Alors que le 5ème anniversaire de l’Accord de Paris arrive à grands pas et que les émissions de gaz à effet de serre de la France ne sont pas alignées sur une trajectoire de limitation du réchauffement à 1,5°C, le projet de loi Climat permettrait de rectifier en partie le tir. Tout en rappelant que l’ensemble des propositions de la Convention doivent être reprises sans filtre, le Réseau Action Climat expose ici les 15 mesures les plus structurantes de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui, si elles n’étaient pas reprises, décrédibiliseraient complètement l’objectif de cette loi spécifique. Le Réseau Action Climat attend un projet de loi Climat à la hauteur de l’urgence climatique, permettant de créer de nombreux emplois, mais aussi de réduire la précarité énergétique et alimentaire.
CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT : LES 15 MESURES PHARESLe projet de loi « sans filtre » du Réseau Action Climat
Il s’agit de 15 mesures, réparties dans les 5 titres du projet de loi et qui correspondent aux groupes de travail de la Convention :- “Consommer” : Pour agir sur la consommation des Français et avoir un impact sur l’empreinte carbone, il s’agit d’interdire la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre et de mettre en place un système de consigne pour réemploi des emballages.
- « Se déplacer » : Limiter les émissions des transports en France – et la pollution de l’air – nécessite d’actionner plusieurs leviers : interdire la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs, mettre en place un prêt garanti par l’Etat pour l’achat de véhicules peu polluants, supprimer les avantages fiscaux sur le gazole pour les poids lourds, réduire durablement le trafic aérien et développer un plan d’investissement massif pour le transport ferroviaire.
- “Se loger” : Pour réduire l’impact climatique du secteur du bâtiment et réduire la précarité énergétique, il s’agit de mettre en place progressivement une obligation de rénovation énergétique globale des logements et de limiter l’artificialisation des sols, en particulier le suréquipement commercial.
- “Se nourrir” : Réduire les émissions de l’agriculture et de l’alimentation implique de passer à un choix végétarien quotidien dans la restauration collective publique, de concevoir une nouvelle solidarité nationale alimentaire, de taxer les engrais chimiques et d’orienter les financements vers les élevages durables.
- “Travailler et produire” : La transition écologique demande aussi d’accompagner les transformations des entreprises et les reconversions professionnelles. Il sera nécessaire d’accompagner la reconversion des entreprises, la transformation des métiers et d’obliger les grandes entreprises à renforcer la transparence concernant leur empreinte carbone et à réduire significativement leurs émissions chaque année.
Propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat : du “sans filtre” aux cent filtres ? Décryptage du Réseau Action Climat.
150 citoyens ont travaillé 9 mois pour élaborer des propositions pour combler l’écart entre la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre de la France et son objectif de -40 % des émissions en 2030. Nous avons encore tous en tête l’annonce du Président de la République en janvier de soumettre ces propositions « sans filtre » soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe. Ensuite, en juillet, il en a déjà formellement écarté trois, qu’il a définies comme des « jokers ». Aujourd’hui on constate que l’annonce s’écroule comme un château de cartes. Certes officiellement aucun autre nouveau joker n’a été dégainé jusqu’ici, mais il y a bien d’autres manières pour amoindrir, retarder ou affaiblir l’ambition des propositions. Sans être exhaustif, le Réseau Action Climat a identifié une treintaine des 51 mesures qui sont pour le moment loin d’être à la hauteur de la demande des citoyens et figurent néanmoins dans la liste des mesures partiellement ou complètement mises en oeuvre sur le site de suivi du Gouvernement :- « Le diable est dans les détails » : Afin de moderniser et de développer l’usage du train, les citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat demandent un plan d’investissement massif dans le transport ferroviaire de 1,1 milliard d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2027. Les mesures adoptées par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance ne répondent que très partiellement à cette attente. En effet, sur les 4,75 milliards d’euros annoncés, seuls 650 millions constituent de nouveaux crédits d’investissement. Les 4,1 milliards d’euros restants iront à SNCF Réseau non pas pour accélérer la modernisation du réseau, mais pour préserver les capacités d’investissement du contrat de performance et permettre de maintenir les travaux de régénération déjà programmés pour les deux prochaines années. Ce qui a été présenté comme un “plan de relance du ferroviaire” doit donc être présenté à plus juste titre comme un plan de soutien à SNCF Réseau, certes indispensable, mais insuffisant au regard des besoins d’investissements dans le train. Enfin, il faut souligner que les 650 millions d’euros de nouveaux crédits d’investissement couvrent uniquement les deux prochaines années, soit 325 millions d’euros par an pendant deux ans, bien loin des 1,1 milliard par an jusqu’en 2027 demandés par les citoyens …
- « Le grand bluff » : Via un amendement du Gouvernement, un « malus poids » a été voté dans la cadre des débats sur le Projet de loi de finances. Sauf qu’il ne s’applique qu’aux voitures de plus de 1800 kg… alors que la Convention citoyenne a proposé un seuil de 1400 kg. Ce malus ciblera ainsi moins de 3 % des voitures et ne permettra pas de freiner les ventes de SUV qui pèsent, en moyenne, 1350 kg.
- « Poker face » : Les citoyens demandent de « Sortir progressivement des avantages fiscaux sur le gazole, en échange de compensations fortes pour les transporteurs ». Sauf que les carottes sont renforcées sans même évoquer le bâton… Dans le Projet de loi de finances pour 2021, aucun amendement n’a repris la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat de sortir progressivement des avantages fiscaux pour les transporteurs routiers, qui se chiffrent chaque année à 1,4 milliard d’euros. Par contre, il y a deux mesures pour accorder des financements au secteur pour soutenir l’achat de poids lourds électriques et à hydrogène, à travers la mise en place de primes à l’acquisition ou à la conversion et la prolongation d’un dispositif de suramortissement.
- « Effet d’annonce » : Le plan de relance prévoit une ligne de financement pour adapter la restauration collective aux changements de la loi Egalim : seulement il s’agit de 50 millions d’euros sur 2 ans pour les cantines maternelles et élémentaires de 1500 communes… Très insuffisant par rapport aux besoins identifiés de 330 millions par an pour toute la restauration collective (crèches, maternelles, primaires, collèges, lycées, universités, hôpitaux, EHPAD), et ce, pendant 3 ans. Lors de l’examen du Projet de loi de finances 2021, les amendements visant à intégrer cette demande ont tous été rejetés.
- « Retour vers le futur » : La réduction de la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 % est une des mesures de la Convention Citoyenne débattues lors du projet de loi de finances 2021. Plusieurs députés ont déposé des amendements dans ce sens qui ont été rejetés. La proposition a été adoptée mais pour le moment seulement au Sénat en première lecture et avec un avis défavorable du gouvernement. Bizarrement la proposition s’affiche dans la catégorie “déjà mises en œuvre” sur le site de suivi du Gouvernement.
Commentaires
Les commentaires du Réseau Action Climat concernant une trentaine parmi les 51 mesures que le Gouvernement considère comme partiellement ou complètement mises en œuvre. – Les 51 mesures Le décryptage analyse-rac-ccc.pdfA propos du Réseau Action Climat
Le Réseau Action Climat fédère les associations impliquées dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour une transition écologique, solidaire et équitable. L’association Le Réseau Action Climat, fédération d’associations nationales et locales, lutte contre les causes des changements climatiques, de l’échelle internationale à l’échelle locale. Le Réseau Action Climat est le représentant français d’un réseau mondial et européen d’ONG, qui regroupe près de 1300 membres à travers la planète. Avec pour objectif de parler d’une seule voix pour peser davantage sur les décideurs, le Réseau Action Climat couvre de par son travail l’ensemble des secteurs responsables du dérèglement climatique : les transports, la production d’énergie, l’agriculture et l’alimentation, l’habitat, etc. Il travaille principalement à l’élaboration de mesures alternatives et ambitieuses pour lutter contre les changements climatiques et ses impacts et veille à ce que ses propositions ne portent pas atteinte à l’environnement, à la sécurité et aux droits humains. Il reste au contraire convaincu que la lutte contre les changements climatiques est une formidable option de sortie de crise et est porteuse de cobénéfices en termes de création d’emplois, de préservation de la santé et de plus de justice sociale et de solidarité. Et c’est dans ce sens qu’il porte auprès des pouvoirs publics des mesures à la fois bonnes pour le climat mais également sources de multiples cobénéfices pour la société dans son ensemble.
Convention citoyenne pour le climat : entre bidouillage et cynisme pour les Amis de la Terre
Après avoir refusé de transmettre sans-filtre les propositions d’ordre budgétaire de la Convention citoyenne pour le climat lors de la loi de finances discutée au Parlement à l’automne, le gouvernement continue de garder la main sur le projet de loi en distillant au compte-gouttes les informations depuis le début de la semaine. Aucun document préparatoire, quelques notes transmises pendant les réunions avec les 150 personnes tirées au sort et les parlementaires conviés : la démocratie participative a du plomb dans l’aile.
« Si à la fin de vos travaux vous donnez des textes de loi, des choses précises, là je m’engage à ce qu’ils soient donnés ou au Parlement ou au peuple français tels que vous les proposerez », avait annoncé Emmanuel Macron. Face à cette promesse, les 150 personnes tirées au sort de la Convention citoyenne s’étaient efforcées de proposer des traductions juridiques très précises, appuyées par un groupe d’experts juridiques. Sur l’enjeu de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture, la Convention citoyenne pour le climat avait identifié l’enjeu des engrais chimiques qui contribuent fortement à la crise climatique. Premier consommateur d’Europe de ces intrants (souvent à base de nitrates d’ammonium, substance qui a explosé dans le port de Beyrouth ou encore dans l’usine AZF à Toulouse), la France importe les 2/3 de sa consommation et dépend fortement des énergies fossiles nécessaires à leur fabrication. Le coût environnemental des engrais chimiques sur le climat mais aussi sur l’eau et l’air avec les pollutions aux nitrates et à l’ammoniac n’est pourtant aucunement inclus dans leur prix et largement supporté par la société.
La Convention citoyenne pour le climat a donc proposé d’instaurer le paiement d’une redevance sur ces engrais chimiques dont les recettes peuvent servir à financer les alternatives proposées dans les autres mesures des 150 citoyens, formant ainsi un ensemble cohérent et juste. Ce budget estimé à plus de 500 millions d’euros par an pourrait en effet permettre de financer le déploiement massif de l’agriculture biologique. C’était un engagement présidentiel : atteindre 15 % de la surface agricole française en bio d’ici 2022. Aujourd’hui, nous sommes encore loin du compte avec seulement 8,5 % de la surface en agriculture biologique.
« Depuis cet été, le ministère de l’agriculture s’est employé à saper cette mesure avant même que celle-ci n’arrive devant le Parlement, à coup de notes internes qui n’ont pas été partagées avec la Convention citoyenne. Résultat des courses, Julien Denormandie promet la mise en place éventuelle d’une taxe en…2024 ! Le quinquennat sera terminé, les objectifs climat de la France seront obsolètes : à quoi bon convoquer une convention citoyenne en 2020 si les mesures sont reportées à la Saint-Glinglin ? Le brio avec lequel Emmanuel Macron manie la communication ne résiste pas à l’épreuve des faits et confirme en réalité son mépris pour l’innovation démocratique dont il se voulait le garant », s’indigne Anne-Laure Sablé, chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre.
Convention citoyenne pour le Climat : France urbaine soumet ses propositions
Dans une contribution publiée le 17 décembre 2020, France urbaine référence les propositions de la Convention citoyenne pour le Climat (CCC) qui impactent les collectivités territoriales urbaines et leurs groupements.
Les propositions qui émanent de la Convention citoyenne pour le Climat (CCC) recouvrent des champs du quotidien et se rattachent à des politiques publiques mises en œuvre par les pouvoirs publics, dont un certain nombre constitue les domaines de compétence et de responsabilité des grandes villes, grandes intercommunalités et métropoles.
Directement concernés par les enjeux de solidarité et de transition, les territoires urbains sont mobilisés et mettent en œuvre un ensemble de mesures à la hauteur des ambitions environnementales et sociales. Elles impulsent un champ d’initiatives et d’innovation au profit du mieux-être et du mieux-vivre territorial, dans une logique d’égalité et de réciprocité des territoires pour laquelle France urbaine plaide avec « l’Alliance des territoires ».
France urbaine, qui a suivi de près la progression des travaux, a pris connaissance de ces propositions et salue la qualité du travail réalisé et la pertinence d’un certain nombre de propositions, qui devront cependant être traduites et précisées sur le plan législatif et réglementaire.
L’association retrouve dans les thématiques abordées des sujets qui lui sont chers : la transition écologique juste et solidaire, l’alimentation, les mobilités, l’énergie, le logement, les modes de consommation et de production ou encore le numérique. Beaucoup de propositions entrent en résonance avec les thèmes abordés par France urbaine dans sa contribution pour une relance écologique et sociale publiée le 15 mai dernier.
France urbaine regrette cependant que les aspects institutionnels et financiers, pourtant au cœur de la relance, n’aient été que trop peu abordés par la Convention Citoyenne pour le Climat. Ces propositions nécessitent en effet de refonder les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales en conférant à ces dernières l’autonomie notamment fiscale et la responsabilité qui ont fait leurs preuves pendant la crise sanitaire, ainsi que des ressources pérennes pour inscrire la transition écologique et sociale dans les territoires, au plus près des citoyens.
Alors qu’il est indispensable de mettre en place de nouveaux dispositifs de consultation citoyenne plaçant les Français au cœur de la préparation des politiques publiques et de la prise de décision politique, les élus des métropoles, agglomérations et grandes villes appellent à ce que les messages portés par les citoyens et les collectivités territoriales pour une réelle transition écologique au bénéfice de tous, soient entendus, afin de porter ensemble les fondements d’un nouveau projet de société.
L’association appelle toutefois à la plus grande vigilance dès lors que les propositions formulées par la Convention citoyenne relèvent des prérogatives des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le respect du principe de la libre administration des collectivités doit être préservé afin de garantir la meilleure adéquation entre la mise en place de nouvelles mesures et les besoins des territoires, et notamment des territoires urbains, dans une logique d’ « Alliance des territoires ».