Leurs dirigeants affirment que leurs difficultés actuelles proviennent non pas de spéculations hasardeuses mais de leurs placements civiques dans les obligations d’État, qui jusqu’à peu étaient unanimement considérés comme le type même de l’actif financier sans risque. Alors, les banquiers, « responsables mais pas coupables » ? Voire. Il est temps que les citoyens mettent leur nez dans leurs affaires. L’exercice de notation citoyenne auquel Attac et les Amis de la Terre se livrent aujourd’hui montre que les discours officiels des banquiers et des ministres des Finances européens ne sont pas conformes à la réalité. « Alors que l’on envisage à nouveau de sortir les banques du gouffre, notre travail met en lumière le fait que les banques ne remplissent pas leur mission en faveur de l’intérêt général » souligne Thomas Coutrot, co-président d’Attac. Ainsi, le rapport révèle qu’elles prennent des risques inconsidérés en recherchant des profits excessifs. Elles malmènent leurs clients, surtout les plus pauvres, et leurs salariés, surtout ceux qui sont en contact avec la clientèle. Elles négligent les conséquences écologiques et sociales de leurs décisions. Elles ne prennent pas en compte le point de vue des acteurs sociaux mais uniquement celui de leurs actionnaires. Juliette Renaud, chargée de campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre commente : « Les banques veulent nous faire croire qu’elles ont pris le tournant de l’écologie et du social en faisant la publicité de leurs politiques de RSE. Mais la réalité sur le terrain est bien différente, les grandes banques financent toujours davantage de projets destructeurs, violant les droits des communautés locales et portant atteinte irréversiblement à l’environnement et au climat ». Les Amis de la Terre et Attac ont ainsi établi un classement des banques selon leurs pratiques : nombre d’entre elles sont dans le rouge dans les cinq aspects étudiés, tandis que seule La Nef fait un sans faute dans trois domaines (spéculation et prises de risques, politiques commerciales, impact social et environnemental). Dans le classement général, elle est suivie du Crédit Coopératif, puis de la Banque Postale et Dexia, tandis que les plus grandes banques (Crédit Agricole, Société Générale, HSBC, BNP Paribas) se classent loin derrière. Les groupes mutualistes BPCE et Crédit Mutuel-CIC obtiennent un zéro pointé car ils n’ont même pas daigné répondre au questionnaire, malgré les relances de plusieurs clients et syndicats ces derniers mois. Depuis 2008, le G20 et les gouvernements ont laissé les banques continuer à répondre aux seuls intérêts de court terme de leurs dirigeants et actionnaires, certains d’être sauvés si les choses tournaient encore mal. L’éventuelle nationalisation des banques, vue comme incontournable par certains, n’aura de sens que si elle implique une démocratisation durable et profonde des instances de direction des banques, où doivent être représentées l’ensemble des parties prenantes intéressées par les conséquences des pratiques des banques. Les Amis de la Terre et Attac invitent donc plus que jamais les citoyens et la société civile à se réapproprier ensemble le système bancaire : « A nous les banques ! ».

Synthèse du rapport

Les banques sous pression citoyenne : l’heure de rendre des comptes Synthèse réalisée par Thomas Coutrot, Dominique Plihon, Daniel Rallet, Juliette Renaud et Juliette Rousseau. Transparence
1er classement des banques selon la transparence (juin 2011)
1er classement des banques selon la transparence (juin 2011)
Dans un premier rapport d’étape intitulé Les banques sont-elles transparentes ?, les banques avaient été notées sur leur degré de transparence ou d’opacité face aux questions qui leur avaient été posées. Il s’agissait de les évaluer non pas sur ce qu’elles font, mais sur leur volonté de le dire ou de le cacher. En effet, la transparence est un premier pas non suffisant mais indispensable : c’est en décryptant finement et collectivement les dérives actuelles des banques que nous avancerons vers la formulation d’alternatives.
Classement actualisé des banques selon la transparence (après réception de compléments de réponse en juillet-août 2011)
Classement actualisé des banques selon la transparence (après réception de compléments de réponse en juillet-août 2011)
Suite à la publication de ce rapport, en juin 2011, la majorité des banques se sont même attelées à nous faire parvenir des compléments d’information pour répondre plus précisément aux questions posées. Sont-elles soudainement devenues soucieuses de la transparence ? Sensibles comme jamais au risque de réputation en ces temps de crise, par cette démarche, elles cherchent sans doute surtout à améliorer leur note. Les tableaux ci-contre évaluent donc la transparence de leurs premières réponses, et celle de leurs précisions. Dans les deux classements, la palme est attribuée au Crédit Coopératif et à La Nef, tandis que le bonnet d’âne revient aux groupes BPCE et Crédit Mutuel-CIC, qui n’ont jamais envoyé de réponse au questionnaire. On remarque par ailleurs que plusieurs banques sont montées dans le classement, et donc ont augmenté en transparence suite à la publication du premier rapport, preuve s’il en est que la pression citoyenne est non seulement utile mais nécessaire. 1. Spéculation et prises de risquesParadis fiscaux et judiciaires (PFJ). Depuis le G20 de Londres en avril 2009, les « centres financiers internationaux » (selon l’expression officielle) ont été classés en trois listes élaborées par l’OCDE, selon le degré de « coopération » et de transparence financière [[Au soir du G20 de Londres, le 2 avril 2009, il y avait quatre paradis fiscaux « noirs » (très opaques) et trente-neuf « gris » (opaques) sur la liste de l’OCDE. Aujourd’hui, il n’en reste aucun noir, et seulement cinq sur la liste grise (Guatemala , Montserrat, Nauru, Niue, Uruguay.]]. Depuis lors, la plupart des paradis fiscaux ont été blanchis : pour cela, il leur suffisait de conclure une douzaine de conventions avec d’autres États ou territoires (dont d’autres paradis fiscaux…). Le Luxembourg, la Suisse, Monaco, la Belgique, le Lichtenstein, pour ne citer que ces « centres financiers internationaux » européens, sont devenus « blancs », et ne font donc pas partie de la liste des paradis fiscaux à laquelle se réfèrent les banques dans le tableau ci-contre. Les réponses des banques, selon lesquelles elles ne sont plus présentes ou de façon tout à fait anecdotique dans les PFJ, sont donc cohérentes avec ces standards internationaux officiels aux critères laxistes. En revanche, selon la liste élaborée en 2010 par le Tax Justice Network (TJN), qui recense 60 territoires opaques ou paradis fiscaux, la situation des banques françaises apparaît beaucoup moins positive. Ainsi selon ce classement si l’on rapporte le nombre de filiales dans les paradis fiscaux au nombre total de filiales, HSBC vient en tête (39,3 %), suivi de Dexia (34,5 %), de BNP Paribas (24,5 %),du Crédit Agricole (18 %) et de Société Générale (15 %). – Bonus et stock options. Les bonus et les stock-options sont devenus des éléments essentiels des rémunérations des traders, gérants et des hauts dirigeants des banques. Ces rémunérations variables, indexées sur les résultats des opérations de marché et sur la valeur boursière des banques, incitent les acteurs qui en bénéficient à prendre des risques sur l’évolution des marchés financiers, dans le but d’augmenter le rendement financier de la banque et donc leur rémunération personnelle. Les réponses au questionnaire ne font pas toute la lumière, loin de là, sur la réalité des hautes rémunérations au sein de ces groupes. – Banque de financement et d’investissement (BFI) [[BFI : Division de la banque s’occupant des crédits et autres montages financiers pour les grandes entreprises. Elle rassemble l’ensemble des activités de conseil, d’intermédiation et d’exécution ayant trait aux opérations dites de haut de bilan (banque d’investissement, émission d’action), et des opérations de financement (lignes de crédits, crédits structurés, émission d’obligations) de grands clients corporate (grandes entreprises, investisseurs, mais aussi États…).]] et gestion d’actifs. Les banques ont considérablement développé leurs activités de BFI et de gestion d’actifs. Or on sait que ces activités ont joué un rôle central dans la crise des subprimes. La BFI est la cause principale des pertes souvent considérables (6 milliards d’euros pour Natixis, filiale de BPCE) subies par les banques qui ont ensuite bénéficié d’opérations de sauvetage financées par les États, et donc par les contribuables. Les banques authentiquement coopératives (Crédit Coopératif, La Nef) et La Banque Postale s’abstiennent de pratiquer ce type d’activité, mais les grands réseaux de « banque universelle » s’y adonnent largement. Chez ces dernières, la BFI et les activités de gestion d’actifs représentent entre 20 et 35 % du PNB, que leur statut soit privé (Société Générale, BNP Paribas) ou mutualiste (Crédit Agricole). – Rémunération des actionnaires. Les banques obéissent aujourd’hui à une gouvernance qui les amène à privilégier le seul intérêt des actionnaires. Elles ont continué à verser une part importante de leurs profits aux actionnaires depuis 2008, au détriment de l’accumulation des fonds propres, ce qui est préjudiciable à leur stabilité, comme le montre la défiance dont les banques françaises font l’objet sur les marchés financiers à l’été 2011. Le montant des dividendes versés aux actionnaires représente environ, pour les grandes banques françaises, 5 % du produit net bancaire (PNB) [[Le Produit net bancaire est la différence entre les produits et les charges d’exploitation bancaires, i.e. nés de toutes leurs activités de financement de l’économie (prêt, emprunts, marchés, dérivés, titres, etc.). Il est une mesure de la contribution spécifique des banques à l’augmentation de la richesse nationale et peut en ce sens être rapproché de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises non financières.]]. 2. Politiques commercialesCommissionnement des conseillers de clientèle. Le commissionnement des conseillers de clientèle, technique employée par les banques pour pousser leurs salariés à placer un maximum de services payants et de produits financiers, n’est plus une pratique inconnue des usagers. La logique de profit se substituant à celle de conseil, il n’est pas rare aujourd’hui que des clients se voient attribuer des produits qui leur sont complètement inadaptés, voire inutiles. Développé systématiquement, le commissionnement a eu des conséquences désastreuses, tant pour la santé morale des salariés que pour celle des clients accusant des situations de surendettement. Les réponses apportées nous apprennent que la quasi-totalité des banques (La Nef exclue) pratique le commissionnement de ses conseillers clientèles. Nombre d’entre elles se prévalent de la mise en place de critères « collectifs » en plus des critères individuels, mais rien n’indique que la pression sur les collectifs soit moins désastreuse. – Frais bancaires. Les banques sont les seuls agents économiques qui détiennent le pouvoir exorbitant de faire payer à leurs clients le prix de leurs services sans demander leur autorisation. Chacun de nous peut constater que les frais et commissions (pour virement, carte bancaire, chèque sans provision, intervention, etc.) sont prélevés directement sur notre compte sans autorisation ni même information préalable. Il y a là une source potentielle d’abus permanent que les pouvoirs publics et les associations de consommateurs peinent à freiner. Les réponses des banques à ce sujet sont diverses, et les variations enregistrées dans le montant des commissions difficiles à interpréter : ainsi le total des commissions prélevées varie en fonction de plusieurs critères : nombre de clients, montant des frais appliqués, etc. La seule banque qui n’enregistre pas de mouvements est La Nef, qui n’a pas modifié les frais de dossiers pour les prêts. Concernant les autres banques, leurs réponses peuvent être mises en miroir avec les résultats d’une enquête UFC Que Choisir, laquelle met en lumière une nette augmentation générale des frais pratiqués sur les six dernières années. – Financement des PME/PMI et de l’Economie sociale et solidaire (ESS). Concernant le financement des PME/PMI et des projets d’Economie sociale et solidaire, deux banques se démarquent clairement du lot : le Crédit Coopératif et La Nef. Le financement des PME/PMI tient une place beaucoup plus importante dans leur activité de financement des entreprises que pour les autres banques, et ce sont les seules à avoir intégré le critère ESS dans leurs activités et donc à être en mesure de restituer de façon chiffrée la part qu’occupe le financement de celle-ci. – Livret A et financement du logement social. Si à l’origine l’épargne solidaire que représente le livret A (défiscalisé, au taux d’intérêt garanti par l’État) devait permettre de financer le logement social et l’accès universel aux services bancaires, de multiples réformes sont venues affaiblir ce dispositif, permettant au passage aux banques de récupérer une partie considérable des montants déposés. Depuis janvier 2009, La Banque Postale et la Caisse d’Épargne n’en ont plus le monopole. Alors que dans le passé ces banques reversaient la totalité des sommes collectées à la Caisse des Dépôts et consignations (chargée de la redistribution), le plancher des sommes reversées n’a depuis lors cessé de baisser. Depuis le 16 mars 2011 (entrée en vigueur du décret), le taux de centralisation auprès de la Caisse des Dépôts et consignations est fixé à 65 %, ce qui a permis aux banques d’augmenter de 13,5 milliards d’euros leurs liquidités en 2011. Dans leurs réponses reçues, une banque se démarque : La Banque Postale (qui répond à une mission historique à ce sujet). Les autres banques centralisent à des taux avoisinant les 20 %, exception faite de HSBC, qui centralise environ 50 %. – Crédits revolving. Les crédits revolving, proposés par les banques ou par les institutions de crédit à la consommation (tels que Cetelem et Cofinoga, filiales de BNP Paribas ; Cofidis, filiale du Crédit Mutuel ; Sofinco et Finaref, filiales du Crédit Agricole) jouent un rôle particulier dans la manière dont les banques font pression sur leurs clients démunis. Ces crédits à la consommation, parfois proposés sans aucune étude de solvabilité (c’est notamment le cas dans la grande distribution), sont très prisés de nombreux ménages pauvres qui s’endettent ainsi chaque mois davantage pour vivre. La spirale du surendettement les menace d’autant plus que les taux d’intérêts pratiqués par ces organismes sont usuraires : fin 2010 le taux effectif moyen (TEM) des crédits permanents était de 15,86 % pour un montant emprunté inférieur ou égal à 1 524 euros, et de 14,45 % pour un montant supérieur à cette somme. Trois banques seulement ont répondu un non ferme et catégorique quant à l’utilisation de crédits revolving : La Banque Postale, le Crédit Coopératif et La Nef. Le reste d’entre elles propose bien des crédits revolving à des taux moyens variant de 11 à 15 %. 3. Politiques salarialesAccords salariaux. Les relations que les banques entretiennent avec leurs salariés reflètent de plus en plus les tensions générées par des politiques de management et des politiques commerciales visant à accroître la rentabilité au détriment de la satisfaction des usagers et du bien-être des salariés. La priorité accordée au rendement financier et aux actionnaires renforce en général la pression sur les salaires. Pour préserver l’équilibre social, les directions cherchent à passer des accords avec les organisations syndicales, mais ceux-ci sont rarement signés par l’ensemble de ces organisations. Plusieurs établissements n’ont signé aucun accord salarial en 2009. HSBC n’a signé qu’un accord salarial sur les trois années examinées. La réponse du Crédit Agricole ne permet pas de savoir si les accords concernent effectivement la totalité des salariés, ni si les organisations signataires représentent bien la majorité des salariés. De même Dexia indique que 38 accords ont été signés entre 2008 et 2010, mais ne précise pas s’ils l’ont été avec les organisations syndicales majoritaires, ne permettant donc pas de juger de la représentativité de ces accords. – Hautes rémunérations. On peut noter une différence considérable entre d’une part la rémunération annuelle des 10 personnes les mieux payées à la Société Générale (2,06 M€), au Crédit Agricole (1,4 M€) ou chez BNP Paribas (1,7 M€), et d’autre part au Crédit Coopératif et à La Nef (220 000€ et 57 000€ par an). Il s’agit là d’une question décisive : pour des groupes comme le Crédit Agricole, BPCE ou le Crédit Mutuel, comment peut-on prétendre appartenir à l’économie sociale et solidaire lorsqu’on gagne 2 millions d’euros (ou lorsqu’on refuse de répondre aux questions…) ? Pour tous les banquiers, comment peut-on justifier de gagner 150 fois le SMIC sous prétexte qu’on dirige une grande entreprise et qu’on a un travail gratifiant et intéressant, alors qu’un manutentionnaire ou une caissière, enfermés dans des métiers précaires, pénibles et dangereux, doivent se contenter du SMIC à temps partiel ? – Conditions salariales et souffrance au travail. Les banques multiplient des dispositifs d’accompagnement individuel (cellules d’écoute, coaching, formation aux risques psychosociaux) qui ne s’attaquent pas au fond du problème, faute de remettre en cause les modes de management responsables de cette situation. L’équité ne règne pas non plus du côté des différences entre hommes et femmes : dans toutes les banques, le salaire moyen masculin dépasse nettement celui des femmes, surtout du fait que les hommes occupent en moyenne des emplois plus qualifiés et plus rémunérés, alors même que les femmes qui sortent du système éducatif sont en moyenne plus diplômées que les hommes. C’est particulièrement vrai dans les métiers commerciaux qui sont en expansion. Les femmes sont éloignées des fonctions les mieux rémunérées et de celles qui sont réputées les plus nobles. – Rémunérations variables. L’accroissement de la part des rémunérations variables contribue non seulement à rendre plus aléatoires les salaires, mais renforce aussi la pression exercée sur les salariés pour placer des produits financiers et réaliser des opérations rentables, souvent au détriment des usagers. Très basse ou nulle au Crédit Coopératif et à La Nef, la part de la rémunération variable est manifestement excessive dans les grandes banques, où elle dépasse les 20 %. 4. Impact social et environnemental Les banques françaises prêtent et gèrent des centaines de milliards d’euros chaque année. Ces financements et investissements peuvent avoir des impacts sociaux et environnementaux énormes. Ces projets ou activités controversés sont en effet rendus possibles par les activités bancaires, que ce soit par le biais de financements directs ou indirects, par de l’investissement dans les entreprises qui les réalisent, ou encore par tout service rendu à ces mêmes entreprises (notamment émission d’actions et d’obligations sur les marchés financiers). Les banques devraient tenir compte des limites écologiques de la planète, respecter les droits et assurer le bien-être des populations. – Transparence des financements et investissements. En matière de transparence, La Nef fait figure d’exception. En effet, c’est la seule institution financière à publier l’intégralité des projets qu’elle finance. Pour toutes les autres banques, l’opacité reste de mise, sous prétexte de la réglementation sur le secret bancaire. Pourtant, si les banques ne veulent pas révéler les conditions commerciales ou financières des prêts accordés pour des raisons de concurrence, très peu d’informations environnementales ou sociales répondent à ces critères de confidentialité. De plus, beaucoup d’informations sur les grands projets, y compris financières, sont en réalité déjà disponibles sur des bases de données mais celles-ci sont payantes (plusieurs milliers d’euros). Tant que les parties prenantes, notamment les populations locales, ne sont pas informées des bénéfices environnementaux, sociaux et économiques d’une activité, de ses coûts, de ses impacts, de ses risques et de ses alternatives potentielles, elles ne peuvent intervenir efficacement. L’accès à l’information est également nécessaire afin d’assurer les obligations et engagements des promoteurs de projet et financeurs. – Financement de projets controversés et implication dans des secteurs à risques. Chaque année, grâce au soutien financier des banques, se développe un grand nombre de projets controversés dans des secteurs à risques tels que le nucléaire, les grands barrages, l’exploitation des hydrocarbures (pétrole, sables bitumineux, gaz de schiste, etc.), l’exploitation minière, les centrales à charbon. Toutes ces activités, aux impacts parfois irréversibles, participent à l’accaparement des ressources naturelles et au changement climatique, et portent souvent atteinte aux droits des communautés locales. Les plus impliquées dans ces financements controversés sont BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole. Par ailleurs, on remarque que si la majorité des grandes banques (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, HSBC, Dexia) ont commencé à se doter de politiques pour encadrer leurs financements et investissements dans ces secteurs controversés, le contenu des politiques élaborées reste malheureusement, pour la plupart, décevant sur de nombreux points au vu des enjeux sociaux et environnementaux existants. De plus, même dans les cas où les banques ont associé des conditions environnementales et sociales au moment d’accorder certains prêts, la violation de ces conditions ne conduit visiblement que très exceptionnellement à des sanctions vis-à-vis du promoteur du projet. L’exemple du financement de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan en Asie Centrale est ainsi édifiant : alors que les violations des droits humains autour de sa construction ont été reconnues officiellement par le gouvernement britannique, les banques ayant financé le projet, au premier rang desquels, la Société Générale, n’ont pris aucune mesure punitive à l’encontre du consortium pétrolier mené par BP. À l’opposé, La Nef et le Crédit Coopératif excluent de financer ces activités controversées, et ont choisi plutôt de soutenir les projets alternatifs dans les secteurs de l’écologie, du social, du développement local et de la culture. – Financement des énergies renouvelables. Encore une fois, La Nef et le Crédit Coopératif se distinguent clairement du reste des banques puisque la totalité ou presque de leurs investissements dans le secteur énergétique se fait dans des projets de développement des énergies renouvelables. Les autres banques suivent loin derrière, mais l’on peut néanmoins noter que leurs investissements dans les énergies renouvelables semblent avoir augmenté ces dernières années, avec Dexia toujours en tête des grandes banques (35 %). Cependant, il faut aussi faire attention à ce que les banques définissent comme énergies renouvelables, leur conception ne recoupant pas toutes les mêmes réalités : Crédit Agricole, Société Générale et BNP Paribas incluent les financements concernant les grands barrages, ainsi que les agrocarburants (sauf BNP Paribas). Ces deux sources d’énergies ont pourtant des impacts négatifs très importants sur les populations locales, l’environnement et le changement climatique. – Émissions de gaz à effet de serre financées et informations délivrées aux clients. Aucune banque ne calcule actuellement le montant global des émissions de gaz à effet de serre induites par leurs financements et investissements, et, hormis Dexia, elles ne se fixent pas d’objectif pour les réduire. Cependant, contrairement à la situation observée il y a quelques années, les banques reconnaissent maintenant pour la plupart qu’il s’agit d’un enjeu important à considérer. Une étude des Amis de la Terre et d’Utopies (2010) a établi un « classement carbone » des banques françaises, en comparant les émissions de CO2 générées par 1 000 euros déposés dans chaque banque : le Crédit Agricole est la banque la plus polluante, suivi par HSBC, tandis que La Nef et le Crédit Coopératif ont le portefeuille d’actifs ayant le moins d’impact négatif sur le climat. Par ailleurs, on constate que les banques sont très réticentes à apporter des informations sur ce type d’impacts à leurs clients, et plus largement de leur expliquer clairement à quoi est réutilisé l’argent que ceux-ci déposent sur les différents comptes et livrets. Le Crédit Coopératif semble réaliser des efforts en ce sens, mais les informations restent dispersées, et pas toujours faciles d’accès, et surtout elles ne sont pas disponibles pour l’ensemble de la gamme des produits et services proposés. Cela ne permet donc pas aux clients de réaliser des comparaisons. Les établissements bancaires, conformément à la législation, informent seulement leurs clients des risques financiers des produits qu’ils désirent souscrire. On est donc bien loin de l’établissement d’un étiquetage social et environnemental des produits financiers, tel qu’expérimenté par les Caisses d’Epargne en 2008 (avant d’abandonner l’initiative en 2010). 5. Démocratie L’activité des banques a un impact majeur sur la vie économique et sociale d’un pays. Le système bancaire organise la collecte de l’épargne des ménages, avec laquelle il peut décider de financer (ou non) les projets d’investissements des particuliers et des entreprises. Le crédit doit jouer dans l’économie le même rôle que le sang dans l’organisme humain : un flux vital qui apporte des ressources là où elles sont nécessaires. Mais qui juge de cette nécessité ? Ce sont les banques qui estiment si tel ou tel projet mérite d’être financé. Les critères qu’elles utilisent pour évaluer les demandes de prêt sont donc d’une importance considérable pour l’orientation globale de l’économie, et les conséquences sociales et écologiques de l’affectation des fonds en fonction du seul profit bancaire anticipé sont lourdes. – Association des parties prenantes extérieures à la définition de la politique de crédit. L’idée qu’une banque pourrait associer les parties prenantes extérieures à la détermination de sa politique de crédit apparaît manifestement aux banquiers comme une incongruité. HSBC semble avoir le plus développé une approche de type « Responsabilité sociale de l’entreprise », formalisant un dialogue avec des associations extérieures, mais il est impossible de dire quelle est l’influence de ce dialogue sur les choix de la banque ; le Crédit Agricole affiche des velléités du même ordre. Les institutions authentiquement coopératives, comme le Crédit Coopératif et La Nef, associent les réseaux de l’économie sociale et solidaire, qui participent d’ailleurs à leurs instances de direction, à leur politique de crédit. Le Crédit Coopératif inclut en outre un élu des usagers et quatre élus des salariés dans son Conseil d’administration. En revanche, les associations écologistes ne semblent pas formellement associées à la gouvernance de ces banques. Pour les autres établissements interrogés, la consultation de parties prenantes extérieures se limite, dans le meilleur des cas, à des associations luttant contre le surendettement. – Participation des sociétaires aux élections des Conseils d’administration (CA) [[Les 3 dernières questions ne concernent que les établissements mutualistes ou coopératifs. BNP Paribas, Dexia, HSBC, La Banque Postale, et Société Générale ne sont donc pas concernées.]] Au Crédit Coopératif, 10 % des 32 000 sociétaires ont participé à l’élection de 2010. Au Crédit Agricole, 300 000 sociétaires sur 6 millions (soit 5 %) participent en général aux élections ; à La Nef, 2800 sociétaires ont participé au vote de l’Assemblée générale 2010, soit plus de 10 % des 27 000 sociétaires, sans compter les 1 400 sociétaires qui avaient donné un pouvoir au Président pour voter. On observe donc que le Crédit Coopératif et surtout La Nef ont un nombre de votants supérieur à 10 %, ce qui est relativement élevé par rapport au Crédit Agricole et probablement aux groupes mutualistes (Crédit Mutuel-CIC et BPCE) qui ont refusé de répondre. Mais cela reste une participation faible qui mérite d’être encouragée, notamment en organisant des débats contradictoires lors des élections du CA. – Pluralité des candidatures au Conseil d’administration. Le Crédit Coopératif présente un candidat par poste à pourvoir, sauf pour le poste récemment créé de représentant des clients, où trois candidats se sont présentés en 2010. A La Nef, l’assemblée générale élit les 11 membres du conseil de surveillance, mais ceux-ci sont cooptés. Leur cooptation peut résulter d’un processus interne à la coopérative Nef permettant l’émergence de candidatures parmi les sociétaires. Les membres peuvent également être issus des réseaux partenaires de La Nef ». Au Crédit Agricole, « le nombre de candidats est généralement égal au nombre d’administrateurs à élire ou à renouveler ». Dans l’ensemble, les établissements coopératifs ou mutualistes ne recherchent donc pas la pluralité de candidatures mais préfèrent privilégier la stabilité des instances de direction. Il n’est pas sûr que cette politique permette une vitalité démocratique durable. – Durée maximale d’exercice d’un mandat par un administrateur. Au Crédit Agricole, la durée maximale de présence au Conseil d’administration est de quatre mandats successifs de trois ans, soit douze années successives. Au Crédit Coopératif, les mandats sont de 6 ans et renouvelables sans limitation : on peut donc être administrateur à vie. C’est aussi le cas à La Nef, où, d’après les statuts, les membres du Conseil de surveillance comme ceux du Directoire sont rééligibles sans limitation de durée. Ces dispositions ne permettent pas d’assurer une rotation des principaux dirigeants.
Évaluation des pratiques des banques Tableau récapitulatif des réponses au questionnaire ATTAC - Les Amis de la Terre
Évaluation des pratiques des banques Tableau récapitulatif des réponses au questionnaire ATTAC – Les Amis de la Terre

Recommandations

Principales recommandations des Amis de la Terre et d’ATTAC : Prises de risques et spéculations
  • Paradis fiscaux : publication annuelle des comptes financiers pays par pays voire filiale par filiale (« reporting financier »), afin de justifier les activités concrètes que leurs filiales réalisent sur chaque territoire.
  • Etats : imposition au niveau mondial d’une rémunération fixe et maximale dans tous les domaines de la finance. Banques : en attendant, publication annuelle des informations détaillées sur les bonus et stock options distribués.
  • Séparation des activités de banque de détail et de banque d’investissement pour protéger la banque de détail.
  • Dividendes aux actionnaires : aucun versement en période de crise. Aucun versement par les banques bénéficiant d’une aide publique (y compris de prêts à des conditions exceptionnelles par la Banque centrale).
Politiques commerciales
  • Interdiction du commissionnement individuel et collectif des conseillers de clientèle.
  • Frais bancaires : consentement préalable du client à être facturé un service pour un coût précis. Réduction des coûts et facilitation des procédures liées à la mobilité bancaire.
  • Coût du crédit identique pour les PME que pour les grandes entreprises, et différencié selon utilité sociale et environnementale de l’entreprise.
  • Intégration et valorisation du critère ESS (économie sociale et solidaire) dans la politique de crédit des banques.
  • Centralisation de l’ensemble des encours du livret A et du LDD à la Caisse des Dépôts et consignations dans le but de financer des missions d’intérêt général.
  • Interdiction des crédits revolving. Vérification de la solvabilité des clients comme préalable à toute forme de crédit, prévention et prise en charge du surendettement.
Politiques salariales
  • Mise en place d’une négociation collective afin de réduire les inégalités entre salariés et limiter le recours à des pratiques salariales pernicieuses qui mettent en danger les collectifs de travail et la santé mentale des salariés.
  • Remise en cause de la « rémunération à la performance » pour les salariés et de leur mise en concurrence. Suppression des bonus.
  • Interdiction du benchmarking, remise en cause des modes d’évaluation fondés sur des indicateurs quantitatifs qui dénaturent le travail. Permission donnée aux salariés de se mobiliser, en lien avec les usagers et leurs associations, pour définir leurs propres critères d’un travail de qualité au service des usagers.
  • Pour les femmes : garantie d’un égal accès à tous les métiers de la banque, y compris aux fonctions les mieux rémunérées.
  • Plafonnement des rémunérations par la fiscalité : un « revenu maximum admissible » pourrait être instauré avec par exemple un taux de 90 % sur les tranches de revenu les plus élevées. Réduction des écarts au sein d’une même entreprise (par exemple avec un écart maximum de 1 à 10).
Impact environnemental et social
  • Publication intégrale des grands projets et entreprises financés et de leurs impacts environnementaux et sociaux.
  • Application de mesures de due diligence afin d’identifier les impacts négatifs potentiels des projets et de prévenir ou de réduire les atteintes aux populations et à l’environnement.
  • Adoption de politiques exigeantes encadrant leurs financements dans les secteurs à risque (industries extractives, énergies fossiles, nucléaire, grands barrages, forêts, etc.) et des politiques transversales (droits humains, climat, biodiversité, etc.).
  • Calcul des émissions de gaz à effet de serre induites par leurs financements et investissements, et publication des résultats. Publication d’objectifs quantitatifs de réduction de ces émissions financées.
  • Financement massif du secteur des énergies renouvelables et de l’amélioration de l’efficacité énergétique, accompagné d’une réduction massive du financement des énergies fossiles et nucléaire.
  • Adoption d’un étiquetage pour toute la gamme de produits et services bancaires proposés, afin d’informer les clients sur les risques financiers et les impacts environnementaux et sociaux indirects associés Démocratie >> Représentation importante, au Conseil d’administration, des collectivités territoriales, des salariés, des clients, notamment les plus précaires, des associations écologistes, afin que l’ensemble des intérêts concernés aient voix au chapitre.
  • Organisation de débats contradictoires lors des Assemblées générales de sociétaires des banques mutualistes et coopératives.
  • Pluralité de candidatures pour les postes d’administrateurs des banques coopératives et mutualistes.
  • Limitation du nombre de mandats consécutifs à dix ans.

 

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David Naulin
David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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