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Alternatives Economiques - Hors-série n°87 - Décembre 2010

Les marchés financiers

Comment les marchés financiers sont-ils devenus aussi puissants ? Pourquoi sont-ils si instables ? Peut-on les contrôler ? Où seront les prochaines crises ? Des questions clés auxquelles répond ce nouveau hors-série signé Alternatives Economiques. Grâce à la contribution de chercheurs, de banquiers, d’hommes politiques et de régulateurs, il propose un état des lieux et éclaire sur les enjeux liés à la compréhension, à l’évolution et à la régulation des marchés financiers.

Marchés financiers: le combat de la régulation par Christian Chavagneux

A l’immense majorité des Français, le mécanisme d’un des rouages de la banque, bien décrit, offrira l’intérêt d’un chapitre de voyage dans un pays étranger. » S’il avait écrit ses Illusions perdues aujourd’hui, il y a fort à parier que Balzac aurait remplacé « banque » par « marchés financiers », avec le même message: le monde de la finance et son jargon restent aussi impénétrables au plus grand nombre que peut l’être un pays étranger dont on ne maîtrise ni les codes ni la langue.
Alternatives Economiques - Hors-série n°87 - Décembre 2010
Alternatives Economiques – Hors-série n°87 – Décembre 2010
Cette aura de mystère qui entoure les marchés financiers n’a rien de naturelle. A la fin du XIXe siècle – une période d’expansion, de complexification et d’internationalisation de la finance -, de Balzac à Zola, pour en rester à la France, les romanciers n’hésitaient pas à se saisir du sujet à bras le corps pour expliquer et dénoncer la spéculation et vilipender l’enrichissement des uns au détriment de la grande majorité des autres. Notre époque, marquée par une finance encore plus complexe, au poids démesuré et dont les acteurs veulent en faire un monde inaccessible au commun des mortels, se retrouve plutôt dans la même position que les hommes de la préhistoire face aux caprices du ciel: les soubresauts des marchés financiers sont craints et vitupérés comme les décisions d’une entité supérieure dont on essaie de prévoir et de prévenir les désirs par la lecture des entrailles des statistiques analysées par les ordinateurs! De cette représentation du monde de la finance, nos sociétés contemporaines ont tiré deux constats, entièrement justes, malheureusement suivis de deux conclusions complètement fausses: d’une part, les marchés financiers sont opaques, donc réservés aux spécialistes, et on ne peut en faire un thème du débat politique; d’autre part, ils ont acquis un pouvoir considérable et sont donc incontrôlables. Reprenons chacune de ces deux affirmations. Sans conteste, les marchés financiers présentent des zones d’opacité. Près de 95% des transactions portant sur les produits financiers complexes (les produits dérivés) s’opèrent sur des marchés dits « de gré à gré », c’est-à-dire dont les conditions en termes de volumes, de prix et de risques sont déterminées par les acteurs financiers eux-mêmes, sans quasiment aucun contrôle. A cela s’ajoute le rôle croissant joué par les paradis fiscaux, non pas parce qu’ils permettent d’éviter de payer des impôts, mais plutôt parce qu’une bonne partie d’entre eux sont également des paradis réglementaires où il est possible de prendre des risques de manière dissimulée. Par exemple la banque britannique Northern Rock est tombée dès l’automne 2007 après avoir caché un endettement de court terme excessif dans une filiale établie à Jersey. Et n’oublions pas l’Irlande: la faillite de la banque d’affaires américaine Bear Stearns et les problèmes de l’allemande Hypo Real Estate étaient notamment dus au fait qu’elles avaient été touchées par les déboires de leurs fonds spéculatifs installés pour partie à Dublin. Le Tigre celtique est l’un des profonds trous noirs de la finance de marché, et ses habitants vont devoir en payer la facture durant de longues années. Un débat interdit Tenter de percer le voile d’opacité de la finance est difficile. Les sujets sont techniques et les acteurs eux-mêmes ne se privent pas d’en rajouter, afin d’échapper le plus possible au regard du plus grand nombre. Ils auraient tort de ne pas le faire: ça marche! Lors de la présentation de l’édition 2010 du Rapport moral sur l’argent dans le monde, alors qu’il venait d’expliquer sa théorie de la prédation financière, Jean Peyrelevade, ancien patron de banque et de compagnie d’assurances, s’est plaint que sa tentative de lancer un débat politique sur le contrôle de la finance n’ait rencontré absolument aucun écho, ni à droite, ni au centre, ni à gauche. De fait, alors même que la crise des dettes souveraines en Europe fait suite à celle des subprime, quel parti politique français s’attache à expliquer la finance et à en faire un débat politique en termes accessibles au plus grand nombre? Bien après les romanciers du XIXe siècle, le président Roosevelt avait eu ce courage après la crise de 1929; il en avait d’ailleurs largement bénéficié sur le plan électoral. Comme l’affirme avec force Tommaso Padoa-Schioppa (un ancien ministre des Finances et banquier central italien), en matière de finance, « la complexité n’est jamais trop grande pour être ramenée à la simplicité, (…), il s’agit d’un principe démocratique et de responsabilité ». Une finance incontrôlable L’absence de débat politique et citoyen informé sur la finance a un effet pervers important: puisqu’on ne les comprend pas, on prête aux marchés financiers, comme aux dieux de l’Olympe, tous les pouvoirs. Ce qui conduit généralement à adopter la posture selon laquelle il n’y aurait rien d’autre à faire contre les marchés que de les fermer: tout effort de simple régulation serait vain et voué aux sarcasmes. Inutile de nier le pouvoir acquis par les marchés financiers. Ils définissent une bonne partie des règles déterminant qui peut recevoir quels financements, à quelles conditions de durée et de taux d’intérêt et à quels risques. Dès 1986, la chercheuse britannique en économie politique internationale Susan Strange écrivait un livre intitulé Casino Capitalism (Basil Blackwell), Le capitalisme casino – une expression qui allait faire florès -, dans lequel elle dénonçait bien avant tout le monde la montée en puissance de la finance et les coûts que ses dérapages font supporter à une majorité de gens dont on joue à leur insu les salaires et les emplois sur le grand tapis vert de la spéculation. Les jeux de casino suivant généralement des lois de probabilités assez simples, les banquiers qui prennent des risques sur les marchés prétendent que grâce à ces lois ils anticipent correctement les possibilités de dérapages. Or, il y a plus de quarante ans maintenant que le mathématicien français Benoît Mandelbrot a montré que les marchés financiers suivent des lois de probabilité complexes et, surtout, que les paniques financières sont bien plus fréquentes et d’amplitude bien plus importante que ce que prétendent les financiers et la théorie économique dominante qui leur sert de caution intellectuelle. Ce qui rend le besoin d’une régulation de la finance d’autant plus important. De ce point de vue, la crise a ouvert une véritable opportunité politique à tous ceux qui souhaitent encadrer le pouvoir des marchés financiers. Trois choses ont fondamentalement changé. D’abord, en confiant aux banques centrales un nouvel objectif de stabilité financière, le G20 a modifié radicalement la donne idéologique: il reconnaît que les marchés ne peuvent pas s’autoréguler et que la stabilité financière doit être un objectif politique. Ensuite, les régulateurs s’attaquent enfin à l’opacité des marchés les plus risqués: en rendant obligatoire l’enregistrement des transactions les plus opaques, en forçant les financiers à standardiser le plus possible leurs contrats et à passer par des intermédiaires qui leur font payer le coût de leurs prises de risque. Enfin, un embryon de régulation mondiale de la finance se met en place avec la création d’un Forum de stabilité financière, relayé par de nouvelles institutions ad hoc issues de la crise (le Conseil européen du risque systémique, sur notre continent). Cela ne signifie pas que des règles mondiales sont en train d’être mises en oeuvre. Le multilatéralisme n’avance que lorsqu’une décision prise au sommet trouve sa traduction nationale avant d’être ensuite réinterprétée par les acteurs privés auxquels elle s’applique. Certains pays essaieront de minimiser les contraintes? Les financiers privés vont s’attacher, et s’attachent déjà, à raboter les nouvelles règles et à trouver les moyens de les contourner? Qui pouvait être assez naïf pour imaginer le contraire et croire que la finance allait se laisser dépouiller de ses pratiques juteuses sans rien dire ? A tous les pessimistes, les éternels insatisfaits, les contestataires professionnels et la foule des commentateurs qui tirent gloriole à dénoncer les « G vains », il faut rappeler que la finance ne se change pas d’un claquement de doigts. Après la panique bancaire américaine de 1907, il a fallu six ans pour que le pays se décide à créer une banque centrale au pouvoir limité. Après la crise de 1929, il a fallu quatre ans pour réguler les banques et plus de quinze ans, après une guerre, pour que les pays coopèrent en la matière. La régulation financière est un combat. Il est difficile, permanent et loin d’être gagné. Mais il doit être mené. Quelques repères Vous pouvez consulter sur le site d’Alternatives Economiques plusieurs articles en accès libre : L’Europe, premier marché financier mondialLes riches au coeur du systèmeDes marchés au service des Etats-UnisLe poids de la financeLe rôle mineur de la BourseUn marché des changes spéculatifQui sont les acteurs des marchés ?Des banques en expansion9500 fonds spéculatifs.

Sommaire

Etat des lieuxDe l’an mil à la première globalisation financière par Jacques Adda. Esquissée au Moyen Age, l’activité financière se développe en s’appuyant sur la formation des Etats-nations. Mais elle prend une nouvelle dimension avec la révolution industrielle avant de devenir mondiale. Les Etats-Unis, son port d’attache, la mèneront jusqu’au krach de 1929. – Des marchés en expansion par Claude Demma. Les marchés financiers ont connu un développement impressionnant depuis cinquante ans et une forte internationalisation, sous l’effet de nouveaux acteurs et de produits toujours plus sophistiqués. Jusqu’à la crise. – Une dangereuse sous-estimation de l’incertitude par Philippe Herlin (chercheur en finance, chargé de cours au Conservatoire national des arts et métiers). Pour l’école de Chicago, fondatrice de la théorie moderne de la finance, les marchés sont efficients et prévisibles. Une approche contestée par Benoît Mandelbrot et Nassim Nicholas Taleb. – Les marchés financiers et leurs acteurs par Hector Lopin. Avec la mondialisation, les marchés financiers se sont multipliés et complexifiés. Tour d’horizon des principaux acteurs. – Pourquoi tant de crises ? par André Orléan (directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), membre du laboratoire Paris-Jourdan sciences économiques). Sur les marchés financiers, la hausse des prix entraîne une hausse de la demande. Des bulles se forment, qui engendrent alors immanquablement des crises. – Comment sauver la finance de ses crises par André Cartapanis (professeur à Sciences-Po Aix). Les sauvetages massifs et coûteux des banques en 2008-2009 continuent de faire polémique. Si ces opérations étaient nécessaires, toutes les leçons n’ont pas été tirées, ou pas assez vite. ComprendreComment les marchés financent les entreprises. Les marchés sont devenus la première source de financement des plus grandes entreprises. Mais pour les plus petites, le recours aux banques reste de mise. – Quand les Etats s’endettent. L’endettement des Etats est ancien et a porté le développement des marchés financiers. Leur part croissante dans ce financement n’est pourtant pas sans risques, comme les crises grecque et irlandaise l’ont montré en Europe. – La spéculation sert-elle à quelque chose ? Par leur « gestion active », les spéculateurs contribuent plutôt à limiter la volatilité excessive des marchés. Mais leur action implique aussi de prendre des paris risqués, qui peuvent avoir des effets déstabilisateurs sur la finance mondiale. – Pourquoi les traders sont-ils autant payés ? Les bonus expliquent pour une large part les rémunérations extravagantes des traders. Rançon de leur fidélité à leur banque, ce jackpot est aussi la conséquence de l’opacité des tarifs appliqués aux clients. – Les produits dérivés au coeur de la crise. Présents dans tous les mauvais coups de la finance, les produits dérivés n’ont pourtant jamais été régulés. La crise des subprime a enfin ouvert le débat à propos de leur encadrement, mais la résistance des financiers privés est forte. – Les marchés et les taux à long terme. par Jézabel Couppey-Soubeyran (maître de conférences à Paris I et conseillère scientifique au Conseil d’analyse économique). Les taux à long terme sont un moteur essentiel de l’économie. Leur niveau dépend de la crédibilité des banques centrales pour contrôler l’inflation et, désormais, de celle des Etats pour rembourser leurs dettes. – La nouvelle responsabilité des banques centrales. Outre la maîtrise de l’inflation, les banques centrales doivent désormais assurer la stabilité du système financier. Un objectif éminemment politique qui remet en débat leur statut d’indépendance. – Les marchés au service du développement ? Les pays du Sud, qu’ils soient pauvres ou émergents, se méfient des marchés comme de la peste depuis les crises de la dette. Ils préfèrent miser sur leurs ressources internes. Avec succès. – Finance et délinquance par Jean de Maillard (magistrat). Difficile à définir, la délinquance financière n’est pas affaire d’inclinations individuelles immorales. Des économistes ont montré qu’elle avait des causes objectives liées au cycle de l’économie et de la finance. – Les marchés financiers font-ils de la politique ? par Benjamin J. Cohen (professeur d’économie politique internationale à l’université de Santa Barbara, Californie). Les marchés financiers ne sont pas de simples intermédiaires. Par la pression qu’ils exercent sur les Etats, ils orientent les politiques économiques. Un danger pour la démocratie. ControverseDes marchés régulés sont utiles par Anton Brender (professeur associé à l’université Paris-Dauphine, directeur des études économiques de Dexia Asset Management). En rendant négociables les risques liés à l’accumulation de capitaux, les marchés financiers peuvent faciliter la croissance. Mais pour être véritablement utiles, ils doivent être régulés. – Il faut supprimer les marchés inutiles par Dominique Plihon (professeur à l’université Paris-Nord). Supposés couvrir les risques, certains marchés sont aussi facteurs d’instabilité. Seuls un étroit contrôle et la suppression des marchés non organisés pourraient lever cette ambivalence. – Réguler une finance devenue prédatrice par Pierre-Alain Muet (économiste et député PS de Lyon). La spéculation menée par des marchés non régulés ne peut conduire qu’à la catastrophe. Pour l’éviter, il faut taxer les profits bancaires et les transactions financières. – « Le politique doit reprendre le dessus » par Jean-Paul Gauzès (député européen UMP). Bien que nécessaires, les marchés financiers sont aussi des éléments perturbateurs du bien-être économique et social. Pour limiter leurs dérives, le politique doit s’imposer. EnjeuxContrôle de la finance: que fait l’Europe ? par Pascal Canfin (député européen Europe Ecologie). L’Union européenne se dote de nouveaux outils pour réguler les marchés financiers. Dogme libéral, esprit souverainiste et poids des lobbies en limitent cependant la portée. – La régulation des marchés de capitaux par Michel Aglietta (professeur à l’université Paris Ouest, conseiller du Cepii et de Groupama Asset Management). Les avancées dans la régulation des marchés vont réduire l’opacité de cette nébuleuse. Mais, même si la réforme américaine paraît plus complète et plus cohérente que celle de l’Europe, beaucoup reste à faire. – D’où pourrait venir une autre crise grave ? par Patrick Artus (responsable du service de la recherche de Natixis). La croissance de l’économie mondiale est loin d’être assurée. Quatre sources possibles de nouvelle crise importante sont aujourd’hui identifiées, dont deux d’origine financière. – Il faut une régulation intrusive et proactive. Entretien avec Jean-Paul Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France. La crise des subprime a mis en évidence les insuffisances de la régulation publique. Jean-Pierre Redouin en tire les leçons et dresse les contours d’une bonne politique d’encadrement des risques de la finance. – Les problèmes viennent du fonctionnement du système, pas des individus. Entretien avec Maurice Godelier, directeur d’études à l’EHESS. La crise économique et financière est venue rappeler que le capitalisme est un système et qu’il fonctionne toujours comme tel. Les explications de l’anthropologue Maurice Godelier.

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