Selon un rapport publié le 17 avril – journée internationale des luttes paysannes – par Oxfam France, les principales banques françaises ont accordé entre 2009 et 2012 plus de 4 milliards d’euros de prêts aux dix principaux producteurs européens d’agrocarburants, et ont émis pour ces entreprises des actions et obligations pour un montant total de plus de 3 milliards d’euros. Oxfam France demande aux banques françaises de renoncer à financer les producteurs d’agrocarburants, qui mettent en péril la sécurité alimentaire mondiale.
Les Amis de la Terre révèlent également dans une étude publiée aujourd’hui que des banques françaises sont impliquées dans le financement du géant malaisien de l’huile de palme, Sime Darby, à l’origine de nombreux conflits avec des communautés locales comme au Liberia. Cette huile est destinée, entre autre, au marché européen, largement déficitaire en huile végétale à cause du développement des agrocarburants. Dans son rapport intitulé « Agrocarburants : les banques françaises font le plein », Oxfam France établit un classement des différentes banques françaises qui financent le plus les producteurs d’agrocarburants basés en Europe. Au terme de recherches effectuées pour le compte d’Oxfam par le cabinet néerlandais indépendant Profundo, il apparaît que la BNP Paribas arrive largement en tête de ce classement, suivie par la Société générale et le Crédit agricole. En ce qui concerne Sime Darby, la Société générale et le Crédit agricole sont actionnaires de l’entreprise à hauteur de 7,74 et 4,45 millions d’euros respectivement. Les Amis de la Terre demandent par conséquent aux banques françaises d’arrêter de financer des projets d’immenses monocultures et d’accaparement des terres dans les pays du Sud et de s’engager à soutenir des projets favorisant l’agro-écologie et la souveraineté alimentaire. Pour Anne van Schaik, chargée de campagne sur la finance privée aux Amis de la Terre Europe : « En investissant dans ce géant de l’huile de palme, les banques participent à la violation des droits de communautés, à la violation de la loi du Libéria, ainsi qu’à la violation d’accords internationaux portants sur les droits humains. Les banques doivent arrêter de financer des entreprises qui sont impliquées dans d’immenses projets de monocultures qui mènent souvent à des processus d’accaparement de terres et de déforestation. Elles doivent à la place rediriger leurs investissements vers les énergies renouvelables ou des projets qui promeuvent l’agro-écologie et la souveraineté alimentaire. » « Les banque françaises participent à l’insécurité alimentaire mondiale croissante en finançant les grands producteurs d’agrocarburants, a déclaré Clara Jamart, d’Oxfam France. Des banques telles que la BNP Paribas, la Société générale et le Crédit agricole financent largement la production d’agrocarburants, et se rendent ainsi complices de l’augmentation des prix alimentaires et des dynamiques d’accaparement de terres dans les pays du Sud. Elles doivent absolument mettre fin au plus vite à leurs activités de financement des producteurs d’agrocarburants. » Les agrocarburants produits à partir de matières premières agricoles sont inefficaces pour lutter contre le changement climatique, puisque 80 % d’entre eux sont en réalité plus polluants que les carburants fossiles. Pire, ils rentrent en compétition directe avec l’alimentation et poussent les prix alimentaires à la hausse, avec des conséquences dramatiques pour les ménages les plus pauvres. De plus, les prix de matières premières agricoles ont tendance à s’aligner sur ceux du pétrole et deviennent extrêmement volatils et imprévisibles, ce qui engendre de graves crises alimentaires comme celles de 2008, 2010 et 2012. Clara Jamart ajoute : « Le gouvernement français et ses partenaires européens doivent mettre un terme aux politiques de soutien aux agrocarburants. La France doit en finir au plus vite avec cette niche fiscale qui permet aux producteurs d’agrocarburants de bénéficier d’un système de défiscalisation massif. Elle doit également s’engager à soutenir une réforme ambitieuse des politiques européennes, et renforcer la proposition de la Commission européenne plutôt que de pousser pour sa révision à la baisse. ».CES BANQUES FRANÇAISES QUI SPÉCULENT SUR LA FAIM
Les marchés agricoles et alimentaires se financiarisent de manière spectaculaire. Les spéculateurs financiers occupent aujourd’hui 65% de ce marché ; tandis que les producteurs et commerçants physiques en constituent seulement 35%. Cette spéculation participe à l’augmentation de la volatilité et de la hausse tendancielle des prix des denrées avec les conséquences dramatiques que l’on connait pour les populations les plus vulnérables. Oxfam France montre dans un précédent rapport publié en février dernier (Réforme bancaire : ces banques françaises qui spéculent sur la faim – Rapport Oxfam France – PDF – 2.2 Mo) que de nombreuses banques françaises contribuent à cette spéculation. Oxfam France y établit un classement des différentes banques françaises qui spéculent le plus sur les matières premières. En 2012, les banques françaises possédaient au moins 18 fonds participant à la spéculation sur les produits dérivés des matières premières, pour une valeur de près de 2,6 milliards d’euros. La BNP Paribas possède à elle seule plus de la moitié de ces fonds. La plupart ont été créés depuis la crise alimentaire de 2008. Les marchés de matières premières agricoles, désormais considérés comme rentables par les spéculateurs, se financiarisent en effet massivement, et entrainent régulièrement des pics de prix alimentaires tels que ceux qu’on a pu observer en 2008, 2010 et 2012. Entre février 2005 et février 2008, les prix alimentaires ont augmenté de 83%, enregistrant des hausses records de 191% pour des denrées de base comme le blé. Ces violentes fluctuations des prix touchent sévèrement les ménages les plus pauvres des pays du Sud, qui peuvent consacrer jusqu’à 75% de leur budget à l’alimentation. Et pourtant, dans la réforme bancaire présentée par le gouvernement au Parlement français en février 2013, rien ne garantit que les activités spéculatives concernant les matières premières agricoles cessent. Oxfam France demande que soient interdites les activités d’investissement dans des fonds indiciels de matières premières agricoles, ainsi que l’établissement de contrats spéculatifs sur les marchés dérivés de matières premières agricoles. Oxfam France demande également aux banques et aux investisseurs institutionnels de publier le détail de l’ensemble de leurs investissements sur les marchés agricoles. – Pour agir vous pouvez participer à la campagne intitulée Banques : la faim leur profite bien. Cette campagne, qui durera jusqu’en juin 2013, vise à interpeller les PDG des grandes banques françaises afin qu’ils mettent fin aux activités bancaires qui nuisent à la sécurité alimentaires des populations du Sud.Agrocarburants : l’Europe verse 10 milliards d’euros aux industriels !
Les États européens, pourtant en cure d’austérité budgétaire, ont soutenu à hauteur de 10 milliards d’euros (Md€) en 2011 l’industrie des agrocarburants sous forme d’exonérations fiscales (payées par les citoyens : 5,8 Md€), d’obligations d’incorporations (payées par les automobilistes : 318 – 736 millions € pour l’éthanol et 3,1 – 4,1 Md€ pour le biodiesel) et de financement de la R&D (52 millions €). Selon l’étude de l’Institut international du développement durable (IISD) intitulée « Biofuels – At What Cost ? A review of costs and benefits of EU biofuels policies »[[Etude co-financée par l’IISD, BirdLife Europe, EEB et T&E – http://www.iisd.org/gsi/benefits-eu-biofuel-policies]] , ce financement a été nécessaire pour maintenir les 4,5% de parts de marché des agrocarburants en 2011 – légèrement en dessous du plafond de 5% proposée par la Commission européenne il y a six mois[[- Voir la proposition de la Commission]] . L’étude montre également que ce soutien représente plus de la moitié du chiffre d’affaires 2011 du secteur européen des agrocarburants (compris entre 13 et 16 Md€). « Selon la Cour des Comptes, l’exonération fiscale dont ont bénéficié les producteurs d’agrocarburants français entre 2005 et 2010 a coûté à l’Etat plus de 2,6 Md€, déclare Clara Jamart d’Oxfam France. Alors que beaucoup de pays européens arrêtent les exonération de taxes, le gouvernement Ayrault a décidé en octobre 2012 de renouveler pour trois ans cette niche fiscale intolérable ». Des recherches récentes ont déjà montré que la politique européenne de développement des agrocarburants ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre (GES) des transports. En comptabilisant les émissions dues au changement d’affectation des sols indirects[[Processus par lequel les terres utilisées pour l’alimentation sont converties pour produire des agrocarburants. Avec une demande alimentaire stable, la nourriture est produite ailleurs, souvent sur des terres jusqu’alors non cultivées, entraînant une augmentation globale des émissions de GES. Voir le rapport « Anticipated Indirect Land Use Change Associated with Expanded Use of Biofuels in the EU », IEEP (2011)]] , les agrocarburants (surtout le biodiesel) émettent même plus de GES que les carburants fossiles ! « Les politiques en faveur des agrocarburants mettent également en danger la souveraineté alimentaire des populations des pays du sud, entraînant accaparements de terres et hausse du prix des matières premières », explique Katia Roux de Peuples Solidaires. « La transition écologique et sociale de l’agriculture est une urgence, il est impératif d’aider vraiment les modes de production les moins émetteurs de GES et les plus créateurs d’emplois », déclare Stéphanie Pageot, présidente de la Fédération nationale de l’Agriculture biologique Il apparaît clairement que le soutien aux agrocarburants profite exclusivement aux industriels. Pour protéger le climat et favoriser la création d’emploi, la révision des normes d’émissions de CO2 des voitures est une démarche bien plus rentable et efficace. En effet, les 10 Md€ correspondent à ce qu’il faudrait investir dans le secteur automobile pour fabriquer des voitures rejetant 80 gCO2/km au lieu des 95 gCO2/km en 2020 comme proposé actuellement par la Commission[[Calcul basé sur le rapport de l’ICCT « Mass reduction impacts on EU cost curves » (Fig.14 p20) soit environ 750 € par voiture multiplié par 13 millions d’unités (moyenne historique des ventes annuelle de voitures dans l’UE27)]]. Pour Diane Vandaele du RAC-F, « Il n’est plus à prouver que miser sur le développement des agrocarburants pour réduire l’impact du secteur des transports sur le climat est une absurdité, alors que soutenir la fabrication de voitures rejetant 80gCO2/km économiserait 40 millions de tonnes de CO2 par an, à un coût quasi nul grâce à la réduction des importations de pétrole et en maintenant des emplois en Europe». « Dépenser autant d’argent public sans bénéfices environnementaux est insupportable. L’argent doit être mobilisé pour développer de réelles solutions comme l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules ou le développement du transport ferroviaire » conclut Bruno Genty, président de FNE. Contacts – Diane Vandaele (RAC-F) : 01 48 58 89 77 – Antonin Pépin (FNE) : 01 44 08 64 14 – Pierre Motin (Oxfam France) : 01 77 35 76 10 / 06 12 12 63 94