Les terres rares (europium, terbium, dysprosium, néodyme, yttrium…) sont indispensables à la production des moteurs électriques, des tablettes et des écrans à cristaux liquides, en passant par les réacteurs nucléaires, les missiles, les radars ou encore les satellites pour n’en citer que quelques-uns. La Chine, qui assure 97% de la production mondiale et contrôle plus d’un tiers des réserves, réduit régulièrement ses quotas d’exportation, note Deloitte dans un rapport rendu public hier, accentuant la pression à la hausse qui s’est ainsi traduit par une multiplication par 8 des prix de l’europium en trois ans. Mardi, le président américain Barack Obama a accusé la Chine de violer les règles du commerce international en imposant des restrictions à ses exportations de terres rares, qui font l’objet d’une plainte des Etats-Unis, de l’Union Européenne et du Japon à l’OMC.
Le cabinet Deloitte recommande un marché financier organisé Dans ses « Prévisions énergétiques 2012 » présentées mercredi à Paris, le cabinet américain Deloitte estime que « l’organisation d’un marché physique et financier au plan mondial s’impose » pour les terres rares, le marché n’étant à l’heure actuelle que de gré à gré. Outre de confier au secteur financier un des rares marchés qui lui échappe encore, Deloitte recommande également « le développement de filières de recyclage ». Pour Deloitte, les prix vont rester « élevés et volatils », conséquence selon le cabinet « de la mauvaise gestion chinoise de sa rente de monopole ». Celle-ci « donne un signal à des investissements concurrents ». Mais la route est longue pour réduire le monopole chinois: le géant asiatique produit 130.000 tonnes de terres rares par an, très loin devant le numéro 2 indien (2.700 tonnes) et la Malaisie (350 tonnes), selon les chiffres de l’administration américaine cités par Deloitte. Au niveau des réserves, la Chine dispose de 55 millions de tonnes de terres rares, devant les Etats-Unis (13 millions), l’Inde (3,1 millions) et l’Australie (1,6 million), selon l’US Geological Survey. Les Amis de la Terre dénonce l’hypocrisie des pays développés De leur côté, Les Amis de la Terre dénoncent l’irresponsabilité des pays développés qui d’un côté, incitent à la consommation et de l’autre, refusent d’assumer les impacts environnementaux et sociaux qui en découlent. La difficulté d’exploitation des terres rares réside dans leur présence à un infime pourcentage dans la roche mère ce qui implique des moyens importants et des techniques lourdes d’extraction. Contrairement à ce que leur nom suggère, les terres rares sont réparties de façon relativement homogène dans le monde : des gisements ont ainsi été découverts dans les sédiments profonds en Polynésie française note l’ONG. Mais, selon elle, si aujourd’hui, les mines chinoises fournissent plus de 95 % de la production mondiale, c’est parce que c’est l’un des seuls pays où l’exploitation est économiquement rentable car les normes environnementales et sociales sont très faibles comme l’explique Sylvain Angerand des Amis de la Terre : « Les pays développés n’extraient pas de terres rares chez eux, car les dégâts environnementaux seraient considérables et les conditions de travail très difficiles : inacceptable pour l’opinion publique. Mais alors pourquoi l’accepter en Chine ?» Plutôt que de faire pression sur la Chine pour qu’elle augmente ses quotas d’exportation de terres rares, les pays développés devraient plutôt remettre en cause leurs modes de consommation et encadrer l’industrie des nouvelles technologies : « Des entreprises comme Apple saturent les consommateurs avec des publicités incitant à acheter des produits high-tech qui sont obsolètes en quelques mois. Le coût de ces produits reflète davantage les investissements en marketing que le vrai coût environnemental et social de l’extraction des minerais indispensables à leur fabrication. » Les Amis de la Terre militent pour changer le rapport des consommateurs aux produits de nouvelles technologies et sensibilisent contre l’illusion que le bien-vivre passe par la surconsommation. Selon Camille Lecomte, chargée de campagne aux Amis de la Terre : « Nous demandons aux entreprises de sortir des logiques d’obsolescence programmée, de s’engager à allonger la durée de vie et de rendre réparables les produits mis sur le marché. Il est urgent de réduire la demande mondiale et de mettre un frein à l’extraction de ressources naturelles et minières. » A lire sur le web – Pourquoi la Chine restreint ses exportations de terres rares (LE MONDE 14/03/2012). Extraits : « Pendant trente ans, la Chine ne s’est pas souciée des conséquences environnementales, mais depuis quelques années, la situation évolue, et les autorités sont en train de mettre en place des normes encadrant cette industrie », estime John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de la politique énergétique en Chine. « Mais les raisons principales de ce resserrement des exportations sont stratégiques. Le dernier plan quinquennal chinois montre une très forte volonté de développer des industries de plus en plus sophistiquées, des produits à haute valeur ajoutée », analyse Christian Hocquard, spécialiste des terres rares au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). – «Les terres rares, un élément majeur de la puissance chinoise» (LIBÉRATION 14/03/2012) : Les terres rares indispensables aux produits de haute technologie, sont un enjeu économique et géopolitique. Les explications de John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de la Chine et des questions énergétiques. A lire sur CDURABLE.info- iPad 3 : Apple spécule à nouveau avec la planète
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