Cette Note de la Fabrique Écologique a un double objectif : rappeler ce qu’est la biomasse et à quoi elle peut servir ; mettre en lumière les limites et les arbitrages nécessaires et expliciter quelques messages simples pour une prise en compte raisonnée et partagée de la biomasse dans les politiques publiques. Alors que la révision de notre stratégie énergétique est un enjeu majeur pour atteindre la « neutralité carbone » en 2050, cette Note propose de redonner une juste place à la thématique de la biomasse, une source d’énergie majeure et « multiusages » insuffisamment prise en compte dans les débats publics.
Avant de vous plonger dans cette Note, dans une vidéo introductive, François Demarcq, initiateur du groupe de travail et co-auteur de cette Note, s’est prêté à l’exercice du « Tout savoir pour débattre » où il décrypte les principaux enjeux pour la biomasse en France aujourd’hui.Synthèse de la Note
Pour atteindre la « neutralité carbone » en 2050, les bioénergies verront leurs usages croître fortement, jusqu’à représenter près de 50 % de l’énergie finale que nous consommerons en France, dans un contexte de sobriété incontournable. Les directives européennes fixent les exigences de durabilité, notamment pour éviter des pertes de biodiversité, mais la ressource en biomasse connaît des limites, suscitant une concurrence entre les filières. La forêt et sa production biologique sont en expansion, mais les stress multiples liés au changement climatique (sécheresses, canicules, tempêtes, incendies…) diminuent la productivité, augmentent la mortalité des arbres et menacent le puits de carbone forestier. Certaines essences actuelles ne seront pas adaptées au climat des prochaines décennies. Entre interventionnisme et promotion de la libre évolution, une diversité d’expériences et une recherche active sur la gestion forestière sont nécessaires. Une croissance modérée de la récolte en bois reste néanmoins envisageable, grâce notamment à une gestion plus collective en forêt privée. La méthanisation – soumise à des normes environnementales strictes – et les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) doivent être développées, en promouvant l’agroécologie. La variabilité interannuelle de la production fourragère pourrait être amortie en mettant à profit les importantes capacités des stockages de gaz naturel. Le bio-GNV devrait jouer un rôle significatif dans le transport lourd. Cependant, la méthanisation sera insuffisante pour satisfaire l’objectif d’un gaz renouvelable à 100 % en 2050. La 1ère génération de biocarburants (à partir de betteraves, blé, colza, etc.) est volontairement limitée (compte tenu de la concurrence avec la production alimentaire) et les ressources utilisées en France sont pour moitié importées. Mais la 2ème génération, promue par tous les textes européens, bute à la fois sur la ressource disponible et sur la maturité insuffisante des procédés. L’utilisation croissante des biocarburants par l’aviation et la croissance prévue du trafic aérien conduisent à une impasse : il est indispensable de limiter le trafic aérien. La ressource forestière restera insuffisante face à une demande croissante en biomasse ligno-cellulosique, pour produire du méthane 100 % renouvelable (auquel doit contribuer la pyrogazéïfication) et des biocarburants de 2ème génération. Une production nouvelle de matière ligno-cellulosique est donc attendue. Les marges de manœuvre existent heureusement, dans la « végétalisation » de nos régimes alimentaires. Diminuer notre recours aux protéines animales permettrait – au-delà de l’intérêt sanitaire – de « libérer » plusieurs millions d’hectares et de réaffecter une part de terres arables à des cultures pérennes à vocation énergétique, tout en protégeant les prairies permanentes. Un soutien ciblé aux agriculteurs et éleveurs et une politique alimentaire volontariste sont nécessaires. Ces mutations sont profondes. Pour élaborer des arbitrages cohérents et dans la durée, une gouvernance renforcée est indispensable, aux différents niveaux géographiques. Le groupe de travail a ainsi élaboré 3 propositions-clés, développées dans la Note :- 1. Développer la ressource en biomasse-énergie tout en renforçant la biodiversité.
- 2. Définir des priorités nouvelles dans les usages de la biomasse, en prenant en compte les externalités et en s’affranchissant des hiérarchies préétablies.
- 3. Renforcer la gouvernance de la biomasse aux niveaux national et régional.