Les Amis de la Terre, en partenariat avec le CRID et Peuples Solidaires, dévoilent aujourd’hui le vote public des internautes pour l’élection des Prix Pinocchio 2010. Douze entreprises françaises ont été nominées et concourent dans trois catégories : Environnement, Droits Humains et Greenwashing. Toutes se disent en faveur du « développement durable » alors que leurs impacts réels sont lourds et négatifs pour l’environnement ou les populations locales. Une cérémonie publique de remise des prix est organisée ce soir au Comptoir Général à Paris.
les Lauréats sont …
Lauréats des Prix Pinocchio du développement durable 2010Les Amis de la Terre ont décerné ce soir à Paris les Prix Pinocchio du développement durable 2010, sur la base des votes des internautes. Cette année, les lauréats sont le groupe Somdiaa dans la catégorie « droits humains », Eramet dans la catégorie « environnement », et le Crédit Agricole dans la catégorie « greenwashing ».Dans la catégorie « droits humains » c’est le groupe Somdiaa, dirigé par la famille Vilgrain, qui a reçu le prix avec 32 % des votes dans sa catégorie, pour les impacts de ses activités de production et de transformation de canne à sucre, dont l’extension se fait aux dépens des communautés rurales qui voient leur sécurité alimentaire menacée. « Les Prix Pinocchio permettent de mettre en exergue les méfaits de certaines multinationales sur les conditions de vie et de travail des populations dans nos pays. Ainsi les habitants de Ndo espèrent que ce prix fera réagir Alexandre Vilgrain, PDG de la Somdiaa, et qu’il usera de son influence pour mettre un terme aux violations de leurs droits par sa filière camerounaise, la Sosucam » explique Yves Zoa, secrétaire général du Coden[[Comité de développement de la région de Ndo. Peuples Solidaires peuvent vous mettre en relation avec notre partenaire camerounais, le Coden (Comité de développement de la région de Ndo)]], organisation partenaire de Peuples Solidaires.
Le groupe Eramet a quant à lui reçu le prix Pinocchio dans la catégorie « environnement » avec 40 % des votes. Les internautes condamnent la multinationale française pour le projet de développement de la mine de nickel de Weda Bay, en Indonésie. Ce cas illustre le double discours du groupe qui, loin de l’image d’ « entreprise citoyenne », vient d’obtenir une caution de la Banque mondiale pour un projet extractif à grande échelle dans les fragiles écosystèmes forestiers de l’île d’Halmahera. Bernard Salamand, président du Centre de recherche et d’information pour le développement, qui avait appuyé la candidature d’Eramet, se félicite de cette distinction et rappelle qu’ « une régulation contraignante des multinationales est d’autant plus cruciale s’agissant de l’utilisation ou de l’exploitation des ressources naturelles car la satisfaction de la consommation des pays du Nord entraîne une surexploitation de ces ressources au Sud, avec leur cortège de dégradations de l’environnement ».
Pour le « greenwashing » enfin, c’est le Crédit Agricole qui remporte le prix avec 56 % des votes. Lors de sa récente campagne de communication « It’s Time for Green Banking » la banque met en avant son « sens commun » alors qu’en août dernier, elle investissait dans la centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud, un projet polluant et décrié par la société civile internationale.
Les Amis de la Terre et leurs partenaires organisent chaque année les Prix Pinocchio du développement durable pour dénoncer le bilan désastreux de grandes multinationales en termes économiques, environnementaux et sociaux. Après le bilan décevant du Grenelle de l’Environnement, les pouvoirs publics français et européens peinent à encadrer de façon contraignante les activités des entreprises multinationales.
L’édition 2009 avait récompensé Bolloré pour la catégorie Droits Humains, Total pour la catégorie Environnement et EDF pour la catégorie Greenwashing.
Pour Aloys Ligault, chargé de campagne pour la Responsabilité sociale et environnementale aux Amis de la Terre : « Les normes volontaires type ISO 26000 ne pourront jamais pallier à l’absence d’outils de régulation contraignante des entreprises multinationales. De combien de BP aurons-nous besoin pour que les pouvoirs publics prennent enfin leurs responsabilités ? ».
Résultat des votes
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Les nominées étaient
Cette année, les entreprises nominées sont les suivantes : Sodexo, GDF Suez, Vilgrain et Orange pour la catégorie Droits Humains, Total, Eramet, AXA et Alstom pour la catégorie Environnement et le Crédit Agricole, Renault, l’aéroport de Beauvais-Tille, et la SNCF dans la catégorie Greenwashing.
Aloys Ligault, chargé de campagne Responsabilité des entreprises aux Amis de la Terre, constate : « Deux ans après la première édition, les Prix Pinocchio démontrent encore malheureusement leur utilité. Tout le monde parle de capitalisme vert et d’économie verte, mais sur le terrain, la réalité est encore une fois bien différente ».
Pour Fanny Gallois, chargée de campagne Droits de l’Homme au travail pour Peuples Solidaires : « Ils sont des milliers dans les pays du Sud à se mobiliser pour obtenir des conditions de vie et de travail décentes. Les Prix Pinocchio se font l’écho de ces femmes et de ces hommes qui à l’autre bout du monde subissent les impacts négatifs des activités de multinationales qui ne sont pas tenues responsables de leurs actions ».
Pour Nathalie Péré Marzano, déléguée générale du CRID et coordinatrice de la campagne Une seule planète, « cet événement est également un moyen d’interpeller les responsables politiques sur l’absence de régulation contraignante, qui permet notamment que les multinationales ne soient pas tenues légalement responsables de l’impact de leurs activités, et encore moins de celles de leurs filiales, sur les personnes et l’environnement à travers le monde ».
Les Prix Pinocchio mettent en lumière de nombreux abus concrets. Dans le cadre de leur campagne sur la responsabilité des entreprises, les Amis de la Terre demandent un encadrement juridique des impacts environnementaux et sociaux des multinationales, pour que cesse leur quasi-impunité de fait dans les pays du Sud.
Les 12 entreprises nominées cette année sont :
Catégorie « Droits humains »
– Sodexo : Le droit syndical passé au Kärcher. Sodexo est un géant mondial dans le domaine des services aux collectivités et se décrit comme fournissant des « solutions de qualité de vie au quotidien ». Toutefois, la situation est différente sur le terrain, surtout pour les salariés de l’entreprise. Un rapport de l’ONG de protection des droits de l’homme Human Right Watch [[Le rapport de Human Right Watch, A Strange Case, septembre 2010 est accessible en cliquant ici.]], publié en 2010, dénonce des pratiques de l’entreprise qui laissent à désirer niveau « qualité de vie » ! Ainsi en 2009 à West Orange (New Jersey), les syndicats ont porté plainte après que la direction ait demandé aux employés de signer une pétition anti-syndicats et annoncé que leur activité était surveillée. Ce cas, un exemple parmi une longue litanie, donnera lieu à un règlement à l’amiable. Pressions, licenciements, films promotionnels anti-syndicats : pour Human Right Watch, l’attitude des managers de Sodexo « sous-entend une culture profondément hostile aux droits d’organisation des travailleurs ». Lors de la dernière assemblée générale du groupe, les syndicats américains se sont rendus à Paris afin d’interpeller le siège sur les conditions de travail sur leurs sites. Aux Etats-Unis, le syndicat Service Employees International Union (SEIU) mène une campagne « Clean-up Sodexo » afin de dénoncer la politique répressive de Sodexo. Ce cas est symptomatique des entreprises tirant parti des différences de législations afin de tirer les standards vers le bas. L’entreprise française Sodexo profiterait-elle de la faiblesse du droit du travail aux États-Unis ?
– Cameroun : Somdiaa sucre les droits. L’entreprise camerounaise Sosucam (filiale du groupe français SOMDIAA, elle-même filiale du Géant JL Vilgrain) a signé avec le gouvernement camerounais en 1965 puis en 2006, deux baux concernant respectivement 10 058 et 11 980 hectares afin d’y développer ses activités de production et de transformation de la canne à sucre. Les terres allouées par le gouvernement à la Sosucam se situent sur localités de Mbandjock, de Nkoteng et de Lembe-Yezoum dans le département de la Haute-Sanaga. Ces deux projets ainsi que le montant des indemnités lié aux transactions de terres ont été validés sans l’aval des communautés locales. Le premier contrat prévoyait des indemnités. Elles n’ont jamais été versées. Pour le deuxième contrat la Sosucam verse une indemnité annuelle de 3 145 euros (2 062 985 francs CFA) à l’ensemble des communautés affectées (12 collectivités représentants 6000 personnes), soit environ 5 euros par personne par an ! Une somme qui ne peut en aucun cas compenser la gravité de l’impact des activités de la Sosucam sur les populations. D’autre part, les paysan-ne-s n’ont plus accès à leurs terres et les cultures vivrières qui leur restent pourrissent en raison de la pollution des ressources naturelles induite par les activités de la Sosucam. Les populations rurales et les ouvriers agricoles de la Sosucam sont par ailleurs victimes de maladies liées aux pratiques de production et de transformation de la canne à sucre, dont l’utilisation de produits chimiques dans les plantations. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que seuls 4% de la population locale est embauchée à la Sosucam. Une partie des paysan-ne-s qui ont perdu leurs terres sont devenus travailleur-re-s agricoles de la Sosucam et perçoivent des revenus inférieurs au salaire minimum vital. Les jeunes locaux qualifiés ne bénéficient pas des postes à responsabilité créés par la Sosucam. Sur son site, la SOMDIAA se targue d’avoir des « valeurs humaines » qui « constituent le fondement [du] Groupe ». Apparemment, ces « valeurs » n’ont pas atteint le Cameroun… Pour soutenir la mobilisation locale au Cameroun, Peuples Solidaires lance un Appel Urgent exhortant Alexandre Vilgrain, Président directeur général de la Somdiaa, à intervenir auprès de sa filiale en vue de garantir les droits des populations locales. Nous vous invitons également à lire « Afrique : terre(s) de toutes les convoitises », un rapport des Amis de la Terre-Europe et Afrique publié en septembre 2010 en cliquant ici.
– Depuis qu’une vague de suicide frappe Orange, l’entreprise est sur la sellette… . L’histoire récente de l’entreprise ne peut se comprendre si l’on ne se souvient pas qu’Orange était il y a peu de temps encore France Télécom, dont les salariés étaient fonctionnaires. Afin de réussir le passage à la concurrence, l’objectif était clair : réduire les coûts et surtout les effectifs. Cela passera par une réorganisation interne, des mutations fonctionnelles et géographiques forcées, le développement des centres d’appels et surtout un management agressif dénoncé par de nombreux syndicats. « En trois ans, 32 000 personnes ont changé d’emploi à l’intérieur de l’entreprise, soit près d’une sur quatre. C’est extraordinaire », déclare en 1996 le PDG du groupe, M. Bon. Une décennie plus tard, la réalité sociale de cette mutation « extraordinaire » est sans appel : 27 salariés mettaient fin à leur jours en 2009. L’année suivante, le décompte macabre continue avec plus de vingt suicides à ce jour. La direction ne prend pas l’ampleur de la catastrophe. En septembre 2009, M. Lombard, alors PDG du groupe, fait scandale en parlant de la « mode du suicide » dans son entreprise… Depuis lors, Orange semble avoir compris qu’elle a un problème et a annoncé la publication d’un « nouveau contrat social », un document censé « remettre l’humain au centre de l’entreprise ». Reconnaissance implicite qu’il n’y était pas auparavant ?
– GDF-Suez : le développement à marche forcée en plein cœur de l’Amazonie. Avec le barrage de Jirau sur le rio Madeira au Brésil, le premier producteur indépendant d’électricité dans le monde a vu grand : GDF-Suez s’apprête à bâtir le plus grand barrage jamais réalisé en Amérique afin de couvrir les besoins en électricité du décollage économique du Brésil. Le barrage hydroélectrique de Jirau est une œuvre colossale : il est conçu pour générer une puissance de 3 300 mégawatts et permettre la création de 4 500 km de voies d’eau navigables, pour une facture totale de plus de 17 milliards d’euros! GDF Suez, leader français dans la production d’énergie, est un acteur incontournable du projet avec une participation majoritaire dans le consortium chargé des travaux. Toutefois, ce projet pharaonique implique des risques majeurs: selon l’étude d’impact, il devrait déplacer plus de 3 000 personnes, ces migrations massives entraînant leur cortège de problèmes économiques et sociaux. L’impact sur les populations autochtones est le plus préoccupant : selon l’ONG Survival International, plusieurs groupes d’Amérindiens isolés vivant à proximité du chantier de construction sont directement menacés par le barrage. De nombreuses organisations de la société civile ont fait entendre leur voix contre ce projet controversé, mais GDF-Suez reste sourd à leurs revendications et a pris le parti de continuer les travaux malgré les graves conséquences sociales et environnementales que ce barrage implique.
– AXA, un investisseur réellement responsable ? Tout le monde connait AXA. L’assureur est un acteur mondial majeur de la « Protection Financière », principalement actif dans l’assurance-vie et l’assurance-dommages. AXA est également un des chouchous des Fonds d’Investissement dit « Responsables » (ISR), ses fonds censés garantir des placements « verts » et éthiques. On retrouve en effet AXA à 43 reprises parmi les 89 fonds labellisés ISR par Novethic, selon une étude des Amis de la Terre. Il faut dire qu’AXA sait mettre les formes : sur son site, l’assureur se présente ni plus ni moins comme un « assureur responsable et […] une entreprise citoyenne ». Alors, entreprise verte, AXA? Pas si sûr. Fin 2008, l’assureur ne s’était toujours pas fixé d’engagements écrits de réduction de ses émissions induites. C’est compréhensible ! En 2007-2008 seulement, AXA possédait un portefeuille de plus de 600 millions de dollars d’actions dans des entreprises d’un des secteurs énergétiques les plus dommageables pour le climat : l’extraction du charbon (à mettre en perspective avec un investissement total de plus de 5 milliards de dollars dans le secteur minier en général…). AXA détiendrait également plus de 350 millions d’euros au capital de Suncor, un géant canadien des sables bitumineux. Pour mémoire, les sables bitumineux sont la source d’hydrocarbures fossile la plus polluante, dont l’extraction est responsable de l’explosion des émissions de gaz a effet de serre du Canada depuis plus de 10 ans (voir Total, catégorie « environnement » pour davantage d’informations sur les sables bitumineux). Cela fait d’AXA un des plus gros investisseurs français dans des entreprises controversées affectant l’environnement. Avant qu’AXA ne devienne réellement une entreprise « citoyenne », il y a encore quelques progrès à faire…
– Total : les sables bitumineux, une menace intolérable pour le climat. Les sables bitumineux sont un mélange de sable et de pétrole lourd que l’on trouve, entre autres en quantités importantes dans le sous-sol du Nord de l’Alberta, au Canada. Potentiellement, les réserves seraient si grandes qu’elles relègueraient au rang de mauvais rêve le spectre du « pic pétrolier ». Le projet dépasse l’entendement : une surface allouée à l’exploitation de la superficie de la Grèce, plus de 300 milliards de dollars d’investissements à l’horizon 2020… L’extraction des sables bitumineux en Alberta se présente ainsi comme le plus grand projet industriel au monde… aux conséquences désastreuses pour le climat et l’environnement: pour extraire le bitume du sol, il faut entièrement déboiser, pomper des millions de litres d’eau des fragiles aquifères du Grand Nord canadien, et surtout déblayer en moyenne quatre tonnes de terre pour produire un baril de pétrole. Toutefois, c’est sur le climat que ce mode d’exploitation a l’impact le plus inquiétant. Du fait des techniques employées, l’extraction de ces pétroles non-conventionnels rejette de trois à cinq fois plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère que les pétroles conventionnels. Pas étonnant que le Canada se classe parmi les cancres du Protocole de Kyoto avec une augmentation de 26 % de ses émissions de 1990 à 2008, au lieu de la réduction annoncée… Aux côté des autres majors du pétrole, Total investit massivement dans un « développement responsable » des sables bitumineux, et vient de déposer de déposer une demande de permis pour la mine de Joslyn. Ce permis a déjà provoqué la colère des associations canadiennes de protection de la nature, qui dénoncent les pollutions de l’eau et la destruction des écosystèmes. Les Premières Nations canadiennes Chipwyan First Nation et les Mikisew Cree First Nation appellent quant à elles à un moratoire sur l’attribution des permis. Total prétend gérer deux enjeux paradoxaux : fournir de l’énergie et préserver l’environnement. Paradoxal, certes, mais pour Total, il semble que le choix est déjà fait !
– Eramet : Une mine de nickel en pleine forêt tropicale. Eramet est un géant français de l’industrie minière injustement méconnu : il fait parti des leaders mondiaux de l’exploitation du nickel, grâce notamment à ses opérations en Nouvelle-Calédonie… et bientôt en Indonésie… En 2006, Eramet fait l’acquisition du permis de Weda Bay sur l’île de Halmahera en Indonésie. Avec ce gisement, Eramet a pour ambition de quasiment doubler sa production, faisant ainsi face à la raréfaction des gisements de nickel dans le monde. Or, la plupart de la zone exploitable se trouve en pleine zone de forêts tropicales primaires, avec seulement 3 505 hectares en zone non boisée, sur un total de 76 280 hectares. Il faut savoir que l’Indonésie abrite parmi les plus importantes forêts primaires d’Asie, ce qui en fait un haut lieu de biodiversité. Sur la zone du permis, on ne trouverait pas moins de quatre espèces d’oiseaux et sept espèces d’amphibiens menacées, inscrites sur la liste rouge de l’IUCN. Difficile toutefois de concilier protection de la nature et exploitation minière à Weda Bay: c’est près de 17 millions de tonnes de remblais qui devraient être extraits chaque année ! Par ailleurs, la mine devrait se développer sur le territoire ancestral des Togutil, une communauté dépendante de la forêt pour sa subsistance – mais il ne semble qu’aucun de ces arguments n’ait convaincu Eramet qui continue sur sa lancée et se prépare à exploiter, avec un garantie récemment obtenue de la part de la Banque Mondiale. Les Amis de la Terre Indonésie (Walhi), les Amis de la Terre France et Une Seule Planète se sont mobilisés sur ce cas. Walhi s’est prononcé contre l’octroi de garantie par la Banque Mondiale et les Amis de la Terre, en partenariat avec le CRID, ont exposé ce cas dans le cadre de leur campagne « Une Seule Planète ». En pleine année de la biodiversité, Eramet projette ainsi de lancer des activités ayant un impact direct sur de nombreuses espèces végétales et animales, dont certaines sont inscrites sur la liste des espèces protégées de l’IUCN. Bonne année de la biodiversité !
– Alstom : la lutte contre le changement climatique à coup de centrales à charbon. Le 8 avril 2010, la Banque mondiale accorde plus de 3 milliards de dollars de prêt pour la construction de la centrale thermique à charbon de Medupi en Afrique du Sud. Ce projet, pour lequel l’entreprise française Alstom a décroché un contrat, devrait permettre de générer 4 800 mégawatts d’électricité à partir de la source d’énergie la plus polluante qui soit : le charbon. Sans surprise, les impacts climatiques du projet devraient être très lourds: la centrale rejettera 25 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 5 % des émissions annuelles actuelles de la France. Cela n’a pas empêché Alstom de rechercher l’obtention de crédits de développement propres, que l’entreprise pourra ensuite revendre sur le marché du carbone. Et se faire encore plus d’argent sur le dos du climat… Près de 200 organisations de la société civile en Afrique du Sud et dans le monde s’opposent à ce projet. Il faut en effet préciser que l’électricité produite devrait servir à l’industrie sud-africaine, essentiellement minière, elle-même très polluante, et pas aux populations locales. Vous avez dit changements climatiques ?
– Crédit Agricole : la banque plus verte («It’s Time for Green Banking»). Le Crédit Agricole a fait fort avec l’acteur Sean Connery (James Bond dans les années 70, souvenez-vous !) qui apparaît en vedette dans cette publicité aux allures de révélation, diffusée dans 80 pays d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient (mais pas en France ni aux Etats-Unis).
Dans cette publicité, le Crédit Agricole met en perspective deux mondes: la vision catastrophiste d’un univers désolé, saturé de fumées et d’embouteillages – et grâce au « sens commun » du Crédit Agricole, un monde harmonieux fait d’éoliennes et de villes entourées de nature. Le choix semble être déjà fait ! Est-ce si sûr ? Le « retour au sens commun » dont le Crédit Agricole se fait le chantre laisse en effet dubitatif. Selon un rapport publié en 2007 par les Amis de la Terre, la banque était responsable en 2005 de l’émission d’environ 200 millions de tonnes de CO2 induites (c’est-à-dire provoquées par les projets financés par la banque), soit l’équivalent des émissions d’un petit pays africain. L’organisation Banktrack rappelle également que la banque garde une ardoise chargée d’investissements controversés. Le Crédit Agricole a signé en août dernier un accord d’investissement en faveur de la méga-centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud, et s’était positionnée comme le principal partenaire financier de l’usine de pâte à papier de la compagnie finlandaise Botnia, à la frontière entre l’Uruguay et l’Argentine. Cette usine, qui avait été à l’origine d’une grave crise entre les deux pays, avait défrayé la chronique et mobilisé les associations de protection de l’environnement. En avril 2010, la Cour Internationale de Justice avait constaté que l’Uruguay avait manqué à ses obligations procédurales avec l’Argentine au sujet de ce projet. Le « sens commun », vraiment ?
– SNCF Zéro Carbone. Le train est l’un des moyens de transport qui émet le moins de CO2 par passager et par kilomètre si on le compare à la voiture ou à l’avion mais ce n’est pas une raison pour faire croire qu’il n’en émet pas du tout. L’électricité utilisée par le train est en effet issue d’un mode de production (nucléaire, centrales thermiques) qui émet des Gaz à Effet de Serre. Tel est le piège dans lequel tombe la SNCF avec cette publicité que l’on qualifiera de « facile » et peu rigoureuse dans le propos. Voici l’analyse de l’Observatoire indépendant de la publicité : La publicité induit en erreur par les mots employés. Disons le simplement : il n’est pas possible de viser le « 0% de CO2». C’est une vue ancienne de l’esprit, qui considère les impacts environnementaux au niveau d’un seul critère en oubliant les autres étapes de cycle de vie (comme la production de l’objet, la production de l’énergie qui va faire fonctionner cet objet, etc.). Plus grave, la SNCF induit en erreur sur la réalité du mix énergétique dont ses trains dépendent pour fonctionner. Si l’on fait abstraction de la question des déchets nucléaires – ce qui est pourtant une question écologique essentielle en soi et qui dépasse la question des émissions de CO2 – il faut rappeler que la forte part du nucléaire dans la production de l’énergie française n’exempte pas d’émissions de CO2 comme le rappelle RTE. La publicité affirme quelque chose de vague ou sans preuve. La SNCF nous dit que « le train émet peu de CO2 ». L’expression est approximative. Combien ? Cet argument n’est pas accompagné de précisions chiffrées et n’indique pas la base de comparaison utilisée. La publicité surestime ou exagère le côté réellement vert du produit / société / service. Nous avons vu précédemment que la SNCF sous-estimait fâcheusement les émissions de CO2 de ses trains mais à la consultation du site Internet de la SNCF, nous découvrons que l’objectif n’est pas d’une réduction de 40% en 2020 mais de 30%. Quel est le vrai objectif alors ? Désinformation, confusion, cela fait un peu beaucoup pour une entreprise qui a fait de la lutte contre les changements climatiques un de ses axes forts de communication.
– Aéroport de Beauvais-Tillé. Situé à 75km de Paris, l’aéroport de Beauvais-Tillé a connu un succès fulgurant grâce à la compagnie low-cost irlandaise Ryanair. D’à peu près 400 000 passagers en 2000, l’aéroport a augmenté sa capacité jusqu’à 2 880 000 passagers prévus en 2010, soit une croissance moyenne de passagers d’environ 25% par an. En octobre 2009, la société de gestion et les propriétaires de l’aéroport de Beauvais-Tillé a déployé une campagne publicitaire déclinée à la fois sous forme d’affichage (500 panneaux dans les transports parisien, les arrêts de bus de l’Oise et de Picardie) mais aussi sous la forme de plaquettes d’information distribuées gratuitement aux riverains et aux 50 communes avoisinantes et en insertion publicitaire dans les journaux de différentes agglomérations.
Le coût de cette campagne aura été de près de 2,5 millions d’euros, sans compter l’immense adhésivage sur la façade de l’aéroport lui-même. Fin 2009, l’A.D.E.R.A. (Association de Défense de l’Environnement des Riverains de l’aéroport de Beauvais-Tillé) a saisi le Jury de Déontologie Publicitaire de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), questionnant les visuels et l’affirmation « un autre ciel est possible ». Le symbole de la feuille ainsi que l’avion décollant de la feuille contreviendrait aux principes du JDP car il associe un symbole végétal à un impact négatif. Le slogan « un autre ciel est possible » est quant à lui en contradiction avec la réalité de l’augmentation du nombre de vols et de passagers. La plainte sera instruite par le Jury de Déontologie Publicitaire, devant lequel la société d’affichage JCDecaux déclare que « la feuille évoque effectivement la « légèreté », la « finesse » et la « biodégradabilité ». En effet, contrairement à ce qu’affirme la plaignante, un avion est, par principe, « plus léger que l’air » (légèreté), aérodynamique (finesse) et, sinon biodégradable, à tout le moins largement recyclable en fin de vie »… En janvier 2010, le JDP rend une décision favorable aux plaignants, enjoignant la société de gestion de l’aéroport et les afficheurs de cesser l’affichage de la publicité. Une manière de rappeler à l’aéroport de Beauvais, qu’un avion n’est pas une feuille !
– Renault/Dacia : le retour du 4×4 écolo. La marque roumaine rachetée par Renault en 1999 présente en début d’année 2010 son 4×4 Duster, un véhicule low cost dont le but est de positionner la marque sur le marché du tout-terrain bon marché. Le véhicule est commercialisé en Europe, au Maghreb et en Turquie et vise le marché des classes moyennes. Le texte de la publicité diffusée en France présente le véhicule comme un 4×4 « respectueux de l’environnement ». Sur le site, le véhicule est présenté avec la même accroche ; il circule sur un espace boueux en projetant des gerbes d’eau sur son passage. L’association « Agir pour l’environnement » a saisi le Jury de Déontologie Publicitaire en avril 2010, au motif que la publicité pour cette notion de « respect de l’environnement » induisait le consommateur en erreur. L’argument est simple: les émissions moyennes du véhicule pour la version 4×4 se situent à 172g CO2/km alors que dans la gamme des véhicules les moins émetteurs vendus en France, les véhicules les moins polluants émettent 90 g CO2/km. Une sacrée marge ! Le Jury de Déontologie Publicitaire a donné raison à Agir pour l’environnement dans sa décision de juin 2010. Renault a pris acte et remplacé la mention « respectueux de l’environnement » par… « plus respectueux de l’environnement »! Dans le secteur automobile, il y a encore du travail…
– Les Amis de la Terre-France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement. Créée en 1970, elle a participé à la fondation du mouvement écologiste en France, et à la formation du premier réseau écologiste mondial, Friends of the Earth International, présent dans 70 pays avec 2 millions de membres. Les Amis de la Terre mènent des actions de plaidoyer auprès des décideurs économiques et politiques et sensibilisent le grand public sur les problématiques environnementales telles que la responsabilité des acteurs économiques, les changements climatiques, la protection des forêts tropicales, l’agriculture, etc. L’association s’appuie pour cela sur un réseau de 29 groupes locaux.
– Fondée en 1983, Peuples Solidaires est une association de solidarité internationale. Ses 10 000 membres et 70 groupes locaux soutiennent les hommes et les femmes qui, partout dans le monde, luttent pour leurs droits. Peuples Solidaires informe le public, mobilise les citoyens, fait pression sur les décideurs et renforce les organisations du Sud. Ses deux priorités sont la souveraineté alimentaire et les droits de l’homme au travail. Depuis 2009, Peuples Solidaires est associé au réseau international ActionAid, présent dans 50 pays.
– Le CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement) est un collectif de 54 associations de solidarité internationale, partageant une même conception du développement humain, solidaire et durable, passant par le renforcement des sociétés civiles. Le CRID et ses membres participent à la construction du mouvement citoyen mondial, avec un vaste réseau de partenaires dans les pays du Sud et d’Europe de l’Est. Le CRID coédite la revue Altermondes et coordonne la Semaine de la solidarité internationale, rendez-vous annuel de sensibilisation à la solidarité internationale et au développement durable. Le CRID anime également le réseau Une seule planète créé par plusieurs organisations d’Europe et de pays du Sud afin de sensibiliser les citoyens et d’interpeller les décideurs sur les enjeux d’une gestion durable des ressources naturelles pour le développement de tou(te)s. C’est dans le cadre des activités de ce réseau qu’il est partenaire des Prix Pinocchio.
Directeur de la Publication Cdurable.info depuis 2005.
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