Aurons-nous demain une mer sans poissons ? C’est ce cri d’alarme que pousse Thalassa dans « Main basse sur l’océan ». Après la spéciale « ça va chauffer » qui alertait sur les dérèglements de notre planète, Thalassa part cette fois d’un constat tout aussi universel et accablant : invisible et silencieuse, une tragédie se joue au fond des océans où des dizaines d’espèces de poissons et de crustacés sont en train de disparaître définitivement.
Les razzias : Une équation mathématique imparable : nous sommes de plus en plus nombreux sur terre, nous mangeons de plus en plus de poissons, nous en pêchons de plus en plus, il y en a de moins en moins…Depuis 30 ans, les flottes du monde entier se sont modernisées, allant traquer le poisson jusque dans ses derniers retranchements, plus loin, plus profond, aidés par des sonars, des radars, des avions, des filets ultra sophistiqués. Pour le poisson, aucune chance d’y réchapper, pour le plancton non plus, pour le corail encore moins…La pêche est devenue l’une des activités les plus destructrices sur la planète Les misères : Au delà de ce constat, Thalassa se penche sur les conséquences dramatiques qu’engendre cette surexploitation. Des conséquences écologiques tout d’abord, dans ce fragile océan où la disparition d’une espèce déséquilibre l’écosystème et entraîne des réactions en chaîne, comme la prolifération d’une autre espèce. Des conséquences économiques ensuite, il faut s’attendre à un effondrement de la pêche mondiale et à son cortège de misères. Selon un rapport tout récent de l’ONU, il y a trois fois trop de bateaux dans le monde. Des conséquences humaines surtout, sur la santé publique, notamment parmi les populations les plus pauvres qui se nourrissent principalement de poissons, avec cette question essentielle : que va-t-on manger demain ? Trop tard ? Aujourd’hui, la prise de conscience est réelle, et commence à faire effet. Certains pays ont pris des mesures drastiques pour limiter les prises et protéger les espèces. L’Europe gère tant bien que mal ses quotas. D’autres pays n’en sont pas encore là, et pillent toujours la ressource. Alors, est-il trop tard ? L’homme, super –prédateur, et maître des océans, doit aujourd’hui stopper la machine infernale et aux razzias, préférer une pêche respectueuse. Pourquoi en sommes nous arrivés à la quasi-disparition du thon rouge en Méditerranée ? Comment sont attribués chaque année en France les fameux quotas de pêche ? Quelles sont les conséquences humaines de cette surexploitation, notamment au Sénégal ? Peut-on pêcher tout en préservant les ressources, comme en Islande ? Doit-on mettre une partie des zones de pêche en jachère, comme en Nouvelle-Zélande ? Et pourquoi ne pas repeupler la mer, comme au Japon, en installant des maisons sous l’eau pour faire venir les poissons ? A travers le monde, Thalassa a mené l’enquête sur cette catastrophe programmée… Les reportages difusés cette semaine :Requiem pour le thon rouge
Un reportage de Gilles Ragris et Ollivier Bonnet – Une production France 3 / Thalassa Le thon rouge, c’est un poisson mythique, pêché en méditerranée depuis des millénaires, attendu par les hommes chaque été. Mais ce superbe migrateur, capable d’atteindre les 600 kilos, est aujourd’hui en grand danger. Il faut dire qu’il offre la chair la plus subtile, la plus fine et la plus onéreuse aux amateurs de sushis et de sashimis, de plus en plus nombreux dans le monde. Chaque année, les scientifiques et les groupes de défenseurs de la nature poussent leur cri d’alarme : le thon rouge disparaît ! Chaque année on espère que des mesures seront prises pour diminuer la pêche, ou du moins contrôler efficacement les prises autorisées. Car plus de mille bateaux traquent ce poisson dans l’ensemble du bassin méditerranéen, notamment en Libye où on le trouve encore. Et les plus gros, les plus modernes de ces navires, sont capables de faire des coups de filets gigantesques : 200 ou 300 tonnes parfois. L’été dernier, ce seigneur des mers a défrayé la chronique. Sa pêche a été brutalement interrompue, suite aux rapports alarmants des scientifiques et des écologistes. Malgré cela, des infractions et des fraudes ont été commises, notamment chez les français, les italiens et les espagnols. Ainsi, parce que la pêche de ce poisson représente des investissements et des sommes d’argent colossales, chaque année, les règlements sont bafoués et les lois ridiculisées. Aucun Etat européen n’est en mesure de faire respecter les quotas qui lui sont alloués, et de nouveaux scandales apparaissent à chaque campagne de pêche. De Paris à Sète, en passant par l’Espagne et la Turquie où s’est tenu la commission d’attribution des quotas, Thalassa a mené l’enquête sur un massacre organisé qui n’est pas prêt de s’achever.Sénégal, les raisons de l’exil
Un reportage d’Isabelle Moeglin et Denis Bassompierre – Une production France 3 / Thalassa « Moi qui te parle je m’apprête à partir, je pars mercredi. Au Sénégal, il n’y a plus rien, c’est la dèche. Je m’en vais mercredi « . Mamadia est un jeune pêcheur de 19 ans, originaire de Thiaroye-sur-Mer, un port situé dans la banlieue de Dakar. Il a payé son passage vers les îles Canaries. Il sait les risques qu’il encourt en devenant clandestin, en embarquant dans la pirogue du passeur : 200 jeunes de son village sont déjà morts en tentant la traversée vers l’Espagne. Alors pourquoi se mettre en danger quand on vit au bord d’une des mers les plus poissonneuses du monde ? Parce que la mer ne nourrit plus les hommes justement, parce que le secteur de la pêche, totalement saturé, traverse la plus grave crise de son existence. Des milliers de paysans fuyant la sécheresse ont migré vers le littoral, des milliers de chômeurs sont venus grossir les rangs des pêcheurs. Cet afflux massif de population a rompu l’équilibre : 400 000 pêcheurs et plus de 10 000 pirogues sillonnent les 730 kms de côte ; la pression sur les ressources est bien trop forte et il faut aller chercher le poisson de plus en plus loin ; la pêche artisanale est devenue une pêche industrielle totalement anarchique. La mer est pillée et la misère s’installe dans les communautés de pêcheurs. Alors les jeunes, souvent encouragés par leurs parents, prennent les pirogues et fuient vers ce faux Eldorado qu’est l’Europe.Le tango des tacs et quotas
Un reportage de Stéphan Poulle, Gilles Neyret, Olivier Bonnet et Christian Auxemery – Une production France 3 / Thalassa Chaque année, le même rendez-vous s’inscrit sur les agendas des 27 ministres européens de l’agriculture et de la pêche : le 19 décembre, date du dernier Conseil Européen de l’agriculture de l’année. Une négociation en forme de marathon pour discuter des propositions de la Commission Européenne en matière de « Tac et quotas ». Le tac, le « total autorisé de capture », le sésame indispensable aux pêcheurs de l’Union, obligés de se partager un gâteau de plus en plus maigre A Boulogne sur-mer, les pêcheurs attendent avec angoisse le verdict final, qui déterminera leur tonnage de capture pour l’année. Ils savent déjà que la portion sera congrue. Trois jours de marchandage politique sur fond d’intense lobbying, où se mêlent la volonté des uns de mieux préserver les stocks de poisson et celle des autres, pour ne pas mettre en péril une économie de la pêche de plus en plus menacée…Deux pas en avant, trois pas en arrière …De ronds de jambe en grand écarts, d’appels du pied en reculades, le petit monde de la pêche entame alors une danse pour le moins chaloupée : c’est le tango des tacs et quotas !Islande : fortune de mer
Un reportage de Stéphan Poulle, Jean-Yves Courageux et Gérard Flégeau – Une production France 3 / Thalassa C’est ce que l’on appelle le « miracle islandais », ou comment ce pays de 300 000 habitants est parvenu à protéger les immenses bancs de morues, harengs et autres aiglefins, qui croisent dans ses eaux, tout en bâtissant l’une des industries de pêche les plus rentables du monde. Il y a près de 30 ans, l’Islande a en effet décidé d’autoriser la privatisation de ses quotas, au profit de quelques-uns, avec pour résultat leur concentration entre les mains d’une poignée de richissimes hommes d’affaire. Gudmundur Kristjansson fait partie de ces heureux élus, qui pensent que confier la gestion de la pêche à quelques armateurs responsables, a permis de sauvegarder le « trésor islandais ». Mais le long des côtes, les villages se vident et leurs habitants pleurent d’avoir perdu leur âme, en même temps que leurs pêcheurs. Parmi eux, Jon Thordarsson qui, faute de poisson, a dû licencier les soixante salariés qui travaillaient dans sa conserverie, alors que les eaux du fjord que domine son village, sont parmi les plus poissonneuses du pays. Après des décennies de tranquille certitude, le pays des glaces est aujourd’hui de plus en plus divisé autour de la question de ses droits de pêche.Gîte et couvert à la japonaise
Un reportage de Sophie Bontemps et Georges Pinol – Une production France 3 / Thalassa Au Japon, les hommes ne portent pas le même regard sur la mer. L’eau qui entoure leur archipel montagneux les nourrit depuis toujours, elle est le prolongement des jardins et un lieu que l’on peut cultiver pour y récolter des poissons. Les récifs artificiels sont des architectures sous-marines aux formes étranges, conçus pour attirer les poissons et plus généralement tout ce qui vit sous l’eau, leur offrir un abri dans lequel ils trouvent de quoi se nourrir et où, tout naturellement, les hommes viendront les pêcher. Ce sont de véritables immeubles à poissons. 20 000 sites sont aménagés en récifs artificiels autour des côtes japonaises. Le résultat : malgré la raréfaction des espèces partout dans le monde, la pêche côtière est abondante au Japon, avec des tonnages annuels constants. Nous partons au paradis des récifs artificiels en compagnie de Sylvain Pioch, un jeune chercheur français, spécialiste en aménagement maritime.