Le forum économique mondial, rencontre organisée à Davos entre ONG, responsables politiques, hommes d’affaires et membres de la société civile, a énoncé pour la première fois l’ insécurité alimentaire parmi les « risques mondiaux » dans son rapport annuel. Le défi étant de concilier la croissance démographique, la ruée vers l’or vert (les agrocarburants) et le réchauffement climatique…
L’insécurité financière et alimentaire mondiale inquiète les experts de Davos 9 milliards de personnes à nourrir en 2050, contre 6,5 milliards aujourd’hui. La hausse du niveau de vie dans les pays émergents induit des modifications alimentaires avec une consommation accrue de viande et de produits laitiers. En 50 ans, la consommation annuelle de viande par tête est passée de 10 à 40 kg en Chine. En France 80% des céréales commercialisées vont à l’alimentation animale. Le pétrole a dépassé le seuil des 100 dollars le baril pour la première fois de son histoire. La hausse de la demande agricole vivrière mais aussi pour les agrocarburants provoquent l’inflation des prix de l’alimentation qui menace les plus démunis. Les agrocarburants, longtemps présentés comme la solution écologique, sont accusés de concurrencer les cultures alimentaires. (Cf. article Bilan écologique des agrocarburants) Manger ou conduire, faudra-t-il choisir ? « Nous vivons dans un monde absurde dans lequel il vaut mieux mettre du soja OGM dans sa voiture plutôt que de laisser les pays du sud produire leur propre nourriture.».- Jean Ziegler, rapporteur auprès de l’ONU sur le Droit à l’alimentation L’environnement est fragilisé par des années de pratiques agricoles productivistes et polluantes (utilisation massive d’engrais, d’herbicides, d’insecticides et d’eau – 93% de la consommation d’eau dans le monde). Selon un sondage exclusif CSA pour l’Alliance pour la planète, 78% des Français estiment qu’il est prioritaire de développer l’agriculture biologique (Sondage CSA / 24 octobre 2007 Opinion des Français sur l’environnement). Des scandales ont éclaté qui ont sensibilisé la société civile sur les risques inhérents à l’agriculture moderne (scandale du chlordécone aux Antilles, puissant pesticide utilisé massivement pour la culture de la banane; pollution par les nitrates et prolifération d’algues vertes en Bretagne causées par les élevages intensifs de porcs; la catastrophe écologique de la mer d’Aral qui s’est asséchée après 30 années d’irrigation intensive des champs de coton et de riz imposée du temps des Soviétiques; l’affaire du bœuf aux hormones, etc.). Mais, tandis que la productivité d’un agriculteur parmi les mieux pourvus en moyens mécaniques, chimiques et biologiques peut dépasser 2 000 tonnes d’équivalent-céréales par travailleur et par an, la productivité du travail d’un paysan avec des outils manuels, sans semences sélectionnées ni engrais ou produit de traitement, ne peut guère dépasser 1 tonne/travailleur/ha/an… Les OGM très controversés sont-ils la solution ? 72% des Français estiment qu’il est important de pouvoir consommer des produits sans OGM (Sondage CSA / GREENPEACE / 5 février 2008. Les Français et les OGM). « Le fait de manger pèse très lourd, en France, dans les émissions de gaz à effet de serre. L’agriculture est responsable de l’essentiel des émissions pour les gaz à effet de serre autres que le CO2 : méthane (CH4) et protoxyde d’azote (N2O).»- Jean-Marc Jancovici 20% des émissions françaises en 2003, en 3e position derrière les transports et l’industrie, sans compter le transport de produits agricoles et la fabrication d’engrais. Pour en savoir plus : Agriculture, effet de serre et changements climatiques en France. Les changements climatiques aggravent sécheresses et inondations. Chaque année, 10 millions d’hectares de terres cultivées se transforment en désert. L’agriculture, le plus beau métier du monde ? Les 192 Etats Membres de l’ONU se sont engagés à réaliser, d’ici 2015, ces objectifs du Millénaire pour le développement. Dans le monde, près 2 milliards d’habitants sont mal-nourris. 854 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, dont 70% vivent en milieu rural et sont bien souvent des agriculteurs. La vie de 2,5 milliards de personnes dépend de l’agriculture. Or depuis 25 ans, l’aide publique au développement consacrée à l’agriculture a chuté de manière spectaculaire. Par exemple, en Afrique subsaharienne, 4% des dépenses publiques sont consacrées aux agriculteurs alors qu’ils représentent 75% de la population. Pour la première fois, il y a quelques mois, la Banque mondiale a proposé de consacrer plus d’argent aux projets de développement consacrés à l’agriculture, chose qu’elle avait négligée jusqu’alors. Banque_Mondiale_L_Agriculture_au_service_du_developpement « L’agriculture est fondamentale pour réduire la pauvreté.» Encore faut-il accompagner les agriculteurs vers des modes d’agriculture durables en tenant compte des erreurs passées (meilleur usage de l’eau, sélection de semences adaptée aux conditions climatiques – sécheresse, etc.). Sans pour autant retomber à l’âge (bucolique) de la petite maison dans la prairie qui ne rime pas avec mondialisation. L’OMC doit aussi œuvrer pour trouver un compromis sur les subventions agricoles des Etats-Unis et de l’Union Européenne qui mettent à mal la compétitivité des paysans des pays émergents en maintenant le prix des produits agricoles à un niveau artificiellement bas (inférieur au prix de revient !) sur les marchés mondiaux. Mais ce n’est pas chose simple. Et bien-sûr, cher consom’acteur responsable, c’est aussi à toi de changer la donne en faisant tes courses pour la planète car tu es le maillon fort (produits bio, équitables Max Havelaar, moins de viande, poissons labellisés MSC, fruits et légumes de saison, étiquetage environnemental, etc.).