Dés son élection, le Président de la République confiait à la Première ministre l’objectif de planifier la transition écologique. Qu’en est-il un an plus tard ? Le Secrétariat général à la planification écologique a abattu un travail titanesque pour mesurer physiquement et budgétairement l’effort que la France doit mener pour atteindre ses objectifs climatiques. Les 3 think tanks réunis, IDDRI, I4CE et l’Institut Jacques Delors, nous expliquent leurs attentes en matière de planification écologique à quelques jours du Conseil de planification écologique, qui devra poser les jalons du chemin de la transition devant nous, en attendant la présentation de la nouvelle loi de programmation énergie-climat à l’automne.
Dès son élection, le Président de la République confiait à la Première ministre l’objectif de planifier la transition écologique. Qu’en est-il un an plus tard ? Le 5 juillet, Emmanuel Macron présidera un Conseil de planification écologique, qui devra poser les jalons du chemin de la transition devant nous, en attendant la présentation de la nouvelle loi de programmation énergie-climat à l’automne. Le Secrétariat général à la planification écologique a abattu un travail titanesque pour mesurer physiquement et budgétairement l’effort que la France doit mener pour atteindre ses objectifs climatiques, en concertation avec les secteurs et ministères concernés. Après l’écriture de cette partition à plusieurs mains, quelles mesures structurantes le chef d’orchestre retiendra-t-il in fine ? Quelle mise en musique, notamment financière, pour les prochaines années ? Comment embarquer la population dans la danse ? Les 3 think tanks réunis, IDDRI, I4CE et l’Institut Jacques Delors, nous expliquent leurs attentes en matière de planification écologique à quelques jours du Conseil. Les intervenants :- – Andréas Rüdinger, coordinateur Transition énergétique France, à l’Institut du développement durable des relations internationales (IDDRI)
- – Morgane Nicol, directrice du programme Territoires de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE)
- – Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique énergétique au sein de l’Institut Jacques Delors
- Le rôle leader de la France dans le concert européen et la pause réglementaire
- L’attente d’annonces concrètes après un an de préparation par la Première ministre et le SGPE, comme sur l’adaptation au changement climatique
- Le chantier désormais incontournable du financement de la transition écologique
- Les débats à venir au Parlement et le besoin d’ouvrir le débat à la population
- La place structurante et insuffisamment pensée des enjeux énergétiques dans la transition
Andréas Rüdinger (IDDRI)
“Si la France avait respecté les objectifs du Grenelle de l’Environnement en matière de rénovation énergétique, elle ne serait plus dépendante du gaz russe depuis 2020”
“L’ambition proposée par la Première ministre et le SGPE est à la fois extrêmement ambitieuse et en parfaite cohérence avec les objectifs européens de neutralité carbone. Néanmoins, en termes de rythme, il faut aller 3 fois plus vite que dans la décennie précédente – dans tous les secteurs y compris dans le secteur agricole. L’effort le plus important a été demandé à des secteurs prioritaires comme le bâtiments et transport”
“Est ce qu’on va pouvoir aller 3 fois plus vite sans avoir 3 fois plus de moyens ?”
“En 2023, un sujet n’a pas du tout été abordé : comment flécher les crédits non alloués du bouclier tarifaire vers les investissements nécessaires pour la transition. C’est un enjeu au même titre que l’évaluation du bouclier tarifaire.”
“Sur les bâtiments, il faut tripler le rythme de décarbonation. Pour cela, il faut structurer le marché des rénovations performantes : une politique d’aide à la demande et de structuration de l’offre. Autre enjeu, c’est la décarbonation rapide des chauffage et donc réduire de 90% le fioul et de 50% le gaz d’ici 2030. Comment ne pas tomber dans le piège de remplacer les chaudières de gaz sans mesures d’isolation thermique pour éviter l’explosion des factures d’électricité. Il faut une planification des outils de rénovation thermique.”
“Il faut une électrification rapide, 10 à 15 TWh de consommation additionnelle par an. Soit plus que lorsqu’on a déployé le parc nucléaire entre les années 70 et les années 90. Sachant que les nouveaux réacteurs nucléaires n’arriveront pas avant 2035, la seule solution à moyen terme passe par un déploiement massif des énergies renouvelables électriques.”
“Si on veut aller aussi vite que ce qui est prévu par le SGPE en termes d’électrification, on n’a pas d’autre choix que d’accélérer massivement sur les ENR.”Approfondir avec l’IDDRI :
- Article sur le bouclier tarifaire : quelles suites ? et quelle évaluation ?
- Article sur la réforme du marché électrique européen
- Article sur les enjeux d’accélération des énergies renouvelables en France
- Article sur la gouvernance de la planification écologique : faire mieux avec moins
Conseil de planification écologique : les questions auxquelles il faudra répondre
Le 5 juillet aura lieu un Conseil de planification écologique, en présence du Président de la République et de la Première ministre. Ce Conseil conclura une année de travail de l’ombre pendant laquelle le gouvernement a dessiné des trajectoires de réduction d’émissions de gaz à effet de serre secteur par secteur. Si le Conseil doit apporter des éclaircissements sur les nouvelles mesures prévues à court terme pour que ces trajectoires deviennent réalité, il devra aussi répondre à une question qui est désormais tout en haut de l’agenda politique depuis le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz : comment le gouvernement entend-il financer cette transition ? Une question à laquelle l’exécutif travaille intensément, d’autant plus qu’il prépare le projet de loi de finances pour 2024. Il devra avoir une réponse d’ici la présentation de ce projet de loi au Parlement à la rentrée. La question du financement recouvre en fait plusieurs questions : quelle sera la hausse des dépenses de l’État pour le climat ? Une bataille de chiffres s’est engagée dans les coulisses pour évaluer les besoins de financements publics, notamment en ce qui concerne la part des subventions et des prêts publics dans l’action de l’État. Des prêts, sous des formes très variées, qui permettent de faire baisser la facture pour l’État, mais dont il faut assumer qu’ils reportent in fine le coût de la transition sur les autres acteurs : les collectivités, les ménages et les entreprises. Cette bataille de chiffres est donc très politique. Au-delà du financement de la transition, espérons également que le Conseil de planification mettra à son menu la question de l’adaptation aux impacts du changement climatique. C’est le parent pauvre du processus de planification écologique jusqu’à présent, et le Président a l’occasion de rectifier le tir alors que l’été débute, et, avec lui, son lot de crises climatiques potentielles. Le gouvernement a, pour l’instant, lancé une concertation sur les scénarios de réchauffement auxquels la France doit se préparer. Il est nécessaire d’aller plus loin en leur donnant une portée normative pour que, à terme, plus aucun investissement public ne soit fait sans avoir anticipé le climat futur. Et en dédiant suffisamment de moyens à l’adaptation des territoires français au changement climatique.
#FinancementTransition #PLF2024 : les questions à trancher
- Quelles dépenses publiques de l’Etat pour le climat ?
- Il y a désormais un consensus sur le besoin d’augmenter les dépenses publiques pour le climat. Cela n’empêche pas, c’est normal et sain, une bataille de chiffres sur le besoin exact. Le rapport Pisani-Ferry estime à environ 30 milliards les dépenses supplémentaires de l’Etat (et des collectivités) d’ici 2030, et d’autres chiffres circulent. I4CE discute avec tous les acteurs concernés pour éclairer les grands choix derrière ces chiffres et élabore plusieurs scénarios de financement public de la transition. En attendant ces scénarios et le Conseil de planification, nous vous invitons à relire notre décryptage du budget 2023 et de la promesse du Président pendant la campagne électorale : augmenter de 10 milliards d’euros par an les dépenses de l’Etat pour la transition.
- Quel partage de l’effort entre l’Etat et les collectivités ?
- Les collectivités vont devoir investir deux fois plus qu’aujourd’hui selon l’estimation faite par I4CE. Comment pourront-elles financer une telle hausse de leurs investissements et plus généralement de leurs dépenses climat ? Les différents leviers sont bien connus – dotations de l’Etat, endettement, redirection des dépenses – et le gouvernement et les collectivités vont devoir se mettre d’accord sur ceux qu’ils comptent mobiliser. Nous vous invitons à relire l’étude d’I4CE qui analyse ces leviers et les incertitudes qui pèsent sur chacun d’entre eux. I4CE publiera à l’automne différents scénarios de financement des dépenses climat des collectivités.
- Comment l’État financera la hausse de ses dépenses pour la transition ?
- Le rapport Pisani-Ferry propose d’utiliser toutes les options disponibles pour financer la hausse des dépenses publiques de l’Etat pour le climat, dont l’endettement et la hausse des prélèvements obligatoires. Le Gouvernement, quant à lui, semble privilégier à ce jour l’option des économies budgétaires, et en particulier la baisse des dépenses défavorables au climat, dont le coût annuel est estimé entre 7 et… 20 milliards d’euros par I4CE. Qu’en sera-t-il après le Conseil de planification écologique et dans le projet de loi de finances 2024 ? En attendant d’en savoir plus, nous vous invitons à relire notre revue des économies budgétaires possibles pour financer la transition. Sans surprise, toutes sont difficiles à mettre en œuvre. Et certaines peuvent même s’avérer contre-productives.
- Vers une programmation pluriannuelle des finances publiques pour le climat ?
- Pour anticiper les besoins de dépenses publiques pour le climat et donner de la visibilité aux collectivités et aux entreprises, I4CE plaide depuis plusieurs années pour que l’Etat se dote d’une programmation pluriannuelle de ses finances publiques pour le climat. Cette idée fait son chemin et est désormais reprise par des ministres et des élus de tous bords politiques. Une telle programmation verra-t-elle le jour dès 2023 ? En 2024 ? Pour en savoir plus sur ce sujet, nous vous invitons à relire notre analyse sur le pilotage budgétaire de la transition et à regarder le replay de notre évènement co-organisé avec l’ADEME à l’Assemblée nationale.
- Quels moyens additionnels pour l’adaptation ?
- La fréquence et l’intensité des impacts liés au réchauffement climatique augmentent déjà, et continueront d’augmenter dans les prochaines années. Les moyens consacrés par les pouvoirs publics, dont l’Etat, ne sont malheureusement pas pour le moment à la hauteur de l’enjeu. Des financements publics supplémentaires sont nécessaires, au-delà du Fonds vert, pour couvrir l’ensemble des « chantiers » de l’adaptation. Nous vous invitons à relire notre étude qui listait 18 mesures nouvelles et sans regret pour un coût de 2,3 milliards d’euros par an, ainsi que le replay de notre conférence co-organisée avec France Stratégie.
Morgane Nicol (I4CE)
“Cela fait 2 ans que nous appelons une programmation pluriannuelle des finances publiques pour la transition écologique. Cette idée a fait son chemin dans les ministères, notamment à Bercy.” “Cette planification pluriannuelle des finances publiques pour la transition climatique vise à anticiper les besoins de dépenses publiques pour le climat mais pas seulement. Elle permettrait de clarifier la répartition de l’effort entre les investissements public et privé, entre l’Etat et les collectivités. Elle donnerait aussi de la visibilité pour les collectivités et les entreprises de l’engagement de l’Etat. »Se donner les moyens de s’adapter aux conséquences du changement climatique en France : de combien parle-t-on ?
“Cette programmation verra-t-elle le jour dès 2023 ou faudra-t-il attendre 2024 ?” “Un point atteint un consensus : il faudra augmenter les dépenses publiques pour le climat. Le rapport Pisani-Ferry/Mahfouz parle de 30 milliards supplémentaires. Le candidat Macron en 2022 parlait de 10 milliards supplémentaires. Nous nous posons la question : quel chiffre va être retenu par le gouvernement et sera-t-il dans le PLF 2024 ?”
“4 points d’attention :
- Attention à ne pas mélanger les instruments : les crédits budgétaires et les subventions ce n’est pas pareil que de la dette, même de banques publiques
- Attention que les dépenses additionnelles soient de vraies nouvelles dépenses additionnelles et pas du re-packaging
- Les différentes annonces sectorielles, des derniers mois mais aussi qui auront lieu lors du conseil de planification écologique, devront atterrir dans la prochaine loi de finances
- Attention également à la répartition entre Etat et collectivités des dépenses publiques, et aux marges de manoeuvre des collectivités pour financer ce qui est attendu d’elles”
“Autre sujet clé qui devrait être replacé en haut de l’agenda politique lors du Conseil de planification écologique c’est l’adaptation. Parent pauvre du processus de planification écologique jusqu’à présent. L’annonce de la TRACC est une bonne nouvelle. Il faut maintenant rapidement lui conférer une portée normative pour asseoir une exigence que les acteurs publics et privés analysent la résilience de leurs investissements en climat futur.”
“Il y a une question de maturité du sujet : il faut le faire entrer dans le débat public. Penser atténuation et adaptation en même temps.” “Nous estimons à 2,3 milliards d’euros de dépenses additionnelles les besoins sur l’adaptation au changement climatique à budgéter sur 18 mesures dès ce projet de loi de finances” “Les collectivités doivent investir 2 fois plus dans le climat, soit plus de 6 milliards additionnels. Quel bouclage budgétaire : quelle part d’auto-financement, de transfert de l’Etat et d’endettement ?“Approfondir avec I4CE :
- Au moins 50 Mds €/an d’investissements publics à adapter – I4CE
- Se donner les moyens de s’adapter aux conséquences du changement climatique en France : de combien parle-t-on ? – I4CE
- Collectivités : les besoins d’investissements et d’ingénierie pour la neutralité carbone – I4CE
- Climat : où sont les économies budgétaires ? – I4CE
- Budget 2023 : où en est-on du plan de financement du Président ? – I4CE
- Édition 2022 du Panorama des financements climat – I4CE
- Investissements climat : la querelle des milliards – I4CE
- Climat : quels investissements pour le prochain quinquennat ? – I4CE
- 11 points de vigilance pour la future programmation des investissements pour le climat – I4CE
Phuc-Vinh Nguyen (Institut Jacques Delors)
“Le besoin de planification écologique française découle de deux choses, d’une part le retard inhérent dans le rythme de décarbonation (cf HCC) et d’autre part la hausse des ambitions négociées au niveau européen. La planification devra prendre en compte et intégrer ce niveau européen et c’est notamment au SGPE de mettre tout cela en musique afin de faire de la France un leader de la transition écologique”.
“Comment bien s’approprier les décisions européennes ? La planification écologique devra prendre en compte ce qui a été décidé au niveau européen et cela rapidement. Cela passera par la modification de certaines lois comme la loi climat et résilience ou encore la loi d’orientation des mobilités pour par exemple acter la fin de vente du véhicule thermique neuf dès 2035 (contre 2040 actuellement). Cela permettra également de se prémunir face au déclenchement de clauses de revoyures au niveau européen”. “Des arbitrages politiques doivent être actés, à l’instar du fait de revoir à la hausse les objectifs chiffrés annoncés lors de Belfort et ce eu égard la situation en Ukraine et les tensions électriques en France, on peut penser ici notamment à une hausse de l’ambition pour l’éolien terrestre dont l’objectif de 2030 avait été repoussé à 2050”
[Sur les EnR] “Cela implique d’avoir un suivi beaucoup plus fort. On peut s’interroger sur le besoin de mettre en place des seuils planchers de déploiement des EnR. On peut également s’interroger sur les suites données à la circulaire signée par la ministre de l’énergie sur le délai d’examen des projets EnR”.
“Le discours du Président sur le besoin d’une pause réglementaire environnementale européenne est ambigu et pose certaines questions.Par contre s’il s’agit de revenir sur l’ambition déployée au niveau européen, il faut faire très attention, il s’agit d’un enjeu de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens.”
- S’il s’agit de dire qu’on a adopté des objectifs ambitieux au niveau européen qu’il va falloir mettre en oeuvre coûte que coûte, d’accord.
- S’il s’agit de revenir à un rythme de réglementation européenne non plus d’urgence mais plus “normal”, entendu.
- S’il s’agit de dire qu’il faut mettre le paquet sur les investissements, très bien.
“Un des points de vigilance, c’est comment on va financer cette transition écologique grâce notamment au niveau européen. Une des solutions proposées est un emprunt commun à l’instar de ce qui a été fait au cours de la crise COVID. Pour convaincre nos partenaires, la France se doit d’être irréprochable, au travers d’une planification écologique ambitieuse”.Approfondir avec l’Institut Jacques Delors