Une « technologie » à la pointe
Il y a environ 450 millions d’années, apparaissaient les premiers requins, bien avant les dinosaures et n’ont quasiment pas évolués depuis 100 millions d’années. Pourquoi ? Certainement parce qu’ils sont arrivés à ce qui peut se faire de plus efficace pour leur survie.
Les requins bénéficient d’un corps fuselé qui fend parfaitement le milieu aquatique, et grâce à leur squelette cartilagineux, qui les différencie des autres poissons, dits « osseux », ils sont beaucoup plus souples et se déplacent avec plus d’aisance. Ils sont capables de changer très rapidement de direction, avec une vitesse fulgurante. De plus, leur peau recouverte d’écailles très fines augmente la pénétration de leur corps dans l’eau. Ces écailles sont en fait très proches de leurs dents, elles ont la même composition.
Au niveau de leur sens, leur vue est plutôt bonne. Un avantage ? Bien maigre… à coté de l’efficacité de leur système leur permettant de repérer d’infimes mouvements. Ces mouvements vont en fait engendrer des variations de pression qui seraient imperceptibles par l’homme, mais qui donnent des renseignements précis sur la position d’une proie aux requins. Ce sont en fait des cellules ciliées situées tout le long de leur ligne latérale, des yeux jusqu’à la queue, qui vont capter ces infos pour les transmettre au cerveau qui se chargera de les traduire.
Leur museau est une des parties de leur corps les plus importantes : on y trouve les ampoules de Lorenzini, véritables détecteurs de champs électriques émis par exemple par les battements de cœur des proies. Elles sont tellement efficaces, que le requin peut attaquer sa proie les yeux fermés.
Dotés également d’un odorat surpuissant, les requins pourraient sentir une goutte de sang à deux kilomètres à la ronde.
Grâce à ces différents sens, ils peuvent notamment repérer des proies à plusieurs centaines de mètres, ou bien repérer des proies enfouis sous le sable, et même les attaquer en pleine obscurité.
De plus, leurs dents acérées, renouvelées tout le long de leur vie, sont insérées sur une mâchoire dissociée du crane, ce qui leur permet d’attraper plus facilement leurs proies, sans la relâcher.
Même au niveau de la reproduction, les requins ont su tirer profit des évolutions les plus avantageuses. En effet, contrairement aux poissons osseux, qui produisent des milliers d’œufs, parmi lesquels seulement quelques-uns survivront, les requins n’en produisent que très peu, mais ceux-ci auront de bonnes chances de vivre. Encore mieux, chez certains requins comme le requin à pointes blanches, le requin gris, le peau-bleue,…, les embryons se développent avec de fortes similitudes aux mammifères. Ils sont reliés à la mère par un cordon ombilical et sont même entourés d’un placenta. Ils dépendent directement de la mère pour la nourriture et l’oxygène. Ce sont des espèces vivipares.
On observe également des espèces ovovivipares, où les embryons sont rattachés à un sac vitellin pour se nourrir.
Encore plus étrange, chez le requin-taureau, qui produit plusieurs embryons, ceux-ci vont s’entretuer, se dévorer, et ainsi les deux plus forts seulement vivront (un dans chaque utérus de la femelle).
Enfin, on a découvert récemment des cas de parthogénèse chez certaines espèces (par exemple le requin-marteau) : des petits sont nés sans accouplement et ne portent donc que le patrimoine génétique de la mère.
Une place des plus importantes dans l’écosystème
Le fait que les requins soient les plus gros poissons dans les océans, aux dents acérées, dévorants les baigneurs dans les productions hollywoodiennes, ne fait pas d’eux des monstres… loin de là !
Se positionnant au sommet des chaînes alimentaires des océans, ils y jouent des rôles très important, dont la nature ne pourrait se passer. En effet, les requins sont des carnivores et se nourrissent donc d’autres animaux, aussi variés qu’il existe d’espèces de requins (aux alentours de 500 espèces décrites de nos jours, et beaucoup resteraient à découvrir). Leur régime alimentaire passe par le plancton pour le requin-baleine et le requin-pèlerin, les crustacés, mollusques, poissons pour le requin-nourrice, jusqu’aux mammifères marins pour le requin-blanc.
De ce fait, les requins régulent les stocks de populations et éliminent également les animaux les plus faibles ou malades.
Un seul prédateur… l’homme
Au moment où le film de Rob Stewart, « Sharkwater », véritable plaidoyer pour les requins, vient de sortir sur les écrans, l’image du monstre à abattre est toujours présente… et chaque année, c’est plus de 100 millions de requins qui sont massacrés dans d’atroces souffrances uniquement pour leurs ailerons pour la plupart. Car en Asie, les ailerons de requins, utilisés en soupe malgré leur faible gout, se vendent à prix d’or, parfois plus de 500 dollars le kilo.
Après 450 millions d’années, après avoir traversé plusieurs crises majeures d’extinctions, ils s’apprêtent à disparaître en quelques dizaines d’années… Car à ce rythme là, il ne faudra pas encore longtemps pour qu’un pêcheur puisse se venter d’avoir abattu le dernier « mangeur d’hommes ». Tel est le surnom que l’on voit régulièrement, même s’il est infondé. Car à ma connaissance, jamais personne ne s’est encore fait mangé par un requin. Il y a certes 5 à 10 attaques mortelles chaque années… on en dénombre plus de 100 pour les éléphants, les tigres, les crocodiles, qui eux, sont protégés ! On peut en rajouter aussi plus de 150… pour les chutes de noix de coco !
Il ne faut pas oublier que lorsque l’homme plonge sous la surface de la mer, il entre dans un milieu hostile qu’il ne contrôle plus. Les requins n’attaquent pas l’homme pour le tuer, ils cherchent leur nourriture. C’est d’ailleurs souvent les surfeurs qui se font attaquer, leur silhouette rappelant celle du phoque dont ils se nourrissent. Leur bouche est dotée de récepteurs puissants, mais sont obligés de « gouter » pour savoir s’il s’agit bien de leur nourriture. Un comble pour l’homme… les requins n’aiment pas la chair humaine et la recrachent toujours (ils ont surement raison !).
S’ils venaient à disparaitre, cela pourrait être catastrophique, et mettrait en péril le futur de beaucoup d’autres espèces, l’homme y compris. Grâce à leur prédation, les populations d’animaux sont en équilibre. Si on enlève le maillon le plus haut, on déstabilise toute la chaîne alimentaire.
Par exemple, sur la côte est des Etats-Unis, la surpêche des requins a mené à la raréfaction des coquilles St-Jacques, consommées par les raies, elles-mêmes la proie des requins. Les raies étant beaucoup plus nombreuses, cela a conduit à la chute des stocks de coquilles.
En Polynésie, la raréfaction des requins a entrainé à certain endroits la mort des coraux : des gros poissons comme les mérous, normalement régulés par les requins, se sont fait de plus en plus nombreux, ce qui entraine une baisse de la quantité de petits herbivores dont ils se nourrissent. Les algues prolifèrent et empiètent sur l’espace vital des coraux…
On pourrait imaginer pire si c’était les stocks de phytoplancton qui disparaissaient, qui est la base de la chaîne alimentaire, et qui surtout nous fournie notre oxygène.
Alors à qui la faute ? Spielberg ? Pour son film « les dents de la mer »… pourquoi pas…. En tout cas, moi ça m’a permis de les découvrir, puis de les aimer….
Ce qu’il est important de retenir, c’est que chaque animal a sa place sur la planète, il n’y a pas de bon ou mauvais animal. Nous ne pouvons et nous n’avons le droit de décider de leur sort. Si on les laisse en paix, ils vivront certainement encore longtemps. Mais l’être humain a cette fâcheuse tendance à vouloir mettre son grain de sel un peu partout …
Sources photo : Sharkwater et France 5