Extrait du message du pape Benoît XVI pour la célébration de la journée mondiale de la Paix : 1er JANVIER 2008
Famille, communauté humaine et environnement
La famille a besoin d’une maison, d’un milieu à sa mesure où puissent se tisser des relations entre ses membres. S’agissant de la famille humaine, cette maison c’est la terre, le milieu que Dieu Créateur nous a donné pour que nous y habitions de manière créative et responsable. Nous devons avoir soin de l’environnement : il a été confié à l’homme pour qu’il le garde et le protège dans une liberté responsable, en ayant toujours en vue, comme critère d’appréciation, le bien de tous. L’être humain a évidemment une primauté de valeur sur toute la création. Respecter l’environnement ne veut pas dire que l’on considère la nature matérielle ou animale comme plus importante que l’homme. Cela veut plutôt dire que l’individu peut la considérer de manière égoïste comme étant à l’entière disposition de ses propres intérêts, car les générations à venir ont aussi le droit de tirer des bénéfices de la création, mettant en œuvre, ce faisant, la même liberté responsable que nous revendiquons pour nous- mêmes. Il ne faut pas non plus que les pauvres soient oubliés, eux qui, en bien des cas, sont exclus de la destination universelle des biens de la création. De nos jours, l’humanité s’inquiète pour l’avenir de l’équilibre écologique. À cet égard, il convient que les évaluations se fassent avec prudence, dans un dialogue entre experts et sages, sans précipitations idéologiques vers des conclusions hâtives et surtout en recherchant ensemble un modèle de développement durable qui garantisse le bien-être de tous dans le respect des équilibres écologiques. Si la protection de l’environnement a des coûts, il faut qu’ils soient répartis de manière juste, en tenant compte des différences de développement des divers pays et de la solidarité avec les générations futures. Agir avec prudence ne signifie pas ne pas prendre en main ses responsabilités et renvoyer à plus tard les décisions ; cela veut plutôt dire s’engager à prendre ensemble ces décisions, non sans avoir au préalable examiné, de manière responsable, la voie à emprunter, dans le but de renforcer l’alliance entre l’être humain et l’environnement, qui doit être le miroir de l’amour créateur de Dieu, de qui nous venons et vers qui nous allons.
Il est fondamental à cet égard de « penser » la terre comme « notre maison commune » et, pour qu’elle soit au service de tous, d’opter, quand il s’agit de la gérer, pour la voie du dialogue plutôt que pour celle des choix unilatéraux. Si cela est nécessaire, on peut accroître les lieux institutionnels au niveau international, pour mener à bien, de manière concertée, le gouvernement de cette « maison » qui est nôtre ; toutefois, il importe d’abord de faire mûrir dans les consciences la conviction qu’il nous faut collaborer ensemble de manière responsable. Les problèmes qui se profilent à l’horizon sont complexes et urgents. Pour affronter cette situation avec efficacité, il convient d’agir de manière concertée. Il est un domaine où il serait en particulier nécessaire d’intensifier le dialogue entre les nations, c’est celui de la gestion des ressources énergétiques de la planète. À cet égard, les pays technologiquement avancés sont confrontés à une double urgence : il faut, d’une part, qu’ils revoient leurs habitudes exagérées en matière de consommation, liées au modèle actuel de développement et que, d’autre part, ils pourvoient aux investissements adaptés en vue de la diversification des sources d’énergie et de l’amélioration de son utilisation. Les pays émergents ont de grands besoins énergétiques, mais il arrive que ces besoins soient satisfaits au détriment des pays pauvres qui, à cause de l’insuffisance de leurs infrastructures même sur le plan technologique, sont obligés de vendre à bas prix les ressources énergétiques dont ils disposent. Parfois, leur liberté politique elle-même est mise en cause par des formes de protectorat ou tout au moins de conditionnement qui apparaissent clairement humiliantes.
Famille, communauté humaine et économie
Une condition essentielle de la paix dans chaque famille réside dans le fait que cette dernière s’appuie sur le fondement solide de valeurs spirituelles et éthiques communes. Mais il faut aussi ajouter que la famille fait une authentique expérience de paix quand chacun de ses membres est assuré d’avoir le nécessaire et quand le patrimoine familial — fruit du travail de certains, de l’épargne d’autres et de l’active collaboration de tous — est bien géré, dans la solidarité, sans excès ni gaspillage. Pour qu’il y ait la paix dans la famille, il faut donc que, d’une part, il y ait une ouverture à un patrimoine transcendant de valeurs et que, d’autre part — et cela n’est pas moins important —, il y ait en même temps une bonne gestion tant des biens matériels que des relations entre les personnes. Négliger ces aspects a pour conséquence que la confiance réciproque est compromise en raison des incertitudes qui menacent l’avenir du noyau familial.
On peut appliquer ces réflexions à l’autre grande famille qu’est l’humanité dans son ensemble. Alors qu’elle connaît aujourd’hui une unité plus grande du fait de la mondialisation, la famille humaine a, elle aussi, besoin, en plus du fondement de valeurs communes, d’une économie qui puisse répondre vraiment aux exigences d’un bien commun de dimension planétaire. À cet égard, la référence à la famille naturelle se révèle aussi particulièrement significative. Il faut promouvoir des relations justes et sincères entre les individus et entre les peuples, afin que, sur un plan d’égalité et de justice, tous puissent être en mesure de collaborer. En même temps, il faut que l’on mette tout en œuvre pour assurer une sage utilisation des ressources et une distribution équitable des richesses. En particulier, les aides données aux pays pauvres doivent répondre à des critères d’une saine logique économique, en évitant les gaspillages qui, finalement, conduisent surtout au maintien d’appareils bureaucratiques coûteux. Il convient encore de ne pas perdre de vue l’exigence morale, faisant en sorte que l’organisation économique ne résulte pas seulement des lois rigoureuses du gain immédiat, qui peuvent s’avérer inhumaines.