Le 22 novembre 2013, la France a « gagné » l’organisation de la Conférence mondiale pour le Climat 2015, la « COP21 ». Il s’agit d’une responsabilité importante sur un sujet particulièrement complexe. C’est également et surtout la reconnaissance des 193 autres pays qui constituent l’ONU de la capacité de la France à parrainer une négociation du multilatéralisme environnemental et c’est la première fois. Le pari est évidemment risqué. La négociation va être tendue, et Varsovie 2013, la COP19 a de nouveau démontré l’immense difficulté à s’entendre autour de contraintes à la hauteur des enjeux, entre pays et avec la société civile. Mais quelle opportunité historique pour la France !
Les prochains rendez-vous de Lima en 2014 et surtout de Paris en décembre 2015 devront définir la suite du Protocole de Kyoto, et placer au cœur des politiques publiques la question des changements climatiques comme une priorité. Il s’agit d’un objectif de préservation d’un bien commun. Nos équilibres sont très largement menacés. Il nous faut lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, préserver notre capital ressources et déjà adapter nos modes de vie et de travail. Ce sera l’année aussi où les pays, suite au Sommet de la terre Rio+20 transformeront les Objectifs du millénaire pour le développement, en objectifs partagés pour le développement durable. Cette confiance des membres de l’ONU et de son secrétaire général, monsieur Ban Ki-moon, dans les capacités de la France à relever ce défi est également la reconnaissance d’une légitimité fondée parla diplomatie française depuis la conférence de Rio de 1992, en particulier dans l’espace de la Convention sur les changements climatiques dont le négociateur, Jean Ripert, était français. C’est aussi une reconnaissance de l’expérience très opérationnelle de territoires engagés, de chercheurs talentueux et d’entreprises innovantes. Remercions en cela tous ceux qui ont été les promoteurs et acteurs d’outils opérationnels de mises en œuvre de solutions : lois, Agendas21, plans climat énergie territoriaux, « démonstrateurs menés » par l’ADEME, innovations des entreprises, actions citoyennes.… Même si ces démarches ne sont pas à l’échelle du dernier rapport du GIEC, elles permettent d’ores et déjà d’obtenir des résultats, et inspirent d’autres pays, d’autres villes. Reste à les généraliser. Évidemment, tout ceci n’est pas encore satisfaisant. Evidemment la qualité d’organisateur de cette conférence 2015 des Nations Unies nous engage à mettre en œuvre un réel plan Marshall du climat, y compris en adaptant réellement infrastructure ou agriculture, en faisant jouer un rôle important à chaque étape de la préparation aux villes et aux régions, en s’appuyant sur les associations qui les fédèrent, comme le propose le rapport confié aux sénateurs Michel Delebarre et Ronan Dantec , mais aussi dans nos écoles en renforçant la pédagogie. « Paris Climat 2015 » doit devenir un véritable projet collectif, une opportunité pour repenser ce que certains appellent un nouveau projet de civilisation plus durable. Ce n’est pas un regard sur le passé, mais bien une approche plus équitable de la gestion publique, une opportunité pour les chercheurs comme pour les entreprises de faire connaître leurs talents et compétences au service de la société du 21e siècle. C’est une opportunité de production de richesses et d’emplois. Il s’agit de poser les fondements de la première entreprise humaine d’adaptation globale aux conditions nouvelles de vie sur la terre. C’est tout le travail mené par le Comité 21 en France, en regroupant plus de 500 réseaux, entreprises, collectivités territoriales, associations et ONG, organisations académiques depuis 20 ans. C’est l’ambition du Club France développement durable qui démontre chaque jour que 70 réseaux très différents peuvent coopérer et agir utilement. Ne boudons ce moment de joie, l’heure est à l’enthousiasme de la mobilisation et à la conscience de la responsabilité. Le 21e siècle est le siècle de nouvelles valeurs, de nouvelles lumières collectives ou chacun peut – doit – apporter sa contribution, pour que notre nid écologique ne disparaisse pas à très court terme. Valorisons et mettons vite en œuvre toutes les solutions. Cet événement international qui aura lieu en France est aussi l’occasion d’une plus grande sensibilisation et engagements aux changements de comportements individuels. Pour relever et gagner le défi de cette COP21, la diplomatie française aura besoin de tous les acteurs : scientifiques, associatifs, journalistes, juristes, citoyens… Nous avons besoin de tous les acteurs, d’une équipe multiacteurs qui ne renonce jamais, match après match. Nous avons deux ans ! – Gilles Berhault, Président du Comité d’orientation du Club France développement durable président du Comité 21, organisateur de l’événement « Solutions françaises 2015 pour le Climat » – Jean-Christophe Carteron, coordinateur « Rio+20 » de la Conférence des grandes écoles et de la Conférence des présidents d’universités – Ronan Dantec, sénateur, porte parole mondial « climat » de Cités et gouvernements locaux unis – Michel Delebarre, sénateur, président de Cités Unies France et des Communautés urbaines de France – Bettina Laville, conseillère d’État, directrice de la rédaction de la revue Vraiment durable – Patricia Savin, présidente d’Orée – Hélène Valade, présidente du Collège des directeurs développement durable
Quel rôle pour les entreprises dans l’accord sur le climat de 2015 ?
Tandis que la dynamique de la négociation internationale sur le climat se précise, les entreprises s’interrogent sur les attentes à leur égard et sur leur rôle possible dans l’obtention d’un accord suffisamment ambitieux pour réduire les émissions au niveau préconisé par le GIEC pour limiter le réchauffement de la Terre à 2°C, niveau décidé par la Conférence de Copenhague en 2009.
Cette ambition est déjà chiffrée : la Banque Mondiale et l’OCDE appellent les économies du monde à réduire à zéro les émissions nettes humaines à partir de 2070 ou 2080, et à engager une réduction effective des émissions dès 2020.
L’objectif de la conférence de Paris est un accord universel, compatible avec le respect dans la durée de la limite de +2°C, ayant force d’engagement des Etats («binding») les uns envers les autres, avec trois volets :
– Des émissions quantifiées par pays ; les contributions proposées par chaque Etat seront connues au premier trimestre 2015, laissant le temps pour des négociations et ajustements,
– Des règles de mesure, reporting et vérifications (MRV) homogènes,
– Des mesures complémentaires pour l’adaptation, l’atténuation, les transferts de technologie, le financement et le renforcement de capacités.
Malgré ce mandat clair, les petits pas constatés jusqu’ici dans cette négociation ne répondent pas à l’urgence du problème. Une mobilisation accrue de la société civile, dont les entreprises, pourrait accroître les chances de succès.
Il ne s’agit plus seulement de répartir une contrainte, mais de transformer le monde réel, de généraliser les solutions les plus efficaces mises en place par les entreprises aujourd’hui. Elles auront l’opportunité de présenter au grand public ces solutions lors de la Conférence des Parties (COP) de décembre 2015, dans un Village des Solutions.
Le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) dont EpE est le partenaire français, a conçu une Vision 2050 (Comment 9 milliards de personnes peuvent vivre bien avec les ressources d’une seule planète) puis les Actions 2020 qui devraient être engagées d’ici 2020 pour la rendre possible. En matière de climat, le WBCSD propose des Business Solutions telles que, entre autres :
– La reforestation, l’utilisation massive de la forêt comme puits de carbone,
– Le captage et stockage du gaz carbonique, voire son utilisation,
– L’électrification des villes avec une électricité décarbonée,
– La résilience ou adaptation.
Le WBCSD conduit aussi une réflexion sur les conditions d’un déploiement massif de ces solutions, et devrait aboutir à des préconisations de politiques aux niveaux international et national.
D’autres organisations d’entreprises sont actives : le Global Compact qui rassemble 7000 entreprises dans le monde veut aujourd’hui lancer des campagnes de mobilisation comme « Caring for Climate ».
Une dernière voie est enfin celle des accords sectoriels : l’aviation s’y engage, le secteur de l’éclairage et les cimentiers également. Ces accords pourraient généraliser des engagements de long terme vérifiables, mais sont-ils possibles sans accord entre les gouvernements ?
Quelle place les membres d’EpE vont-ils prendre dans cette mobilisation ? C’est ce à quoi ils travaillent actuellement, avec une pleine conscience de l’atout que représente leur proximité géographique de la Conférence, et du fait que Paris sera fin 2015 le centre du monde climatique.
Claire TUTENUIT, Délégué Général de l’Association EpE : des Entreprises pour l’Environnement