À l’occasion du Salon de l’Agriculture, Les Amis de la Terre France publient le rapport “La Terre aux paysans, l’agro-industrie hors champ” [[Les Amis de la Terre France, février 2023, “La Terre aux paysans, l’agro-industrie hors champ”]] dénonçant l’accaparement des terres agricoles en France, et appelant à plafonner le nombre d’hectares contrôlables par les multinationales et les agri-managers. Le gouvernement doit urgemment s’emparer de cette problématique sociale et environnementale dans son Projet de Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles (LOA) qui sera rédigé d’ici fin juin.
Depuis 1955 en France, 4 710 000 agriculteurs et 1 883 000 fermes ont disparu[[Bourgeois L. et al. Les cinquante ans qui ont changé l’agriculture française, Économie Rurale, 2000, 255-56, pp14-20, et Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, Recensement agricole 2020.]]. L’agriculture française perd continuellement ses fermes et ses agriculteurs, nous éloignant toujours plus de la possibilité d’une transition agroécologique qui ne peut se faire sans paysans nombreux. Ce phénomène est nourri par le développement massif de sociétés agricoles qui permettent à quelques multinationales ou “agri-managers” de contourner la réglementation pour créer des exploitations de plusieurs milliers d’hectares avec peu de travailleurs, le plus souvent précaires. En s’accaparant ainsi les terres agricoles, ils empêchent l’installation de nouveaux agriculteurs et font prospérer une agriculture toujours plus industrialisée.
Il est grand temps de mettre en lumière et de réguler cette tendance dangereuse pour l’emploi, les territoires et l’environnement. C’est pourquoi Les Amis de la Terre France publient aujourd’hui un rapport exposant au grand jour les nombreux contournements juridiques permettant l’accaparement des terres agricoles. Dans l’attente d’une politique de régulation effective, le gouvernement doit prendre une mesure d’urgence : le plafonnement à 300 hectares de la surface agricole qu’une même personne physique peut contrôler.
Lire aussi à ce sujet : couverture-rapport.png?1677581009 Rapport de Terre de Liens La propriété des terres agricoles – A qui profite la terre ? Et une enquête de Vincent Verzat sur l’accaparement des terres en France
D’après Sarah Champagne, chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre France, “Cette mesure répond à une grave hémorragie sociale. Le système actuel détruit l’emploi agricole, la santé publique, le climat et la biodiversité. Sans accès à la terre pour les paysans, nous ne parviendrons pas à créer suffisamment d’emplois agricoles, ni à réaliser la transition agroécologique qui est pourtant nécessaire à notre survie en bonne santé.”Le choix de plafonner cette surface à 300 hectares est une mesure de bon sens et de soutien aux agriculteurs. 300 hectares, c’est plus de 4 fois la taille moyenne des exploitations françaises, 2 fois plus que les grandes exploitations[[Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, Recensement agricole 2020.]]. Cela permet de cibler directement les multinationales et agri-managers qui possèdent plusieurs milliers d’hectares en agriculture industrielle, et ainsi permettre l’installation de petites structures paysannes créatrices d’emplois en agroécologie.
Sarah Champagne conclut : “Le partage des terres est une nécessité publique. Nous appelons le gouvernement à agir en conséquence, en incluant dans la LOA des mesures de lutte contre la concentration des terres, et notamment une mesure d’urgence, le plafonnement du nombre d’hectares contrôlables par une même personne.”La Terre aux paysans, l’agro-industrie hors champ
Résumé
4 710 000 actif·ves agricoles et 1 883 000 fermes ont disparu, en France, depuis 19551. L’agriculture française perd continuellement ses fermes et ses agriculteur·ices depuis les années 1960, nous éloignant toujours plus de la possibilité d’une transition agroécologique qui ne peut se faire sans paysannes et paysans nombreux. Depuis quelques années, ce phénomène est nourri par le développement massif de sociétés agricoles qui permettent à quelques multinationales ou « agri-managers » de contourner la réglementation pour créer des exploitations de plusieurs milliers d’hectares avec peu de travailleur·euses. En s’accaparant ainsi les terres agricoles, ils empêchent l’installation de nouveaux agriculteur·ices et font prospérer une agriculture toujours plus industrialisée. Au cours de la prochaine décennie, avec la vague massive de départs en retraite des agriculteur·ices actuel·les, environ la moitié des terres agricoles va changer de main. Si l’on ne fait rien, ce phénomène va donc s’emballer et l’on verra se développer à grande vitesse une agriculture sans agriculteur·ices, une agriculture de salarié·es – le plus souvent en contrat précaire -, et une agriculture bien loin des principes agroécologiques nécessaires pour relever le défi climatique.Au contraire, si l’on agit, la décennie à venir repré- sente une opportunité unique de recréer des emplois agricoles de qualité et de développer massivement l’agroécologie. Mais cela ne se fera pas sans le courage politique de prendre des mesures fortes. La loi Sempastous (2021) ambitionnait de s’attaquer au problème, mais elle a été vidée de sa substance. Dans ce rapport, les Amis de la Terre exposent le problème de l’accaparement des terres agricoles en France et proposent des solutions pour y remédier. L’accaparement des terres, c’est quoi ?La Roumanie, où des multinationales possèdent des exploitations de 65 000 hectares et où 40 % des terres sont détenues par des investisseurs, montre ce vers quoi l’agriculture française se dirige si rien n’est fait.
L’accaparement des terres est l’acquisition massive de terres agricoles par des investisseurs, de manière légale ou non, pour cultiver la terre selon des méthodes non-agroécologiques, ou à des fins de spéculation ou de contrôle des ressources.
« Le degré de concentration des terres agricoles en Europe s’approche de la situation de partage inéquitable des terres que connaissent par exemple le Brésil, la Colombie et les Philippines. (…) Une concentration excessive des terres agricoles divise la société, déstabilise le milieu rural et met en péril la sécurité alimentaire ce qui nuit aux objectifs écologiques et sociaux européens. » Rapport du Parlement européen sur l’état des lieux de la concentration agricole dans l’Union européenne, 2017.
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A propos de Les Amis de la Terre France
Les Amis de la Terre France sont une association de protection de l’humain et de l’environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, l’association a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial – Friends of the Earth International – présent dans 75 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents. En France, les Amis de la Terre forment un réseau de groupes locaux et affiliés autonomes, qui agissent sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale. Les Amis de la Terre France Mundo M, 47 avenue Pasteur 93100 Montreuil +33 1 48 51 32 22 france@amisdelaterre.org