Hier soir, les débats en séance publique au Sénat sur le projet de loi Grenelle II ont pris fin. Tandis que France Nature Environnement (FNE) salue la qualité des débats et ses avancées au vu du droit actuel, Dominique Voynet considère que le bilan est bien maigre…
FNE : un texte de compromis mais en progrès
Aujourd’hui, dans un communiqué de presse, FNE exprime une certaine satisfaction : « Rappelons que le Grenelle a sorti les questions environnementales du ghetto des oppositions acerbes, dans lequel il a été cantonné depuis si longtemps. Le travail des Sénateurs sur le Projet de loi Grenelle 2 en témoigne : ce texte a amené les acteurs de la société et les politiques à avoir un débat constructif. Sur les 1067 amendements déposés au Sénat, 349 ont été adoptés dont 72 de l’opposition. FNE salue ce dialogue et ce travail qui ont permis des avancées, et rappelle que beaucoup d’amendements dangereux ont été repoussés ». Pour Sébastien Genest, Président de France Nature Environnement « une loi parfaite n’existe pas, mais l’intérêt supérieur qu’est l’urgence écologique, lui, existe ». Il poursuit « l’absence d’intérêt pour ce projet de loi Grenelle II nous inquiète. Ce projet de loi est le reflet d’un compromis qui date de deux ans déjà. Pour répondre aux besoins d’aujourd’hui et de demain, une plus large implication et une plus grande ambition de la part des parlementaires est impérative». Quelles sont les avancées du Grenelle II selon FNE : Urbanisme et bâtiment : – Des mesures ont été prises pour favoriser la généralisation des SCOT [[SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale]] sur tout le territoire en 2017 ; – Les SCOT prennent dorénavant en compte la remise en état des continuités écologiques ; – L’enquête publique des schémas régionaux d’aménagement sera soumise aux dispositions de la loi Bouchardeau, et sera donc plus démocratique ; – L’article 15 bis qui tendait à instituer une dérogation à la loi Littoral pour la mise aux normes des exploitations agricoles a été supprimé. Par les modifications proposées, cet article aurait eu pour conséquence d’autoriser les constructions ou les installations d’activités agricoles près des rivages de la mer et dans les espaces remarquables du littoral. Transports – La modulation des péages autoroutiers en fonction des normes d’émissions de CO2 pour les voitures, comme pour les camions, va dans le sens d’une meilleure prise en compte de la lutte contre les changements climatiques. Elle doit conduire à l’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de véhicules. – Le nouveau dispositif de péages urbains : FNE n’est pas opposée à ce type de dispositif, mais veillera à que cette mesure ne pénalise pas les plus démunis. – L’obligation d’information environnementale concerne dorénavant tous les prestataires de transports. Un pas de plus a été fait pour sensibiliser le monde des transports au coût environnemental de leur activité. Le prestataire doit informer le bénéficiaire de la quantité de dioxyde de carbone entraînée par le mode de transport proposé. Energie – Diffusion annuelle des données des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, des bilans des émissions de gaz à effet de serre et des plans climat-énergie territoriaux sous un format uniforme. – Possibilité donnée aux communes, et aux établissements publics de coopération intercommunale de faire réaliser – par les gestionnaires des réseaux – des actions tendant à maîtriser la consommation d’électricité ou de gaz. – Faculté donnée aux petites communes de réaliser aussi des plans climat énergie. Agriculture – Publicité de la condamnation pénale des personnes physiques pour la commercialisation et distribution de produits phytopharmaceutiques sans agrément. Cela renforcera l’effet dissuasif de la sanction. – Afin de garantir son sérieux, il a été précisé que seules les exploitations du niveau 3 (HVE : la plus exigeante) de la certification environnementale pourront faire valoir la mention « exploitation de haute valeur environnementale ». – La commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques sera désormais consultée en cas de dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien de pesticides. – Interdiction ou limitation au minimum de l’utilisation des pesticides dans les parcs, les jardins publics, les terrains de sport, les cours de récréation, les enceintes scolaires et les terrains de jeux, ainsi qu’à proximité d’infrastructures de santé publique. Biodiversité – Inclusion dans la définition de la TVB des milieux nécessaires aux continuités écologiques. La version précédente ne comprenait que les couloirs reliant ces milieux naturels. L’importance de cette modification est bien illustrée par l’exemple des batraciens : la continuité écologique consistera en un réseau de mares suffisamment dense, et non un lien entre deux mares au milieu de nulle part. – Prise en compte du maintien du bon état écologique des écosystèmes aquatiques comme objectif de la TVB. FNE regrette néanmoins que les écosystèmes humides n’aient pas été inclus. FNE se réjouit également de la prise en compte dans ces objectifs de la biologie des espèces sauvages, même si elle estime qu’une rédaction plus détaillée aurait été pertinente. – La remise en bon état des continuités écologiques est maintenant incluse dans le titre même des orientations nationales afin de le rendre cohérent avec le reste de la loi. Santé – Création d’un nouveau chapitre sur l’évaluation de la qualité de l’atmosphère. Les problématiques air climat et énergie sont si liées qu’il convient de les traiter de manière conjointe et cohérente, ce qui n’a pas toujours été le cas. – Création dans le code de l’environnement d’une nouvelle section qualité de l’air intérieur. Déchets – Les pharmacies sont maintenant tenues de collecter gratuitement les déchets d’activités de soins à risque infectieux. Seule l’obligation pour une collecte des médicaments existait à ce jour. – Les bouteilles de gaz à usage individuel sont soumises à une consigne minimum fixée par décret pour inciter les utilisateurs à retourner ces bouteilles pour que leur fin de vie soit correctement gérée. – Obligation d’un point de collecte des déchets d’emballage dans les supermarchés de plus de 500 m². Gouvernance – La composition des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux reprend celle du CESE national établie par la Constitution. Elle comprendra désormais un pôle environnemental. Cette déclinaison territoriale est une étape importante, afin de développer un dialogue environnemental novateur . – La responsabilité des sociétés mères au regard de leurs filiales est renforcée. FNE conclut : « Aux députés désormais de relever le défi et proposer d’autres solutions ambitieuses et innovantes. Ne perdons pas de vu l’entrain provoqué par le Grenelle qui est nécessaire pour changer les comportements, et changer de société. L’urgence écologique et l’intérêt général obligent les parlementaires à dépasser les clivages politiques ».Grenelle 2 : Tout ça pour ça ? par Dominique Voynet
Il y a deux ans (déjà !), le lancement du processus du Grenelle de l’Environnement suscitait un énorme espoir. Enfin, on allait prendre les questions d’écologie et de développement durable au sérieux. Enfin, on allait enrayer la dégradation de la planète, réorienter les politiques les plus néfastes, réexaminer nos habitudes et nos comportements… Quelques mois plus tard, la loi d’orientation – la loi « Grenelle 1 » – énonçait des intentions ambitieuses, des intentions dont on nous disait qu’elles trouveraient leur traduction concrète – des mesures et des moyens ! – dans une seconde loi. Au terme de plusieurs mois de travail, en commission et en séance, il faut aujourd’hui l’admettre : on est encore et toujours au stade des bonnes intentions… Le texte soumis aux sénateurs dans la soirée du 8 octobre constitue un catalogue hétérogène, marqué par les incessantes pressions des lobbies, qui auront sans vergogne et à chaque minute tenté de revenir sur les acquis de la 1ère loi, comme par la volonté de ménager chèvres et choux, et de prendre en compte les promesses contradictoires faites au fil du temps. Devant le renoncement du gouvernement à matérialiser dans la loi les espoirs qu’avait suscités la large consultation du Grenelle de l’environnement, j’ai donc voté, avec un réel sentiment de tristesse, contre ce texte. Si l’on considère les enjeux auxquels l’humanité se trouve confrontée, ce sont dix-huit mois de perdus. Le plan de communication du gouvernement, qui tente de repeindre de vert jusqu’aux autoroutes, ne fait plus illusion. Face au dérèglement climatique, les promesses, les proclamations et les moulinets de bras ne suffisent plus. Un bilan se juge sur des actes, et celui-là est bien maigre.