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Pacte du Pouvoir de Vivre

Accélération écologique et justice sociale : 8 mesures prioritaires

66 propositions pour donner à chacun le pouvoir de vivre

mercredi 28 août 2019
Posté par Cyrille Souche

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En mars dernier, 19 organisations s’unissaient pour porter ensemble la convergence de l’écologie et du social à travers le Pacte du Pouvoir de Vivre. La semaine dernière, lors de son discours de politique générale, Edouard Philippe annonçait deux priorités : l’environnement et la justice sociale. Craignant que la volonté affichée d’engager la transition écologique, d’éradiquer la grande pauvreté, d’endiguer la disparition de la biodiversité et de réduire les inégalités ait très peu de chances de voir le jour si le gouvernement n’actionne pas les leviers nécessaires, les organisations du Pacte du Pouvoir de Vivre, qui sont désormais 43, proposent 8 mesures à mettre en oeuvre au plus vite.



Répondre à l’urgence écologique et sociale sans normes, sans fiscalité écologique, sans investissements massifs… Mission impossible !

Le discours de politique générale du 12 juin qui devait présenter l’acte II du quinquennat, ressemble finalement à s’y méprendre à l’acte I. Depuis deux ans, les paroles sont souvent prometteuses ; mais les actions structurantes et ambitieuses continuent de se faire attendre, et les contradictions se multiplient. En effet, si on ne peut que partager les deux premières priorités citées par le Premier ministre dans son discours : l’environnement et la justice sociale, il reste à voir les actes.

Nos organisations jugeront bien évidemment sur pièces l’action du gouvernement. Mais nous craignons, au vu des derniers mois et des annonces faites, que sa volonté d’engager la transition écologique, d’éradiquer la grande pauvreté, d’endiguer la disparition de la biodiversité et de réduire les inégalités ait très peu de chance de voir le jour si le gouvernement n’actionne pas les leviers nécessaires. En effet, il sera impossible pour le gouvernement d’engager la transformation de notre société sans activer les trois leviers principaux des politiques publiques que sont :

  1. L’investissement
  2. La fiscalité
  3. La norme

Et aucun de ces leviers n’a aujourd’hui la faveur du gouvernement. D’abord le respect de la règle des 3% reste une priorité absolue pour Édouard Philippe. Ceci rend impossible la mise en place d’un grand plan d’investissement pourtant si nécessaire : 55 à 85 milliards d’euros sont par exemple nécessaires pour engager la transition écologique. De même le Premier ministre s’est clairement exprimé plusieurs fois contre l’augmentation de la fiscalité alors que c’est un moyen incitatif fort pour encourager les bonnes pratiques et comportements et décourager celles qui doivent disparaître. Adossée à un revenu climat, une fiscalité écologique peut par ailleurs inciter les ménages à s’engager dans la transition sans les mettre en difficulté. Enfin, à de nombreuses reprises le Premier ministre s’est prononcé contre toute sur-transposition des directives européennes, refusant donc d’interdire ou d’obliger par la loi ou par décret. Ainsi de quelles marges de manœuvres collectives dispose-t-on ? Où sont les espaces pour passer des mots aux actes ? Quelle ambition donner alors à la transition écologique et la justice sociale qu’Édouard Philippe a appelée de ses vœux le 12 juin ?

NORME, INVESTISSEMENT, FISCALITÉ : POURQUOI S’AGIT-IL DES 3 LEVIERS INDISPENSABLES À ACTIVER ?

 1 La norme : un outil qui a fait ses preuves

Néonicotinoïdes VS Glyphosate

Le parallèle est intéressant puisque dans les deux cas, le gouvernement s’est engagé à sortir de ces produits, alors même que les représentants majoritaires du monde agricole y étaient globalement opposés. En 2016, les députés ont voté l’interdiction des pesticides de synthèse de la famille des néonicotinoïdes – si néfastes pour la biodiversité et pour les pollinisateurs en particulier - au 1er janvier 2018, en laissant la porte ouverte à des dérogations jusqu’en 2020. Il était prévu un accompagnement pour les agriculteurs ainsi qu’un budget dédié pour développer les alternatives.
Trois ans plus tard, le pari est gagné car les dérogations ne représentent plus que 0,4 %. Pour le glyphosate, le gouvernement actuel a refusé de mettre l’interdiction dans la loi, préférant le volontarisme du secteur et la mise en place d’un plan de sortie du glyphosate. Les données sont toujours indisponibles concernant l’évolution de l’usage du glyphosate entre 2017 et 2018. Mais si une légère baisse s’observe entre 2014 et 2017, on vend tou- jours plus de glyphosate en France en 2017 (8 673 tonnes) qu’en 2011 (7 312 tonnes). On voit que la tendance n’est pas favorable à la diminution et encore moins à une disparition d’un pesticide aussi utilisé que le glyphosate en France.

Taille des appartement
VS passoires énergétiques

Face à l’objectif d’interdiction progressive de mise en location des passoires thermiques qui s’impose plus que jamais aujourd’hui, les différents gouver- nements, sensibles aux arguments des bailleurs privés, évoquent le risque de décourager les pro- priétaires et de faire sortir du marché locatif de nombreux logements énergivores. Des alertes si- milaires avaient été lancées en 2002, quand le dé- cret « décence » avait énoncé des règles minimales pour mettre un logement en location (en particulier la norme minimale de 9 m2). Or, non seulement la « catastrophe annoncée » de voir sortir massivement des logements du parc locatif privé n’a pas eu lieu, mais le décret décence a constitué et constitue encore aujourd’hui un gage de qualité minimal dé- terminant et un moyen de lutter contre les mau- vaises pratiques, par exemple contre les marchands de sommeil qui louent parfois très chers des loge- ments de 3 ou 5 m2.

 2 Sans investissement, il n’y aura pas d’accélération

TGV VS Petites lignes et Intercités

En matière d’investissement dans le secteur des transports, la priorité a été donnée à la route, et pour le ferroviaire au TGV au détriment de l’entre- tien et de la modernisation des petites lignes comme des Intercités, de jour et de nuit. Pour le TGV, entre 1990 et 2015, 38 % des investissements ré- alisés dans les infrastructures ferroviaires ont été dépensés pour les lignes à grande vitesse (LGV) soit 30 milliards d’euros, sur un total de 78 milliards investis en 25 ans (rails, caténaires, équipements de signalisation, ouvrages d’art...), alors que les lignes TGV ne représentent que 9,5 % des trajets en trains. Il y a donc eu des choix d’investissement pour avoir un service de qualité qui fonctionne aujourd’hui plutôt bien. À l’inverse, l’absence d’investissement dans les trains classiques est à l’origine de dysfonctionnements majeurs et de la fermeture d’un nombre toujours croissant de lignes. Le cas des trains de nuit est symptomatique du désengagement de l’État et des dysfonctionnements induits : les dernières commandes de trains de nuit datent de 40 ans... Le nombre de trains a été réduit drastiquement : 2 lignes en 2019 contre 6 en 2016. Alors même que ce mode de transport longue dis- tance constitue une réelle alternative au trafic aérien sur les lignes françaises transverses et au niveau intra-européen.

Restauration collective : lutte contre le gaspillage alimentaire VS développement du bio

À ce jour, les produits issus de l’agriculture biologique représentent moins de 3 % des produits consommés en restauration collective publique (hôpitaux, universités, prisons, administrations...), bien loin de l’objectif de 20 % fixé par le Grenelle de l’Environnement en 2008. Dans la loi EGalim, ce même objectif a été réitéré, toujours sans qu’aucun moyen dédié n’ait été mis en place pour que la restauration collective puisse l’atteindre.
En revanche, les investissements permettent de diminuer durablement le gaspillage alimentaire et d’engendrer des économies. Une expérimentation de l’Ademe sur 18 mois (2016-2018) portant sur 1 000 écoles et collèges dans 40 collectivités territoriales a prouvé que l’investissement permettait de réduire le gaspillage alimentaire. 52 % des établissements observés ont réussi à réduire de 20 % le gaspillage alimentaire sur l’ensemble des étapes du service. À l’occasion de cette expérimentation, une aide forfaitaire a été allouée pour les restaurants scolaires engagés dans la démarche (entre 750 eu- ros et 1 500 euros) afin d’investir sur la sensibilisation, formation, sous-traitance et les dépenses d’équipement.
Le bilan de l’Ademe indique que « dans le cadre de cette opération, il a été démontré que pour 1 euro investi dans des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire, 2 euros sont économisés et qu’en moyenne, les établissements engagés dans l’opération ont économisé suite à ces actions 2 000 euros par an  ». L’Ademe précise aussi que « les résultats montrent qu’il est possible de réduire significativement le gaspillage alimentaire en restauration collective et que dans le cadre d’opérations coordonnées, les économies à la clé sont réelles et offrent des marges de manœuvre pour faire évoluer la qualité (provenance, mode de production, etc.) des matières premières et aller vers une alimentation durable. »

 3 La fiscalité, un mécanisme puissant pour inverser la tendance

Le cinéma en bénéficie depuis 1946 et ça marche

La fiscalité peut être un outil pour protéger une industrie ou à l’inverse faire changer les pratiques des citoyens. Ainsi, dans l’industrie cinématographique, il existe un certain nombre d’avantages fiscaux comme par exemple une TVA à taux réduit (5,5 %) sur le billet de cinéma. Cette baisse de TVA a permis la mise en place d’une taxe spéciale additionnelle de 10,4 % afin d’alimenter un fonds de soutien géré par le CNC. Les sommes récoltées sont redistribuées sous forme d’aides à l’investissement de la filière, automatiques ou sélectives. Ce mécanisme, mis en place en 1946, a redynamisé le secteur : rénovation des salles, relance de la production... Sans ce système, il ne fait aucun doute que de nombreuses salles auraient périclité dans les années 80. Grâce à ces investissements, le marché est passé de 110 millions d’entrées au début des années 80, à 200 millions à la fin des année 90. Par ailleurs, ces investissements ont été un levier fondamental pour préserver la diversité des producteurs indépendants puisque sans eux, le marché serait capté par les très grosses entreprises.
À travers cet exemple, on voit bien que la fiscalité est très efficace pour développer une industrie.

Les 8 mesures d’urgence que le premier ministre aurait dû annoncer

  • Mesure n°1 : En finir avec les logements indignes et les passoires énergétiques en interdisant à terme leur mise en location
  • Mesure n°2 : Évaluer l’impact de toute nouvelle loi et politique publique sur les 10 % les plus pauvres de la population et au regard des Objectifs de Développement Durable
  • Mesure n°3 : Revaloriser les minima sociaux et les faire évoluer au même rythme que les revenus du travail
  • Mesure n°4 : Un projet de loi de finances 2020 écologique et social
  • Mesure n°5 : Un projet de loi de finances solidaire pour plus de justice
  • Mesure n°6 : Permettre aux migrants qui se trouvent en France d’y déposer leur demande d’asile
  • Mesure n°7 : Une ambition budgétaire pour le grand âge et l’autonomie dans le PLFSS 2020
  • Mesure n°8 : Systématiser la proposition d’accompagnement humain à l’exercice des droits et généraliser les Maisons de services au public (MSAP)

Pacte du Pouvoir de Vivre


LES ORGANISATIONS SIGNATAIRES

du pacte du pouvoir de vivre

Associations environnementales, d’éducation populaire, de lutte contre la pauvreté, de soutien à l’accueil des migrants ; syndicats, fondations et mutuelles : nous avons fait le constat que la société civile organisée peine à se faire entendre par le gouvernement depuis le début du quinquennat.

A l’origine, 19 organisations ont décidé de s’unir pour porter ensemble un pacte de la convergence de l’écologie et du social. Elles sont maintenant plus d’une quarantaine à avoir rejoint le Pacte. Pour la première fois, nous nous engageons à faire front commun en défendant collectivement 66 propositions qui permettent à chacun le pouvoir de vivre.

Ces propositions sont le fruit des débats et des travaux collectifs menés par toutes nos organisations au plus de près de nos sympathisants, adhérents, militants et des personnes à qui l’on apporte une aide. Elles représentent la voix de plusieurs millions de personnes.

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Aequitaz

AequitaZ est une association nationale créée en 2012 pour dépasser le sentiment d’impuissance généré par les peurs, les replis et les injustices en France et en Europe. L’association expérimente des actions politiques et poétiques qui développent le pouvoir d’agir de personnes qui vivent des situations d’inégalités. Elle essaime aussi ses projets et ses méthodes en accompagnant associations, collectivités locales ou entreprises responsables pour créer avec elles des solutions inédites face aux défis qu’elles rencontrent.

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